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Programme « Racines » à l’Opéra : la forme et les formules

A l’Opéra de Paris, le programme Racines concocté par José Martinez se proposait de présenter trois ballets écrits pour la technique des pointes. L’an dernier, Sharon Eyal, qui devait créer avec cet accessoire central du ballet classique féminin, avait reculé devant l’obstacle. Ici, les trois œuvres répondaient donc bien au cahier des charges. La soirée proposait une reprise et deux entrées au répertoire : Thème et Variations s’y trouve depuis 1993. Corybantic Games de Christopher Wheeldon a été créé par le Royal Ballet en 2018 et Rhapsodies, par le chorégraphe Sud-africain Mthuthuzeli, est une très récente création pour le Ballet de Zurich, en 2024.

Le programme était bien pensé sur le papier. Qu’allait-il en être sur scène ?

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Theme & Variations.

La soirée s’ouvrait sur un des chef-d’œuvres du ballet néoclassique : Thème et Variations créé par George Balanchine en 1941 à l’American Ballet Theatre pour Alicia Alonso et Igor Youskevitch. L’eouvre appartient à la veine des ballets néo-pétersbourgeois du chorégraphe russe qui, au début du XXe siècle, avait participé aux derniers feux des ballets impériaux en exécutant des rôles d’enfant dans les grands ballets du tout juste défunt Petipa, notamment La Belle au bois dormant. Thème et Variations est d’ailleurs, comme d’autres ballets de Balanchine (Ballet Impérial, 1941, ou Diamants, 1967) une reconstruction amoureuse du ballet des ballets. Les théories des huit danseuses qui entrent en piétinés, main dans la main et servent de guirlande décorative aux développés équilibres de la ballerine, sont une citation assumée du septuor des fées du prologue. Les variations, extrêmement véloces, de la soliste de Thème ne sont pas sans rappeler les évolutions d’une fée Fleur de farine, Canari ou Violente. Les variations du soliste masculin reprennent en le condensant le répertoire de pas des rares variations de prince de La Belle. Le grand ballabile qui clôt le ballet est typique de la manière de Petipa.

Après une double et longue série de Belle au bois dormant la saison dernière, le ballet de l’Opéra s’est montré, les trois soirs où nous avons vu le ballet, tolérablement à la hauteur de sa réputation. Les demoiselles (en tutu bleu roi) étaient fort disciplinées tandis que les damoiseaux ont pu à l’occasion s’agenouiller en ligne sinusoïdale après leur grand jeté en tournant. Du quatuor de demi-solistes féminines, en bleu-layette, on aura préféré celui de la soirée du 7 novembre qui comptait dans ses rangs Claire Teisseyre et Nine Seropian. Les développés sur pointe avaient un petit côté jazzy qui rendait particulièrement hommage au style du plus américain des chorégraphes russes.

Les fortunes sont diverses chez les étoiles mais jamais inintéressantes. Le 18 octobre, Valentine Colasante se montre élégante : un joli travail des mains sans affectation et des épaulements bien dessinés. En revanche, elle finit sa première variation rapide bien avant l’orchestre, manquant donc son effet. Paul Marque  a un beau ballon. Ses jetés rebondis en attitude ou ses temps levés double ronds de jambe piqué arabesque sont parfaits. Pourtant, son aura de Leading man est en berne. C’est d’autant plus dommage que partenariat est fluide avec une pointe charnelle ajoutée par Colasante. Musicalement, ce passage n’est pas aidé par l’orchestre, le solo du premier violon est languissant sans être émouvant et l’orchestre, sous la baguette plan-plan du sempiternel Velö Pahn, joue les sédatifs. Ce défaut musical ne s’améliorera pas hélas avec les deux distributions suivantes.

Valentine Colasante et Paul Marque. Thèmes et Variations. 18/10/2025

Le 6 novembre, Roxane Stojanov interprétait le rôle de l’Etoile. La dernière nommée de l’Opéra a de jolies lignes et un joli phrasé. Ses gargouillades sur la première variation sont bien dessinées quand elles n’était pas le point fort de Colasante. Malheureusement elle manque successivement les pirouettes finales de ses deux variations, ternissant un tableau sans cela fort positif. On retient donc davantage son partenaire, Lorenzo Lelli, qui maitrise parfaitement sa partition et déploie le charisme qui manquait tant à Paul Marque. Lelli a un beau temps de saut. Il danse avec beaucoup de doigts, montrant que son mouvement va jusqu’aux extrémités du corps. L’arabesque en revanche pourrait s’allonger encore un peu, s’apparentant plus pour le moment à une attitude.

