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Giselle: contrôle technique

IMG-20220710-WA0002Opéra de Paris, représentations des 27 juin et 6 juillet 2022. Orchestre dirigé par Benjamin Shwartz.

Telle une visite de contrôle de votre automobile, Giselle revient à l’Opéra de Paris en moyenne tous les deux ans. La comparaison manque de poésie, mais c’est un visa de santé de la troupe que l’amateur délivre, serait-ce inconsciemment, quand il retrouve la toile peinte, la musique, les péripéties et le mouvant décor des corps qu’offre une nouvelle vision de « sa » Giselle. Car chacun a la sienne, logée au cœur de son propre romantisme. C’est d’ailleurs – et ceci est le deuxième rite que vient accomplir le spectateur – pour pleurer tout son content qu’on y revient.

Commençons par le corps de ballet : il présente de bien jolies choses, tant dans l’élégance des vendangeurs (à Paris, ils sont fort peu paysans) que dans la joliesse et l’unisson des amies de Giselle (où l’on repère toujours une Charline Giezendanner au charme inentamé). Durant le second acte, les vingt-quatre Willis peuplent l’espace et l’imaginaire de leur envoûtant froufrou.

Les choses se gâtent un peu dans le pas de deux des paysans : si les filles (Marine Ganio, 27 juin, Alice Catonnet le 6 juillet) n’atteignent pas la perfection de porcelaine que donnait à voir une Éléonore Guérineau lors des séries précédentes, elles sont tout de même à leur affaire, tant du point de vue technique que du style. Les garçons, en revanche, sont à la peine : Jack Gasztowtt a les bras ballots, ne fait pas de jolies cabrioles (27 juin) et Antoine Kirscher semble incarner la précarité (6 juillet). Sans remonter jusqu’à Emmanuel Thibault, en 2020 on pouvait encore voir dans le rôle damoiseaux Legasa, Sarri et Mura, qui offraient un bien meilleur potage ; la relève masculine ne paraît pas au niveau, et le signe en est inquiétant.

wp-1657488522325Gageons que Fabien Révillion pourrait en remontrer à la jeune génération, s’il n’assurait déjà le rôle d’Hilarion, dansé avec l’énergie du désespoir (et une pantomime un poil moins limpide que celle de Daniel Stokes quelques jours plus tard). Hannah O’Neill, vue en Myrtha sur les deux dates, conjugue irréalité lunaire et autorité royale.

Quid des rôles principaux et de l’émotion ? Au premier acte, Dorothée Gilbert et Hugo Marchand semblent avoir inventé des manières inédites d’être plus tendrement collés l’un à l’autre. La drague du monsieur est d’une délicatesse très peu prédatrice et très clairement amoureuse, la réponse de la dame est une offrande tissée de confiance. À un moment, Loys-Albrecht faisant virevolter sa belle, celle-ci ne touche plus terre. Votre cœur s’envole. Quand elle revient d’outre-tombe, Mlle Gilbert est tout amour et tout pardon. Vers la fin de l’acte, sa pantomime dit clairement à un Albrecht effondré après sa variation (il joue parfaitement l’épuisement lors d’une série d’entrechats six à la fois parfaite et très incarnée): « repose-toi, fais-moi confiance, je vais les distraire ». On retrouve, par-delà la mort, la complicité du partenariat du premier acte, mais comme en un songe dont on aimerait qu’il se prolonge. Sa mission achevée, Giselle-Gilbert n’a plus qu’à retourner sous terre pour jamais ; lors du dernier porté, tenue comme en balancelle dans les bras d’Albrecht-Marchand, elle est d’une bouleversante rigidité cadavérique. Hugo Marchand, lui, finit sauvé mais éteint (27 juin).

IMG-20220710-WA0004Au premier acte, Sae Eun Park ne semble prendre vie que quand Paul Marque la regarde : sa Giselle est comme éveillée par le désir de l’autre. C’est une option, mais qui campe le personnage du côté du terne là où l’on voudrait du charme. Du coup, on regarde plus Paul Marque, qui semble avoir gagné en présence : son visage n’est plus un masque (est-ce l’arête du nez qui est mieux dessinée ?). Mlle Park frappe toujours par un défaut de connexion organique entre les bras et le torse, et je lui trouve dans certaines diagonales un empressement a-musical (comme si elle disait, à la Ossipova : « que la musique me suive ! »). Lorsqu’au mitan de la fête, Giselle a un mini-arrêt cardiaque, la danseuse a des hoquets qui font signe vers Coppélia. Au second acte, les inflexions du cou et les bras en cloche sont très travaillés, mais le partenariat laisse froid. À certains détails, on comprend pourquoi : Mlle Park a des bras qui ne savent pas embrasser. Sa Giselle du second acte a peut-être compris le pardon, mais n’a pas l’expérience de l’amour. Et puis, la danseuse n’aide pas son partenaire : quand Dorothée Gilbert réapparaît pour un aller-retour de temps-levés-arabesque, soutenue par son acolyte, tout semble fluide et naturel, et le changement de direction en bout de course est miraculeusement aérien. Quand c’est Sae Eun Park, on voit l’effort du zigue qui porte, et rien du couple de scène n’est fusionnel. Dans un portrait récemment paru dans L’Équipe, Mlle Park nous apprend qu’elle a binge-watché Aurélie Dupont. Tout s’explique ! (6 juillet).

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Les Balletos d’or 2016-2017

Louis Frémolle par Gavarni. « Les petits mystères de l’Opéra ».

Les Balletos d’Or de la saison 2016-2017 vivent une période de transition. On voudrait appliquer de nouvelles règles (limitation à trois du nombre des prix consécutifs, strict respect de la parité dans chaque section, mentions de rattrapage pour éviter de faire de la peine à quiconque, etc.), mais tout en nous regimbe contre cette pente-là. Alors le jury a décidé – au moins une dernière fois avant la grande réforme – d’être comme il aime : horriblement partial, méchant et emporté.

 

Ministère de la Création franche

Prix Réécriture chorégraphique : Kader Belarbi (Don Quichote)

Prix Création : Nicolas Paul (Sept mètres et demi au-dessus des montagnes)

Prix Toujours neuf (ou « Barbant comme au premier jour », c’est selon): Merce Cunningham (Walkaround Time)

Prix Mauvais goût : Benjamin Millepied pour toutes les dernières entrées au répertoire de pièces mineures de Balanchine

Prix Cosi-Couça : la chorégraphie dispensable et fastidieuse d’ATK sur le chef d’œuvre de Mozart.

Prix Plastique : Olafur Eliasson (conception visuelle de Tree of Codes)

 Prix Taxidermie : Alexei Ratmansky (La Belle « reconstituée » pour l’ABT)

Prix Naphtaline : Anastasia (Kenneth MacMillan, Royal Ballet)

 

Ministère de la Loge de Côté

Prix couple de scène : Maria Gutiérrez et Davit Galstyan (DQ, Toulouse)

Prix Aurore : Yasmine Naghdi (Sleeping BeautySleeping Beauty, Royal Ballet)

Prix Versatilité : Eléonore Guérineau (Trio de Forsythe et pas de deux des Écossais de la Sylphide)

Prix Liquide : Yuhui Choe (Crystal Fountain Fairy dans Sleeping Beauty & Symphonic Variations)

Prix Jouvence (et on s’en fiche de se répéter) : Emmanuel Thibault

 

Ministère de la Place sans visibilité

Prix « Croce e delizia » : Alessandra Ferri (Marguerite et Armand, Royal Ballet)

Prix « Farfallette amorose e agonizzanti » : Simon Valastro et Vincent Chaillet (Lysandre et Démetrius, Le Songe de Balanchine)

Prix Ave Regina Caelorum : Marion Barbeau (Titania et le pas de deux du 2nd acte, nous sauve de l’ennui éternel durant Le Songe d’une nuit d’été de Balanchine).

