Archives mensuelles : avril 2012

La Fille mal gardée – 1960

Do you want to pretend that you saw the original cast of La Fille mal gardée ? Stanley Holden was hilarious in the clog dance, and the tenderness of the final pas de deux danced by Nadia Nerina and David Blair is profoundly endearing. Indeed, even the voice-over comments are commendable.

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Une récréation en apesanteur

La Fille Mal Gardée – Frederick Ashton (chorégraphie), Ferdinand Hérold (musique, arrangements John Lanchbery), Jean Dauberval (livret) ; Osbert Lancaster (décors) – Royal Ballet – Royal Opera House – Alina Cojocaru (Lise), Johan Kobborg (Colas), Alastair Marriott (Widow Simone), Alain (Paul Kay) – Représentation du 24 avril

La reprise de La Fille mal gardée à Londres est dédiée à Alexander Grant, décédé le 30 septembre 2011. L’ancien Principal du Royal Ballet était le créateur du rôle d’Alain, le naïf et maladroit prétendant de Lise, qui lui préfère le plus dégourdi Colas. On devine un peu, grâce à une vidéo de 1976, ce que Grant apportait au rôle. Il fait répéter le trio du pique-nique, durant lequel les deux amoureux se jouent du fiancé que la mère de la jeune fille veut lui imposer. Alain est censé danser avec Lise, mais Colas s’immisce entre eux et l’évince sans qu’il s’en rende compte. La réussite du pas de trois tient à ce qu’on est autant charmé par les roués qu’attendri par le berné. Raide comme un piquet, imperméable à toute notion de partenariat, il tend son bras à la parallèle du battement arabesque de Lise (à partir de 1’45’’). Il n’est pas idiot, il est ailleurs. Admirez l’expressivité du visage de Grant (0’14’’), et notamment à la toute fin de l’extrait (à partir de 2’20’’), quand il se promène main dans la main avec Lise, alternativement la tête en l’air et le menton voilé dans le poing. Voilà un personnage qui n’a besoin de rien – sauf un parapluie –pour être content.

Tout le monde est heureux, d’ailleurs, dans la campagne française où se déroule La Fille. L’amour de Lise et Colas est réciproque, guère menacé par Alain, et la mère Simone est un obstacle débonnaire et peu efficace. L’œuvre, véritable récréation bucolique, est au ballet ce que certains opéras de Rossini sont à l’opéra : un moment euphorisant de virtuosité. Sans parler des emprunts musicaux d’Hérold et Lanchbery (qui reprennent le Barbier de Séville, la Cenerentola et Elizabeth), la rapidité du travail du bas de jambe et la minutie des épaulements y sont aussi ébouriffants qu’une vocalise du compositeur italien.

La trois-cent-trente-huitième représentation du ballet d’Ashton par le Royal Ballet réunissait Alina Cojocaru, Johan Kobborg, Paul Kay et Alastair Marriott. La première est aérienne, et surprend toujours par sa capacité à insuffler de l’âme au mouvement, aussi petit soit-il. Ici, le sentiment est léger, mais cela n’enlève rien au plaisir ni à l’art : Mlle Cojocaru a des mimiques si expressives que, même quand elle ne danse pas, on ne détache pas ses yeux d’elle, de peur d’en perdre une miette. C’est le cas pendant le premier solo ridicule d’Alain, où pourtant Paul Kay fait de remarquables étincelles, composant un personnage comique, attachant, très bien dansant. Bien des étoiles du même âge peuvent envier la forme technique de Johan Kobborg, qui campe un Colas très amoureux, et séduit, comme à l’habitude, par la précision du mouvement, la légèreté (sujet du bac : on peut être léger sans élévation, et élevé sans légèreté) ainsi que l’attention à sa partenaire. Parmi les trucs à elle qui font le bonheur du spectateur, Alina Cojocaru a le chic pour une diagonale de petits pas en pointe si menus qu’elle paraît avancer comme par magie (à l’inverse, dans le DVD publié par le Royal Ballet, Marianela Nuñez danse sa variation du Fanny Essler pas de deux en accentuant le petit battement en ciseaux, ce qui donne une impression toute différente). Alaistar Marriott aborde le rôle de Widow Simone avec truculence, et on retrouve avec bonheur le jeune James Hay dans le petit solo à entrechats de la flûte.

D’autres couples sont distribués dans la série de représentations du Royal Ballet : Laura Morera avec Ricardo Cervera, Yuhui Choe avec Brian Maloney, et Steven McRae en compagnie de Roberta Marquez. Ces deux derniers danseront le 16 mai, jour où la représentation sera diffusée en direct dans 475 cinémas dans le monde entier (et 68 en France). L’Opéra de Paris présentera aussi La Fille dans la version d’Ashton à compter du 20 juin. Les distributions ne sont pas encore connues, donc tous les espoirs sont permis.

Alina Cojocaru / Johan Kobborg - La Fille mal gardée - Photograph Tristram Kenton, courtesy of ROH

Alina Cojocaru - Fille - Photograph Tristram Kenton, courtesy of ROH

Alina Cojocaru - La Fille mal gardée - Photograph Tristram Kenton, courtesy of ROH

Johan Kobborg - La Fille mal gardée - Photograph Tristram Kenton, courtesy of ROH

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David Hallberg is Going to Make Me Homeless

The challenge: Go to the ballet approximately once per week while simultaneously never missing a ballet class (no Tuesdays or Thursdays) and working around travel plans. As a quick explanation for those of you in Paris who haven’t bought ballet tickets in New York, the process is slightly different. Here, instead of tickets coming out a few weeks before each production, every ticket for the entire season goes on sale at the same time. This results in poverty for about a month and internal battles about exactly how much ballet I can see.

What follows is a transcription of me fighting with myself over which tickets to buy. For reading purposes, the irrational side of my brain will be abbreviated to IB, and the (slightly) more reasonable side will be RB. I hope you’re entertained by my burgeoning schizophrenia.

