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Le Lac des cygnes 2022 : un temps du bilan

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Pourpoint de Rudolf Noureev pour Siegfried (1989)

Lac d’indifférence

Le saviez-vous? L’opéra de Paris rend hommage à Rudolf Noureev. En effet, le 6 janvier dernier précisément, cela a fait 30 ans que le mythique danseur, chorégraphe directeur nous a quitté.

L’Opéra de Paris restant l’Opéra de Paris, c’est bien entendu un hommage en pente descendante. Les 10 ans de la disparition de Noureev avaient été l’occasion d’une prestigieuse soirée de gala ; les 20 ans d’une soirée que Les balletotos avaient qualifiée « d’enterrement de seconde classe ».

Pour cette nouvelle décennie qui s’achève, tandis que la bibliothèque de l’Opéra célébrait les comédies (beaucoup)-ballets (trop peu) de Molière, les vitrines des espaces publics exposent depuis quelques semaines des costumes des grandes productions Noureev de ballets. La plupart d’entre eux sont des avatars récents disponibles au central costumes, souvent moins fouillés et luxueux que leurs ancêtres de la création des productions. Raymonda acte 3, à qui on a maladroitement voulu donner la position iconique de « la claque » et qui a plutôt l’air de se gratter la caboche, n’est finalement qu’une pâle copie du costume de la production de 1983, qui ressemblait de près à une carapace en or repoussé.

Mis à part deux costumes de Washington Square, le seul artefact « d’époque », est le pourpoint de Rudolf Noureev dans son Lac des cygnes, porté, selon l’affichette, en 1989, l’année de son départ de la direction de la danse.

Le Lac des cygnes… justement le seul ballet de Noureev présenté pour cette saison 2022-2023 qui marque les 30 ans de sa disparition. Le seul ballet d’ailleurs qu’on peut qualifier de « grand classique » qui sera au programme tout court. C’est Kenneth MacMillan, lui aussi disparu il y a trois décennies, qui semble donc à l’honneur avec deux ballets dont une entrée au répertoire. Ceci est certes dû au hasard des reprogrammations post-Covid, mais avouons que l’effet est assez fâcheux.

« L’ardoise magique-Opéra » face à son répertoire chorégraphique serait-elle en marche? Selon la blogosphère, José Martinez aurait déclaré juste après sa nomination, « il n’y a pas qu’une version du Lac des cygnes ». Des dires non vérifiés. Dans une intervention plus récente sur France Musique, l’étoile-directeur se montre d’ailleurs plus attaché que cela à l’héritage Noureev ouvrant même la perspective d’une reprise de Casse-noisette ; mais sait-on jamais ?

Autant dire que nos Balletotos se sont jetés sur la série de Lacs programmée en décembre comme de pauvres affamés. Ils ont assisté à sept représentations et ont en conséquence pu voir chacune des cinq distributions officielles proposées par la maison. Tout le monde n’a pas commenté sur toutes les distributions. Nous rétablissons donc ici une certaine diversité des points de vue.

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Duos lacustres

Cette reprise a été marquée par la verdeur des Siegfried, la compagnie étant cruellement en défaut d’étoiles masculines disponibles.

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Le seul duo étoilé aura finalement été celui de la première, réunissant Valentine Colasante et Paul Marque, qui avaient chacun dansé les rôles principaux lors de la mouture 2019. James, féru des premières, a donc ouvert le bal le 10 décembre et a salué un couple « crédible dans l’incarnation,  émouvant dans le partenariat ». De son côté, le 22 décembre, Cléopold a aimé le cygne « animal et charnel » de Valentine Colasante, « moins oiseau que femme, se mouvant avec la douceur d’un duvet de plumes ». Fenella a également été séduite par le cygne de Colasante. Elle note que, dans le prologue, « les bras de la ballerine, battent devant et derrière en un mouvement  circulaire qui lui donne un air d’affiche Art nouveau peinte par Mucha ». À l’acte 2, elle rejoint Cléopold dans sa vision très terrienne du cygne : « très difficile d’expliquer combien Colasante est à la fois ancrée et légère », son oiseau « est pris dans l’entre deux, comme s’il était en train de se noyer ». L’Odette de Colasante serait une « reine de douleur », aux plumes coupées, qui a déjà perdu tout espoir de s’envoler ».

Tous nos rédacteurs s’accordent pour célébrer la maturité artistique et scénique acquise par Paul Marque depuis la dernière reprise du Lac. « Il n’a désormais plus besoin de (très bien) danser pour être remarqué. Il insuffle aussi bien dans sa danse que dans sa pantomime de la respiration ». Fenella apprécie la façon dont il utilise tout son corps avec « une énergie pleine et ouverte à l’image de ses arabesques, cambrées, prises de la hanche, qui expriment une forme d’attente douloureuse ou de prescience».

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Pablo Legasa (Rothbart), Dorothée Gilbert (Odette-Odile) et Guillaume Diop (Siegfried)

La deuxième distribution, quant à elle, réunissait Dorothée Gilbert, ballerine déjà confirmée dans le rôle et le très jeune et très en vue Guillaume Diop. James, le 14 décembre et Cléopold le 23 apprécient tous deux la distribution à des titres différents. Le premier célèbre surtout la ballerine, trouvant le danseur un tantinet trop « jouvenceau » dans le rôle, tandis que le second passe au-dessus de ce déséquilibre de maturité grâce au Rothbart éminemment freudien de Pablo Legasa.

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Jack Gasztowtt, Myriam Ould-Braham et Marc Moreau. Saluts.

Le troisième couple, vu le 16 décembre, est celui qui a peut-être le moins séduit. Myriam Ould-Braham dansait avec le premier danseur Marc Moreau en remplacement de son partenaire de prédilection, Mathias Heymann, initialement prévu. Cléopold n’a pas adhéré au sage et minéral prince de Moreau et a tonné contre le cygne noir sans charme ni abatage de sa danseuse favorite. Il réalise à l’occasion qu’il ne peut pas vraiment croire au cygne blanc s’il n’y a pas de cygne noir. Fenella rejoint plus ou moins notre intransigeant barbon. Selon elle, « Siegfried-Moreau n’aspire pas à la vie. En clair, Freud dirait qu’il est refoulé ». À l’acte 2, « il réagit néanmoins d’une manière quasi viscérale au moment où Odette Ould-Braham pose ses mains sur son avant-bras ». À l’acte 3, « il essaye d’enflammer la salle, mais se retrouve face à un cygne noir qui a éteint la lumière […] Plus de délicieuses œillades comme lors de la dernière série de Lac, juste … la mire ». Moins sévère, James écrit : « Même en méforme, Myriam Ould-Braham émeut par l’éloquence de ses bras, la douceur de ses regards et la délicatesse de son partenariat avec Marc Moreau ».

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Thomas Docquir (Rothbart), Héloïse Bourdon (Odette-Odile) et Pablo Legasa (Siegfried).

Le duo le plus attendu de la série, entouré de folles (et sommes toutes irréalistes) rumeurs de nomination, réunissait pour une unique date, le 26 décembre, deux premiers danseurs initialement non prévus sur les rôles principaux. Héloïse Bourdon, peu vue ces dernières saisons, retrouvait un rôle qui lui avait déjà été donné lorsqu’elle n’avait que 19 ans. Elle dansait aux côtés de Pablo Legasa dont c’était la prise de rôle.

Cléopold a été conquis par l’intensité dramatique du couple, par la maîtrise sereine de la ballerine ; un peu moins par les petits arrangements que le danseur  s’est ménagé dans la chorégraphie aux deux premiers actes. James de son côté dit : « c’est la ballerine qui m’impressionne le plus : outre le physique, si éthéré qu’il en devient idéel en cygne blanc, il y a le mélange de grâce et de force (technique) qui vous tient en haleine. En Siegfried Legasa, on voit pleinement les promesses, mais l’interprète m’a  donné parfois la déroutante impression de ne pas aller au bout de ses effets ». De son côté, Fenella écrit, « dès le prologue,  Bourdon rend extrêmement clair qu’elle a été atteinte par un tir de flèche ». À l’acte 2, « le corps de la ballerine est confus de la meilleure manière qui soit, à la fois cherchant à aller vers son prince mais s’en trouvant toujours éloigné par l’appel du magicien ». Notre rédactrice se montre fascinée par « le phrasé, les sauts silencieux, les élégantes lignes et l’intelligence dramatique » de Pablo Legasa. « Le solo méditatif de l’acte un ? Vous auriez pu entendre une épingle tomber ».

À l’acte 3, le cygne noir d’Héloïse Bourdon est décrit par Fenella comme « félin, contrôlé, très aguicheur et enjoué tandis que Legasa bondit de joie ».

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Amandine Albisson et Jeremy-Loup Quer

Enfin, les Balletotos ont commencé l’année en finissant la série du Lac. C’était avec la dernière distribution réunissant Amandine Albisson et Jeremy-Loup Quer.

James, qui a écrit sur ce couple, se montre plus réceptif au cygne d’Albisson qu’il a pu l’être dans le passé même celui-ci n’est toujours pas « son cygne de prédilection » car il lui trouve « trop d’épaules ». Un peu échaudée par cette formulation, Fenella écrit « L’Odette d’Albisson est plus qu’une nageuse. Elle brasse frénétiquement l’eau en arrière lorsqu’elle rencontre le prince. Et comme quelqu’un en hyper-oxygénation, son cygne ensuite ralentit le mouvement comme pour essayer de suspendre le moment où le prince lui jure son éternel amour ». Fenella apprécie également la fibre presque « maternelle » que déploie la danseuse, « qui fait tinter la lecture freudienne de Noureev ».