Le jour suivant on est enfin inconditionnellement conquis. Les premiers danseurs Inès McIntosh et Francesco Mura menaient avec maestria le corps de ballet. McIntosh, le bas de jambe ciselé, s’envole littéralement durant les gargouillades de la première variation. Ses épaulements à la fois précis et déliés séduisent car ils indiquent précisément des directions dans l’espace qui sortent du cadre pourtant large de la scène. Sa vitesse d’exécution dans les pirouettes ébaubit.

Francesco Mura, compact et explosif dans les sauts, la présence solaire, n’est pas sans évoquer Edward Villela, un grand interprète du rôle dans les années 70. Dans la série des doubles ronds de jambe les arabesques en piqué sont claires comme le cristal.

Dans l’adage, McIntosh à une qualité de distance-présence, très Farrellienne, qui nous donne envie de la voir dans le mystérieux et intime pas de deux de Diamants. Dans le Final pyrotechnique, le couple McIntosh-Mura peaufine l’arrêté-enchainé : les positions arabesques sont soulignées sans que jamais le flot du mouvement ne soit interrompu. Un bonheur !

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Rhapsodies.

La deuxième pièce, Rhapsodies, nous permet de découvrir un chorégraphe sud-africain inconnu de nous, Mthuthuzeli November. Le jeune chorégraphe, actif depuis le milieu des années 2010, propose une chorégraphie sur la célébrissime Rhapsody in Blue de Georges Guershwin pour piano et orchestre. La pièce, créée à Zurich en 2024, bénéficie d’une scénographie soignée de Magda Willi. Au début du ballet, une grande et profonde porte carrée éclairée en leds trône au centre de la scène. Actionnée par les danseurs, elle se difracte ensuite en plusieurs ouvertures qui redéfinissent l’espace et créent des effets-miroir assez malins. Déployées en forme de fleur, posées en arc de cercle, ces ouvertures sont surmontées d’un luminaire central (l’ex-cadre de la porte initiale), similaire à ceux qu’on trouverait dans une salle de billard mais qui aurait été repensé par un designer danois des sixties.

Rhapsodies de Mthuthuzeli November. Letizia Galloni et Yvon Demol

La gestuelle utilise d’amples ports de bras qui semblent entraîner les grands développés des jambes. La spirale est à l’honneur. Il y a des passages à genoux. Un premier couple ouvre le ballet, observé par un troisième larron avant que l’ensemble des danseurs, portant des costumes du quotidien à peine retouchés, n’apparaissent. Le 17 octobre et le 7 novembre, Letizia Galloni séduit par son énergie d’élastique tendu, prêt à vous claquer à la figure. Elle danse aux côtés d’Yvon Demol intense et athlétique. Le 6 novembre, Hohyun Kang fait montre d’une sinuosité plus végétale et exsude un parfum de sensualité qu’on aurait aimé trouver dans sa Myrtha, un tantinet monolithique, sur la scène de Garnier. Pablo Legasa, quant à lui, concurrence sa partenaire sur le terrain de la liane douée de vie. Sa souplesse, qui ferait pâlir d’envie une danseuse, est magnifiée par la force de son partenariat. Les oppositions et tensions du duo créent un phrasé palpitant.

Hohyun Kan et Pablo Legasa dans Rhapsodies de Mthuthuzeli November

Néanmoins, avec ces deux couples intéressants à leur manière, on reste un peu à l’extérieur. Tout d’abord, on ne comprend pas quelle histoire ils racontent. Leur connexion avec le corps de ballet qu’ils rejoignent entre deux passages solistes, reste obscure. Et on finit par se lasser de cette chorégraphie qui emploie tout le répertoire du classique sexy à l’américaine utilisé maintes fois à Broadway. La musicalité est calquée sur la musique : les mouvements de groupe se font sur les tutti d’orchestre et la phrase musicale semble paraphrasée. A l’occasion, certains mouvements tonitruants sont comiques. L’entrée des filles en piétinés sur pointe avec bras mécaniques ou le final où les garçons rejoignent les filles pour des piétinés sur demi-pointe n’est pas sans évoquer, l’humour en moins, la scène des papillons du concert de Robbins.

