Archives mensuelles : novembre 2022

Diamond Celebration: le Royal conjugué à tous les temps

Représentations des 16 et 19 novembre (matinée) 2022, Royal Opera House

Marianela Nunez et Reece Clarke (Diamonds), Photo by Andrej Uspenski, courtesy of ROH

Marianela Nunez et Reece Clarke (Diamonds), Photo by Andrej Uspenski, courtesy of ROH

J’avais tellement envie de sortir mes socquettes à paillettes que j’ai pris des places pour la Diamond Celebration quasiment les yeux fermés. Il serait bien temps de voir si le climat s’y prêtait (la réponse est non), et de comprendre ce qu’on pouvait bien célébrer. Je croyais vaguement qu’il s’agissait de la charte qui confère à la compagnie son royal adjectif. Mais ce document est un peu plus ancien : on commémore en fait les 60 ans de la création des Friends of the Royal Opera House.

En échange de leur contribution annuelle, qui aide à financer les nouvelles créations, les Friends bénéficient d’une priorité d’achat avant la mise en vente des places au public. L’engouement pour le programme a été tel qu’avec mon niveau intermédiaire de membership, je n’ai pu obtenir aucune place en dessous du balcony (alors qu’en règle générale je peux rafler tout ce que je veux au parterre).

Ne croyez pas que les posh seats aient été réservés aux huiles institutionnelles : l’assistance à l’orchestre n’avait rien de particulièrement chic. Non, ce sont apparemment les Amis les plus motivés qui ont rempli la salle (et j’en sais qui sont « premium» pour prendre des places debout). Comment dire la particularité et la force du lien qui lie les Friends à leur maison d’Opéra ? À Paris, nous en sommes aux antipodes, avec une association censée promouvoir – comme c’est glacial – le « Rayonnement » de la Grande boutique… Nous sommes liés à l’Opéra de Paris d’un amour vache et exigeant, alors que la relation des Friends à leur compagnie, aux danseurs, à la direction et aux créations qu’elle propose est à la fois confiant et bon enfant.

C’est donc ce lien que met en scène la Diamond Celebration, avec force citations de Friends de toutes les générations placardées sur écran en ouverture ou en interlude. Les deux premières parties du programme forment clairement un arc entre le passé, le présent et peut-être le futur du Royal Ballet.

Cela débute avec l’ouverture puis le pas de deux dit de Fanny Elssler de La Fille mal gardée d’Ashton (1960) : peut-être saisis par le trac, ou parce ce qu’ils veulent trop prouver, Anna Rose O’Sullivan et Alexander Campbell peinent à convaincre au soir de la première. Lors de la matinée du 19, Meaghan Grace Hinkis et Luca Acri charment en revanche par leur naturel (elle m’a fait penser, par son côté petite toujours sur le rebond, à ce que Muriel Zusperreguy donnait dans le rôle de Lise).

Vient ensuite le pas de deux de la chambre de la Manon de MacMillan (1974), interprété par Akane Takada et Calvin Richardson, qui parviennent en quelques minutes à faire croire à l’intimité de leur relation (elle surprend notamment par la liberté de ses épaulements).

On continue d’avancer dans le temps avec Qualia (2003), une des premières créations in situ de Wayne McGregor, chorégraphe en résidence au Royal Ballet depuis 2006. Certains critiques reprochent à MacMillan d’avoir fait passer le pas de deux de la métaphore à la trivialité. Si tel est le cas, McGregor radicalise le mouvement : avec Manon nous étions dans le pré ou le post-coïtal, avec Qualia, qui fourmille d’emboîtements renversés, nous assistons clairement à l’acte (en sous-vêtements blancs).

Tout le style McGregor – mouvements de cou, hyperextensions, compacité des postures, virtuosité sur place – est déjà présent dans cette démonstration-programme par Melissa Hamilton et le musculeux Lukas B. Brændsrød, qui tente de lever la jambe aussi haut qu’Edward Watson, ce qui lui fait crisper les épaules. À sa décharge, notons que le zigue doit aussi réussir un passage-écart avec une ballerine dans les bras.