Comme James, Fenella reconnaît la maîtrise technique de Jeremy-Loup Quer mais trouve son Siegfried « passif, presque masochiste ». Cléopold, de son côté, apprécie chez Quer « sa batterie très ciselée et ses lignes très Opéra ». Le danseur le laisse néanmoins froid durant les deux premiers actes et une grande partie du troisième où il n’a d’yeux que pour l’Odile « chic et charme » d’Amandine Albisson. Néanmoins le désespoir de Siegfried-Jeremy, « quand il pose ses mains sur sa tête puis mime à sa mère ‘J’ai juré !’ avant de s’effondrer comme une masse » entraîne notre exigeant rédacteur dans le quatrième acte. À l’instar de ses collègues, Cléopold est très ému par le dénouement du ballet, lorsque Odette est retournée sur l’escalier de fond de scène : « pendant la dernière confrontation entre Siegfried et Rothbart, Albisson n’est pas debout en train de faire des piétinés. Elle se tient agenouillée dans la position de la mort du cygne et on ne peut détacher son regard d’elle. Seule la dernière passe entre Quer et le Rothbart de Thomas Docquir, très violente, nous arrache à sa contemplation ».

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Pablo Legasa : Rothbart

La version Noureev du Lac des cygnes se caractérise notamment par un développement du rôle du magicien Rothbart qui a été fondu avec le précepteur Wolfgang de l’acte 1. À l’acte 3, quittant une sa grande cape, le magicien s’immisce dans le pas de deux et il est gratifié d’une variation rapide brillante truffée de pas de batterie et de tours en l’air enchaînés. Le rôle de Rothbart ne se limite néanmoins pas à cette brève explosion de technique. Le danseur qui l’incarne doit installer le doute dans l’esprit du spectateur dès l’acte 1.

Autant dire qu’il faut distribuer des danseurs avec une certaine envergure. Jadis créé par Patrice Bart, Rothbart a été endossé par Noureev lui-même. Par la suite, Wilfried Romoli l’avait fait sien. Dans la période la plus récente, François Alu l’a dansé avec succès. Il était d’ailleurs prévu sur cette reprise avant sa démission – pas si – surprise.

À l’instar du casting des Siegfried, le double rôle du magicien aura été interprété par pas mal de nouveaux venus. Jeremy-Loup Quer, notre Siegfried  du 1er janvier faisait presque figure de vétéran du rôle de Rothbart pour cette mouture 2022. Le danseur, « plein d’autorité sereine en précepteur et menant très bien sa variation avec une pointe d’acidité » selon Cléopold, « cornaque Siegfried-Marque » selon James. « Jeremy-Loup Quer [à la fin de l’acte 1] passe sa main autour du col de son élève, juste à la lisière entre le tissu et la peau, comme s’il lui posait un collier. L’effet est glaçant ».

Voilà un effet qui n’a pas particulièrement attiré l’attention de Cléopold qui a vu Quer un autre soir. Il remarque cependant un geste similaire accompli par le Rothbart de Pablo Legasa qui selon lui, fut le magicien le plus abouti de cette reprise.

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Jack Gasztowtt : Rothbart le 16 décembre

Jack Gasztowtt, qui officiait aux côtés de Myriam Ould Braham et de Marc Moreau (16 décembre) atteint les prérequis techniques du rôle mais ne convainc pas forcément dramatiquement. Cléopold le trouve inexistant à l’acte 1 et regrette le manque de connexion du trio à l’acte 3. Plus réceptive, Fenella le compare à un « calme et malsain accessoiriste » à l’acte 1, et trouve qu’à l’acte 4 « il essaye de ressembler à la chauve-souris de la Nuit sur le Mont Chauve de Fantasia. C’était mignon » … Praise indeed !

Thomas Docquir était notre Rothbart pour deux distributions : Bourdon-Legasa et Albisson-Quer. Encore sous l’émotion du Rothbart de Legasa, Cléopold trouve les contours dramatiques du Rothbart de Docquir imprécis le 26 mais se montre plus convaincu le 1er janvier notamment lors du combat final de l’acte 4. Fenella trouve également que le jeune danseur a grandi dans son rôle le 1er janvier : « Dès le prologue, son Rothbart glisse au sol comme un danseur géorgien et ses battements d’ailes ont gagné en autorité. Lorsqu’il apporte l’arbalète à la fin de l’acte 1, c’est plus comme s’il donnait au prince le mode d’emploi pour mettre fin à ses jours. Un vrai coup de poignard au cœur ».

De son côté, selon James, « seul Thomas Docquir n’a presque pas flanché sur une des réceptions de la redoutable série de double-tours en l’air de l’acte noir ».

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Thomas Docquir : Rothbart les 26 décembre et 1er janvier.

Accessits, confirmations, admiration : cette saison de Rothbart est globalement une bonne cuvée qui murira bien.

Peut-on dire la même chose des…

Pas de trois de l’acte 1

Il semblerait que nos trois rédacteurs n’aient jamais vraiment trouvé leur combinaison idéale. James écrit : « Dans le pas de trois, Roxane Stojanov manque de charme, mais Axel Maglioano impressionne par ses entrelacés et son manège, tandis qu’Hannah O’Neill livre sa variation avec style (10 décembre). Quelques jours plus tard, le trio formé par Aubane Philbert (en avance sur la musique), Silvia Saint-Martin (essoufflée sur les temps levés de la coda) et Antoine Kirscher (qui finit une réception en sixième) se montre techniquement à la peine le 14 décembre. Ce sera mieux un autre soir (le 26) ».

Cléopold s’est montré aussi peu conquis. Le 16, il ne l’est pas par le trio Sarri-Scudamore-Duboscq et l’a écrit. Fenella, qui ne partage pas son avis, les a trouvé « légers comme des plumes ; Scudamore avec du souffle sous les pieds, et Sarri et Duboscq se répondaient l’un l’autre ». Le 22 est le soir où Cléopold se montre le plus satisfait : « Sarri est plus posé que le 16, Stojanov a une danse enjouée et musicale. Enfin O’Neill est très féminine et primesautière ». Pour les trois dernières dates cléopoldiennes, Antoine Kirsvher dansait « le rôle du monsieur », toujours trop tendu et sec pour séduire.

Fenella aura également beaucoup vu le nouveau premier danseur et le moins qu’on puisse dire, c’est que le charme n’opère pas. Le 1er janvier, elle nous dit « Kirscher veut trop vendre sa soupe. Ç’en est laid. Mains tendues et écartées, réceptions bruyantes, amusicalité occasionnelle et lignes approximatives». N’en jetez plus ! Dommage, car pour cette matinée ultime, notre rédactrice a un coup de cœur pour les demoiselles : « Inès McIntosh est un trésor ; féminine avec de longues lignes, une haute arabesque et des temps de sauts joyeux aux réceptions silencieuses. On pourrait en dire de même de la trop rare Marine Ganio ».

On est un tantinet inquiet de la pénurie de danseurs masculins sur ce pas de trois. On pourrait s’interroger sur la présence d’Audric Bezard, premier danseur, dans la danse espagnole pratiquement un soir sur deux. Lorsqu’on regarde la distribution de Kontakthof qui jouait en même temps à Garnier, on reconnaît un certain nombre de danseurs qui se sont déjà illustrés dans le pas de 3, voire dans le rôle de Siegfried : Axel Ibot, Florimond Lorieux, Daniel Stokes. Il n’était peut-être pas judicieux de programmer une pièce avec une distribution fixe pour une longue série quand le Lac se jouait à Bastille…

« Grands », « Petits » et Caractères

On retrouve de ces incongruités dans les distributions des rôles demi-solistes. Que faisait Bleuen Battistoni dans la Czardas (qu’elle dansait élégamment) quand, à l’instar d’Antoine Kirscher, elle est montée première danseuse au dernier concours de promotion ? On pourrait se poser la même question face à la présence de Roxane Stojanov ou Héloïse Bourdon dans les 4 grands cygnes. Les quatuors de petits cygnes en alternance ont fait leur effet. Cléopold a un petit faible pour celui réunissant Marine Ganio, Aubane Philbert, Caroline Robert et Clara Mousseigne le 1er janvier.

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Dans les danses de caractère, la Czardas était dansée par le corps de ballet avec le bon poids au sol comme d’ailleurs la Mazurka. Les solistes ont eu des fortunes diverses. Dans les messieurs, Antoine Kirscher est à la peine le 16. Axel Magliano et Jack Gasztowtt sont beaucoup plus à leur affaire respectivement aux côtés d’Aubane Philbert (le 22) et de Caroline Robert (le 23), cette dernière donnant sa représentation la plus enjouée le 1er janvier aux cotés de Kirscher.

La danse espagnole a eu aussi ses hauts et ses bas. Audric Bezard avait le pied mou en début de série puis s’est bien rattrapé. Le 1er janvier, le quatuor Bezard-Legasa-Drouy-Fenwick avait même du peps.