 

Ministère de la Ménagerie de scène

Prix Chat Botté : Alexandre Gasse (Brahms-Schönberg Quartet)

Prix Joli Zozio : Myriam-Ould Braham (La Sylphide)

Prix Adopte un bourricot (ex-aequo) : Francesco Vantaggio et Pierre Rétif (Bottom dans le Songe de Balanchine)

Prix de la Ligue de protection des ballerines : Marie-Agnès Gillot, vaillante outragée par McGregor (Tree of Codes) et Valastro (The Little Match Girl Passion)

 

Ministère de la Natalité galopante

Prix Pas de deux : Fabien Révillion et Hannah O’Neill (Le Lac)

Prix Innocence : Sarah Lamb (Mayerling)

Prix Découverte : David Yudes (Puck, The Dream, Royal Ballet)

 

Ministère de la Collation d’Entracte

Prix Fraîcheur : Grettel Morejón et Rafael Quenedit (tournée de Cuba à Paris)

Prix Saveur : Alvaro Rodriguez Piñera pour son très lifarien Tybalt dans le Roméo et Juliette de Charles Jude (Bordeaux)

Prix Gourmand : Alexander Riabko (Drosselmeier, Nussknacker de Neumeier)

Prix Carême: Aurélie Dupont (soirée en hommage à Yvette Chauviré)

 

Ministère de la Couture et de l’Accessoire

Prix Fashion Faux Pas : la Maison Balmain pour le total look emperlousé de Renaissance (Sébastien Bertaud)

Prix Jupette jaune : Hugo Marchand (Herman Schmerman)

Prix Fête du Slip : MC 14/22 par les épatants danseurs du ballet du Capitole de Toulouse

Prix Chapka : Christian Lacroix se coince la Karinska dans Le Songe

Prix Sang-froid : Reece Clarke quand son costume se défait sur scène (Symphonic Variations, Royal Ballet)

 

Ministère de la Retraite qui sonne

Prix Abandon de poste : Benjamin Millepied (il avait pourtant promis de maintenir ses deux créations de la saison 2016-2017…)

Prix Cafouillage : La mise à la retraite douloureuse de Charles Jude à Bordeaux.

Prix Émotion : les chaleureux adieux à Emmanuel Thibault et Mélanie Hurel.

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La Sylphide : jeunes pousses, vieilles marmites, bonne soupe

La Sylphide. Lacotte-Taglioni. Ballet de l’Opéra de Paris. Représentations des 7 et 15 juillet 2017 (Albisson-Marchand / Baulac-Louvet). Pas-de-deux écossais (5-7-10-15 juillet).

Pour cette reprise de la Sylphide, la direction du ballet de l’Opéra avait décidé de faire (re)luire ses nouvelles acquisitions. Deux couples débutaient ainsi à Paris après s’être, pour certains, déjà essayé au Japon. James est le rôle dans lequel Hugo Marchand, remplaçant presque au pied levé Mathieu Ganio, a gagné son titre surprise d’étoile aux côtés d’Amandine Albisson. Léonore Baulac et Germain Louvet sont les étoilés des fêtes de fin d’année : sur le papier, surtout avant le grand désert de la saison 2017-2018, un vrai attrape-balletominet.

Au final, qu’en est-il ?

Amandine Albisson est une Sylphide dans le plus pur style Taglioni-Lacotte, élégante et vaporeuse. Sa danse a des accents, des accélérations et des ralentissements. Le buste est tellement libéré de la corolle du tutu qu’il semble même parfois appartenir à deux danseuses différentes. Il manque juste à cette fille de l’air un soupçon de physionomie. Le visage régulier de cette très belle danseuse ne passe peut-être pas encore assez la rampe (comme le faisait jadis celui d’Elisabeth Platel) pour rendre tout le jeu captivant. Mais la jeune étoile montre déjà une telle compréhension du style qu’on ne doute pas qu’à la prochaine reprise, son corps entier saura rendre signifiant ce que son visage ne délivrera pas.

Hugo Marchand, lui aussi très « dans le style » convient bien à la Sylphide d’Albisson. Cependant, au premier acte, dans le jeu pantomime, « c’est bien mais ce n’est pas mieux ». Son personnage ne sort vraiment que lorsqu’il danse. Ses qualités explosives contrastent alors merveilleusement bien avec son allure de poète placide : sa batterie est « spontanée » et son élévation innée. Hannah O’Neill est de la trempe des Effies qui dansent avec un air « moi aussi, je pourrais être la Sylphide ». C’est bien inutile quand on a de toute façon écopé d’une date.

À l’acte 2, tout fonctionne bien aussi. Chacun cisèle sa partie et y met du sien pour créer l’atmosphère (Albisson est incontestablement une reine des Sylphides) et la complicité. Marchand mange l’espace et accomplit ses variations de manière à la fois époustouflante et impeccable. Il salue de manière formelle, un petit détail XIXe siècle de bon aloi. Mais cela reste somme-toute un tantinet extérieur. On prend rendez-vous pour la prochaine série de Sylphides.

 

Le couple Baulac-Louvet a paru moins concluant même s’il a passé le ballet sans accroc majeur. Léonore Baulac veut trop réussir et ne fait pas forcément mouche. On reconnaît une myriade de petits détails vus ailleurs, certains bons, mais le tout ne crée pas de personnage. Plus dommageable, le haut du corps est trop dépendant des jambes. L’arabesque, qu’elle a pourtant facile, ne monte pas. La jeune et talentueuse danseuse semble s’évertuer à placer des équilibres souvent inutiles et parfois laborieux.

On sent peu d’alchimie avec son partenaire Germain Louvet (qui lui-même semblait plus à l’aise avec l’Effie de Valentine Colasante), ce qui étonne. Ils avaient formé un couple convaincant dans Roméo et Juliette. Le jeune danseur ne paraissait pas très à l’aise. On a pu apprécier de jolies choses (notamment sa belle ligne) mais il y a aussi une certaine nervosité qui se dégage de ses variations. Le fini des pirouettes finales était toujours assuré mais jamais sans un petit tremblement.

Le seul moment où les danseurs se réalisent brièvement, bien que chacun de son côté, se trouve pendant le grand pas de deux du deuxième acte. Baulac nous régale alors d’un tour arabesque plané et virevoltant (c’est ainsi qu’on imaginait que serait sa Sylphide) et Louvet fait reluire sa batterie et ses grands jetés en tournant.

Pour le reste, la scène du voile est téléphonée et la mort un peu ruinée non pas tant par une aile tombée avant l’heure qu’à cause de la manière pataude dont l’incident est réglé.

On a le sentiment que les deux danseurs ont été abreuvés de conseils par leurs répétiteurs et qu’ils s’y sont perdus, bâtissant chacun sa propre histoire-patchwork. Ils auraient sans doute gagné à être associés à un interprète plus expérimenté dans le rôle opposé.

La direction du ballet de l’Opéra a manqué de clairvoyance…

 

L’impression majeure de cette soirée Baulac-Louvet restera donc l’écossais de Pablo Legasa, bourré de ballon et de panache. Sa partenaire, Sylvia Saint-Martin, nous a paru manquer de ce moelleux nécessaire pour ce style romantique tout en volutes. C’était déjà le cas lors de la première prestation de ce couple sur la distribution Pagliero/Hoffalt (le 10). De ballon et de panache, Eléonore Guerineau n’en manque assurément pas. On l’aurait bien vu danser avec Legasa. Mais le soir de la distribution Heymann/Ould-Braham, elle dansait avec Fabien Revillion, peut-être un peu trop grand pour donner toute sa mesure dans ce genre de chorégraphie. Il aurait sans doute été plus à sa place dans James. Le couple bleu idéal restera donc celui formé par Emmanuel Thibault, qui survole littéralement sa partition, et Marion Barbeau, une danseuse de la même eau qu’Ould-Braham, claire et cristalline. Le plaisir procuré par le couple au soir du 7 juillet était hélas obscurci par la perspective du départ imminent du jeune danseur éternel. On aurait aimé, là encore, que l’Opéra donne une date à Thibault en James pour le soir de ses adieux. Pourquoi pas aux côtés de Mélanie Hurel qui allait partir le même soir et qui avait dansé plusieurs fois le rôle-titre ; pourquoi pas aux côtés de Myriam Ould-Braham qui fut longtemps sa partenaire privilégiée lorsqu’ils étaient tous deux premiers danseurs.

La direction du ballet de l’Opéra a, c’est son habitude, manqué de générosité…

 

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Et voilà encore une série de Sylphide qui s’achève. On aura passé de belles soirées avec ce ballet qui nous manque déjà. Que souhaiter ? Une reprise prochaine. Retrouver un corps de ballet aussi impeccable que pour cette série. Revoir Julien Guillemard dans la Sorcière ; la seule sur cette série qui soit restée sur le fil. Retrouver certains petits détails de la production qui se sont vraisemblablement émoussés depuis la dernière reprise (la fenêtre de la Sylphide était cette année inondée de lumière, le vol final manquait de poésie). Demander à Pierre Lacotte de revenir pour remonter sa Coppélia en trois actes. Ce ballet, l’un des très rares du répertoire dont la chorégraphie nous soit parvenue par une tradition ininterrompue, mérite d’être sorti du purgatoire de l’école de danse.