Matthew Ball, James Hay, Marcelino Sambé, Vadim Muntagirov (For Four) Photo Andrej Uspenski, courtesy of ROH

Matthew Ball, James Hay, Marcelino Sambé, Vadim Muntagirov (For Four) Photo Andrej Uspenski, courtesy of ROH

L’entrée au répertoire du Royal Ballet de For Four (2006) de Christopher Wheeldon ferme la première partie du spectacle (il est Associé artistique de la compagnie depuis 2012). La pièce est réglée sur le 2e mouvement du quatuor La Jeune Fille et la Mort de Schubert, un choix curieux – on ne connaît pas morceau plus tragique et poignant – pour une chorégraphie mettant à l’honneur la technique masculine. Il faut renoncer à toute tension dramatique : les quatre danseurs (Matthew Ball – que je reconnais même en ombre chinoise –, James Hay, Vadim Muntagirov et Marcelino Sambé) se passent très amicalement le relais, et tout – couleurs, enchaînements, rythme – tire vers la joliesse.

For Four, créé pour la tournée des Kings of Dance, ne fait pas dans le démonstratif : au contraire, Wheeldon semble avoir eu à cœur de construire une virtuosité délicate, délibérément précieuse. Mais en apprenant qu’elle a été créée pour Angel Corella, Ethan Stiefel, Johan Kobborg et Nikolay Tsiskaridze, on ne peut s’empêcher de penser que la pièce était conçue pour des interprétations contrastées. Ici, on devine à la seconde vision que la partie dansée par James Hay fait signe vers Bournonville (mais Johan Kobborg lui donnait sans doute un relief plus ciselé). Ici, ce qui frappe est au contraire l’homogénéité de style des quatre danseurs. Ainsi l’appropriation de For Four par le Royal Ballet change-t-elle peut-être le sens de la pièce : non plus quatre voix qui s’accordent, mais une unité qui s’affirme.

Après un premier entracte, place au présent-futur de la compagnie, à travers quatre commandes. La première est confiée à Joseph Toonga (« Chorégraphe émergent » du Royal Ballet depuis 2021), dont les intentions (See Us !! avec deux points d’acclamation) et la gestuelle hip hop (poing levé, regard défiant, attitudes de battle chorégraphique) sont si frontales et prévisibles qu’on tourne vite en rond.

Anna Rose O'Sullivan et William Bracewell (Dispatch Duet). Photo Andrej Uspenski, courtesy of ROH

Anna Rose O’Sullivan et William Bracewell (Dispatch Duet). Photo Andrej Uspenski, courtesy of ROH

Dispatch Duet, de la chorégraphe américaine Pam Tanowitz, est une drôle de pépite : vêtus tous deux d’un curieux short à pans lâches qui fait jupette dans les pirouettes, Anna Rose O’Sullivan et William Bracewell incarnent des danseurs un rien mécaniques, comme sortis d’une  boîte à jouets. Leur pas de deux, parsemé de discrètes références (à Diamonds, entre autres), décale les figures classiques d’un petit chouïa : c’est trop peu pour qu’on ne les reconnaisse pas, et assez pour être drôle. L’affinité avec l’humour de Cunningham (sauts inattendus, ralentissements, retournements)  saute aux yeux. La pièce, relativement peu applaudie, est pourtant jubilatoire.

La création suivante nous replonge dans l’univers des dessous chics. Vêtue d’une nuisette fendue très haut, Natalia Ossipova et Steven McRae, en slip et chemise transparente assez peu zippée pour laisser voir les pecs et le nombril, dansent une soupe à la guimauve (Concerto pour deux, chorégraphie de Benoit Swan Pouffer, musique de Saint-Preux). On se croirait dans une émission de variétés de la télévision russe (ne manquent que les spots tournants).