La Napolitaine a été bien illustrée sur la plupart des représentations. Le 16, Cléopold et Fenella s’accordent sur les qualités de plié et sur l’énergie d’Hugo Vigliotti mais diffèrent quant à la demoiselle. Bianca Scudamore n’est décidémment pas la tasse de thé de Cléopold mais il se laisse néanmoins plus séduire lorsqu’elle danse aux côtés d’Andrea Sarri (le 22/12 où il remplace Vigliotti). Andrea Sarri forme un couple savoureux le 23 avec Marine Ganio. Mais c’est finalement la représentation du 1er janvier qui recueille tous les suffrages. Fenella célèbre le passage « rendu palpitant par Ambre Chiarcosso et Chun-Wing Lam à la fois espiègle et clair de ligne. Adorables ! ». Pour Cléopold, « Lam (que n’a-t-il été distribué dans le pas de trois !) est primesautier et a du feu sous les pieds. Chiarcosso est à l’unisson avec ses jolies lignes et sa musicalité innée. Une petite histoire se raconte. La fin est très brusque et flirt ».

Cygnes

Mais il faut dire que le moment de bonheur sans partage aura été, encore une fois, les tableaux des cygnes. Le corps de ballet féminin garde cette discipline sans raideur qui permet de se projeter dans cette histoire fantastique.

La(es) foss(oyeurs)e

L’ensemble de la troupe a par ailleurs du mérite car il lui fallait triompher de l’orchestre de l’Opéra. Il y avait en effet longtemps qu’on avait eu à endurer une telle médiocrité de la part de la fosse. Le pupitre de cuivres en particulier nous a infligé tous les soirs des flatulences musicales. En termes de volatile, on était plus près du canard que du cygne. La direction de Vello Pähn était languide et sans relief. L’adage Odette-Siegfried de l’acte 4 était joué bien trop lentement.

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Le bilan global est au final en demi-teinte, un peu à l’image des costumes des danses de caractère de l’acte 3, dont les vieux rose et parme paraissent aujourd’hui bien délavés ; certains dateraient-ils de la création ? En 2024, cela fera 40 ans que Noureev créait son Lac à l’Opéra. Peut-être serait-il temps d’offrir à cette version, systématiquement reprise à Bastille, des décors à l’échelle de la scène et de nouveaux habits … On peut toujours rêver !

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Lac des cygnes 2022 : une dernière

P1180569Le Lac des cygnes. Ballet de l’Opéra de Paris. Représentation du 1er janvier 2023.

Je n’avais aucun souvenir d’avoir déjà vu Amandine Albisson dans le Lac des cygnes, ni encore moins d’avoir déjà écrit sur son Odette/Odile. C’est donc presque avec la fraîcheur de l’amnésique (ou de l’étourdi, pour les moins indulgents) que je peux vous en recauser aujourd’hui.

Cléopold, qui a bonne mémoire, me rappelle notre divergence sur la ballerine, qu’il aimait beaucoup dans le rôle il y a six ans, alors que je me montrais plus réservé. A-t-elle changé ? La relecture de mes commentaires d’alors me laisse penser que non : Amandine Albisson compose un cygne blanc très énergique, avec une réelle sauvagerie dans les bras quand elle est affolée et cherche à s’échapper du prédateur que figure Siegfried au début de l’acte II : « Cette force dans le mouvement donne une tension assez réussie au jeu de chat et de souris par quoi débute le partenariat entre la princesse-cygne et le prince », indiquai-je à l’époque, avant d’ajouter : « mais à aucun moment ou presque, je n’ai vu un oiseau ». Ce que je n’écrirais pas à présent.

Ai-je changé ? Pas tant que ça, au fond, même si mon appréciation est bien plus positive aujourd’hui qu’hier. Mlle Albisson n’est toujours pas mon cygne de prédilection (je lui trouve un peu trop d’épaules), mais elle est un cygne diablement incarné et convaincant. Une interprétation possible de son incarnation est qu’elle passe de la rébellion contre son emprisonnement dans un corps d’oiseau (d’où la véhémence du mouvement à l’acte II) à la résignation à sa condition, une fois établi que tout espoir d’en sortir était exclu (acte IV).

En cygne noir à la vorace séduction, Amandine Albisson pense, à tout moment, à donner la discrète impulsion narrative qui enrichit son personnage, par exemple avec des bras qui volètent pendant que son partenaire la fait pivoter le buste en bas. Lors de la scène finale, où le spectateur se concentre en général sur le duel entre Rothbart et Siegfried, elle parvient à aimanter le regard comme aucune autre ballerine de cette série : à genoux en quatrième, elle se relève avec éloquence en piétinés avant de sauter dans le vide. Une incarnation vibrante jusqu’au bout.

Son partenaire Jérémy-Loup Quer n’est pas aussi expressif, mais il sert sa partition sans le côté scolaire qu’on a pu lui connaître, ni vasouiller la chorégraphie. C’est déjà bien. En Rothbart, Thomas Docquir fait preuve d’une rogue autorité, y compris lors de sa variation de l’acte noir.

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Amandine Albisson et Jeremy-Loup Quer

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Le Lac des cygnes 2022 : des deux côtés du miroir

P1180569Dans la lecture de Rudolf Noureev, souvent décrite comme « psychanalytique », le lac n’est qu’une vision dans l’esprit troublé du prince ; trouble,  provoqué par le conflit oedipien que lui impose son précepteur (Wolfgang au premier acte et Rothbart aux trois suivants).

Lors de la soirée du 16 décembre dernier, j’avais donc été contrarié par l’absence de synergie entre  Siegfried et son Rothbart.

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Rien de tout cela lors de la soirée du 23 décembre. Guillaume Diop est, de par sa grande jeunesse, un prince poulain ou agneau qui regarde son précepteur avec de grands yeux naïfs. Le côté vert de ce prince est renforcée par sa silhouette, à la fois tellement proche des standards opéra mais encore si frêle qu’on s’étonne de la voir maîtriser presque tous les difficultés techniques de cette version Noureev. Mais ce qui aurait pu être ressenti comme un manque de maturité a trouvé un sens grâce au danseur qui interprétait Rothbart ce soir-là : le très beau et singulier Pablo Legasa.

Pendant tout le prologue et l’acte 1, même lorsqu’il est immobile, on a du mal à détacher son regard du danseur. Le visage de Lagasa, d’une longueur et d’une angularité accentuée pour l’occasion, le fait ressembler à un oiseau de proie même lorsqu’il est affublé des oripeaux du précepteur Wolfgang. Voilà un serviteur qui ne quitte jamais des yeux froids sa pupille. Ses interactions avec la reine (la très pertinente Lucie Mateci), sa rivale en influence auprès du prince, sont glaciales.

Celles avec le prince mettent mal à l’aise à force d’être incestueuses. Durant le pas de deux qui clôt l’acte I, alors qu’il a déposé le prince à genoux, Wolfgang Legasa plaque ostensiblement sa main droite sur l’arrière du cou du prince puis lui tourne autour sans la retirer. Lorsqu’il lui donne l’arbalète, il pose sa joue contre celle de son élève, préfigurant en version dévoyée, le contact à la fin du pas de deux de l’acte 2 entre Odette et Siegried. Enfin avant de le laisser partir à la chasse, il se met front à front avec lui.

Ce rapport est tellement fort, qu’au bord du lac, on ne doute pas un seul instant de l’irréalité d’Odette (Dorothée Gilbert) plutôt une incarnation de la féminité mûre – non pas qu’elle fasse plus âgée mais bien parce qu’il y a chez elle une plénitude qu’on comprend que recherche le prince – que femme oiseau de chair et de sang.

Dans le fond de Scène, Pablo-von Rothbart agite ses grandes ailes en musiques comme s’il faisait corps avec l’orchestre (lequel est malheureusement fort mou et imprécis depuis le début de cette série).

A l’Acte III, Legasa est toujours très présent et pas seulement concentré sur sa variation qu’il danse d’ailleurs de manière magistrale, avec une pointe de sècheresse bienvenue. Il met beaucoup d’acuité dans la pantomime du parjure, semblant littéralement couper la parole à la reine méfiante. On semble ensuite l’entendre dire, « nous sommes bien d’accord, tu veux jurer de l’aimer ET de l’épouser ». Confronté à ce magicien et à une Odile- Dorothée sereine et enjouée dans sa toute puissance (Les doubles tours attitude pris sans précipitation dans sa variation, contrairement à d’autres danseuses de cette reprise 2022, en sont une illustration), Siegfried-Guillaume, très efficace techniquement mais personnage immature et naïf, n’a aucune chance d’échapper au piège qui lui est tendu.

L’acte IV en devient d’autant plus déchirant. Pris par l’action, on ressent la complainte du corps de ballet et on s’émeut du pas de de deux entre la femme cygne résignée, vision déjà pâlissante, et le jeune inconscient qui veut encore y croire. Tout cela n’est qu’un rêve qui tourne au cauchemar. La réalité est encore une fois ramenée par le magicien de Pablo Legasa qui, pendant la confrontation finale, reproduit exactement le front à front du pas de deux masculin qui clôturait l’acte 1. Cela donne le frisson. Le précepteur-magicien préfère briser son jouet que le voir s’émanciper…

On ne peut s’empêcher de penser que sans ce vecteur Rothbart, le contraste de maturité dramatique entre Dorothée Gilbert et Guillaume Diop aurait pu être un obstacle à notre adhésion à l’histoire.

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Pablo Legasa (Rothbart), Dorothée Gilbert (Odette-Odile) et Guillaume Diop (Siegfried)

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Quelques jours plus tard, le 26 décembre, Pablo Legasa passait de l’autre côté du miroir puisqu’il interprétait à  son tour Siegfied.