Mais pour cela, il faudrait une direction du ballet de l’Opéra avec de la suite dans les idées…

 

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La Sylphide : tartes en tartan

Une sylphide jette son dévolu sur un bel endormi en total look écossais. Elle le frôle de mille agaceries. Bingo : au réveil, il est pincé et ses fiançailles avec une terrienne ne lui passent pas l’envie d’aller se les dégourdir ailleurs. La gourgandine revient d’ailleurs hanter la fête. Tant et si bien que, plantant sa promise, il suit l’être ailé dans la forêt. En Écosse, il y a surtout de la lande, mais le romantisme supporte ce genre de licence, et ça fait un joli décor pour balader des donzelles en mousseline dans les airs. James – c’est le nom du type en kilt – peine à attraper la fille de l’air. Une sorcière, qui lui réservait un chien de sa chienne, lui confie un voile empoisonné : croyant s’attacher la mignonne, ce ballot la décanille. Tout finit dans une tourbe sentimentale irrémédiable. James ne peut même pas retourner chez son Effie : pas si gourde, elle s’est recasée avec un tartan bleu.

Le rôle du héros maladroit est dansé par Mathias Heymann, un gandin à la gambette avantageuse, qui saute et tournicote comme dans les rêves. La gracile Myriam Ould-Braham tricote du bas de jambe à toute vitesse, pendant que le haut du corps volète ailleurs. Du grand art. Toute la nomenklatura du chausson français était dans la salle le 12 juillet pour les adieux à la scène de Mélanie Hurel et Emmanuel Thibault. Il aurait pu danser James, on ne lui a jamais donné que le pas de deux des Écossais. Il y fait preuve d’un épatant ballon. Pour son dernier soir, on aurait aussi pu donner le rôle-titre à Mlle Hurel – elle l’a déjà dansé. Son Effie est franche comme du bon pain, notamment dans le pas de trois qui voit James tiraillé entre le réel et les minauderies d’une sucrée. Hurel et Thibault finissent tous deux Premiers danseurs. Qu’importe, le public leur fait une belle ovation, pour la soirée, pour leur carrière.

[petit pastiche à la Luc Décygnes – en hommage à Pierre Combescot]

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En deux programmes : l’adieu à Benji

Programme Cunningham / Forsythe. Soirées du 26 avril et du 9 mai.

Programme Balanchine / Robbins / Cherkaoui-Jaletoirée du 2 mai.

Le ballet de l’Opéra de Paris poursuit et achève avec deux programmes simultanés sa saison Millepied sous direction Dupont : la soirée De Keersmacker (à qui on fait décidément beaucoup trop d’honneur) est un plan « B » après l’annulation d’une création du directeur démissionnaire et La Sylphide était une concession faite au répertoire maison.

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Avec le programme Balanchine-Robbins-Cherkaoui/Jalet, c’est Benji-New York City Ballet qui s’exprime. Les soirées unifiées par le choix d’un compositeur  – ici, Maurice Ravel – mais illustrée par des chorégraphes différents sont monnaie courante depuis l’époque de Balanchine dans cette compagnie.

C’est ainsi. Les anciens danseurs devenus directeurs apportent souvent avec eux les formules ou le répertoire qui était celui de leur carrière active. Cela peut avoir son intérêt quand ce répertoire est choisi avec discernement. Malheureusement, Benjamin Millepied en manque un peu quand il s’agit de Balanchine.

La Valse en ouverture de soirée, est un Balanchine de 1951 qui porte le lourd et capiteux parfum de son époque. C’est une œuvre très « Ballets Russes de Monte Carlo » avec décors symbolistes (une salle de bal fantomatique), costumes précieux (gants blancs pour tout le monde) et sous-texte onirique. Des duos solistes incarnent tour à tour différents stades de la vie d’un couple (sur les Valses nobles et sentimentales de 1912), trois créatures échappées d’un magazine de papier glacé figurent les Parques et une jeune fille en blanc délaisse son partenaire pour succomber aux charmes d’un dandy qui n’est autre que la mort (La Valse, 1920).

Le soir de la première, la pièce est dansée de manière crémeuse par le ballet de l’Opéra (et non staccato comme l’a fait le New York City Ballet l’été dernier aux Étés de la Danse), les trois Parques (mesdemoiselles Gorse, Boucaud et Hasboun) ont de jolies mains et leurs évolutions sémaphoriques captent l’attention. On leur reprochera peut-être un petit manque d’abandon dionysiaque lorsqu’elles se jettent dans les bras de partenaires masculins. Les couples, qui préfigurent In the night de Robbins sont clairement reconnaissables – c’était au le cas lors de la visite du Miami City Ballet en 2011, mais pas dans l’interprétation du New York City Ballet en juillet dernier. Emmanuel Thibaut est charmant en amoureux juvénile aux côtés de Muriel Zusperreguy. Audric Bezard est l’amant mûr parfait aux côtés de Valentine Colasante qui déploie la bonne énergie. Hugo Marchand prête ses belles lignes au soliste aux prises avec les trois Parques. Sa partenaire, Hannah O’Neill, n’est pas nécessairement des plus à l’aise dans ce ballet. On s’en étonne.

Dans la soliste blanche aux prises avec la mort, Dorothée Gilbert délivre une interprétation correcte mais sans véritable engagement. Mathieu Ganio fait de même. C’est la mort de Florian Magnenet, élégante, violente et implacable à la fois, qui retient l’attention.

Mais très curieusement, même si la danse est fluide et élégante et qu’on ressent un certain plaisir à la vue des danseurs, on ne peut s’empêcher de penser que ce Balanchine qui semble plus préoccupé de narration que d’incarnation de la musique est bien peu …balanchinien. Si ce ballet portait le label « Lifar » ou « Petit », ne serait-il pas immédiatement et impitoyablement disqualifié comme vieillerie sans intérêt ?

La direction Millepied aura décidement été caractérisée par l’introduction ou la réintroduction au répertoire de pièces secondaires et dispensables du maître incontesté de la danse néoclassique.

En seconde partie de soirée, c’est finalement Robbins qui se montre plus balanchinien que son maître. En Sol est une incarnation dynamique du Concerto pour piano en sol de Ravel. Le texte chorégraphique épouse sans l’illustrer servilement la dualité de la partition de Ravel entre structure classique (Ravel disait « C’est un Concerto au plus strict sens du terme, écrit dans l’esprit de ceux de Mozart ») et rythmes syncopés du jazz pour la couleur locale. Les danseurs du corps de ballet prennent en main le côté ludique de la partition et les facéties de l’orchestre : ils sont tour à tour jeunesse de plage, meneurs de revue ou crabes prenant le soleil sur le sable. Ils sont menés dans le premier et le troisième mouvement par les deux solistes « académiques » qui s’encanaillent à l’instar du piano lui-même. Le classique revient dans toute sa pureté aussi bien dans la fosse d’orchestre que sur le plateau pour le deuxième mouvement. Le couple danse un pas de deux solaire et mélancolique à la fois sur les sinuosités plaintives du – presque – solo du piano. Jerome Robbins, homme de culture, cite tendrement ses deux univers (Broadway et la danse néo-classique) mais pas seulement. L’esthétique des costumes et décors d’Erté, très art-déco, sont une citation du Train Bleu de Nijinska-Milhaud-Cocteau de 1926, presque contemporain du Concerto. Mais là où Cocteau avait voulu du trivial et du consommable « un ballet de 1926 qui sera démodé en 1927 » (l’intérêt majeur du ballet était un décor cubiste d’Henri Laurens, artiste aujourd’hui assez oublié), Robbins-Ravel touchent au lyrisme et à l’intemporel.