The scene: Sitting at my work computer, currently with a single brain. The calendar for the NYCB season opens and my brain is immediately torn in half. The ballet battle begins.

Irrational Brain: Serenade and Firebird on the same night?! Buy every single ticket! NOW!

Rational Brain: Um, yes, that would be lovely, but don’t you want to see, you know, other things too? Also, I know you tend to get carried away here, but please remember you have to pay rent and buy food at some point.

IB: (sigh) Fine… two of them? Please? One includes Kammermusik No. 2 and the other has DGV: Danse a Grande Vitesse, neither of which you’ve seen so it’s totally justifiable, right?

RB: Done and done.

IB: Wait a second… by other things you don’t mean that I should go to the new Martins and Millepied night out of sheer obligation to the idea of “newness” do you?

RB: It would be a learning experience, and you need to push yourself more! Come on, what have those two choreographers ever done to make you actively avoid them?

IB: Ocean’s Kingdom and Black Swan respectively. Absolutely not. Veto declared. You can’t make me!

RB: Fine, be that way. What about Symphony in C? You’ve always wanted to see that, and June 1 has Concerto Barocco, Tschaikovsky Pas de Deux plus Fancy Free.

IB: Deal… What about A Midsummer Night’s Dream?

RB: Yes, but only one. You still have ABT and Paris Opera Ballet to buy.

IB: (sulks for a bit while looking up the ABT schedule and then…) Mother of everything sacred, David Hallberg is doing Apollo!

RB and IB simultaneously: Forget food, buy that ticket immediately!

RB: Hmm that night Osipova is doing Ratmansky’s new Firebird… that could be interesting. It would make a nice contrast to Balanchine’s. Let’s see… what else?

IB: Bayadere? That one’s beautiful!

RB: Correction, Nureyev’s is beautiful in Paris. You literally fell asleep last time you saw it at ABT. Also do you really want to see ABT’s corps de ballet as the Shades?

IB: Fine, but you don’t get to bring up the corps every time.

RB: If they could stand in a straight line I wouldn’t have to. Onegin?

IB: YES! With Julie Kent? Oh… she’s partnering Bolle.

RB: Hmm you know, that could be good. A man with this photo as his Twitter profile could probably pull off “pompous jerk” really well. Also, Kent makes everything magical, and you’ve never seen it.

IB: Done. Let’s see…obviously Steifel’s retirement in Corsaire. That’s just a given. What about Romeo and Juliet? Oh! Hallberg’s dancing… Why can’t he partner someone other than Osipova? Just for a change.

RB: Not everyone will partner Julie Kent. Get over it. Also, you thought Osipova was charming in Coppelia and actively wondered if she could pull off a young, dramatic role like Juliet; she could be fantastic! And you get to see Hallberg again, so stop complaining.

IB: Angel Corella is retiring! He’s dancing Swan Lake with Herrera… is that worth it?

RB: Yes, yes, it is. I wonder what ABT is going to do about its lack of male dancers? Oh, look! They’re giving Simkin a Swan Lake, and Hammoudi has one too! Too bad they’re on Wednesdays at 2:00. That could have been interesting.

IB: Ugh, can’t I just skip work those days? I want to see!

RB: No. Moving on. Paris Opera, what to see?

IB: Um, all of them, obviously. Is that seriously even a question?

RB: Yeah, that’s not really up for debate, is it? I think we’re done here!

IB: I think so! Alright, so it looks like we have:

May 2nd: NYCB Serenade, Tschaikovsky Pas de Deux, Kammermusik No. 2, Firebird

May 4th: NYCB Serenade, DGV: Danse a Grande Vitesse, Firebird

June 1: NYCB Concerto Barocco, Tschaikovsky Pas de Deux, Fancy Free, Symphony in C

June 6: NYCB A Midsummer Night’s Dream

June 8: ABT Onegin (Kent, Bolle)

June 11: ABT Apollo, Firebird, Thirteen Diversions (Hallberg, Osipova, Company)

June 18: ABT Romeo and Juliet (Hallberg, Osipova)

June 28: ABT Swan Lake (Corella, Hererra)

July 7: ABT Le Corsaire (Steifel, Murphy)

July 11: POB French Masters (Company)

July 18: POB Giselle (Gilbert, Hoffalt)

July 20: POB Orpheus and Eurydice (Gillot, Bullion)

Are we good? Does that cover it? Should I buy more? I feel like I should probably buy more.

RB: Did…did you just trick me into spending the rent and food money again? How do you do this EVERY season?!

IB: It’s a God-given talent. Or crippling financial addiction. Take your pick.

Weeks later…

Cleopold, being the wonderful person/editor that he is, suggested that it would benefit this little article to add links to the three ballet calendars I referenced (which I did). However, in adding said calendars, it was necessary to actually look at them, which led to the following….

RB: OK, just looking for the link, just going to highlight the link and put it in the article. Don’t even think about looking-

IB: There is a Cojocaru/Kobborg Romeo and Juliet on a non-ballet class day that you didn’t even consider last time! What is wrong with you?! That’s mandatory viewing, especially after Cleopold and Fenella loved it so much! How could you not want to see Cojocaru die smiling?

RB: No. You already spent all your ballet money! Don’t you click that link, don’t you dare-

IB: But look, Hallberg is doing Swan Lake! You know you have to see that!

RB: Yeah, with Semionova! Do you even remember how bored you were last year? You saw her running off stage after she killed herself!

IB: Don’t care! Hallberg. As. Siegfried.

RB: No no no no no no

IB: (buys tickets)

RB: …You do realize that now you’re not allowed to buy wine for the next two weeks.

IB: Worth it.