Son prince semblait entièrement infusé de son expérience encore récente mais si parfaitement aboutie du maléfique magicien-précepteur. Il régissait plus comme s’il avait comme partenaire son propre Rothbart que celui de Thomas Docquir (prometteur, déjà à l’aise techniquement notamment dans la redoutable variation de l’acte 3, mais à la proposition dramatique encore imprécise).

Durant le premier acte, on pouvait sentir l’inconfort, l’appréhension et même la peur que le prince ressentait dès que son tuteur s’approchait : son dos et son cou se raidissait ostensiblement. La variation de la fin de l’acte I est ainsi déjà une confrontation. Siegfried-Pablo résiste aux impulsions imposées par Wolfgang comme il tentera de le faire plus tard à l’acte IV.

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Thomas Docquir (Rothbart), Héloïse Bourdon (Odette-Odile) et Pablo Legasa (Siegfried).

Si le Siegfried de Diop était indécis et peut-être simplement tenté par un vague échange de figure référente, le prince de Pablo Legasa est déjà en rupture de ban et en quête d’absolu. L’absolu, c’est justement l’Odette d’Héloïse Bourdon, vibrante sur ses pointes, tendue et souple comme la corde d’une arbalète. La rencontre des deux danseurs est palpitante. La pantomime est accentuée avec fougue. Les deux danseurs parlent la même langue. Héloïse Bourdon, très lyrique et intériorisée dans l’adage, donne autant à voir qu’à supputer, aussi bien à son prince qu’au public dans la salle. Ses battements d’ailes effrayés à la fin de l’acte sont très émouvants.

A l’acte III, son cygne noir est à la fois serein et claquant comme le fouet (sa variation est très maîtrisée, notamment les doubles tours attitude impeccables). Les lignes sont identiques mais l’énergie déployée est diamétralement opposée à celle du cygne blanc : alors qu’Odette était dans l’extension, Odile semble ancrée dans le sol.

Dans cet acte III, Pablo Legasa impressionne dans les variations classiques par la beauté de ses lignes et le suspendu de ses grands jetés. Il danse comme quelqu’un qui a pris possession de lui-même. Pour tout dire, ceci nous console un peu d’un acte I et II où la chorégraphie avait été quelque peu rabotée au profit de l’interprétation (dans la première variation de l’acte 1, notamment ou des sortes d’assemblés battus en tournant remplacent les doubles ronds de jambes suivi d’un piqué en arabesque ouverte si propre au style Noureev. Même dans le pas de deux du cygne noir, la ballerine pique seule en arabesque tandis que le danseur reste à pied plat dans la position « classique » du partenaire et non dans celle plus dynamique voulu par le chorégraphe).

A la réalisation de son erreur, la confiance nouvellement acquise de Pablo-Siegfried se brise littéralement nous projetant dans la tragédie de l’acte IV, fait d’embrassement charnels et de luttes désespérées. Des personnes qui ont vu Noureev danser Siegfried dans la pleine possession de ses moyens ont dit qu’il « était le cygne ». C’est un peu ce qui nous est apparu dans l’adage avec Odette-Héloïse, où les deux danseurs ne faisaient qu’une seule et même ligne ainsi que dans les derniers jetés du prince – mais ne devrait-on pas plutôt dire « envols » – qui précèdent le triomphe du magicien.

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On ressort du théâtre en se disant que décidemment Héloïse Bourdon est l’Odette-Odile la plus aboutie de l’Opéra et que Pablo Legasa sera un jour un immense Siegfried de Noureev lorsqu’il en dansera intégralement la chorégraphie.

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Lac des cygnes 2022 : pas de Blanc sans le Noir

P1180575Le Lac des Cygnes (Rudolf Noureev d’après Petipa-Ivanov). Ballet de l’Opéra de Paris. Représentation du vendredi 16 décembre 2022. Myriam Ould-Braham (Odette-Odile) / Marc Moreau (Siegfried) / Jack Gasztowtt (Rothbart).

C’est sans doute, depuis la création des Balletonautes en 2012, mon entrée la plus tardive dans le concert des comptes-rendus de saison sur le ballet de l’Opéra. Entre une entrée au répertoire aussi fastidieuse que dispensable (Mayerling), une création ratée (Cri de cœur) et une incursion dans le tanztheater (Kontakthof) peu concluante, je n’ai pas ressenti le besoin d’ajouter une pierre à l’édifice critique monté par mes collègues.

Au moins pensais-je, l’entrée en matière, pour tardive qu’elle soit, se ferait sur mon ballet fondateur, dans la production qui me l’a révélé, il y a désormais bien longtemps et avec ma ballerine favorite ; et qu’importe que la refonte des distributions masculines ait d’inquiétants relents de la fin de règne de Brigitte Lefèvre. On veut toujours s’attendre à de bonnes surprises.

Ravalant donc ma déception de manquer une seconde fois la rencontre lacustre entre Myriam Ould-Braham et Mathias Heymann, son partenaire de prédilection, j’étais curieux de découvrir le Siegfried de Marc Moreau, un premier danseur qui n’a pas ou guère eu l’occasion jusqu’ici de s’illustrer dans un « grand trois-quatre actes ».

Le rôle de Siegfried dans la production de Noureev n’a rien de la description du prince du Lac que fit jadis Georges Balanchine : un type qui rentre avec une plume au chapeau. Le personnage doit s’imposer sur tout l’acte I alors qu’il apparaît, tel James de la Sylphide, endormi dans un fauteuil. Il doit ensuite convaincre et projeter au-delà de rampe en ayant l’air absent voire renfermé.

Dans ce rôle, Marc Moreau apparait un peu trop minéral. Il compense son manque de moelleux par la pureté du haut du corps et par la précision musicale des finis de pirouette (1ere variation). Mais cela manque un tantinet de charisme et de « jazz ». Les grands ronds de jambes sur demi-pointe à la Noureev ne sont pas une spécialité du danseur. La variation lente est donc plus négociée qu’incarnée en dépit d’une belle attention portée aux bras. De surcroît, son véritable partenaire jusqu’à l’apparition du cygne et sans doute même au-delà, le Précepteur-Rothbart, Jack Gasztowtt, nous semble en manque d’autorité.

Du côté du Pas de trois, ce n’est guère plus palpitant. Le trio est certes bien réglé mais les variations peinent à susciter l’enthousiasme. Bianca Scudamore danse joli mais frôle le maniérisme dans la première variation,  Andréa Sarri manque de fini notamment dans ses coupés jetés où le pied arrière traîne un peu. Naïs Duboscq a du charme et de la musicalité mais cela ne suffit pas à rattraper le manque de brio de l’ensemble.

Les applaudissements nous semblent mous. La salle est atone.

C’est donc un peu à froid qu’on est cueilli par l’apparition de Myriam Ould-Braham en Cygne blanc. La ballerine, qui impressionne par la pureté de sa ligne et par son subtil travail de bras se montre plus charnelle et plus animale dès son entrée qu’elle ne l’avait fait lors de ses précédentes apparitions dans le rôle en 2015 et 2019. Lors de la première confrontation avec Siegfried, elle fait un certain mouvement pour  avancer la tête qui donne l’impression qu’elle n’a pas encore tout à fait achevé sa métamorphose de l’animal à l’humain. Son cou semble infiniment long. Les lignes sont, comme toujours, idéales : l’arabesque est toujours aussi calligraphique. Odette-Myriam nous gratifie dans l’adage d’un charmants gazouillis des pieds dans les piétinés. On reprend espoir…

Et qu’importe si son prince semble un peu fiché comme un piquet pendant sa variation et si dans la sienne, la ballerine a quelques imperceptibles tremblements dans certains de ses équilibres. Pris par le charisme du plus beau cygne blanc de l’Opéra, dans l’écrin quasi idéal du corps de ballet féminin, on  fait fi de tout le reste.

Las ! Tout se gâte à l’acte trois. Dès l’entrée du cygne noir, on sent que quelque chose n’est pas là. Myriam Ould-Braham semble toujours avoir eu un rapport difficile avec la face sombre de son personnage, si éloigné sans doute de sa véritable nature. En 2017, j’étais déjà resté sur le bord du chemin en raison d’une approche trop désincarnée, trop minimaliste de la magicienne. En 2019 la ballerine avait trouvé une forme d’équilibre. Sans être proprement maléfique, son Odile amorale semblait s’amuser dans son jeu de séduction. Ce cygne noir n’était pas le plus mémorable que j’aie jamais vu mais il s’intégrait bien dans l’ensemble du spectacle.

Car pour moi, il n’y a pas de cygne blanc sans cygne noir. Cela remonte sans doute à ma première expérience du Lac des cygnes. En tant que néophyte, j’avais pris l’acte 2 comme un ensemble. Les solistes et le corps de ballet féminin s’étaient confondus dans un même émerveillement. C’est à l’acte trois, avec l’apparition du cygne noir que l’histoire et le drame avaient pris tout leur sens. Un coup d’œil sur la distribution entre la fin du trois et du quatre : « c’était vraiment la même ballerine ? ». Il s’agissait d’Elisabeth Platel. Dans Odile la ballerine reprenait tous les codes visuels de son cygne blanc mais y insufflait une énergie diamétralement opposée : tout exsudait la puissance et la jouissance qui en découle. Les humeurs du cygne noir de Platel, tour à tour invitantes ou excluantes, avaient le côté capricieux d’un ciel de bord de mer à la fin de l’été. Le quatrième acte apparaissait dès lors déchirant tandis que la ballerine avait retrouvé son manteau immaculé. On pouvait sentir la femme palpiter sous l’idée de femme.