En Sol a été très régulièrement repris par le Ballet de l’Opéra de Paris depuis son entrée au répertoire en 1975 (en même temps que La Valse). Les jeunes danseurs de la nouvelle génération se lancent avec un enthousiasme roboratif sur leur partition (Barbeau, Ibot, Madin et Marque se distinguent). C’est également le cas pour le couple central qui n’a peur de rien. Léonore Baulac a le mouvement délié particulièrement la taille et le cou (ma voisine me fait remarquer que les bras pourraient être plus libérés. Sous le charme, je dois avouer que je n’y ai vu que du feu). Elle a toute confiance en son partenaire, Germain Louvet, à la ligne classique claire et aux pirouettes immaculées.

Boléro de Jalet-Cherkaoui-Abramovitch, qui termine la soirée, reste aussi horripilant par son esthétique soignée que par son manque de tension. On est captivé au début par la mise en scène, entre neige télévisuelle du temps des chaines publiques et cercles hypnotiques des économiseurs d’écran. Mais très vite, les onze danseurs (dix plus une) lancés dans une transe de derviche-tourneur restent bloqués au même palier d’intensité. Leur démultiplication n’est pas le fait de l’habilité des chorégraphes mais du grand miroir suspendu obliquement à mi-hauteur de la scène. Les costumes de Riccardo Tisci d’après l’univers de Marina Abramovic, à force d’être jolis passent à côté de la danse macabre. Ils seront bientôt les témoins désuets d’une époque (les années 2010) qui mettait des têtes de mort partout (tee-shirts, bijoux et même boutons de portes de placard).

Rien ne vient offrir un équivalent à l’introduction progressive de la masse orchestrale sur le continuo mélodique. Que cherchaient à faire les auteurs de cette piécette chic ? À offrir une version en trois dimensions de la première scène « abstraite » de Fantasia de Walt Disney ? Le gros du public adore. C’est vrai, Boléro de Cherkaoui-Jalet-Abramovic est une pièce idéale pour ceux qui n’aiment pas la danse.

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Avec le programme Cunningham-Forsythe, le ballet de l’Opéra est accommodé à la sauce Benji-LA Dance Project. Paradoxalement, ce placage fonctionne mieux en tant que soirée. Les deux chorégraphes font partie intégrante de l’histoire de la maison et les pièces choisies, emblématiques, sont des additions de choix au répertoire.

Walkaround Time est une œuvre où l’ennui fait partie de la règle du jeu comme souvent chez Cunningham. Les décors de Jasper Johns d’après Marcel Duchamp ont un petit côté ballon en celluloïd. Ils semblent ne faire aucun sens et finissent pourtant par faire paysage à la dernière minute. La chorégraphie avec ses fentes en parallèle, ses triplettes prises de tous côtés, ses arabesques projetées sur des bustes à la roideur initiale de planche à repasser mais qui s’animent soudain par des tilts ou des arches, tend apparemment vers la géométrie et l’abstraction : une danseuse accomplit une giration en arabesque, entre promenade en dehors et petits temps levés par 8e de tour. Pourtant, il se crée subrepticement une alchimie entre ces danseurs qui ne se regardent pas et ne jouent pas de personnages. Des enroulements presque gymniques, des portés géométriques émane néanmoins une aura d’intimité humaine : Caroline Bance fait des développés 4e en dedans sur une très haute demi pointe et crée un instant de suspension spirituelle. La bande-son feutrée, déchirée seulement à la fin d’extraits de poèmes dada, crée un flottement sur lequel on peut se laisser porter. En fait, c’est la partie non dansée de quelques huit minutes qui détermine si on tient l’attention sur toute la longueur de la pièce. Le premier soir, un danseur accomplit un étirement de dos au sol en attitude avec buste en opposé puis se met à changer la position par quart de tour ressemblant soudain à ces petits personnages en caoutchouc gluant que des vendeurs de rue jettent sur les vitres des grands magasins. Le deuxième soir, les danseurs se contentent de se chauffer sur scène. Mon attention s’émousse irrémédiablement…

Dans ce programme bien construit, Trio de William Forsythe prend naturellement la suite de Walkaround Time. Lorsque les danseurs (affublés d’improbables costumes bariolés) montrent des parties de leur corps dans le silence, on pense rester dans la veine aride d’un Cunningham. Mais le ludique ne tarde pas à s’immiscer. À l’inverse de Cunningham, Forsythe, ne refuse jamais l’interaction et la complicité avec le public.

Chacune des parties du corps exposées ostensiblement par les interprètes (un coude, la base du cou, une fesse) avec cette « attitude critique du danseur » jaugeant une partie de son anatomie comme s’il s’agissait d’une pièce de viande, deviendra un potentiel « départ de mouvement ».

Car si Cunningham a libéré le corps en en faisant pivoter le buste au dessus des hanches, Forsythe l’a déconstruit et déstructuré. Les emmêlements caoutchouteux de Trio emportent toujours un danseur dans une combinaison chorégraphique par l’endroit même qui lui a été désigné par son partenaire. On reconnaît des séquences de pas, mais elles aussi sont interrompues, désarticulées en cours d’énonciation et reprises plus loin. Ceci répond à la partition musicale, des extraits en boucle d’un quatuor de Beethoven qui font irruption à l’improviste.

Les deux soirs les garçons sont Fabien Revillion, blancheur diaphane de la peau et lignes infinies et décentrées, et Simon Valastro, véritable concentré d’énergie (même ses poses ont du ressort). Quand la partenaire de ces deux compères contrastés est Ludmilla Pagliero, tout est très coulé et second degré. Quand c’est Léonore Guerineau qui mène la danse, tout devient plénitude et densité. Dans le premier cas, les deux garçons jouent avec leur partenaire, dans l’autre, ils gravitent autour d’elle. Les deux approches sont fructueuses.

Avec Herman Schmerman on voit l’application des principes de la libération des centres de départ du mouvement et de la boucle chorégraphique à la danse néoclassique. Le quintette a été crée pour les danseurs du NYCB. Comme à son habitude, le chorégraphe y a glissé des citations du répertoire de la maison avec laquelle il avait été invité à travailler. On reconnaît par exemple des fragments d’Agon qui auraient été accélérés. Les danseurs de l’Opéra se coulent à merveille dans ce style trop souvent dévoyé par un accent sur l’hyper-extension au détriment du départ de mouvement et du déséquilibre. Ici, les pieds ou les genoux deviennent le point focal dans un développé arabesque au lieu de bêtement forcer le penché pour compenser le manque de style. Le trio de filles du 26 avril (mesdemoiselles Bellet, Stojanov et Osmont) se distingue particulièrement. Les garçons ne sont pas en reste. Pablo Legasa impressionne par l’élasticité et la suspension en l’air de ses sauts. Avec lui, le centre du mouvement semble littéralement changer de  situation pendant ses stations en l’air. Vincent Chaillet est lui comme la pointe sèche de l’architecte déconstructiviste qui brise et distord une ligne classique pour la rendre plus apparente.

Dans le pas de deux, rajouté par la suite à Francfort pour Tracy-Kai Maier et Marc Spradling, Amandine Albisson toute en souplesse et en félinité joue le contraste avec Audric Bezard, volontairement plus « statuesque » et marmoréen au début mais qui se laisse gagner par les invites de sa partenaire, qu’il soit gainé de noir ou affublé d’une jupette jaune citron unisexe qui fait désormais partie de l’histoire de la danse.

On ne peut s’empêcher de penser que Millepied a trouvé dans le ballet de l’Opéra, pour lequel il a eu des mots aussi durs que déplacés, des interprètes qui font briller un genre de programme dont il est friand mais qui, avec sa compagnie de techniciens passe-partout, aurait touché à l’ennui abyssal.

 

C’est pour cela qu’on attendait et qu’on aimait Benji à l’Opéra : son œil pour les potentiels solistes.

Après deux décennies de nominations au pif -trop tôt, trop tard ou jamais- de solistes bras cassés ou de méritants soporifiques, cette « génération Millepied » avec ses personnalités bien marquées avait de quoi donner de l’espoir. Dommage que le directeur pressé n’ait pas pris le temps de comprendre l’école et le corps de ballet.

Et voilà, c’est une autre, formée par la direction précédente qui nomme des étoiles et qui récolte le fruit de ce qui a été semé.