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Une soirée en pente descendante

Polyphonia (Christopher Wheeldon/ Gyorgy Ligeti) ; Sweet violets (Scarlett / Sergei Rachmaninov) ; Carbon Life (Wayne McGregor/ Mark Ronson, Andrew Wyatt) – Royal Opera House – Représentation du 23 avril

De toute évidence, le spectacle est organisé pour finir en climax. Une sono assourdissante, des musiciens en vogue (le DJ qui a produit Amy Winehouse, etc.), quatre chanteurs – dont un rappeur et l’inusable Boy George –, des lumières chiadées, des costumes design avec accessoires en plastoc noir et jupettes en forme de parapluie. Et puis de la danse. Il est de bon ton – c’est ce que fait Luke Jennings dans le programme du spectacle – de faire de Wayne McGregor un novateur poussant le langage chorégraphique vers de nouveaux horizons, à l’instar de William Forsythe radicalisant Balanchine il y a 20 ans. Il n’est pas sûr, cependant, qu’on puisse acquiescer sans débat. C’est pousser un peu vite dans la tombe le chorégraphe basé à Francfort, dont les dernières créations – notamment Sider, présenté à Chaillot l’hiver dernier – débordent de malicieuse inventivité. Et puis, qu’apporte-t-il de si précieux ? Une chorégraphie atmosphérique ? Un mouvement hystérisé ? Le sexy dans la danse ? Pourquoi pas, mais à quoi bon tout cela ? Chaque nouveau spectacle de McGregor que je vois me fait penser à une mode : irrésistible autant qu’éphémère. Cette année, en tout cas, je passe mon tour : le mouvement, comme écrasé par la rythmique rock, est plus saccadé qu’à l’habitude ; on manque de respiration, sauf – sans surprise – pendant une petite minute de silence dansée par Edward Watson et Olivia Cowley. Voilà donc la grande innovation McGregor 2012 : une danse aplatie par le son, comme il est des plantes écrasées de soleil.

Sweet Violets, de Liam Scarlett, prend sa source dans un fait divers, le meurtre non élucidé d’une prostituée à Camden en 1907. Près de 20 ans après Jack l’Eventreur, l’histoire défraya la chronique. La fascination pour le crime trouve son écho dans les œuvres du peintre Walter Sickert (1860-1942), qui s’y intéressa de si près qu’on crut pouvoir l’y mêler. Faisant fond sur une autre légende associée, qui voudrait que la reine Victoria ait fait interner la maîtresse de son petit fils le prince Eddy, et assassiner une amie qui avait le tort d’en savoir trop, Liam Scarlett construit un ballet narratif assez touffu, sur le trio élégiaque de Rachmaninov. Le ballet débute par la très réussie scène du meurtre (dansée par Meaghan Grace Hinkis et Thomas Whitehead, inquiétant meurtrier). Nous sommes ensuite chez le peintre (Bennet Gartside), chez qui vient musarder Eddy (Ricardo Cervera). Ce dernier papote avec Mary-Jane Kelly, l’employée de Sickert (Laura Morera) et surtout, badine avec Annie (Leanne Cope), l’amie du prince que la police embarque et envoie chez les fous. Marianela Nuñez (Mary le modèle) pose nue pour le peintre. On tremble pour elle quand, au pas de deux sensuel qu’elle danse avec Sickert, se joint un deuxième larron, ami du peintre, que nous reconnaissons pour l’assassin du début. Après, cela se complique : nous voilà au music-hall (autre centre d’intérêt de Sickert), Mary-Jane a mal tourné, et Jack l’Eventreur (glaçant Alexander Campbell) traîne dans les coins sombres. L’histoire navigue entre réalité et fantasme et Liam Scarlett montre pour une troisième fois sa science du pas de deux sexuel. Nous sommes incontestablement dans la lignée du MacMillan de Mayerling, tant pour la virtuosité chorégraphique que pour la sursaturation narrative.

Le plat de résistance était roboratif, mais le meilleur aura été l’entrée. Polyphonia a été créé pour le New York City Ballet en 2001, sur des musiques de Ligeti. Quatre couples sur scène, un piano dans la fosse. La chorégraphie séduit par sa profonde musicalité et son absence d’esbroufe. Sarah Lamb danse avec Johannes Stepanek : n’importe quel tarabiscotage passe, car le mouvement épouse chaque respiration musicale. Ludovic Ondiviela valse avec Yuhui Choe. Dawid Trzensimiech et Itziar Mendizabal dansent Allegro con spirito. On découvre dans l’adagio Yasmine Naghdi et James Hay, et on a tout de suite envie de les revoir souvent. On entend le vent qui souffle dans la grande plaine hongroise.

Polyphonia; photograph Bill Cooper, courtesy of ROH

Polyphonia; photograph Bill Cooper, courtesy of ROH

Sweet Violets – Photo Bill Cooper – Courtesy of ROH

Carbon Life – Photo Bill Cooper, courtesy of ROH

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Manon de MacMillan ou l’art du pas de deux. Vidéo commentée.

Manon, aujourd’hui reconnu comme un chef d’œuvre de MacMillan, n’a pas été d’emblée accepté comme tel. Le public l’a adopté presque instantanément mais la critique a fait grise mine. Ceci tient sans doute à l’histoire mouvementée de sa création. Antoinette Sibley s’étant blessée pendant les répétitions, le rôle de Manon a en en fait été créé sur deux danseuses. Sibley et Jennifer Penney. Il a donc fallu du temps pour que le personnage central se mette en place. Manon semblait donc à la critique l’addition des grandes qualités et des petits défauts du chorégraphe.

En 1974, Arlene Croce, la critique du New York Times, écrivait :

Le soir de la première, quand des Grieux se présentait à Manon, il semblait dire : « Madame, je suis Anthony Dowell. Remarquez mes tours, mon parfait développé en attitude devant ». Et sa réponse était : « Si vous êtes Anthony Dowell… Je dois être Antoinette Sibley ! Faisons un de nos [fameux] pas de deux Sibley-Dowell ». Et ils se sont exécutés.