À l’occasion de cette reprise, Myriam Ould-Braham, interrogée dans une vidéo sur le site de l’Opéra, a dit que son cygne noir aurait plus « de noirceur », qu’il serait plus « méchant ». Pourquoi pas. Mais la méchanceté n’implique pas qu’on fasse impasse sur le charme. Pour Ould-Braham, être méchante semble donc signifier ne pas sourire, ne pas regarder son partenaire (si elle l’a fait, cela ne passait pas au premier balcon). On se demande du coup comment le prince peut en pincer pour cette pimbêche à papa. De plus la technique ne suit pas suffisamment pour donner le change sur l’autorité. Les doubles tours attitude sont tous ébréchés dans la variation et les fouettés arrêtés brusquement.

De son côté, Moreau accomplit une variation propre et bien accentuée mais sans beaucoup de projection, un peu à l’image du Rothbart de Gasztowtt qui assure sa partition mais n’existe pas quand il ne danse pas. L’énergie ne circule pas entre les trois protagonistes et on s’ennuie ferme.

Il faut essayer de se reprendre pour l’acte quatre. Mais les perfections réelles du corps de ballet échouent à nous remettre dans l’ambiance. Les deux danseurs principaux font chacun une belle entrée mais leur pas de deux n’émeut pas.  Où sont les petits frappés sur le coup de pied qui continuaient en piétinés que nous aimions tant chez la ballerine?

On ressort triste et l’œil sec mais avec le cœur qui saigne. Car à ce stade de sa carrière, aurons-nous encore l’occasion de voir le cygne de Myriam Ould-Braham sur la scène de l’Opéra?

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Jack Gasztowtt, Myriam Ould-Braham et Marc Moreau. Saluts.

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Lac des cygnes 2022: confirmations et promesses

Les soirs où l’équipe de France de football joue un match décisif à la coupe du monde au Qatar, l’extérieur s’invite un peu à Bastille : des spectateurs regardent des bribes de la rencontre durant l’entracte, et ma voisine, qui vérifie discrètement ses notifications à chaque microcoupure d’applaudissements, répercute l’info vers son mari par de joyeux coups de coude (10 décembre). Plus gênant, au soir de la demi-finale, plusieurs pupitres de l’orchestre sont manifestement tenus par des remplaçants, et le cor multiplie les canards (14 décembre).

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Cela n’entache pas l’enthousiasme d’un public particulièrement chaleureux. Au soir de la première de cette série de Lac des Cygnes, c’est amplement mérité : le duo formé par Paul Marque et Valentine Colasante est à la fois très solide du point de vue technique, crédible dans l’incarnation,  émouvant dans le partenariat : que demander de plus ? Les réserves qu’on pouvait avoir en 2019 sur l’interprétation du danseur (pas encore étoilé) en Siegfried sont clairement levées : Paul Marque ne s’éclipse plus de son rôle pour se concentrer sur la technique, et sa méditation de la fin de l’acte I est joliment incarnée. L’air de rien, il allie propreté et prouesse (avec un manège de grands jetés qui secoue la salle). Odile/Odette n’est pas non plus une prise de rôle pour Valentine Colasante, qui déployait déjà en 2019 une jolie intelligence du rôle. Je pourrais recycler mot pour mot ce que j’écrivis il y a quarante mois sur la ballerine. Cette fois, j’ai particulièrement remarqué l’expressivité des mains en cygne blanc, le tremblement surcroisé des pieds lorsque Rothbart s’empare de sa volonté. Son cygne noir, séduisant et piquant, réussit un équilibre qui semble arrêter le temps. Elle semble un court instant en danger lors de la séquence des trente-deux fouettés, mais rétablit joliment la sérénité.

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Après Roméo, Basilio et Solor, Guillaume Diop aborde – en un temps record – son quatrième grand rôle soliste. En Siegfried, rôle sur le fil, sa verdeur se voit davantage. Il y a déjà des choses très abouties – une belle capacité à ralentir et à jouer en torsion, une étonnante qualité de partenariat, une présence scénique sans intermittence – mais d’autres à renforcer, et pas des moindres (propreté des réceptions, force dans les tours à la seconde, assurance dans les tours planés). Il y a une marche à franchir pour que, lors des variations lentes ou rapides, on pense autre chose que « techniquement, ça passe ».

Au moins l’incarnation est-elle constante, et les pas de deux pleinement satisfaisants. Damoiseau Diop, qui fait vraiment jouvenceau, est comme hypnotisé par l’Odette/Odile de Dorothée Gilbert. Il faut dire qu’il y a de quoi : la ballerine déploie avec maestria les multiples facettes de son personnage – fragilité frémissante à l’acte II, arrogance altière à l’acte III – et durant l’acte IV, elle a une manière bouleversante de montrer la résignation à son sort : les double-ronds de jambe du début du dernier pas de deux sont comme fatigués, et la tête s’incline avec une nuance de tristesse à vous fendre le cœur. Les gestes de tendresse entre les deux personnages sont d’une douceur et d’une intensité poignante.

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La Bayadère à l’Opéra : le Feu sans le Sacré

P1180305Opéra Bastille, représentation du 27 avril 2022

La distribution Colasante-Quer, vue au lendemain du cast Ould-Braham-Mura, pâtit-elle de la comparaison ? Pas vraiment, contrairement à ce qu’on pouvait craindre. Pour deux raisons. D’abord, Valentine Colasante place son interprétation sur un autre plan que sa collègue : moins abstraite, moins sacrale, elle est d’emblée une femme amoureuse. Ensuite, alors que la taille de Francesco Mura lui était un désavantage dans le partenariat, la stature de Jérémy-Loup Quer confère aux pas de deux amoureux une impression de fluidité qu’ils n’avaient pas la veille.

Nous sommes donc dans un autre univers, et je laisse rapidement tomber le jeu des comparaisons entre ballerines : la Nikiya de Mlle Colasante n’est pas une danseuse sacrée qui tombe amoureuse par accident ; au contraire, sa fonction à l’intérieur du temple hindou semble accessoire et son amour une nécessité. C’est une option défendable : après tout, pour être bayadère, on n’en est pas moins femme, et tout le monde n’a pas la vocation monastique de Thérèse de Lisieux.

En tout cas, Valentine Colasante a suffisamment d’atouts – expressivité, équilibres très sûrs, endurance technique – pour emporter le morceau en trois actes. Elle est même celle des trois ballerines vues sur cette série qui négocie le mieux la difficile musicalité des tours enchaînés du pas de deux au ruban du 3e acte.

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Valentine Colasante (Nikiya) et Jeremy Lou Quer (Solor)

Jérémy-Loup Quer maîtrise sa partition – à l’exception de quelques double-tours en l’air dévalués de 25% – mais que peut-on dire de plus de sa prestation ? J’ai toujours trouvé l’interprète scolaire, et l’impression se confirme ; le 12 avril, son Idole dorée était si précautionneuse et téléphonée que, pour la première fois sur ce passage, j’ai remarqué les jeux de lumière bleutée qui palpitent sur la coupole du décor ; en Solor, sa pantomime est adéquate, mais son incarnation absente : par moments, on croirait l’entendre réciter la choré. Du coup – par exemple –, son pas de deux méditatif au début de l’acte III peine à raconter quoi que ce soit.

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Roxane Stojanov (Gamzatti)

La Gamzatti de Roxane Stojanov ne semblait pas dans un bon jour – avec notamment une diagonale de tours attitude un peu précaire – alors que sa prestation en 3e ombre quelques jours auparavant m’avait paru très sûre. À ce propos, Camille Bon, Clara Mousseigne et Katherine Higgins composent le trio des ombres le plus homogène de la série, car elles ont toutes trois les mains pareillement et délicatement travaillées.

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La Bayadère à l’Opéra : Ould-Braham / Mura, Bienvenue en « Métaphorie »

P1180305La Bayadère. Ballet de l’Opéra de Paris. Jeudi 21 avril 2022. Myriam Ould-Braham (Nikiya), Francesco Mura (Solor), Bleuenn Battistoni (Gamzatti).

Au lendemain même de la soirée de non-nomination de François Alu, et encore absolument circonspect sur les premières rumeurs à propos du dénouement heureux de la soirée du 23, je retournai à l’Opéra Bastille, la tête encore résonnante de la bronca de la veille et de l’inélégance de sa gestion par l’Opéra de Paris. Heureusement, cette Bayadère avait pour protagoniste féminine Myriam Ould-Braham qui, en 2015, avait justement été la partenaire de François Alu pour cette Bayadère où, déjà, il aurait dû être nommé. Rien de mieux, en effet, pour changer d’atmosphère et d’état d’esprit, que de se plonger dans une Bayadère avec Ould-Braham, l’exacte antithèse de Dorothée Gilbert. Les deux danseuses, de la même génération, rentrées à une année d’intervalle dans le corps de ballet, représentent les extrémités du spectre dans la danse classique. La brune Gilbert est le soleil et la blonde Ould-Braham est la nuit étoilée. Dorothée Gilbert est une danseuse dramatique, Myriam Ould-Braham une danseuse métaphorique. Et ce qui est merveilleux, c’est qu’on n’a pas besoin de faire un choix entre les deux même si, en fonction de sa personnalité propre, notre cœur peut pencher un peu plus vers l’une que vers l’autre.