Que les soirées soient plus enthousiasmantes du point de vue des distributions ne doit cependant pas nous tromper. Des signes inquiétants de retours aux errements d’antan sont déjà visibles. Le chèque en blanc signé à Jérémie Belingard, étoile à éclipse de la compagnie, pour ses adieux n’est pas de bon augure. Aurélie Dupont offre au sortant une mise en scène arty à grands renforts d’effets lumineux qui n’ont pu que coûter une blinde. Sur une musique qui veut jouer l’atonalité mais tombe vite dans le sirupeux, Bélingard esquisse un pas, roule sur l’eau, remue des pieds la tête en bas dans une veine « teshigaouaresque ».  L’aspiration se veut cosmique, elle est surtout d’un ennui sidéral. Le danseur disparaît sous les effets de lumière. Il laisse le dernier mot à un ballon gonflé à l’hélium en forme de requin : une métaphore de sa carrière à l’opéra? C’est triste et c’est embarrassant.

L’avenir est plus que jamais nébuleux à l’Opéra.

 

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Balanchine’s « Songe » : Energy is Eternal Delight

Balanchine’s Dream remains an oddly-told tale. When I was young and picky in New York, and even as I grew older, I was never fully enchanted, never transported from start to finish. Nor have I been this time around in Paris. Does this ballet ever work? Who cares about Hippolyta or that guy in the shapka? (I will write about neither, you won’t notice). What I’ve been told for way too many years is that what I’ve been missing is a cast with the right kind of energy…which the ballet’s very structure seems to want to render impossible.

“Man has no body distinct from his soul”

And yet I found some of that elusive energy. With Marion Barbeau one night and with Hugo Marchard the other. In both cases: an almost carnivorous joy in eating the air of the stage with their bodies, indeed letting us in on their glee at how they could use their flesh to enliven Titania’s or Oberon’s story. Their energy – not to mention the beautiful lines that both dancers richly carved into thin air – proved contagious.

Eleonora Abbagnato appears so seldom with the company anymore that to me she is an alien. Paired with a technically sharp but emotionally green Paul Marque, she faded into doing the right stuff of a guest artist. Marchand, mischievous and very manly, woke Abbagnato up and inspired her to be the ballerina we have missed: instead of doing just the steps with assurance, she gave those steps and mime that little lilt of more.

“Those who restrain Desire, do so because theirs is weak enough to be restrained”

Even if the audience applauds her, Sae Eun Park continues to dance like a generic drug. Yes, she has lovely Taglioni limbs, but no energy flows up to her legs from the floor (don’t even think about any life in her torso or back) nor does any radiate into her unconnected arms or super-high arabesque. You get served, each time, the same-old-same-old perfect grand jeté split reproduced with the same precision and « effortlessness » [i.e. lack of connection to a core] that is required to win competitions. Watching a gymnast with excellent manners always perform completely from the outside just…depresses me. She’s been promoted way too fast and needs to learn so much more. After today, I swear I will never mention her again until she stops being a Little Miss Bunhead.

Act II’s only interesting thing, the “pas de deux” via Park, then, was very worked out and dutiful and as utterly predictable and repetitive as a smoothie. Dorothée Gilbert in the same duet left me cold as well: precise, poised, she presented the steps to the audience.  Gilbert freezes into being too self-consciously elegant every time she’s cast in anything Balanchine. The women’s cavaliers (Karl Paquette for Park: Alessio Carbone for Gilbert) tried really, really, hard. I warmed to Carbone’s tilts of the head and the way he sought to welcome his ballerina into his space. Alas, for me, the pas died each time.

“Life delights in life”

If Park as Helena hit the marks and did the steps very prettily, Fanny Gorse gave the same role more juice and had already extended the expressivity of her limbs the second time I saw her. As Hermia, Laëtitia Pujol tried so hard to bring some kind of dramatic coherence to the proceedings that she seemed to have been coached by Agnes de Mille. This could have worked if Pujol’s pair, a reserved Carbone and an unusually stiff Audric Bezard, had offered high foolishness in counterpoint. For my third cast, Fabien Révillion and Axel Ibot – eager and talented men who could both easily dance and bring life to bigger roles — booted up the panache and gave Mélanie Hurel’s Hermia something worth fighting for.

As Oberon’s minion, “Butterfly,” both the darting and ever demure Muriel Zusperreguy and the all-out and determined Letizia Galloni (one many are watching these days) made hard times fly by despite being stuffed into hideous 1960’s “baby-doll” outfits that made all the bugs look fat. (Apparently there was some Balanchine Trust/Karinska stuff going on. Normally, Christian Lacroix makes all his dancers look better).

I am ready to go to the ASPCA and adopt either Pierre Rétif or Francesco Vantaggio. Both of their Bottoms would make adorable and tender pets. And Hugo Vigliotti’s Puck wouldn’t make a bad addition to my garden either: a masterful bumblebee on powerful legs, this man’s arms would make my flowers stand up and salute.

« If the doors of perception were cleansed, everything would appear to man as it is, infinite »

I am so disappointed that Emmanuel Thibault – and maybe he is too – has spent his entire career in Paris cast as the “go-to” elf or jester. Maybe like Valery Panov or Mikhael Baryshnikov, he should have fled his company and country long ago “in search of artistic freedom.” He never got the parts he deserved because he jumped too high and too well to be a “danseur noble?” What?! Will that cliché from the 19th century ever die? As Puck the night I saw him, Thibault did nice and extraordinarily musical stuff but wasn’t super “on,” as I’ve seen him consistently do for decades. Maybe he was bored, perhaps injured, perhaps messed up by the idea of having hit the age where you are forced to retire? [42 1/2, don’t ask me where the 1/2 came from]. I will desperately miss getting to see this infinitely talented artist continue to craft characters with his dance, as will the:

An Ancient Lady, as thin and chiseled as her cane, lurched haughtily into the elevator during intermission. She nodded, acknowledging that we were old-timers who knew where to find the secret women’s toilets with no line. So the normal longish chat would never happen. But I got an earful before she slammed shut her cubicle’s door: “Where is Neumeier’s version? That one makes sense! Thibault was gorgeous then and well served by the choreography. This one just makes me feel tired. I’m too old for nonsense dipped in sugar-coated costumes.” On the way back, the lady didn’t wait for me, but shot out a last comment as the elevator doors were closing in my face: “Emmanuel Thibault as Oberon! This Hugo Marchand as Puck! Nureyev would have thought of that kind of casting!”

The quotes are random bits pinched from William Blake (1757-1827). The photo is from 1921, « proceedings near a lake in America »

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Le Songe de Balanchine : certaines l’ont, d’autres pas…

Le Songe d’une nuit d’été de Balanchine (Ballet de l’Opéra de Paris, soirée du vendredi 24 mars 2017).

Avec une œuvre mi-cuite comme le Songe d’une nuit d’été de Balanchine, le plaisir de la revoyure repose principalement sur les changements de distribution. Tel passage qui vous avait paru faible lors d’une soirée peut soudain se parer d’un relief tout particulier tandis qu’un autre, qui avait attiré votre attention, est ravalé à l’anodin. Heureusement pour ce dernier, vous savez déjà quel est son potentiel. Finalement, je comprendrais presque les Américains, qui ont fini par penser que cette jolie œuvrette est la version chorégraphique idéale d’après l’œuvre  de Shakespeare.

En cette soirée du 24 mars, Marion Barbeau, la délicieuse soliste du Pas de deux du deuxième acte lors de ma première soirée, était Titania. Par le respiré de ses équilibres, ses tendus-relâchés dans les marches en relevé  ou dans les cambrés du buste pour les portés décalés, elle m’a fait passer la pilule douceâtre  de la scène avec « monsieur Personne » (Stéphane Bullion, très élégant). Le saut signature de Titania (entre saut à l’italienne de profil, et saut de biche) prenait un allure dionysiaque tant l’impulsion en était  naturelle et la réception silencieuse. Mademoiselle Barbeau sait également créer une tension dramatique dans ses soli et duos. La toute jeune fille du pas de deux (le 17) s’est ainsi muée en une déesse aussi féminine que dotée d’une autorité régalienne.

Dans Oberon, Paul Marque, ne montre pas encore une telle maîtrise. Le damoiseau peaufine sa danse (sa batterie, ses ports de bras et sa musicalité) mais ne crée pas de personnage fort par la pantomime. Si Obéron arrive un peu tôt dans la carrière de ce jeune danseur, le rôle de Puck arrive sans doute bien tard dans la carrière d’Emmanuel Thibault. Et pourtant, le danseur s’amuse et nous touche. Il semble plus régner sur les elfes qu’Obéron lui même. Sa diction du texte chorégraphique est claire et musicale.