Yasmine Naghdi / Prima. Photo Andrej Uspenski, courtesy of ROH

Yasmine Naghdi / Prima. Photo Andrej Uspenski, courtesy of ROH

Prima, création du First Soloist Valentino Zucchetti, achève la deuxième partie du spectacle. En miroir de la pièce de Wheeldon, la pièce démarre en rétro-éclairage et réunit quatre ballerines (Yasmine Naghdi – que je reconnais même en ombre chinoise – Fumi Kaneko, Francesca Hayward et Mayara Magri), sur le dernier mouvement  (Molto moderato e maestoso, Allegro non troppo), du 3e concerto pour violon et orchestre de Saint-Saëns (pour une durée similaire à celle de For Four). Les interprètes font, elles aussi, une démonstration de style uniforme. Seules les robes improbables (dues à Roxsanda Ilinčić) différencient clairement les unes des autres. Cela passe gentiment, mais tout est au même rythme, et ça ne ralentit jamais. Le coup de pied final des filles a de l’esprit.

Clou de la soirée, Diamonds (1967) est illuminé par Marianela Nuňez, reine de l’adage, accompagnée de Reece Clarke, grand, propre et attentif (déjouant tous mes plans, la distribution de la matinée du samedi est la même que celle de mercredi soir). Le corps de ballet féminin se montre plus libéré et lyrique lors de la deuxième représentation. Mlle Nuňez étire les lignes comme personne, et raconte une histoire à chaque phrase. On pense immanquablement à son Odette. Lors de la pose finale, quand son partenaire tombe à genoux pour lui baiser la main, elle réussit à donner l’idée de la surprise. Lors du finale, elle navigue entre Petipa et jazz, et joue à plaisir de l’épuisante accumulation de figures composées par Balanchine. À certains moments, elle semble nous dire : « Vous en voulez encore ? Je vous le donne ».

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Trois Mayerling: ras la frange

Mathieu Ganio

Mathieu Ganio

Mayerling, Opéra-Garnier, représentations des 26, 28 octobre et 2 novembre 2022

Hasard du calendrier, Mayerling est programmé cette saison à Londres, Stuttgart, Budapest et Paris. Le Royal Ballet commémore ainsi le 30e anniversaire de la mort du chorégraphe. On peut trouver une logique historico-musicale à la programmation de l’œuvre dans la capitale hongroise. Au Ballet de Stuttgart, où Kenneth MacMillan créa certaines de ses pièces les plus notables, la connexion relève davantage de l’affinité stylistique. Mais à Paris, on se demande bien à quoi rime cette entrée au répertoire. Serait-ce un choix par défaut ? Faute de créer in loco de ballets narratifs potables, la direction se résout à importer encore et toujours, au risque de râcler les fonds de tiroir.

Du côté des spectateurs, étant donnés le complet ratage en rouge et noir de Pierre Lacotte et l’incapacité foncière de l’Opéra de Paris à fixer dans le paysage les – rares – réussites indigènes de ces dernières années (Wuthering Heights, La Source, ou même Les Enfants du Paradis), on en vient à se demander si on peut faire la fine bouche. Il faut croire que dans mon cas, la réponse est « non » », car j’ai finalement pris des places pour trois représentations…

Et il y en a eu au moins une de trop. À la première revoyure, et fort de la réactivation de mes souvenirs londoniens, j’ai pu briller à l’entracte (savez-vous que durant la scène 4 de l’acte II, le tableau qu’offre Elisabeth à son époux est une manière de lui signifier qu’elle sait que la cantatrice portraiturée – et qui va bientôt chanter – est sa maîtresse ?). À la deuxième, j’ai compté les longueurs de ce grand bazar boursouflé qui ne nous épargne rien de ce que la Cacanie avait de cracra-moisi. Durant la troisième, je les ai esquivées en piquant de mini-siestons sur la banquette de mon fond de loge.