Personnellement, j’aime souvent Dorothée avec la tête et Myriam avec le cœur.

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Lorsque Myriam-Nikiya interprète sa première variation, elle ne joue pas seulement avec la flûte, elle semble sous l’action des volutes toutes liquides de l’instrument devenir un de ces petits papiers japonais qui, au contact de l’eau bouillante, se développe et change de forme dans la tasse de thé. Le mouvement semble ne jamais s’arrêter. C’est une plainte, une élégie. Pendant le passage avec la cruche sur l’épaule, ce sont des analogies bibliques qui viennent à l’esprit. Devant ses arabesques suspendues, on pense à la Samaritaine qui puise l’eau juste avant sa rencontre avec le Messie.

Dans Bayadère, le Messie qu’attend la danseuse sacrée a été annoncé par un Fakir sanguinolent (Andréa Sarri qui parvient à donner une certaine élégance à la gestuelle souvent embarrassante de ce personnage à l’acte 1) et porte le nom de Solor. Le vaillant ksatriya était incarné par le jeune premier danseur Francesco Mura. Là encore, difficile d’imaginer un contraste plus violent comparé à la soirée précédente. À la différence de François Alu, damoiseau Mura collectionne de nombreux atouts prisés par la Grande Boutique. Il est naturellement prince, a des lignes très harmonieuses et fait des grands jetés à 180°. François Alu met l’accent sur les mains. D’une manière plus classique, Francesco Mura attire plus l’attention sur ses épaulements et sur ses ports de bras ce qui, dans le premier pas de deux avec Nikiya, nous vaut des enlacements à la beauté de calligrammes. Dès le premier acte, Solor-Francesco est à la poursuite d’un idéal sur terre, pas d’une femme.

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Bleuenn Battistoni (Gamzatti)

Lorsque le triangle amoureux se noue à la scène 2 de l’acte 1, Mura joue bien l’interloqué quand le rajah lui propose sa fille. Il joint les deux doigts (« fiançailles ? ») avec une petite saccade fiévreuse qui dit tout son trouble. Après avoir consulté ses amis, tournant le dos à celle qu’on lui propose (une Gamzatti pourtant incarnée par la très belle Bleuenn Battistoni), il s’élance vers le Rajah pour décliner. Son mouvement négatif de la main est détourné par le Rajah et comme transformé en une acceptation. Mura voit arriver Nikiya avec l’esclave au voile (était-ce tout ce qu’on pouvait donner à faire à Audric Bezard ?) avec une sorte de recul du buste qui montre qu’il y voit un signe du destin ; du moins la qualité à la fois abstraite et intime de la danse d’Ould-Braham nous laisse-t-elle formuler ce genre d’interprétation.

Le pot-aux-roses découvert par le Brahmane (le très juste Cyril Chokroun) au Rajah (Raveau qui s’est bonifié depuis la première), c’est le moment de la confrontation entre Gamzatti et Nikiya. Bleuenn Battistoni, toute nouvelle récipiendaire du prix de l’Arop, fait preuve d’une belle maturité dans ce rôle. Après avoir vu une femme jalouse bafouée (Colasante), une vipérine enfant gâtée (Scudamore) on voit enfin une princesse qui, altière, gère le problème Solor comme une affaire politique. Après le soufflet administré avec force et autorité à une Nikiriam sans défense, elle lui présente le collier non comme une dernière tentative pour l’amadouer mais bien comme un ultimatum. Le baisser de rideau fait frissonner pour la suite.

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Pablo Legasa (l’Idole dorée)

Cet acte 2 des fiançailles tient ses promesses. Il est tout d’abord porté par les corps de ballet (même décimé du côté des éventails et des perroquets) et les solistes. Hohyun Kang  est fort jolie et animée en Manou. On lui pardonnera aisément une cruche qui, oscillant un peu trop sur la tête, révèle la présence du velcro sur sa coiffe. Pablo Legasa fait un numéro d’Idole dorée justement ovationné par la salle. Le danseur propose un jeu élaboré avec l’angularité des bras et les roulements mécaniques, presque inhumains, des poignets. Ses tours attitudes sont suprêmement maîtrisés et sa technique saltatoire roborative. Le trio « indien » (Sarri, Katherine Higgins et Florimond Lorieux accompagnés des 8 fakirs de l’acte un) fait encore monter la tension d’un cran avant le Pas d’action entre Solor et Gamzatti.

Dans ce dernier, Francesco Mura, partenaire attentif techniquement mais absent d’esprit fait face à une Gamzatti-Battistoni régalienne. Les deux danseurs parviennent à gommer l’inconvénient de leur différence de taille par un partenariat millimétré. Francesco Mura accomplit une très belle variation même s’il pourra encore gagner en brillant. Bleuenn Battistoni a des grands jetés à 180° qui en imposent aussi bien dans l’intrada que plus tard dans sa variation. Sa diagonale de sautillés sur pointe – arabesques penchées est très belle. Comme le faisait Elisabeth Platel, la créatrice du rôle à l’Opéra, elle augmente l’amplitude et la durée de ses penchés, faisant démonstration de sa prise de pouvoir et de son triomphe. Dans la coda, ses fouettés un chouia voyagés, restent exactement dans l’axe du corps de ballet. Ce sacre royal soulève le public.

Myriam Ould-Braham peut maintenant faire son entrée dans sa robe orange. Sa scène lente, élégiaque, où le mouvement semble sans cesse prolongé (les développés arabesques sur plié, le buste penché) jusqu’à ce que regard en direction de Solor ne rencontre qu’un homme impassible et muré dans ses pensées. Lorsque arrive la corbeille, elle reste dubitative avant de sourire tandis qu’elle scande la musique par des déhanchés et de petits mouvements nerveux des coudes.

Pas sûr qu’un dernier contact oculaire ait pu se faire entre cette bayadère et son Solor. Le prince rattrape juste à temps une morte dans ses bras ; une morte par amour qui, comme Giselle, est donc condamnée à se réincarner en spectre.

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P1180330Comme déjà en 2015, je vois, sens et vis l’acte 3 comme un songe éveillé. L’admirable descente des Ombres, paisible et réflexive installe une sorte de brume dans laquelle se glisse subrepticement Myriam Ould-Braham avec ses attitudes et ports de bras respirés (la rencontre avec Solor) et cette sorte d’intériorité qui fait que la ballerine paraît absorber la lumière pour mieux ensuite la réfracter. Les confidences en arabesques sur pointes à un Solor-Mura toujours très élégant et poétique, ont la qualité liquide d’un ukiyo. En quelle langue étrange, peut-être perdue lui parle-t-elle ? Quelle consolation susurre-t-elle à son oreille dans ce passage où le jeune danseur semble écouter de tout son dos ?

Lorsque la pose finale en arabesque croisée avec son port de bras caractéristique au milieu du cercle du corps de ballet, on souhaite à Solor de ne jamais revenir de ses fumées d’opium pour prolonger à jamais ce Nirvana.

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Myriam Ould-Braham (Nikiya) et Francesco Mura (Solor)

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Ma Bayadère en rêve

IMG_20220412_223035Opéra de Paris, représentation du 12 avril

Apprenant par la radio, dans un demi-sommeil, au matin du 12 avril, que le débat d’entre-deux-tours de l’élection présidentielle aurait lieu le mercredi 20, je me suis empressé de trouver un fond de parterre pour le soir-même, histoire d’être sûr de voir Dorothée Gilbert et François Alu pour le cas, fort probable, où je renoncerais à mes places Bayadère de la semaine prochaine ; après-coup, je me suis aperçu qu’Alu était en fait remplacé par Guillaume Diop. Va pour Diop, me suis-je dit avec philosophie, avant de me rendormir (non sans songer qu’on aurait pu distribuer Legasa).

L’avouerai-je sans encourir les foudres des fans ? C’est surtout Dorothée Gilbert en Nikiya qui m’aurait manqué. Quels que soient ses talents d’interprète, et son exubérance technique, le seul François Alu ne suffirait pas à me faire renoncer à un événement politico-cathodique qui n’a lieu que tous les cinq ans, et n’a de sel qu’en direct. Si je trouve une place pour le 23, j’aviserai, sinon, je connais des gens qui me raconteront.

Bref, me voilà donc, avec huit jours d’avance sur la date prévue (et mes jumelles) scrutant l’entrée en scène de Guillaume Diop, dont les grands jetés signalent un prince plus qu’un guerrier, ce qui est une option tout à fait envisageable pour Solor. Le coryphée, danseur enjôleur dont j’avais prisé la présence et l’aisance en Basilio, a des lignes étirées, des mains immenses, étonnamment expressives, et un joli temps de saut.

IMG_20220412_223018Mais en attendant le pas de deux avec Nikiya, on admire la délicatesse du travail de pointes des huit bayadères, et la beauté des bras, comme on s’esbaudira, un peu plus tard, de la précision des danseuses « Djampo » (leurs incessants sautillés sur demi-pointe sont si articulés que j’ai cru un instant qu’elles étaient pieds nus). Si, comme l’a remarqué Cléopold, la scène des fiançailles à effectif réduit fait petit joueur, pour le reste, le corps de ballet – amis de Solor, éventails, perroquets, Kshatriyas, danseurs indiens, et surtout, Ombres – se montre en grande forme.