C’est plaisant, ça bouge, mais on a une impression de déjà-vu. Le programme annonçait que dans Rhapsodies, Nthuthuzeli November mêlait la danse de rue qu’il pratiquait enfant en Afrique du Sud et l’héritage de la danse classique. De rue, je n’ai décelé que la 42eme.

Ceci pose la question de l’intitulé de la soirée. Je pensais naïvement au début que Racines faisait référence au point commun de ces trois ballets : l’usage des pointes. Mais il semblerait que les racines en question étaient culturelles : la Russie pour Balanchine –connexion évidente dans Thème et Variations-, l’Afrique du Sud pour November –qu’on n’a pas été capable de déceler- et … la Grèce pour Christopher Wheeldon ?

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Corybantic Games.

C’est peut-être aller cherchez un peu loin les « Racines ». Certes, toute la culture occidentale peut se réclamer de la Grèce antique et le Ballet est sans conteste né d’un désir de retrouver les racines de la tragédie classique. Encore l’Empire romain était-il aussi convoqué comme origine de la pantomime noble. On pourrait retrouver un autre angle d’approche pour justifier le rattachement au thème de la soirée. Car pour ses rites corybantiques (des célébrations en l’honneur de la déesse castratrice Cybèle), Wheeldon a choisi la Serenade after Plato’s Symposium de Leonard Bernstein, une œuvre « à citations ».

En effet, Bernstein qui fut un compositeur novateur et rempli d’humour pour la comédie musicale (outre le célébrissime West Side Story, on pense à Candide qui fit entrer Voltaire sur la scène de Broadway) se voyait aussi en compositeur sérieux. Et dans ce domaine, hélas, sa muse était un tantinet constipée. Les œuvres symphoniques de Bernstein sont souvent ampoulées voire boursoufflées. Dans sa Sérénade platonicienne, il singe à tout-va les génies de son temps : il y a  un peu d’Hindemith, qui n’a lui-même pas toujours fait dans la dentelle, et beaucoup de Stravinski. Le dernier mouvement, tonitruant avec ses cloches, est embarrassant de grandiloquence.

Suivant jusqu’au bout son choix musical contestable, Christopher Wheeldon fabrique lui aussi une œuvre à citations. Il y a un soupçon d’Ashton dans les coquets costumes années 30 à harnais d’Erdan Morahoglu (on pense à Variations symphoniques mais pourquoi pas aussi La Chatte de Balanchine), une bonne dose de Robbins (celui d’Antique Epigraphs) dans le deuxième mouvement et beaucoup des Quatre Tempéraments de Balanchine (le dernier mouvement avec sa danseuse colérique qui évolue énergiquement au milieu de l’ensemble du corps de ballet et des solistes).

Ce jeu de collage lasse. Le ballet ne dure pourtant qu’une petite demi-heure… qui paraît une éternité.

Dans le Premier mouvement (lent) 2 garçons s’imbriquent l’un dans l’autre. Des positions bizarres, promenades-accroupissement sur demi-pointes, jambes en développés en dedans sont censés intriguer. Arrivent ensuite les filles. Bleuenn Battistoni  (le 18 octobre et le 6 novembre) montre ses belles lignes par des poses coquettes, très Art Déco, qu’on ne pardonne pas habituellement au style Lifar qui a le mérite, au moins, d’être d’époque. Le 7 novembre, Camille Bon, danseuse plutôt dans la veine sérieuse, force sa nature et rend le passage d’autant plus affecté.

Le deuxième mouvement commence par un solo pour une ballerine. Hohyun Kang tire ce qu’elle peut de ses précieux enchaînements qui la conduisent parfois au sol. Dans ce passage-citation d’Antique Epigraphs, c’est pourtant Claire Teisseyre qui retient notre attention le 7. Lorsqu’elle casse sa ligne très pure par des flexes des pieds ou des poignets, elle évoque presque une muse d’Apollon musagète de Balanchine. On reste néanmoins dans la citation.

Inès McIntosh et Jack Gasztowtt (les trois soirs) bénéficient ensuite d’un duo dynamique avec moult portés acrobatiques, y compris le dernier où la danseuse semble jetée dans la coulisse en double tour en l’air par son partenaire. Reconnaissons à ce mouvement le bénéfice de l’efficacité.

On ne peut en dire autant de l’adagio qui propose trois duos concomitants pour les solistes des mouvements précédents (deux femmes, deux hommes, un couple mixte) sans pour autant proposer de contrepoint par une énergie spécifique qu’ils déploieraient. Le décor arty, les lumières rasantes léchées nous bercent au point de nous faire piquer du nez.