Trêve de plaisanterie, que font les danseurs parisiens de l’œuvre qu’on leur donne à incarner ? Ils s’y investissent manifestement, y compris dans ses méandres narratifs. Ainsi les quatre officiers hongrois – au premier rang desquels Pablo Legasa fait des étincelles – racontent-ils clairement une histoire (qu’elle soit obscure est une autre affaire). La lisibilité de l’ensemble est cependant obérée par l’absence de saut générationnel visible entre les protagonistes : à Londres, la tradition des character artists permet de confier certains rôles à des vétérans possédant un peu de bouteille (par exemple, Bay Middleton n’est pas censé avoir le physique de Jérémy-Loup Quer). Cela donne au moins quelques repères. Ici, et comme l’a noté Fenella, nombre de spectateurs auront eu du mal à percevoir qui est qui. Qu’Héloïse Bourdon soit la mère de Mathieu Ganio (soirée du 26 octobre) ne saute pas aux yeux.

Autre différence avec le Royal Ballet, les ruses des distributions parisiennes font alterner quelques ballerines sur des rôles partiellement antithétiques. Certaines y réussissent mieux que d’autres : la sécheresse de l’impératrice va mieux à Laura Hecquet (28 octobre) que ne lui sied le charme de l’ancienne maîtresse de Rudolf (26 octobre). En revanche, Héloïse Bourdon réussit aussi bien son Elisabeth (avec un frappant changement de style dès que son fils entre en scène – acte I, scène 2, 26 octobre) que sa Marie Larisch, dont on conçoit fort bien que Rudolf ait pu en être épris et en conserve un brin de nostalgie (2 novembre). Distribuée alternativement en Marie Larisch (28 octobre) et en Mary Vetsera, Hannah O’Neill fait flèche de tout bois et tire son épingle du jeu ; en jeune et nouvelle amante adepte des pistolets, elle vampe littéralement Stéphane Bullion (qui vasouille malheureusement trop sa partition). Dans le pas de deux de séduction (acte II, scène 5), elle fait l’effet d’une liane carnassière (2 novembre).

Et Rudolf dans tout ça ? Mathieu Ganio (26 octobre) et Hugo Marchand (28 octobre) marquent de leur empreinte l’écrasant rôle du prince mal léché. Certes, le premier fait preuve d’un peu de fébrilité lors de la variation de la scène du mariage, dont les tours finis arabesque ou pris de la demi-pointe demandent à la fois un contrôle impeccable et un sens dramatique aigu (des qualités dont le second fait une éclatante démonstration). Mais par la suite, le décalage s’estompe, et l’on ne voit plus guère que des différences d’incarnation. Ganio excelle dans l’élégance (la variation légère de la scène de la taverne), mais investit aussi tous les changements de style de sa partie. Lors de la scène finale, quand – juste avant le dernier pas de deux – il soulève sa jambe raide de ses mains pour avancer, on dirait qu’elle ne lui appartient plus (Marchand, de son côté, montre davantage la douleur).

Dorothée Gilbert, Hugo Marchand, Hannah O'Neill

Dorothée Gilbert, Hugo Marchand, Hannah O’Neill

Les perruques vous changent une ballerine ; avec leur frange sage et leur nœud rose, toutes les Mary Vetsera se ressemblent. Ludmila Pagliero, toujours très crédible en jeune fille, passe en un clin d’œil de l’innocence à la séduction (manque de chance, le 26 octobre, son coup de pistolet n’est pas parti, acte II, scène 5). Je m’aperçois que je pourrais dire la même chose de Dorothée Gilbert (28 octobre, avec Hugo Marchand) comme d’Hannah O’Neill (2 novembre). Je découvre que j’ai juste admiré l’investissement physique et technique des ballerines, sans m’interroger sur leur interprétation.

C’est sans doute que, faute d’appétence pour les grandes névroses, la psychologie de la donzelle Vetsera m’est à la fois opaque et indifférente. Coucher oui, mourir non : j’ai plus d’affinités avec le pragmatisme d’une Mitzi Caspar, un rôle dans lequel Bleuen Battistoni montre sa maîtrise des moulinets du poignet (à la Ashton) et nous persuade qu’il faut d’emblée la distribuer dans Manon (26 octobre). Et puis, le souvenir glaçant de la nuit de noces entre Rudolf et la princesse Stéphanie joue peut-être aussi un rôle (acte I, scène 3) : Éléonore Guérineau, porcelaine apeurée, s’y montre particulièrement bouleversante face à la brutalité de Rudolf Ganio (26 octobre).