Pour cruelle qu’elle soit, cette critique met le doigt sur un aspect central des ballets d’action de MacMillan. Le pas de deux comme entité narrative. Depuis son Roméo et Juliette de 1965, le génie particulier de MacMillan dans ce domaine était évident. Roméo et Juliette, c’est même beaucoup de pantomime intercalée entre les soli et les pas de deux. Dans Manon, MacMillan chorégraphie plus pour les ensembles mais ce qu’on retiendra, ce sont les quatre grands pas de deux et deux solos pour chacun des protagonistes principaux qui se répartissent sur trois actes.

Voyons comment ils sont construits au travers de l’un d’entre eux, celui de la chambre (Acte 1, scène 2) sur une page de la Cendrillon de Massenet [acte 1, air « résigne toi Cendrille »]. Notez la référence picturale au célèbre « Verrou » de Fragonard.

J’ai choisi une vidéo parisienne des années 90 avec Isabelle Guérin et Manuel Legris. La qualité de l’image est médiocre mais le souffle passe et les interprètes y déploient cette qualité française, loin des minauderies qu’on peut voir parfois dans ce ballet.

Si MacMillan avait voulu s’affranchir de l’Opéra éponyme de Massenet en ne choisissant que des pages extraites d’autres oeuvres du compositeur, on peut dire cependant que le pas de deux est véritablement construit comme un duo d’Opéra, à savoir qu’il se divise en une sorte de récitatif dansé qui évite soigneusement l’exposition des sentiments par la pantomime (du début à 2mn 50), suivi de ce qui peut être à proprement parler « le pas de deux » (jusqu’à 4mn55).

Dans la première partie, le récitatif, le charme de Manon est exposé : le naturel avec lequel Isabelle Guérin jette la plume de Des Grieux (à10s) ou encore sa façon de « virevolter » en déboulés autour de son  amant (à 24s) démontrent à la fois son charme sans affectation ainsi que son emprise sur lui. La danse est loin d’être absente et les amants sont presque présentés sur un pied d’égalité. Regardez la pirouette en dehors agrémentée de petits ronds de jambe qui s’achève en développé arabesque (55s =>1’20). Cet enchainement, reproduit presque exactement par des Grieux, semble exprimer l’accord profond des deux amants. Le récitatif dansé s’achève sur une série de mouvements d’adage qui laissent le spectateur respirer sur la musique (2’08=>2’50). Des Grieux dépose lentement Manon, droite comme un « i » au sol en la tenant par la nuque, elle se love dans ses bras et, quand on s’y attend le moins, elle passe d’une pose assise sur ses genoux à un développé en arabesque penchée. C’est le moment choisi pour un long et langoureux baiser.

Le pas de deux lyrique peut alors commencer (2’50=>4’55). On y retrouve de nombreux caractères du style MacMillan : des portés acrobatiques hérités de la danse soviétique, nécessitant une grande souplesse de dos de la part de la ballerine et une force peu commune chez le garçon. L’argument n’est cependant jamais oublié. À un moment, des Grieux semble se préparer à faire tournoyer sa partenaire tel un lanceur de marteau dans une compétition olympique (3’15), c’est pour la retrouver une fraction de seconde gracieusement étendue en arabesque à ses pieds. On y trouve aussi des promenades décalées très aérodynamiques (à 3’50) – le partenaire se tient souvent très éloigné de sa ballerine donnant un côté respiré à l’ensemble -. Regardez également, le porté à la fois bizarre et charmant ou Manon exécute de petites cabrioles, presque assise dans les bras de son partenaire. Aidée des mouvements de bras du danseur, elle semble se transformer en blanche colombe (3’57). MacMillan a ce génie de la pose finale qui vous permet de fixer dans votre mémoire l’enchaînement qui l’a précédé. Il n’hésite pas à reproduire une à deux fois la prouesse pour vous y aider. Mais loin d’une répétition, un procédé somme toute très classique, il continue à vous mener vers une plus fine compréhension du sens du pas de deux. Ici, au travers de l’acrobatie, c’est le sentiment d’absolue confiance qui règne entre Manon et des Grieux. La duplicité de Manon, c’est dans son pas de trois avec GM et Lescaut ou encore dans la scène chez Madame qu’on la trouve. À ces moments, elle développe des mouvements plus affectés des épaules et des poignets. Mais dans tous ses pas de deux avec des Grieux, c’est la candeur des sentiments qui règne en maître.

Un pas de deux de MacMillan, surtout dans Manon, cela se termine au sol (4’34 à la fin). Combien de variations peut-on trouver au thème de l’enlacement amoureux ? Une infinité, vraisemblablement.

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Manon : fini de jouer

L’Histoire de Manon – Ballet de Kenneth MacMillan d’après le roman de l’abbé Prévost –  Musique: Massenet ; Décors: Georgiadis. Opéra de Paris. Représentation du 21 avril (Osta, Le Riche, Bullion, Renavand, Phavorin)


Est-ce vraiment une œuvre britannique ? Au soir de la première de L’Histoire de Manon, porté par le chic du corps de ballet, la beauté des costumes et les couleurs de l’orchestre, on s’est pris à se demander si ce ballet n’était pas fondamentalement parisien. Et puis, toutes les parties d’ensemble – notamment les scènes de foule dans la cour de l’hôtellerie au début et la danse des trois garçons au deuxième acte – avaient un fini, une délicatesse, une légèreté qu’on voit rarement ailleurs.