Le quatuor des amoureux perdait un peu de son relief comique en dépit des qualités de Fabien Révillion dans Lysandre, très fleur bleue mais avec un bon sens comique dans la scène de confrontation avec Demetrius (Axel Ibot qui n’efface pas le souvenir de Valastro). Mélanie Hurel quant à elle  se montre touchante dans sa scène de désespoir. Dans Héléna, Sae Eun Park est … Sae Eun Park. Que dire de plus ?

P1150074Au deuxième acte, par un effet de vase communicant, c’était le pas de deux qui était en retrait. Dorothée Gilbert en était pourtant la soliste. Las, la danseuse, qui possède la maîtrise technique et le moelleux pour danser ce rôle, ne se défait pas de sa fâcheuse conception erronée des chorégraphies de Balanchine. En effet, à chaque fois qu’elle se présente dans les ballets de Mr B., Dorothée Gilbert semble croire qu’elle doit danser comme une dame chic, le regard perdu, avec un sourire énigmatique qui la fait paraître guindée. Dans ce pas de deux allégorique, c’est Carbone (partant avec le handicap de remplacer le très attendu Hugo Marchand) qui émeut. L’aisance naturelle de la danse et la souplesse des réceptions, les inclinaisons de la tête sur un cou mobile comme une invite constante à sa partenaire, tout était là. Peine perdue…

En sortant du théâtre, je me suis fait la réflexion qu’il est regrettable que, dans ce ballet si fourmillant de personnages qu’est le Songe, il faille une distribution parfaite pour soutenir la cohérence de l’ensemble. Cette configuration a-t-elle jamais été réunie le même soir sur un même plateau, même pour un public américain énamouré ?

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Vous reprendrez bien un peu de Lac des cygnes! Bilan, Perspectives…

lac-arabesqueAvec un sens du timing qui n’appartient qu’à eux, les Balletonautes vous proposent leur bilan du Lac des cygnes à l’Opéra de Paris qui a clôturé l’année 2016. Vous reprendrez bien un peu de Lac des cygnes ? Cette série s’offrait en fait comme une sorte de charnière. C’est peut-être le 31 décembre 2016 que s’achevait réellement l’ère Millepied avec en prime une nomination. Désormais les regards se tournent vers la nouvelle directrice et sa première saison que nous commenterons sans doute ultérieurement.

Une fois encore, l’équipe n’a pas chômé. Lors de la reprise 2015, Cléopold s’était intéressé à la lente histoire de transmission du ballet, partant de la production mal aimée de Moscou en 1877, qui conduit à la version de Rudolf Noureev créée à l’Opéra en 1984. Pour cette mouture, Fenella a écrit avec son humour habituel un plot summary, paru en deux langues, où elle explique pourquoi l’actuelle version du ballet de l’Opéra est devenue sa préférée parmi les multiples propositions faites autour de ce même ballet.

En termes de représentations, les Balletotos ont également été très présents. Sur les dix-huit soirées ouvertes à l’ensemble du public, ils en ont vu huit.

Les couples principaux

À vrai dire, leurs distributions sont moins nombreuses. Et comment faire autrement ?

Après le retrait du duo Hoffalt/Hecquet, il y aura eu au final quatre distributions et demie pour le couple principal (la configuration du 31, date unique pour Léonore Baulac, était la dernière d’une longue série pour Mathias Heymann). La nouvelle directrice de la danse, qui avait décidé de limiter la distribution du couple central aux étoiles, cantonnant par là-même les premiers danseurs au rôle de remplaçant, a eu, en quelque sorte, la chance du débutant. Le couple de la première, réunissant Myriam Ould-Braham et Mathias Heymann a vaillamment survécu à huit représentations.

Nous avons vu quatre d’entre elles. Le couple Ould-Braham-Heymann, assez unanimement apprécié, a créé un petit flottement au sein de la rédaction. Fenella, qui a vu la Première, est revenue enchantée par ce couple qui, refusant tout lyrisme facile des membres ou des sentiments, compose un tableau subtil et élégant d’amours naissantes. Du coup, elle cite à foison Honneurs et Préjugés de Jane Austin.

James, cet incorrigible gourmand, a vu les représentations du 10 et du 29 décembre. Cette distribution reste pour lui « La distribution-phare ». Il reconnait néanmoins que :

« Si l’on parle de virtuosité chez les filles, aucune Odile n’est en tous points ébouriffante – variation lente enlevée avec style et fouettés parfaits – comme ont pu l’être une Letestu ou une Pujol par le passé (pour ne prendre que des exemples récents). »

Le soir du 13 décembre, c’est peut-être le cygne noir un peu en retrait de Myriam Ould-Braham qui a laissé Cléopold sur le bord de la route.

« Elle, est tout en placement, sans lyrisme exacerbé (sa variation aux développés). Il y a chez elle un caractère inaccessible qui, pour autant, ne peut être qualifié de froideur. Elle reste charnelle. Une connexion corporelle s’instaure avec Heymann. Le partenariat à l’acte deux est admirable. Quelque chose donne l’impression que Siegfried ne la touche pas vraiment même lorsqu’ils sont enlacés. Est-ce pour marquer le caractère rêvé du cygne ? En fait, ce n’est que dans la séparation que point la passion. Hélas, à l’acte trois, ce parti-pris du moins ne paye pas forcément. C’est joli (notamment les 3 premières séries de tours attitude en dehors) mais pour défendre cette politique exigeante du restreint, il faut que tout soit immaculé, ce qui n’a pas été le cas (le quatrième tour attitude est manqué ainsi que la fin des fouettés, de surcroit beaucoup trop voyagés). A l’acte 4, le mal est fait. Myriam Ould-Braham reste une idée d’Odette et ça ne me touche pas. Pas encore du moins. Avec une petite pointe d’autorité en plus, cette vision du rôle, sans concessions et sans chichis, est faite pour me plaire. »

 

 

 

 

 

 

 

Par un curieux renversement des valeurs, Cléopold a assisté le lendemain (le 14) à ce qui a été peut-être l’unique date où le couple de la deuxième distribution, Amandine Albisson et Mathieu Ganio, plutôt boudé par la critique, a complètement donné sa mesure à l’issue d’une représentation techniquement maîtrisée. Le miracle fut vraisemblablement de courte durée. Le 19 décembre, pour la même distribution, James ressortait l’œil sec de l’Opéra : le damoiselle lui avait paru trop appliquée et le damoiseau pas au mieux de sa forme.

 

 

 

En fait, James place le coup d’essai O’Neill/Révillion (le 22/12) en second en termes d’émotion et de belle danse devant le couple « étoilée-étoilable » du 28 décembre. Pour James, le sujet Révillion s’est montré plus brillant durant l’acte III que Germain Louvet au soir de sa nomination (le 28/12). Ludmila Pagliero reste pour James plus une jeune fille qu’un être surnaturel et Germain Louvet, en dépit de ses grandes qualités techniques, lui parait un tantinet terre-à-terre spirituellement.

 

 

Et les étoilés

Au soir du 31, tout le monde avait quitté Paris. Nous n’avons pas vu l’Odette de Léonore Baulac qui a entrainé sa nomination. Comme d’autres, nous aurions bien eu quelques autres noms à placer avant les deux nominés de 2016. Pourtant, on est toujours contents pour les personnalités étoilées… Les deux danseurs ont de surcroît montré qu’on pouvait compter sur eux en de maintes occasions durant l’ère Millepied. Avec eux, on a d’ailleurs presque l’impression d’avoir assisté au dernier acte de la direction précédente plutôt qu’au premier de la suivante.

L’Opéra de Paris aura orchestré les nominations avec un sens éprouvé de la communication : ceux qui espéraient la nomination de Germain Louvet à l’issue de sa dernière représentation le 30 en ont été pour leurs frais (il fallait bien ménager quelques jours entre les deux promotions de la fin 2016). S’il faut « du nouveau » pour que la grande presse parle de l’Opéra de Paris, pourquoi pas ? Reste à éviter les signes avant-coureurs cousus de fil blanc (« Germain Louvet : un prince est né » dans Le Figaro après la représentation du 25 décembre). Et puis, un peu de mesure côté journalistique ne serait pas de trop : à tweeter qu’elle commençait à « trouver le temps long » pour Léonore Baulac, Ariane Bavelier énerve : être première danseuse 364 jours n’est pas un calvaire, et que n’a-t-elle dit par le passé sur des nominations bien plus longtemps attendues ?