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Mayerling in Paris : deadly…

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Mayerling. Hugo Marchand and Dorothée Gilbert as Rudolf and Marie.

As Joseph II of Austria once purportedly said, even a Mozart can produce something with “too many notes.”

After descending the grand staircase at the Palais Garnier, I stopped at one of the pulpits to buy the illustrated program. Before I could say “bonsoir,” the clearly exhausted usher, without looking up, launched into the bilingual mantra she had obviously been repeating all evening: “there is a plot summary in it! Cast list! Y’a un synopsis dedans, of course!”

That’s not a good sign for a story ballet. Especially one based on history that has become a film and television and touristic cliché: the Decline of the Austro-Hungarian Empire.

But if we are in SissiLand, as one visitor to the Palace of Schönbrunn once called Vienna, exactly which one of these equally young women on stage is the Empress Sissi? Despite Scene One, my young neighbour and seatmate admitted during intermission that he had no idea that the tense and sad pas de deux with Rudolf in Scene Two had been with his mother. “Maybe she should have stayed inside the same costume from Scene One? “

My neighbour made a nostalgic reference to how Ophuls’s film of Schnitzler’s La Ronde, set in the same Viennese fin de siècle twilight as this, still makes who is who so easy to follow nearly a hundred years later. Then he began to enumerate silent movies that aren’t that hard to understand, either. “Do they ever use inter-titles in ballet?” he suggested, full of hope.

As to this scene, it turns out that consulting the illustrated program afterwards – the one with a Plot summary! Cast list! – won’t help in any case. “SA peine” [a feminine noun in French despite the object] was translated as “HER grief.” Instead of clarifying that Rudolf was reaching out to his mother with HIS grief, he had been somehow upset for her.  Which was not the case at all. Confusing.

After that scene with “her” grief, we discovered the anti-hero in a different bedroom playing with guns and skulls and yet another young woman. Who she?

You get the picture, it takes an age to figure out who is who, sort of, as there are just too, too, many anxious women and men in fancy wigs buzzing around.  Actually, the wigs help: the redhead, the blonde, the one with bangs.  But do wigs mean anything dramatically? I wonder how many in the audience inhaled and sat back and then sat up straight: “oh damn now who is this new woman with long loose dark hair” during Act Three Scene Two? Ha! fooled ya, it’s Sissi’s New Look.

Let’s not even mention my neighbour’s confusion concerning “those four guys who hang out and seem quite loyal to Rudolf, but seem a bit threatening.” “They are Hungarians who want their country to leave the Empire.” “Really? Wow. I never would have guessed that.” It doesn’t help that they do parallel turn-ins à la Russe and in the cast list are not even given one of that plethora of given-names that only a historian could identify (Count Hoyos? Are you serious?) Upon reflection, my neighbour thought that announcing them as “These four mystery men who lurk on the stage and then on the apron have been added to cover the noise and tedium of scene changes” would have been clearer.

I could go on and on about the “hunh?” factor concerning the narrative: imperial boyfriends and girlfriends galore. Then there is Bratfisch, oh god. (Marc Moreau was both funny and touching and danced with zest, but nobody in the audience had a clue as to why he kept popping up in the narrative in the first place). FYI Bratfish is not an old boy-friend, he is the designated Imperial Coachman Loyal To Rudolf Until Death Do Us Part.

Of course I’ve seen this ballet before. But every single time it takes me ages to finally concentrate on the dancers dancing and acting out about something because I’m just too distracted by trying to channel the Almanach de Gotha. I usually fight hard to get to see every cast for a ballet. I only had a ticket for this one. But should another pop up, I will probably say, “not in this lifetime.” Or better yet: “over my dead body.”