Et Manon, est-ce vraiment un rôle difficile ? On en douterait presque, à voir danser Clairemarie Osta, qui paraît se laisser porter par la chorégraphie de MacMillan. Laquelle, dense et dramatique, aide sans doute beaucoup. Mais donner l’impression que cela coule de source relève, bien sûr, de l’art de l’interprète. Dans le premier tableau, Mlle Osta a les bras et les mains qui badinent comme les branches et les feuilles d’un arbre. Elle n’est pas femme-enfant pulpeuse comme Tamara Rojo, elle est femme-printemps. Contente de plaire, elle saisit les aubaines plus qu’elle ne calcule, et quand elle cède à Monsieur de G.M., on voit son incrédulité devant le luxe – qui est, selon une définition chipée à Claude Habib, ce à quoi on s’habitue tout de suite. En femme-trophée à l’acte II, elle joue son rôle confortable, que la présence de des Grieux perturbe (quand elle l’aperçoit, son buste se crispe).  À la fin de l’acte III, dans les marais de Louisiane, on voit déjà, dans ses bras, la rigidité de la mort. Elle ne saute pas dans les bras de son amant, elle y fait la toupie. Ce n’est presque plus dansé. Fini de jouer.

Nicolas Le Riche ne s’est pas montré un des Grieux complètement idéal : son solo devant Manon lors de la scène de l’auberge fait trop séducteur aguerri et il manque de légèreté. En revanche, il est éloquent dans la variation de l’acte II où il rumine, solitaire, contre la trahison de Manon, et tous les pas de deux – notamment celui de la chambre, dont Cléopold nous donnera bientôt une analyse commentée – fonctionnent très bien.

À Londres, le rôle de Monsieur G.M. est généralement confié à des danseurs plutôt âgés et épais, dont la passion prend un tour plus libidineux que libertin. Stéphane Phavorin est, au contraire, un fin aristocrate gourmé au long cou. On le croirait tout droit sorti d’un tableau du XVIIIe siècle.

En Lescaut, Stéphane Bullion n’est pas assez brillant dans sa variation pyrotechnique de l’acte I. Durant la soirée dans l’hôtel particulier de Madame, il fait bien le pitre – à la fois en danse et en expressions – mais globalement, on attend plus de mordant dans le rôle. Alice Renavand, légère et spirituelle, donne en revanche entière satisfaction. Il y a de la Kitri chez cette ballerine. Allister Madin est un chef des mendiants vif, léger et spirituel. Après son Idole dorée il y a quelques semaines à Bastille, voilà encore un rôle qui lui réussit.

Koen Kessels sauve l’année Massenet. Sa direction musicale, bien plus fine que la battue sans esprit d’Evelino Pidò dans l’opéra Manon, massacré il y a quelques mois à Bastille, rend mieux justice au compositeur. Merci pour lui.

 

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Manon au miroir (de son époque)…

Pauline Montessu dans Manon, costume par Lecomte, 1830.

La première mouture chorégraphique de Manon n’a pas été créée à Londres mais bien à l’Opéra de Paris, alors nommée Académie royale de Musique. C’était le 3 mai 1830, à la toute fin de la Restauration. Autant dire que l’argument du ballet s’éloignait drastiquement du roman de l’abbé Prévost. À cette époque, l’Opéra dépendait encore de la « maison du roi » et le roi n’était autre qu’un ex-polisson, repenti jusqu’à la bigoterie, Charles X. À la tête de ce ministère, se trouvait un autre gentilhomme ultra, le vicomte Sosthène de La Rochefoucauld, assez bien pensant pour avoir « fait rallonger les jupes des danseuses ». Trente ans plus tard, les auteurs d’ouvrages sur l’Opéra raillaient encore le pudibond ministre. Pour sa décharge, il faut avouer qu’il y avait fort à faire au sein de la maison, où les archives n’étaient guère tenues et où les passe-droits (notamment le passage salle-scène) prenaient vite force de droit coutumier. Or la licence était d’autant moins bien vue que, dix ans auparavant, le duc de Berry avait eu la mauvaise idée de se faire assassiner à la sortie de l’Opéra, un soir où il venait visiter sa maîtresse, une danseuse.

Pauline Montessu : Les artistes contemporains, 1832

Pauline Montessu, la créatrice du rôle, était elle même la maîtresse du directeur de l’Opéra, Lubbert. Elle avait dû longtemps attendre une opportunité car sa rivale, Lise Noblet, avait des attaches encore plus haut placées. Mais pour Sosthène de La Rochefoucauld, si la licence régnait quelque peu dans les coulisses, elle n’aurait pas droit de cité sur scène.

Le livret d’Eugène Scribe découpait l’action en trois actes. La musique était une des premières compositions pour la scène de Fromental Halévy. Il y avait introduit le premier leitmotiv de l’histoire du ballet et s’était amusé à pasticher des chansons populaires du XVIIIe. Aumer signait là sa dernière chorégraphie pour l’Opéra.

Le premier acte s’ouvre dans les jardins du Palais Royal (scène 1). Des Grieux (Ferdinand) signe étourdiment ce qu’il croit être une reconnaissance de dette à un sergent recruteur pour pouvoir acheter un bracelet précieux à Manon (Montessu). Pendant ce temps, celle-ci accepte l’invitation du marquis de Gerville (GM) de se rendre à l’Opéra. S’apercevant de sa méprise, Des Grieux fausse compagnie aux soldats d’incorporation et se précipite à la poursuite de sa belle. Il arrive à l’Opéra alors qu’on donne un ballet (scène 2) mais est rattrapé par les soldats avant d’avoir pu rejoindre Manon.

A l’acte II, on retrouve Manon chez GM. Elle y reçoit une leçon de danse de Camargo (excusez du peu!). Elle apprend alors le sort de des Grieux et supplie GM de le libérer. Celui-ci n’y consentira que si Manon accepte de devenir sa maîtresse et de ne plus revoir son jeune amant. Mais voilà que des Grieux, qui s’est encore échappé, entre par la fenêtre (quelle santé!). Les deux amants s’apprêtent à fuir quand ils sont surpris par GM. Des Grieux est arrêté et Manon condamnée à la déportation en Louisiane.