Dans le dernier mouvement, néo-colérique, c’est Nine Seropian, par son alliance de pureté classique et d’énergie moderne qui nous convainc plus que Roxane Stojanov qui rend l’ensemble un peu trop fruité et minaudant.

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La critique peut paraître sévère. Christopher Wheeldon est assurément un chorégraphe chevronné. Aurais-je apprécié ce Corybantic Games si j’en étais aux prémices de  ma balletomanie ? Sans doute. La salle qui répond avec enthousiasme lors du baisser de rideau n’a pas à avoir honte de son plaisir. Simplement, on se dit qu’une fois encore, on se retrouve à ressasser des formules depuis longtemps éculées.

Faut-il pour autant abandonner la création néoclassique ? Certes pas. Balanchine lui-même, qui se voyait comme un cuisinier, disait qu’inspiré ou pas il fallait donner à manger à ses danseurs.  José Martinez a donc raison de continuer à commander des ballets contemporains pour justifier la continuation du difficile apprentissage des pointes. Peut-être qu’un jour ces racines de satin, de cuir et de carton feront éclore une fleur véritablement étrange et nouvelle comme à la fin des années 80 lorsque William Forsythe arriva pour sortir le ballet de son bégaiement post-balanchinien.

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« Racines » at the Paris Opera : How to Cook Roots

George Balanchine’s Theme and Variations, Mthuthuzeli November’s Rhapsodies, Christopher Wheeldon’s Corybantic Games.

October 17th and 18th, 2025, at the Opéra Bastille in Paris.

This new season the triple bills are advertised under teaser catch-all titles that make no sense whatsoever. The one I’ve seen twice in a row is entitled “Racines” [aka “Roots”]. Now, as far as the Paris Opera Ballet goes, what do Balanchine, November (a newcomer), and Wheeldon have to do with our “roots?” Tchaikovsky, Gershwin, Bernstein? Well, if you are an American, the latter two just might work as far as your roots go.

I walked in — and alas left — the Opera Bastille both evenings still unable to find the answer.  Came home rooted around the refrigerator, in search of comfort and inspiration. I know this sounds like what am I about to write will be pretty gnarly, but please bear with me.

Once I’m done, I’m going to finally look at the essays in the program book and see if that adds some enlightenment.

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Theme & Variations.

Zucchini Blossoms/ George Balanchine’s Theme and Variations (1947)

Have you ever planted zucchini in your garden? It just never stops sneakily extending its roots in all directions. By the end of the season you just cannot even look at even one more piece of your neighbor’s redundant zucchini bread. That’s Sleeping Beauty, tasty, but two long runs of it last season turned out to be more than filling.

Zucchini blossoms offer a delicate synecdoche for all that raw bounty. They are, in a sense, all the flavor concentrated into one juicy fried mouthful. Maybe this is one way to define how Theme and Variations distills Sleeping Beauty: the essence is there, minus the endless fairies.

Unfortunately, there are as many opinions out there about THE “authentic” way to dance Balanchine technique as there are recipes that do, or do not, include nutmeg. Ben Huys of THE Trusts (both Balanchine and Robbins!) was the invited coach. This ballet, despite its surprising construction – the ballerina barely gets to breathe during the first half and then mostly polonaises around for the rest – always turns out to be very tasty.

So let’s just enjoy the show and take a look at the dancers.

On October 17th, from the initial danced statement of the theme up to their deeply elegant réverances, both Bleuenn Battistoni and Thomas Docquir were still clearly inside their heads as Aurora and Désiré from last spring. And they continued to be that way, all the way through.  But, as the last time, there was just 1% missing. A dash of pepper. Battistoni reiterated the unemphatic grace of her first act Aurora: all about just the right uplift and épaulements and un-showy but oh-so centered rock-solid balances. But this performance could also use just one more pinch of spice.  Docquir, as he did last spring, concentrated on making his steps and jumps and batterie as scholastically perfect as possible. His performance wasn’t radiant. In princely roles, he seems to be fighting imposter syndrome. He rushed the music in partnering at times.

Honestly, this Theme was lovely, courtly, polished. The soft and precise landings into every pose at the end of a sequence literally pulled the audience in. I noticed that my neighbor kept leaning forward towards the stage each time, as if she had been swept up into 18th century courtesies, impelled to bow in return.

October 17th 2025. Bleuenn Battistoni & Thomas Docquir. Theme & Variations.