*

 *                                 *

So, now, as to the leads: Hugo Marchard’s Rudolf is a brusque and sardonic Laurence Olivier-y Hamlet, utterly confused and repulsed by his compulsive need for women’s approval.  Dorothée Gilbert’s Mary Vetsera is more Nureyev’s Clara: she has seen too much of adult life, and tries to mimic it. She has had a theoretical understanding of love, gleaned from overheard gossip provided by the, many, many, women whooshing around her. Her role makes it clear that long before the Internet naive young women were already being groomed by their environment to pleasingly submit to dominant males. I can’t say this pair clicked as “gilbertmarchand” at first, but by the end they convinced me of their “folie à deux.”

I am looking forward to seeing them in Manon”s last pas de deux this summer instead. Perhaps that illustrated program in English translation will contain no more oxymorons such as: “The tragedy reached its tragic conclusion.” And have you ever heard of a “twin suicide?” I’ve heard of the Twin Towers, but as far as I know, few twins were on stage. What was demonstrated at the end of the ballet by the leads was a “murder-suicide.”

Hannah O’Neill, identified as Countess Marie Larisch in the program, grew on me and my seatmate and the audience. She’s the one in the blue dress at first, reddish wig, etc…but with glinting eyes and a unique elegance that went beyond all that — so easy to partner, like Dorothée Gilbert, that every trick seems effortless. O’Neill’s Larisch was the character my seatmate “got” almost at once as an old flame/friend/pimp à la Pompadour. He rooted for her, a discarded girlfriend (out of those too many discarded girlfriends who dominated space on the stage).

As poor Princess Stephanie, the ugly duckling Belgian devout political pawn married off to an Austrian sex maniac, Silvia Saint-Martin came off more as spoiled and stiff rather than frightened or anguished. As Rudolf’s woe-begotten bride remains in costumed variations of white and cream, my neighbour DID understand later on that a woman standing stiffly downstage-left in Act Two was the same character who had been flung about and humiliated at the end of Act One…But then he said, ”but who is she supposed to be in the first place, exactly? She never reacts to anything.”

Mitzi Caspar, what a great role and what waste at the same time. This character appears onstage in Act Two for One Scene that’s all and then hangs around somewhere backstage in costume for an hour and a half waiting for the final curtain calls. Valentine Colasante’s prostitute  — joyful and easy-going and gorgeously all there — finished every whirl with unfussy, light, and impressive suspension. With her long neck and relaxed tilts of the head, she was lit from within. Her dance with Marchand’s Rudolf felt trusting and warmly in synch. They even gave us the illusion that the heavily re-orchestrated Liszt had lifted up its head too for a while. That’s so cool: dancers making the music sound better.

Let it be said: the cast on stage was not helped by the languidly-conducted Liszt score that dragged us down. The orchestra provided zero swing or swoop, especially in the last act. My neighbor noted that a lot of the musicians were awfully young. “Is that normal for a Grand Opera?” “No.” Poor dancers, poor us.

As stunning and challenging as MacMillan’s passionate acrobatic pas de deux can be for dancers, this thing called Mayerling ends up delivering an exercise in narrative tedium.

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The Family-Crypt of the Habsburgs in Vienna.

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Roméo et Juliette de Jean-Christophe Maillot au ballet du Capitole: Tragédie à Grande Vitesse

La saison 2022-2023 du ballet du Capitole a brillamment débuté avec l’entrée au répertoire, pour hélas seulement 5 petites dates, d’un monument du ballet d’action, Roméo et Juliette de Prokofiev, dans la très belle et très épurée version de Jean-Christophe Maillot. À la tête du ballet du Capitole, Kader Belarbi parvient encore à innover puisque c’est apparemment la première fois qu’une œuvre du célèbre chorégraphe français, à la tête du célébré ballet de Monte Carlo, est adoptée par une compagnie française. Ce Roméo et Juliette n’est pas une nouveauté – créé il y a déjà 25 ans, on avait pu le voir peu après sa création au théâtre des Champs Élysées – mais il garde pourtant à ce jour toute sa modernité.