Mais revenons à nos protagonistes : Dorothée Gilbert donne à sa danse sensualité plus qu’angularité ; nul hiératisme, mais des équilibres qui pointent un instant vers l’irréel, avant de se fondre dans le moment suivant. Malgré quelques accrocs discrets (un vers le début, un autre à la fin), et des portés un peu prudents, le partenariat amoureux est fluide et crédible. Ces deux-là vont bien ensemble (et c’est un amoureux du couple Hugo-Dorothée qui le concède).

Par contraste, Diop semble quasiment éteint lors de ses échanges avec Gamzatti (Bianca Scudamore) ; il y a des chances que ce soit bien davantage par manque d’intérêt du personnage pour la fille du Rajah que par défaut d’investissement du danseur, qui devra cependant travailler la diversité de ses expressions tristes (le moment d’absence quand il pense à Nikyia en plein milieu du pas de deux avec sa fiancée est très réussi, mais le reste, quand le personnage n’est plus regardé, n’est pas encore très habité).

La Gamzatti de Mlle Scudamore est clairement une femme qui a l’habitude d’être obéie (et en impose déjà à son futur) ; lors de sa variation, elle a le penché arabesque prudent (sauf le dernier), mais emballe la salle au moment des tours à l’italienne comme des fouettés. Damoiseau Diop, de son côté, réussit les moments de bravoure de sa partition, à l’acte II comme au III ; certaines choses restent à polir, et la méditation de la chambre (acte III) n’est ni scolaire ni géniale. Le danseur est toujours prometteur (j’utilise à dessein la même expression qu’il y a quatre mois).

IMG_20220412_223044Dorothée Gilbert est, elle, au-delà des promesses : lors de l’adage en jupe orange de l’acte II, ses regards vers l’amant infidèle vous fendent le cœur. Au royaume des Ombres, au début de son parcours pour rejoindre Solor, son développé devant est presque un déséquilibre et presque un saut qui tous deux disent son impatience de rapprochement, et elle réitère ce petit frisson du dernier saut fini en arabesque penchée la main sur l’épaule de son partenaire à genoux. Toute la série de sauts seconde -développé seconde – promenade finie en équilibre arabesque qui suit est un délice de moelleux éthéré. Mlle Gilbert réussit à être absente sans être mécanique : juste un rêve.

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La Bayadère à l’Opéra : une première en « demi-teinte »

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La Bayadère. 3 avril 2022. Saluts.

Difficile de croire qu’il y aura 30 ans en octobre que la production de La Bayadère a vu le jour… Comme le temps passe ! Cette reprise a d’autant plus un goût de nostalgie que l’un des grands protagonistes de l’enchantement visuel qui se produit à chaque reprise nous a récemment quitté. Ezio Frigerio, le concepteur de l’impressionnant Taj Mahal qui sert de décor unique à cette version du ballet de Petipa revu par Noureev, s’est éteint le 2 février dernier à l’âge de 91 ans. Sa disparition aura été très discrète. C’est bien peu de chose un artiste… Le collaborateur de Giorgio Strehler, notamment sur la production légendaire des Noces de Figaro, le récipiendaire d’un César pour le Cyrano de Jean-Paul Rappeneau, le collaborateur de Noureev pour Roméo et Juliette, le Lac des Cygnes et cette Bayadère (il fut également le concepteur de son tombeau à Sainte-Geneviève-des-Bois) n’a pas eu les honneurs de l’édition papier du Monde

L’Opéra de Paris, quant à lui, se sera paresseusement contenté de rajouter sa date de décès en bas de sa biographie et, pour faire bonne mesure, d’abîmer visuellement l’impression d’ensemble de sa Bayadère.

En effet, depuis la dernière reprise sur scène, au moment de la révélation du grand décor du Taj Mahal, lentement effeuillé au 1er acte et révélé dans toute sa splendeur à l’acte des fiançailles, la cohorte de 12 danseuses aux éventails et de 12 danseuses aux perroquets a été réduite à deux fois 8. L’effet est désastreux, d’autant plus sur la grande scène de Bastille. Le décor de Frigerio semble surdimensionné, comme « posé » sur scène, et le « défilé » (une des fiertés de Noureev qui avait voulu qu’il soit restauré comme dans l’original de Petipa) parait carrément chiche. À l’origine, lorsque les filles au Perroquet faisaient leurs relevés sur pointe en attitude-développé quatrième puis leur promenade sautillée en arabesque, elles occupaient toute la largeur du plateau et étaient suffisamment rapprochées les unes des autres pour donner le frisson. Aujourd’hui, elles parviennent péniblement à être de la largeur du décor en se tenant espacées. L’effet est tout aussi piteux pendant la grande coda de Gamzatti qui fouette entourée du corps de ballet en arc de cercle. L’Opéra a pourtant bien encore 150 danseurs auxquels s’ajoutent une cohorte de surnuméraires et ce ne serait pas la première fois qu’un autre programme joue en même temps que Bayadère. Alors ?

Deuxième accroc à l’esthétique générale du ballet, la disparition, dans le sillage du rapport sur la diversité à l’Opéra, des teintures de peau. Depuis 2015, les « Négrillons » (une appellation fort stupide) étaient déjà devenus les « Enfants » mais pour cette reprise, les fakirs et autres indiens ont joué « au naturel ». Pourquoi pas dans le principe? Mais encore aurait-il fallu ne pas se contenter de reprendre tout le reste de la production à l’identique. Certains costumes et surtout des éclairages auraient dû être revus. La teinte bleutée des lumières de Vinicio Celli rend désormais verdâtres et spectraux les torses nus des garçons dans la scène du feu sacré. La scène de l’Opium, au début de l’acte 3 perd toute sa qualité crépusculaire ; les fakirs aux lampes y brillent comme en plein soleil.

À traiter les questions nécessaires par des réponses à l’emporte-pièce (et on peut inclure dans ce geste le rapport sur la Diversité), l’Opéra crispe au lieu de rallier. Y avait-il besoin de présenter une Bayadère dont on aurait effacé les glacis à grand renfort de térébenthine ?

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Mais qu’en était-il de la représentation du 3 avril ?

La distribution réunissait les deux plus récentes étoiles nommées dans les rôles principaux, Sae Eun Park et Paul Marque. Aucun de ces danseurs n’avait réussi à m’enthousiasmer jusqu’à maintenant.

Du côté des bonnes surprises, Paul Marque semble avoir bénéficié de « l’effet nomination ». Jusqu’ici, sa danse m’avait parue correcte mais appliquée, technique mais sans relief. Ici, dès son entrée en grand jeté, il installe un personnage. Son élévation et son parcours sont devenus impressionnants non pas tant parce qu’ils se sont améliorés (ce qui est peut-être aussi le cas) mais parce qu’ils sont devenus signifiants. Paul Marque, avec sa toute nouvelle autorité d’étoile, dépeint un Solor mâle et ardent. Sa pantomime est claire même si sa projection subit encore de ci-de-là des éclipses. Son guerrier ksatriya s’avère très peu parjure. Il ne fait aucun doute qu’il ne s’intéresse absolument pas à la princesse Gamzatti et que son acceptation des fiançailles imposées par le Rajah (un Artus Raveau en manque d’autorité, presque mangé par son imposant costume) n’est que calcul pour gagner du temps.

De son côté, Sae Eun Park fait une entrée sans grand charisme et déroule un échange pantomime avec le Grand Brahmane (Florimond Lorieux, très sincèrement amoureux mais bien peu « brahmane » ) quelque peu téléphoné. Nikiya semble attendre la musique pour parler. Il faut néanmoins reconnaître à la nouvelle étoile un travail du dos et des bras dans le sens de l’expressivité. C’est une nouveauté qu’il faut noter et saluer.

La première rencontre entre Solor et Nikiya reste néanmoins très « apprise » du côté de la danseuse même si elle commence par un vertigineux saut latéral dans les bras de Solor. Espérons qu’au cours de la série les deux danseurs parviendront à mettre l’ensemble de leur premier pas de deux à la hauteur de cette entrée spectaculaire. Peut-être les portés verticaux siéent-ils encore peu à Sae Eun Park, créant des baisses de tensions dans les duos. Ses partenaires semblent parfois devoir s’ajuster pour la porter (même Audric Bezard, pourtant porteur émérite, dans « le pas de l’esclave » de la scène 2).

Dans cette scène, celle du palais du Rajah, peuplée de guerriers Ksatriyas bien disciplinés à défaut d’être toujours dans le style Noureev et de danseuses Djampo pleines de charme et de rebond, on note une incohérence dans la narration lorsque se noue le triangle amoureux. Au moment où le Brahmane révèle l’idylle au Rajhah, Solor et Gamzatti se cognent presque derrière la claustra du palais. La princesse envoie chercher la Bayadère avant même que le Brahmane ne prenne le voile oublié qui la dénonce. Dans la scène de rivalité, où Park, sans être passionnante mime cette fois en mesure, Valentine Colasante joue plus l’amoureuse outragée que la princesse qui réclame son dû. Pourquoi pas…

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La Bayadère. Sae Eun Park (Nikiya), Paul Marque (Solor), Héloïse Bourdon (1ere ombre).