A l’acte III, on voit Manon intercéder dans sa prison pour la jeune esclave Niuka (Marie Taglioni, qui allait créer quelques mois plus tard le ballet des nonnes de Robert le Diable). Elle subit les avances appuyées du geôlier Synelet (Aumer, le chorégraphe du ballet). Mais des Grieux qui l’a suivi jusqu’aux Amériques (quelle santé, mais quelle santé!!) est parvenu à soudoyer un gardien pour rejoindre celle qu’il aime. Avec l’aide de Niuka, tout ce petit monde s’échappe de prison et fuit dans le désert. Manon y meurt d’épuisement alors qu’une troupe, menée par le nouveau Gouverneur de Louisiane (GM ! Ne me demandez pas comment et pourquoi ?) venait pour les sauver… Des Grieux, tel Albrecht dans certaines versions de « Giselle », mourait avant le baisser du rideau.

Dans cette version, Manon n’était donc pas la courtisane qu’on attend bien souvent lorsqu’on évoque le roman de l’abbé Prévost, mais une gentille étourdie, à peine légère, qui se sacrifiait pour son amant. Une sorte de Dame aux Camélias avant la lettre, en somme. Il n’y avait, de surcroit, aucun frère tricheur et entremetteur.

Pourquoi avoir monté Manon à une époque où la licence était si peu tolérée ?

L’aspect « décoratif » est l’un des arguments le plus souvent avancé. Les décors de Pierre Cicéri citaient, dit-on, les peintures de Boucher et de Watteau. Les costumes d’époque 1730 étaient très exacts. Un machiniste avait même créé la sensation en inventant un procédé qui donnait l’impression que le bateau qui amenait des Grieux à la Nouvelle Orléans grandissait en s’approchant du quai.

Signe du temps, les danses du XVIIIe siècle étaient traitées de manière parodique. Les pauvres Mesdemoiselles Sallé et Camargo étaient assez cruellement singées. En 1830, les beautés de 1730 paraissaient infantiles…

Sacrilège ? Inexactitude ? « Stupide XIXe siècle » ?

La Manon hyper sexuée et parfois calculatrice de MacMillan, offre-t-elle une vision plus fidèle à l’esprit du roman que celle du ballet d’Aumer et d’Halévy ? Nous avons vu, grâce à James, que la lettre était rarement respectée.

Pas si sûr…

Il est néanmoins fascinant de voir que cette figure de la légèreté féminine est toujours convoquée sur des scènes, sommes toutes, assez traditionalistes; que ce soit l’Académie royale de Musique sous Charles X, la salle Favart des années 1880 (pour la Manon de Massenet) -on y fiançait, à l’entracte, les jeunes filles de la bonne bourgeoisie- ou encore le Royal Ballet -celui des années 70, qui créait son répertoire avec, toujours en vue, une saison new-yorkaise, une destination notoirement conservatrice du point de vue sexuel-. En 1974, relatant l’une des premières représentations de Manon, Mary Clark écrivait déjà dans le Guardian : « En somme, Manon est une catin et des Grieux un imbécile et ils évoluent dans la plus inappétissante compagnie. ».

Cependant, Manon, bien que protéiforme dans ses différentes incarnations théâtrales, reste toujours une mise en garde contre les passions déréglées. N’est ce pas le point central et invariant du roman de Prévost ?

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Les personnages dans « L’Histoire de Manon »


Manon. Chez l’abbé Prévost, des Grieux fait son récit à un homme de qualité, dont nous lisons en fait les Mémoires. Il rencontre pour la première fois notre héros à Pacy-sur-Eure, quand il suit sa Manon en route pour les Amériques. Elle est enchaînée à d’autres filles de joie, mais son « air » et sa « figure » sont « si peu conformes à sa condition, qu’en tout autre état je l’eusse prise pour une personne du premier rang », nous dit le narrateur. Dans la première édition du roman, Prévost écrivit même « pour une princesse ». Nous voilà donc favorablement prévenus envers une héroïne que sa déchéance parvient si peu à avilir que l’homme de qualité ressent à sa vue « du respect et de la pitié ». Manon se montre ainsi irréductible aux catégories où on voudrait l’enfermer : adorable malgré ses trahisons, noble en dépit de ses friponneries, innocente dans la rouerie et honnête jusque dans l’intention de vol…

Une Manon sur scène doit donner à voir l’ambivalence. Il lui faut, en particulier, être sensuelle sans aguicher, et digne sans froideur. L’opacité est une bonne option. Tamara Rojo explique très finement (dans le DVD où elle apparaît au côté de Carlos Acosta) que Manon se rend compte immédiatement de l’intérêt qu’elle suscite chez les autres. Elle en est flattée et sait vite comment en jouer, mais il n’y a qu’avec son chevalier que le désir est réciproque. Le minimum syndical pour une interprétation réussie : ravir d’emblée le cœur du spectateur.

Des Grieux. Le roman nous le présente aussi sous un jour flatteur (« on distingue, au premier coup d’œil, un homme qui a de la naissance et de l’éducation (…) Je découvris dans ses yeux, dans sa figure et dans tous ses mouvement, un air si fin et si noble que je me sentis porté naturellement à lui vouloir du bien »). Le rôle est celui d’un danseur noble par excellence. Par exemple, Anthony Dowell, le créateur du rôle en 1974 (immortalisé dans un DVD de 1982 avec Jennifer Penney). Des Grieux est doux, naïf et droit, sa danse est exaltée et délicate (par exemple dans l’adage de séduction du premier acte, où il déploie toute la grâce de ses arabesques et de ses bras en offrande). Ses tourments sont expressifs, profonds mais retenus. Le seul moment où il plastronne un peu, c’est après avoir zigouillé le geôlier qui tourmentait sa belle au troisième acte. On lui pardonne volontiers.