Les rôles solistes : perspectives, espoirs, regrets

Il n’y a pas que le couple principal qui manquait de variété pour cette mouture 2016. Les Rothbart n’ont pas été pléthore. Ce sont principalement Karl Paquette (1ère distribution) et François Alu (2ème distribution) qui se sont partagé le double rôle du tuteur-magicien (les Balletotos n’ont hélas pas vu Jérémy-Lou Quer). Le premier a accompli une longue marche depuis ses premières distributions dans le rôle au début des années 2000. Le danseur trop jeune, trop blond, techniquement en-deçà d’autrefois s’est approprié pleinement le rôle au moins depuis la dernière reprise. François Alu, plafonné cette saison à ce rôle (il avait dansé Siegfried en 2015) a fait feu des quatre fers pour compenser. Lorsque le couple en face est dans un bon jour, cela rajoute au plaisir d’une soirée (le 14), quand il l’est moins (le 19), cela la tire vers le bas.

C’est James qui a vu la plus grande variété de pas de trois :

« le trio réunissant Sae Eun Park, Séverine Westermann et Fabien Révillion est désavantagé par la danse scolaire de Mlle Park, tandis que M. Révillion nous régale d’une superbe diagonale de cabrioles (soirées des 10 et 19). D’autres configurations s’avèrent plus équilibrées, avec ce qu’il faut de vaporeux dans la première variation féminine (Héloïse Bourdon le 19, Marine Ganio le 28, Léonore Baulac le 29), d’à la fois moussu et vivace dans la seconde (Fanny Gorse le 19, Eléonore Guérineau le 28, Hannah O’Neill le 29).

Chez les hommes, pas mal de prestance (Jérémy-Loup Quer le 22, Axel Ibot le 28), mais pas d’extase absolue, et personne – pas même Révillion – pour emporter l’adhésion dans le manège de grands jetés-attitude. Le 29, François Alu inquiète un peu : à trop vouloir épater la galerie, ce danseur perd en longueur et propreté. »

Cléopold ajoute de son côté à son panthéon personnel la prestation de Germain Louvet dans ce pas de trois. Ses sissonnes à la seconde et son manège final furent un plaisir des yeux (soirée du 13).

Et puis il y a parfois la petite pointe de regret qui sourd. James note :

« Le 10 janvier, surprise (je ne lis pas les distributions en détail), un tout jeune homme frisé fait son apparition dans la danse napolitaine. J’écarquille les yeux : c’est Emmanuel Thibault, à la juvénilité et au ballon quasiment inchangés depuis son entrée dans le corps de ballet. »

Cléopold s’était fait la même remarque, contemplant tristement Emmanuel Thibault (seulement premier danseur, vraiment ?) continuer à insuffler quelque chose de spécial à ce rôle demi-soliste aux côtés de sa talentueuse partenaire, Mélanie Hurel, qui a à peu près été essayée dans tous les grands rôles du répertoire (Casse Noisette, La Sylphide, Giselle…) sans jamais être finalement propulsée au firmament. On y pense en voyant la jeune génération prometteuse se frotter au même passage : James remarque par exemple une jolie complicité de partenariat entre Jennifer Visocchi et Paul Marque (les 22 et 28 décembre).

 

Le corps de ballet enfin… presque

L’excellence du corps de ballet n’est plus à prouver. Cette série l’a confirmé bien des soirs. Mais cela ne veut pas dire qu’il soit exempt de quelques irrégularités. Au premier acte, les quatre couples principaux de la valse se sont montrés par moments en défaut de synchronisation (surtout en début de série). Rien de tout cela, au soir du 29, avec la phalange de choc Boulet/Bourdon/Ganio/Galloni (pour les filles) / Gaudion/Ibot/Révillion/Botto (pour les garçons), parfaitement à l’unisson. À l’acte deux, la ligne de cygnes côté jardin affichait une curieuse incurvation après la quatrième danseuse. Ces petites scories appellent à la vigilance pour l’avenir.

Un avenir pas si proche. Ce n’est hélas pas la saison prochaine, grand désert du classique, qui nous donnera l’occasion d’en juger.

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Les Balletos d’or 2015-2016

Louis Frémolle par Gavarni. "Les petits mystères de l'Opéra".

Louis Frémolle par Gavarni. « Les petits mystères de l’Opéra ».

L’ordre national de la Légion d’honneur a eu beau faire de la trompette avec son interminable promotion du 14-Juillet, ces derniers jours, chacun n’a eu d’yeux que pour la liste des Balletos d’Or de la saison 2015-2016. Tout le petit milieu des aficionados de la danse s’est pressé devant une petite affichette grise épinglée dans les coulisses des grandes salles de spectacle de France, d’Europe et du monde. Beaucoup d’appelés, peu d’élus : à Covent-Garden, au Bolchoï, à Bastille ou à Garnier, plus d’un a été déçu. Jugez vous-mêmes, voici la liste des prix.

 

Ministère de la Création franche

Prix Tu nous surprendras toujours: William Forsythe, Blake Works I

Prix Adage agité ex-aequo: Benjamin Millepied & Justin Peck

Prix musical : Anne Teresa de Keersmaeker (soirée Bartók/Beethoven/Schönberg)

Prix Service minimum : Sidi Larbi Cherkaoui (pour son tiers de Casse-Noisette)

Prix Déjà oublié : Wayne McGregor (Alea Sands)

Prix Tout arrive : Wayne McGregor inspiré dans Obsidian Tear (musique d’Esa-Pekka Salonen)

 

Ministère de la Loge de Côté

Prix Versatilité : Pablo Legasa (Giselle-Pas des Vendangeurs, Blake Works 1-Put That Away)

Prix Densité : Eléonore Guérineau (Of Any If And)

Prix Ballon de jeunesse (ou Jeunesse du ballon) : Emmanuel Thibault (Mercutio)

Prix Râteau sacré (ou Sacré râteau) : Guillaume Charlot, grand Brahmane dans La Bayadère

 

Ministère de la Place sans visibilité

 Prix Sur-vitaminé : Valentine Colasante et François Alu (Thème et Variations)

 Prix Balanchine : Sterling Hyltin (tournée du New York City Ballet)

 Prix Pina Bausch: Vincent Cordier (Le Sacre du Printemps)

 Prix Présence scénique (ex-aequo) : Pierre Rétif et Francesco Vantaggio (20 danseurs pour le XXe siècle)

 Prix Papier-peint d’Art : le corps de ballet féminin (La Bayadère)

 Prix Puritain : Dmitri Tcherniakov (scénario de Iolanta/Casse-Noisette)

 

Ministère de la Ménagerie de scène

Prix sylvestre : Hannah O’Neill (Myrtha)

Prix alpestre : Sara Mearns

Prix céleste : Héloïse Bourdon, pour l’ensemble de sa saison

Prix Bébête en manque de tendresse : Steven McRae (la Créature, Frankenstein ; Royal Ballet)

 

Ministère de la Natalité galopante

Prix quatuor stylé : Mlles Bourdon et Hurel, MM. Révillion et Lorieux (Variations Goldberg)

Prix Nounours caoutchouc : Brigel Gjoka et Riley Watts (Duo2015, Théâtre des Champs Élysées)

Prix de l’arabesque affolante : Hugo Marchand (Blake Works I-I Hope My Life)

Prix Joli pied : Marion Gautier de Charnacé (20 danseurs pour le XXe siècle)

 

Ministère de la Collation d’Entracte

Prix Navet: Carlos Acosta (Carmen, Royal Ballet)

Prix Carême: Tannhäuser pour le défilé du Ballet

Prix Étouffe-chrétien : Le Corsaire de l’ENB

 

Ministère de la Couture et de l’Accessoire

Prix Spirou : Karl Paquette et Karl Lagerfeld (la coiffe groom du Brahms-Schönberg Quartet)

Prix Je veux cette robe : Mary Katrantzou (Entre Chien et Loup)

Prix Jersey poignant : Myriam Kamionka (Lamentations de Graham ; 20 danseurs pour le XXe siècle)

Prix Comment tu t’appelles déjà ? : Pierre-Arthus Allard-Raveau (une compilation)

 

Ministère de la Retraite qui sonne

Prix N’avait pas lu la description de poste : Benjamin Millepied

Prix Exécution musicale : Giselle par l’orchestre des lauréats du Conservatoire

Prix Encore une année sans danser ou presque : Jérémie Bélingard (un abonné)

 

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Roméo et Juliette 2016 : un temps du bilan

La série des représentations de Roméo et Juliette s’est achevée le 16 avril dernier et il est grand temps pour notre traditionnel bilan.