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Roméo et Juliette (Jean Christophe Maillot). Ballet du Capitole. Photographie David Herrero

La production tout d’abord n’a pas pris une ride. Exit les boursouflures dorées des décors et les kilomètres de velours des productions classiques. Le décor mouvant minimaliste d’Ernest Pignon-Ernest, fait de quatre grandes parois planes ou courbes, suffisent à suggérer une place écrasée de soleil ou la chambre d’un palais. Une grande chaussée en forme de virgule sera alternativement chemin de repli pour Roméo ou balcon toboggan pour Juliette. Les costumes médiévalisants de Jérôme Kaplan, réduits à l’épure, proposent une variation sur le noir et le blanc : blanc des Montaigu, allant du blanc cassé au crème,  noir des Capulet allant du gris taupe au noir solide (Tybalt) en passant par l’argent terni pour Rosaline. Juliette quant à elle porte une tunique dorée pour le bal. Le seul à porter ces deux non couleurs de manière tranchée est Frère Laurent qui essaye vainement d’agir et de s’interposer entre les deux familles ennemies. Les accessoires sont réduits au strict minimum. Il n’y a pas de duel à l’épée. Tybalt tue Mercutio à coup de masse et Roméo l’étrangle avec le drap ensanglanté de Mercutio. À la fin du ballet, il s’empale sur le lit catafalque triangulaire de Juliette. Cette dernière serre autour de son cou un foulard pourpre pour à son tour mettre fin à ses jours.

La chorégraphie de Jean-Christophe Maillot joue sur les oppositions de masse plutôt que sur le nombre de danseurs. Lors de la scène de rivalité qui ouvre le ballet, on a moins d’une dizaine de Capulets ou de Montaigus, pourtant le plateau semble submergé par le bruit et la fureur. Le bal des Capulets se recentre sur les interactions entre les différents protagonistes, l’assemblée des invités ne faisant que des traversées subreptices de la scène. À l’acte 2, les baladins sont remplacés par un facétieux jeu de guignol qui raconte l’histoire des héros, de leur rencontre au bal jusqu’au dénouement tragique. Ce format presque « de chambre » convient bien à la taille de la compagnie et on peut compter sur les danseurs du Capitole pour, comme toujours et bien que le corps de ballet ait été sérieusement renouvelé, enflammer le plateau.

La gestuelle de Maillot est fiévreuse. Les danseurs effectuent des mouvements sémaphoriques voire télégraphiques des bras qui semblent exprimer la vitalité débordante mais aussi la violence de ces sociétés où plus de la moitié de la population a moins de 15 ans. Les danseurs, bien que sur la musique, semblent toujours être dans « l’accéléré ». On glisse, on tombe parfois sur le postérieur.

Pendant la scène du balcon, Roméo s’élance vers Juliette, plonge et glisse sous ses jambes, se retrouvant au moins un mètre derrière elle. Les maladresses touchantes sont en effet inscrites dans la chorégraphie. Pendant la scène du bal, Juliette agite les mains comme une jeune fille un peu écervelée. Elle semble dire des riens à Roméo avant de lui voler un baiser (en effet, dans cette version, Roméo ne décide de pas grand chose). Mais dans une rencontre amoureuse, les propos n’ont-ils pas en général que peu d’importance? Ce qui se dit est souvent anodin, voire trivial. C’est finalement le sentiment de la connexion impalpable qui restera dans la mémoires des deux amants.

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Roméo et Juliette (Jean Christophe Maillot). Ballet du Capitole. Ramiro Gomez Samon (Mercutio), Alexandre de Oliveira Ferreira (Tybalt), Philippe Solano (Benvolio). Photographie David Herrero

Plus qu’expressionniste la chorégraphie est cartoonesque. Les protagonistes ressemblent à des personnages de dessin animé, soulignant leur grande jeunesse. Même dans le pas de deux du balcon, la gravité et le lyrisme ne s’introduisent qu’à la fin, comme par surprise.

En revanche, Jean-Christophe Maillot sait changer de rythme lorsque cela est nécessaire. La scène du double meurtre de l’acte 2 est ainsi traitée comme un ralenti cinématographique. Il utilise également les poses statuaires dans son traitement du personnage de frère Laurent qui observe l’histoire se dérouler comme a posteriori.