Lescaut. Est-ce vraiment le méchant ? Il maquignonne sa sœur et ne s’embarrasse d’aucun scrupule. Mais il a la séduction du soldat (voir sa variation ostentatoire du premier acte, qui contraste avec l’adage si timide et peu assuré du chevalier des Grieux) et la drôlerie pour lui (inénarrable pas de deux de soûlerie chez Madame au deuxième acte). Il meurt avant la fin, comme chez Prévost. MacMillan lui donne une place centrale : c’est sur lui, assis dans le noir au milieu de la scène, que s’ouvre le spectacle. Il nous contemple immobile, avant de mettre en mouvement l’histoire. Redoutable procédé, qui rend le spectateur complice du corrupteur. Le créateur du rôle, David Wall, interprétait aussi le personnage de des Grieux en alternance avec Dowell.

La maîtresse de Lescaut. C’est incontestablement la gentille. Lescaut la traite durement, lui expliquant dès le début de l’histoire que si elle ne lui obéit pas, elle finira dans la charrette des prostituées envoyées en exil. Le rôle peut paraître mineur, mais il fait discrètement contrepoids. Dans le demi-monde où évoluent les personnages, Manon est la figure lunaire au succès et au destin exceptionnels. La maîtresse de Lescaut, qui ne grimpe ni ne dégringole, en est le visage ordinaire, résigné et joyeux. Un oiseau qui connaît bien les limites de sa cage. Monica Mason est la créatrice du rôle.

Monsieur G.M. Il condense en une seule personne les trois principaux protecteurs de Manon dans le roman. Dans le ballet de MacMillan, Monsieur G. M. est présent et s’intéresse à Manon dès l’origine. Il entretient luxueusement sa protégée, mais rien n’empêche qu’il l’aime sincèrement et soit blessé qu’elle lui préfère un autre. Le personnage n’est pas aimable, mais il n’est pas ridicule.

Madame. C’est la mère maquerelle des salons parisiens. Au deuxième acte, qui se déroule chez elle, elle sait très bien forcer une fille à danser avec celui dont elle ne veut pas.

Le chef des mendiants. Rôle de demi-caractère. À son corps défendant, il permet à Lescaut de jouer les types honnêtes auprès de Monsieur G.M.

Le geôlier. Horriblement libidineux.

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On Ballet and Pop Culture Part III: The Eleventh Commandment: Thou Shalt Not Bore The Audience

The ballet season after BS premiered, NYCB and ABT both pricked up their ears and decided it would be an opportune time to perform Swan Lake. They were right, and actually there were sold out performances. Obviously, this is a short-term solution. Natalie Portman is NYCB’s honorary spring gala chair this season and so far the reaction I’ve heard can be summed up as “eh.” This brings us to the big question: can ballet companies take this upswing in interest and translate it into new ballet converts before everyone stops caring? If so, how?

On March 22 The Royal Ballet did something absolutely brilliant: they live streamed their entire day of rehearsals. They also included interviews with dancers, musicians, the artistic director and costume/scenery archivists as well as archived rehearsal videos. The interviewers even asked questions from people watching from Facebook and Twitter. THAT is how you advertise. I didn’t care too terribly much about the Royal Ballet until that day. Sure I knew who Cojocaru and Kobborg were (again, guest stars), and Marianela Nunez, of course, but beyond that… not a thing. Now I consider myself a fan. I watched all day, and it was fascinating. Yes, I had to do work at this thing I call my “job” where I get “paid” so I can, you know, live, but the RB was in my ear all day long, even if I was forced to use the computer screen to do other things. I saw rehearsals for Alice in Wonderland, Polyphonia, a new Liam Scarlett ballet, Sweet Violets, as well as Pagoda and Romeo and Juliet. (Now I really want to play with swords.) After seeing the Alice rehearsal I immediately bought the DVD on Amazon and am so excited to watch it. As an aside, it’s been like two weeks. Where the heck is my DVD, Amazon?! The day concluded with an exclusive look at a rehearsal of Wayne McGregor’s new collaboration with musician Mark Ronson, Carbon Life, followed by a Q&A session. The lesson that should be taken away from all this? The program made me sincerely care about this company. And there it is: the key to my generation’s collective heart is, apparently, access. In a world of Facebook and Twitter, the idea that ballet is a world unto itself simply can’t fly anymore. On one hand, this makes me a bit sad. I love the mystical aspect of ballet, the idea that dancers are just so far removed from this world that they could never be touched by something as mundane as YouTube is beautiful, romantic and sad (Sylphide anyone?). But I have to say, Ashley Bouder posting her backstage Instagram pics on Facebook and laughing about her falls on Twitter makes me care more about her; it makes me want to buy tickets to see her, and more tellingly I have. Programs like this make ballet accessible to the unwashed, unlearned (aka uninitiated) masses. They make it far less scary, and they make what seemed to be a boring leisure activity reserved only for rich snobs, absolutely enthralling. THIS WORKS. I want to see almost everything they rehearsed, I want to follow them avidly, and I really hope they tour here so I can see them in person. I would even consider taking a side trip to London if I could get tickets.