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En 2016, Les Balletonautes ont pris, une fois encore, la mesure de leur attachement à la version de ce ballet par Rudolf Noureev. Un attachement qui ne va pas nécessairement de soi comme le montre le premier article préparatoire de Cléopold où il se retrouve confronté à sa lointaine première vision du ballet. À la découverte d’un ballet de Noureev, on est souvent dérouté par l’abondance de pas et d’intentions. Ses opus peuvent d’abord être inconfortables à l’œil mais, ensuite, on ressent invariablement un manque lorsqu’on voit une mouture des mêmes ballets par d’autres chorégraphes. Les danseurs semblent avoir paradoxalement une approche similaire. Dans une interview fleuve sur Danses avec la Plume, Héloïse Bourdon ne dit-elle pas :

« La technique de Rudolf Noureev est très dure. […] Au début c’est contradictoire, ce n’est pas vraiment naturel. Mais plus on pratique plus on trouve des oppositions.  […]Je vois qu’il y a des choses peut-être pas évidentes à la base mais une fois que l’on t’a donné la clef de la chose qui te manque, que ce soit musicalement ou techniquement, ça aide et la chose devient organique… En tout cas, plus organique. Moi j’aime ce qu’il a fait. Rudolf Noureev était un visionnaire chorégraphique. Il n’y a pas de ballet de lui que je n’aime pas.»

*

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Mais venons-en aux représentations.

Filant la métaphore épistolaire initiée lors d’un autre programme, nos considérations seront enrichies par la – ô combien tardive – relation des spectacles auxquels James a assisté durant cette reprise. À son tour, d’écrire des lettres !

Car c’est lui qui a inauguré la série en assistant à la première de cette reprise le 19 mars. Le couple réunissant Amandine Albisson et Mathieu Ganio l’a globalement convaincu :

Quoi dire sur mes distributions Roméo et Juliette ?

Ganio/Albisson : le couple jumeau…

il est un Roméo idéel (ce n’est pas une coquille : la maîtrise est si complète que le personnage paraît imaginaire, tout droit sorti de l’imagination plutôt que du réel sublunaire) et enchante dès ses premiers piqués arabesque ; il danse moelleux, semblant toujours avoir le temps; elle donne à la danse de Juliette une précision et une attaque qu’on n’a pas vues dans ses récentes prises de rôle, et ceci aussi bien dans les agaceries de bas de jambe de la première scène que dans les mouvements plus expressionnistes du second et troisième acte.

Leur partenariat m’a fait comprendre – et je n’ai pas souvenir d’avoir eu cette impression auparavant, ni en vidéo ni lors de la reprise de 2011  – que les pas de deux du Roméo & Juliette de Noureev reposent non pas sur la passion (la conception MacMillan), mais sur la gémellité : la scène du balcon, notamment, fourmille de mouvements identiques, en canon ou en miroir, qui manifestent la découverte de l’âme-sœur ; quelque chose de léger se joue dans l’échange  – les baisers, presque enfantins, sont comme le prolongement des jeux (à comparer à Tcherniakov/Casse-Noisette, où une embrassade déclenche un cataclysme – vision dramatique, et au fond bien puritaine, de la sexualité) et Ganio/Albisson, par leur proximité physique (taille, finesse, propreté), le donnent joliment à voir.

Un petit bémol, James ?

Ganio/Albisson convainquent sans prendre aux tripes. Ils sont si bien accordés qu’on en oublierait presque leur destin tragique.

Commença alors une série de changements de distribution, réminiscence d’une période qu’on aurait voulu révolue. Cléopold a regretté de ne pouvoir découvrir la Juliette de Muriel Zusperreguy ; cette danseuse dessine toujours ses personnages bien plus grands que l’étroit espace de la cage de scène. Mais il a eu en compensation le plaisir de voir un couple d’un soir, Josua Hoffalt et Myriam Ould-Braham, dresser un portrait d’adolescents qui deviennent adultes dans la douleur (le 22 mars).

La vision aura été fugace. Dès la représentation suivante, Josua Hoffalt avait déclaré forfait. Du coup, lorsque Fenella vit le couple réunissant Léonore Baulac et Germain Louvet, il ne s’agissait pas, comme prévu, d’une double prise de rôle mais d’un travail déjà bien rôdé, les jeunes danseurs ayant assuré le remplacement. Germain Louvet était un Roméo « au jeu charmant et engagé, à la belle arabesque » mais peut-être encore un peu trop « poulain ». Léonore Baulac dressait le portrait d’une « Juliette à la bride sur le cou. Plus tout à fait jeune fille et pas encore femme, avide de vie et d’amour, qui ne s’embarrasse pas de nous le rendre joli à l’œil. » (si, si, c’est un compliment !).

Puis ce fut hélas au tour de Myriam Ould-Braham de disparaître des distributions ; et Léonore Baulac de prendre sa place aux côtés de Mathias Heymann. C’est James qui a essuyé les plâtres (le 10 avril en matinée).

Je passe sur Baulac-Heymann ; j’étais trop déçu du forfait de MoB (annoncé avec une déplaisante désinvolture par l’Opéra de Paris : « Le rôle de Juliette sera interprété par… », dit au micro sur le ton de « Le train pour Bayonne partira voie 2 » et sans citer le nom de la ballerine blessée ni rien expliquer…) pour être vraiment juste à l’égard de la prestation de la remplaçante. Qui plus est, le partenariat improvisé manquait encore de rodage.

Le 13 avril, sur la même distribution, l’impression est toute autre. La prestesse – désormais contrôlée – des pirouettes d’Heymann, la danse « volontaire » de Baulac, les « petits angles » du partenariat qui disparaissent sur la durée, dressent un portrait d’amants qui courent allègrement au tombeau.

Entre-temps, James avait trouvé sa distribution « idéale » sur cette série (soirée du 8 avril) :

Gilbert/Marchand ; il est un Roméo emporté, au bon sens du terme (lors de la première scène, son mouvement donne l’impression d’être toujours tourné vers l’après, non par précipitation, mais par anticipation). Il a un défaut visible à travailler – ses pieds –  et des qualités qui emportent l’adhésion : le sens des épaulements, et un sourire ravageur, à la Christophe Duquenne. Gilbert, dont l’interprétation cisèle chaque moment, fait penser à Loudières, dont elle a le regard d’oiseau et le physique de brindille, mais aussi l’inaltérable juvénilité du saut.

Gilbert/Marchand émeuvent aux larmes ; peut-être parce que vus de très près – cela joue – ; sans doute aussi parce que leur différence de taille et de carrure fait crisser l’imaginaire, et qu’ils la compensent par le débordement émotionnel.

En dépit des tressautements de la distribution des rôles principaux, les sujets de satisfaction ont été nombreux. Le ballet de Noureev est dans les gènes de la compagnie. Il convient à son style un peu minéral, aux antipodes du lyrisme romantique.

Dans les seconds rôles, de nombreux danseurs s’illustrent. Que ce soit les « vétérans » Stéphanie Romberg (très noble dame Capulet) ou Emmanuel Thibaut (merveille de fraîcheur technique dans Mercutio), les confirmés (Fenella devient lyrique à l’évocation du Benvolio de Sebastien Bertaud et Cléopold s’est laissé séduire par le Tybalt de Florian Magnenet) ou enfin la jeune génération : François Alu a fait feu des quatre fers dans Mercutio et Révillion de son élégance passionnée dans Benvolio ; les Pâris ont laissé leur marque (Yann Chailloux, « une présence claire et élégante » ou surtout Pablo Legasa) ; enfin, Fanny Gorse a été une piquante Rosaline.

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En cette période troublée et incertaine, la compagnie du ballet de l’Opéra brille donc d’un bel éclat. Y aura-t-il enfin quelqu’un pour remettre cette étoile sur orbite comme l’avait fait jadis Rudolf Noureev ?

R1J BOLSHOI

« Roméo et Juliette » en répétition, ça prend facilement un petit air de « West Side Story ». Première visite du Bolchoï à New York. 1958

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