Ce personnage à la gestuelle particulièrement expressionniste (il apparaît dès le début de ballet, additionnant les poses de Pietà en compagnie de ses deux acolytes en blanc) prend une place de plus en plus prégnante dans le ballet au point de devenir presque encombrant à l’acte 3 lorsqu’il assiste au double suicide de Roméo et Juliette et semble converser avec l’héroïne.

Dans ce rôle, créé pour Gaëtan Morlotti, Ruslan Savdenov fait montre d’une grande puissance expressive. L’ensemble de la distribution ne lui cède en rien dans l’engagement. Ramiro Gomez Samon et Philippe Solano respectivement en Mercutio et Benvolio forment un tandem roboratif. Leurs étourdissantes pirouettes et leurs facéties saltatoires nous ont enthousiasmé. Leur connexion parait évidente. Dans le rôle du très noir Tybalt, Alexandre Ferreira séduit par son ballon et par le côté acéré de ses lignes. Néanmoins il n’efface pas le souvenir de Francesco Nappa que j’ai vu il y a bien longtemps dans ce même rôle. En effet, sa connexion avec ses lady Capulet en alternance n’a pas ce côté charnel et quasi incestueux qui m’avait frappé alors. Dans ce second rôle féminin, Alexandra Sudoreeva (le 28) cisèle en première distribution sa jolie ligne pour portraiturer une matriarche pleine de séduction, de morgue mais fort peu aimante. Pour l’amour, il faut regarder du côté de la nourrice (Nancy Osbaldeston, qui réussit à danser « adipeux » sans renoncer à la vivacité et au charme. Son désespoir à la mort de Juliette est d’une belle expressivité). Marlen Fuerte, en seconde distribution (le 30), tire sa lady Capulet du côté de la vamp’ au détriment de celui de la cheffe de famille. En revanche, son désespoir de lionne blessée à la mort de Tybalt est impressionnant. En première distribution, la danseuse interprète une très séductrice Rosaline que se disputent, à l’acte 1, Roméo et Tybalt. En seconde distribution, Juliette Itou, plus réservée, séduit par sa ligne réminiscente de celle de Bernice Coppieters, muse de Maillot, créatrice de Juliette et aujourd’hui répétitrice pour cette entrée du ballet au répertoire du Capitole.

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Roméo et Juliette (Jean Christophe Maillot). Ballet du Capitole. Alexandra Sudoreeva (Lady Capulet) et Natalia de Froberville (Juliette). Photographie David Herrero

Natalia de Froberville qui interprète Juliette est fort différente de Coppieters. Plus petite mais surtout moins androgyne, elle se coule néanmoins avec son habituelle efficience dans les pas de Juliette. Plus à l’aise le soir de la première dans l’exaltation juvénile que dans la passion ou le paroxysme du désespoir, elle progresse nettement dans ces derniers registres lors de la troisième représentation. On goûte alors particulièrement ce moment où, après s’être laissé glisser le long du balcon toboggan, elle s’assoit sur son bord, figurant une hirondelle sur un fil électrique. Minoru Kaneko, plus en retrait en Roméo le soir de la première, connaît aussi une belle progression lors de la troisième représentation du 30 octobre. Il portraiture merveilleusement le chien fou au moment de son entrée dans l’église lors de la scène du mariage, sous l’orbe textile actionnée par les deux acolytes de frère Laurent. Dans le duo qui ouvre l’acte, moment où le chorégraphe autorise enfin le lyrisme et l’abandon à ses interprètes, Kaneko et Froberville (laquelle danse tout l’acte pieds nus) parviennent à créer un moment de suspension et de plénitude amoureuse.

Souhaitons donc une très prochaine reprise de ce ballet qui va déjà si bien au Ballet du Capitole en dépit du peu de représentations qui lui ont été imparties.

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Roméo et Juliette (Jean Christophe Maillot). Ballet du Capitole. Minoru Kaneko (Roméo) et Natalia de Froberville (Juliette). Photographie David Herrero

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