That said, let’s talk about attempts to appeal to a new and younger audience that do not work. All of them can be summed up in a single word: pandering. Let’s begin with a general example. You’re a painter and you really want people to look at, appreciate and buy your paintings because hey, it’s art but you still need money to survive. Do you A) explain to people why you paint the way you do, what it means to you, and a bit about your technique or B) start to paint pictures of bunnies because, really, who doesn’t love bunnies? The answer is A, right? So why, why in God’s name would any company try to sell a ballet based on anything other than the quality of the ballet itself? I’m going to start with McGregor’s new piece, since I just finished watching that rehearsal. Now, since I haven’t seen it, I can’t say if it’s good or bad, it may even be great! However, most of the marketing surrounding Carbon Life has been about the costumes and music, so I feel pretty justified in saying that I do not care, at all, that the costumes were designed by Gareth Pugh. Sorry. I also don’t care that Mark Ronson did the music. Since they’ re trying so very hard to be young and cool by using a punk designer and popular music, the audience might initially be large and maybe even made up exclusively of 20 year olds; I don’t know what’s going to happen. What I do know is if the piece is bad overall, no ungodly fashion budget will save it. None. Because here’s the flip side to this social media thing: if something is bad, everyone will know in a matter of seconds. Personally, I don’t want to see this ballet. The choreography looked like everything McGregor has already done (and everything that Forsythe did before that).

Another great example of really obvious pandering is NYCB’s recent flop Ocean’s Kingdom. Music was by Sir Paul McCartney (they got a freakin’ Beatle!) with costumes by Stella McCartney. Choreography was by Peter Martins, of course, but somehow no one cared about that part. To very quickly sum up: the music was obvious, the costumes were cracked out, and the choreography was utterly forgettable. I wrote a review if you’re interested which you can see here, but really, all you have to do is watch this and you’ll have an idea (fair warning, I will use literally any excuse to show that clip because it makes me laugh so hard I cry… I am apparently 5 years old. However, it really does work here if you check out Daniel Ulbricht’s outfit ).

To be clear, I’m not against costumes, and I don’t think that every ballet should be danced in a black leotard and pink tights. If I thought for a second that I could get away with it, I would wear a tutu to go grocery shopping, or more accurately, just never take it off. I spent weeks looking for Sylvia’s dress for a special event (still looking, if you find it please message me. I will love you forever). When costumes (and music and setting) actually enhance the ballet and not distract from it, those extra details can make a production go from good to absolutely magical. Take the Paris Opera Ballet’s recent production of La Source: Jean Guillaume Bart’s choreography was riveting on its own, but when you add Christian Lacroix’s costumes and the set design… just wow. Every aspect of the ballet, choreography, music, costumes and scenery merged beautifully to create the finished product. You don’t even have to stick with tutus! Look at John Neumeier’s version of Sylvia: You can dress your nymphs in leather vests and helmets and put your goddess in a tuxedo; it gets the point across without being flashy and the dancers can move. Costumes are important and ideally help tell the story and set the mood, but they should never be the point. We have fashion shows for that.

So finally, here’s what I think needs to happen if we want to keep this ballet wave going: education. If we can show why ballet merits attention, I honestly think people will go and appreciate it, but once there’s an audience there has to be great ballet to watch. Essentially: explain why ballet is awesome and then prove it.

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Coppélia ou la libido automatique

Coppélia, ou La Fille aux yeux d’émail.

Ballet de l’Opéra national du Rhin – Chorégraphie et décors : Jo Strømgren; Musique : Léo Delibes (Orchestre symphonique de Mulhouse sous la direction de Daniel Klajner); Costumes : Mona Grimstad ; Lumières : Olivier Oudiou – Strasbourg, le 15 avril.
Dans la version de Coppélia que présente le Ballet national du Rhin, Coppélius (Miao Zong) rate tous ses automates. S’ils étaient vivants, on dirait qu’ils ont un grain. À peine terminée, sa Coppélia manque de l’étrangler et s’enfuit. Elle tombe sur Frantz, qu’elle attire immanquablement par sa plastique. Swanilda, jalouse mais aussi fascinée, va en prendre l’apparence. Le nigaud, pris au piège, sera bien penaud, mais tout de même pardonné, à la fin de la farce.

Jo Strømgren, chorégraphe norvégien né en 1970, explique que son histoire est celle du « rêve de perfection » : « je souhaite envahir la scène avec des poupées stéréotypées représentant d’une part le processus de recherche vers cette perfection et d’autre part, l’échec de cette expérience », indique-t-il.

N’aurait-on pas lu le programme, on aurait pensé, plus classiquement, que l’histoire oppose l’automate à l’innocence. Car en fait, Coppélia (dansée par Érika Bouvard) est moins parfaite que sexuelle. Frantz lui colle sa main aux fesses, alors que ses caresses à Swanilda sont toute délicatesse : le premier pas de deux, fluide et rond, entre les deux jeunes gens, est d’ailleurs un des passages les plus légers, qui permet d’apprécier les qualités des danseurs incarnant le couple principal, Céline Nunige et Alain Trividic.

Par la suite, Swanilda déguisée en Coppélia en profite pour embrasser son amoureux plus goulûment qu’avant (ou bien est-ce lui qui passe aux choses sérieuses ?).

Strømgren met plus en valeur le corps de ballet masculin (les 10 amis de Frantz, très sauteurs) que ses membres féminines (les 6 amies de Swanilda, en bottines à talons hauts). Il faut dire qu’elle sont engoncées dans des blouses grises bouffantes : le décalage est sans doute voulu avec les poupées mécaniques hypersexuées, mais n’avantage guère les villageoises. Et la chorégraphie qui leur est réservée manque de la vivacité que la musique – très bien interprétée – suggère. Le langage est néoclassique, les développements manquent parfois de mordant (la valse longuette des éléments de décor) et on aurait aimé plus de virtuosité et moins d’agitation pour dire l’emballement de la fête, mais l’ensemble reste plaisant. Petits et grands rient, sans forcément voir la même chose.

La direction de l’OnR a la joyeuse perversité d’organiser une matinée pour enfants  où apparaissent une poupée gonflable aux formes protubérantes (on imagine les questions au retour : « Maman, pourquoi la dame a des ballons sur les fesses ? ») et une Catwoman qui fouette le derrière de tous les types. Ce gentil spectacle, sans trouble arrière-fond, dure 80 minutes et sera représenté à nouveau à Colmar les 2 et 3 juin.

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