À l’acte 2 (les fiançailles), le palais déserté par une partie de ses invitées (voir plus haut), est néanmoins réveillé par l’enflammée danse indienne de Sébastien Bertaud et d’Aubane Philbert sous la férule de Francesco Mura et de ses comparses fakirs, beaucoup plus crédibles en pantalons irisés que dans les couches-culottes terreuses de l’acte 1 (voir plus haut bis). Marc Moreau, qui a fait son entrée d’Idole dorée à genoux sur son palanquin plutôt qu’assis en tailleur (un changement peu convaincant), cisèle sa courte et pyrotechnique partition. Son énergie plutôt minérale fonctionne parfaitement ici même entouré qu’il est par des gamins en académiques beigeasses.

Dans le pas d’action, Paul Marque fait dans sa variation des grands jetés curieusement ouverts mais accomplit un manège final à gauche véritablement enthousiasmant. Valentine Colasante joue bien l’autorité dans l’entrada et l’adage mais manque un peu d’extension dans sa variation (les grands jetés ainsi que la diagonale-sur-pointe – arabesque penchée). En revanche, elle s’impose dans les fouettés de la coda. Les comparses des deux danseurs principaux, les 4 « petites » violettes et les 4 « grandes » vertes sont bien assorties et dansent dans un bel unisson.

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La Bayadère. Valentine Colasante (Gamzatti).

Sae Eun Park fait une scène « en robe orange » encore un peu… verte. Elle a cependant de jolis ports de bras très ciselés et des cambrés dignes de l’école russe. Mais elle joue un peu trop top sur la prestesse d’exécution pour vraiment laisser passer le parfum élégiaque qu’il faudrait dans ce moment dramatique. La variation de la corbeille lui convient donc beaucoup mieux. Elle est de l’école des danseuses qui sourient dans ce passage. Une option tout à fait acceptable.

De la mort de la Bayadère, on retiendra surtout la réaction de Solor qui se rebiffe ostensiblement en repoussant violemment le bras que le Rajah lui tendait en signe d’apaisement. Ce désespoir plus démonstratif, notamment lorsque Nikiya s’effondre, donne du relief au personnage principal masculin qui peut parfois paraître faible ou veule.

À l’acte 3, Marque ouvre le bal en dépeignant un désespoir ardent. Sa variation devant le vitrail Tiffany a un rythme haletant qui, par contraste, met en relief la paisible descente des ombres qui va suivre.

Dans ce passage, on admire une fois encore la poésie sans afféterie du corps de ballet féminin. Il est à la fois calme, introspectif et vibrant.

Le trio des trois Ombres est bien réglé dans les ensembles. Les variations peuvent encore être améliorées. Héloïse Bourdon, en première ombre, sautille un peu trop sur ses développés arabesque en relevé sur pointe. Roxane Stojanov se montre trop saccadée en troisième ombre. Sylvia Saint-Martin, qui m’avait laissé assez indifférent en Manou à l’acte 2, réalise une jolie variation de la deuxième ombre avec un très beau fini des pirouettes – développé quatrième.

Las ! Le personnage principal du ballet ne transforme pas l’essai des deux premiers actes. Dans l’acte blanc, et en dépit de la chaleur de son partenaire et d’un réel travail sur la concordance des lignes, Sae Eun Park redevient purement technique. À part un premier jeté seconde suspendu et silencieux, le reste de l’acte est sans respiration et sans poésie. La nouvelle étoile de l’Opéra n’a pas encore l’abstraction signifiante.

 Il faudra attendre de prochaines distributions pour ressortir l’œil humide…

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La Bayadère. Saluts. Sae Eun Park, Paul Marque, Sylvia Saint-Martin (2e ombre) et Marc Moreau (l’Idole dorée).

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Romeo & Juliet : les temps qui changent

© 2019 ROH. Photograph by Helen Maybanks

© 2019 ROH. Photograph by Helen Maybanks

J’ai changé de pantoufles ! Il y a quelques années, j’étais plus familier du Roméo and Juliet de MacMillan (pilier du répertoire du Royal Ballet depuis des décennies) que du Roméo et Juliette de Noureev (dansé à l’Opéra de Paris mais aussi à l’English National Ballet). À présent, c’est l’inverse, et la comparaison ne tourne pas à l’avantage de la production de Sir Kenneth, qui frappe par son caractère unidimensionnel (où sont le destin, la mort, les fantômes ?). Les scènes de genre et de groupe, notamment, s’avèrent le plus souvent frustrantes, avec plus de pantomime, plus d’escrime, moins de truculence, et une chorégraphie bien pauvre pour le corps de ballet (et même simplette quand les couples sautillent deux par deux en dodelinant de la tête). Il y a aussi l’opposition éculée entre honnêtes femmes et filles de joie en cheveux, marotte lassante et obsessionnelle des productions MacMillan. La version Noureev n’a pas que des qualités, mais la narration y est plus riche et plus tendue, et le drame vous y prend aux tripes à bien d’autres occasions que les pas de deux.
Mais la diversité des productions est autant un risque qu’une joie : pour rien au monde, l’amateur globe-trotteur ne voudrait voir la même chose partout. Et puis, après presque deux ans sans mettre un pied en Angleterre, je n’étais pas d’humeur à bouder mes retrouvailles avec les danseurs de la compagnie royale britannique. L’idée d’origine était de découvrir les petits jeunes Marcelino Sambé et Anna Rose O’Sullivan dans les rôles-titres, mais aussi – l’occasion faisant le larron – de revoir les vétérans que sont à présent Marianela Nuñez et Federico Bonelli.

Federico Bonelli as Romeo and Marianela Nuñez as Juliet in Romeo and Juliet ©2021 ROH. Photograph by Andrej Uspenski (5)

Romeo & Juliet. Federico Bonelli (Romeo) et Marianela Nuñez (Juliet) ©2021 ROH. Photograph by Andrej Uspenski

Est-on en train d’assister à un passage de relais entre générations ? Dans l’esprit de la direction, sans doute : c’est la distribution « petits jeunes » qui fait l’objet d’une captation (en diffusion mondiale le 14 février au cinéma, si vous trouvez qu’un double-suicide est une bonne idée pour la Saint-Valentin). Par ailleurs, Federico Bonelli, 44 ans aux prunes, prendra bientôt la direction artistique du Northern Balletet Kevin O’Hare, directeur du Royal Ballet, précise en préambule que la représentation à laquelle on va assister sera son dernier Roméo (représentation du 1er février).
L’âge commence à se voir, non pas dans le visage, toujours étonnamment naïf et frais, mais dans les sauts, moins élastiques que ceux de ses acolytes Mercutio (Luca Acri) et Benvolio (Téo Dubreuil). De son côté, Marianela Nuñez (qui fêtera bientôt ses 40 ans) affiche une forme étonnante (au début de la scène du balcon, elle dévale les escaliers sans prudence et saute de la 4e marche) ; elle fait preuve d’une musicalité sans pareille, et reste aussi crédible que son partenaire en adolescente amoureuse.
L’affection sans mélange que je porte à ces deux interprètes tient à la richesse des émotions qui irradient de leur être dansant : ils ne transmettent pas un sentiment, ils vous font – au-delà ou en-deçà des mots, c’est ça qui est si beau – toute une phrase. Cette faculté enrichit particulièrement la Juliet de Mlle Nu ez, dont le désespoir touche à la fureur lors du pas de deux de séparation d’avec Roméo (acte III), et dont, ensuite, l’attitude face à Pâris (Lukas B. Brændsrød) et à son père (Gary Avis, toujours impeccable) prend des accents de rébellion viscérale. De la sortie de l’enfance à la mort, la ballerine parcourt tout l’arc de l’amour-passion.

Anna Rose O'Sullivan as Juliet and Marcelino Sambé as Romeo in Romeo and Juliet, The Royal Ballet © 2019 ROH. Photograph by Helen Maybanks

Romeo and Juliet. Anna Rose O’Sullivan (Juliet) et Marcelino Sambé (Romeo) © 2019 ROH. Photograph by Helen Maybanks

Anna Rose O’Sullivan, nouvelle Principal du Royal Ballet (elle a été promue à l’automne dernier) fait aussi montre d’une large palette expressive. Il y a des danseuses dont le visage est beau mais immobile (clic-clac photo, émotion zéro), et celles dont la frimousse a de la personnalité. Mlle O’Sullivan est dans la seconde catégorie (en un regard, mon cœur est pris). Sa danse a un touché à la fois velouté et transparent (si ses jambes étaient un pinceau, elles dessineraient de l’aquarelle).
Marcelino Sambé a, pour sa part, d’insolentes facilités saltatoires et giratoires, mais pas seulement : lors de la scène à la mandoline – celle où Roméo s’incruste dans la danse de six jeunes filles –, il tisse une délicate dentelle, négociant avec style les péripéties de la chorégraphie (tours en attitude-devant qui passent en attitude-derrière) : sa séduction passe en contrebande. Le partenariat du couple est déjà éprouvé (quoique moins fluide que celui de Nuñez-Bonelli), on se laisse emporter (représentation du 3 février).
Pour sa distribution filmée, le Royal Ballet a mis clairement toutes les chances de son côté : James Hay (Mercutio) et Leo Dixon (Benvolio) composent avec le danseur principal un joli trio ; lors de la scène finale de Mercutio, Hay donne le change assez longtemps avant de s’effondrer (Luca Acri, le 1er février, était trop vite mourant, même si la version MacMillan ne joue pas autant de l’effet de surprise que celle de Noureev). Pour le rôle de Lady Capulet, la palme de la pleureuse qui vous tord les boyaux revient cependant à Christina Arestis lors de la soirée non filmée.

Roméo & Juliet au cinéma (le 14 février & à d’autres dates)

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