With Valentine Colasante and Paul Marque on October 18th, Theme felt looser and more fun. It was Beauty, but Act 3. Colasante luxuriated into the movements and teeny-weeny stretch-the-movement-out just enough beyond the axis to make a swish-swish seem new.  She danced big, fearlessly, and playfully dared to hover a microsecond too long. Both dancers caressed the air and the floor.  And there was something intriguing about the way Marque partnered: he seemed to catch her before the lifts, rather than on the way down, if that makes sense.

After the ballet, I thought about this very French concept of “la belle presentation.” Have you ever looked into a shop window in Paris where all the foodstuffs – from succulent to basic — are beautifully organized? Even bouquets of radishes are carefully placed in delicate patterns. Theme and Variations definitely suits our sense of l’art de vivre.

On both nights, I overheard complaints about the tiny corps on occasion not getting to their places and not lining up properly. Yes, yes, I did see it: one of the four girl soloists, and then especially when the male corps showed up. It’s not worth it to name names, as we have Giselle and a tour going on and are spread thin. Quite a few in the tutus and tights were newish to the stage. I find this critique particularly funny as Paris Opera Ballet is often accused of being too perfect from top to bottom.

As Balanchine would say, “who cares?”

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Rhapsodies. Magda Willi for Mthuthuzell November’s Rhapsodies.

Fennel and Endive /Mthuthuzeli November’s Rhapsodies (2024)

Who knows what to do with fennel or endives? Braise? Slice down in some direction and drench in lemon? No matter what, you have no answers. Maybe they just aren’t meant to be cooked.

Maybe Gershwin’s Rhapsody in Blue – by a composer who wrote pop music but wanted to be taken seriously – just isn’t meant to be used for a ballet?

Other choreographers have taken it on. In Paris, Odile Duboc did in 1999. It was insipid and has long gone into the dustbin.

Mthuthuzeli November’s take on the music has a lot more going for it. Or does it?

A clever set that leaves you puzzled, to start with.  The outlines of wooden door frames are highlighted by led lights. The frames are attached to each other and can be pulled out like accordions and wheeled around or reshaped into one square outline as clouds of dried ice float by. I thought of Olafur Eliasson’s “Inside the Horizon,” that unfolding series of slivered reflections at the Louis Vuitton Foundation. I began to recall the many times Jean Cocteau made characters walk through mirrors in his films. My seatmate – after we made a pact that we would both not put our noses into the program beforehand – concentrated hard and said she saw people trying to step away from their cellphones. A French friend had seen French windows.

So the set gets you from the get-go, even if your mind drifts back to how many choreographers have used moving sets to incite and inspire movement since the beginning of time…

And does the dance get your attention? It’s perfectly watchable, nicely thought out.

On the 17th in the lead couple Celia Drouy, sensual and rounded, was the charming girl next door. I’d love to see her in Dances at a Gathering. It was odd then, late in the piece, when she shoved away her partner, the cooly intense Axel Ibot. It seemed to come out of nowhere.

October 17th 2025. Rhapsodies.

The dance? Watchable and performed with energetic commitment by all. The cast was filled with skilled soloists who are only occasionally ever cast in big roles, such as Ibot (eye-catching here and equally focused the next night when he rejoined the corps) or Fabien Révillion (a delightful Colas long ago and a wrenching Lensky recently). I often watch for Isaac Lopes Gomes, cleanly and powerfully performing no matter what line he’s stuck in. Daniel Stokes. Juliette Hilaire. Charlotte Ranson…

Ah yes the dance. Forgot that one. Weight down but pulled up. A repeated group movement of squats in second thump forward while swaying side to side à la les drinking buddies in Prodigal Son. Open your arms to the sun and close them at varied speeds. Embracing the sky is common to almost all local world dances as well as yoga. Push and pull. As a young woman once said to me after she tried a baguette for the first time and did not want to seem ignorant: “I wasn’t amazed, but it was soft, it was crunchy, it was warm! It was soft and crunchy! Wasn’t it supposed to be soft and crunchy?”

On the 18th I think another layer got added to Rhapsodies. Letizia Galloni was laid back/avid, out-of-here/imperious, chiseled/pliant. She projected a mysterious anguish and tension which made you notice from the start that she was indeed pushing back at her partner, Yvon Demol. Even when Galloni yields, she holds something back.

Letizia Galloni is another one of those soloists whose career has switched on and off and on. Talented and eye-catching from the time she graduated the POB school, she scored La Fille Mal Gardée during the Millepied era about ten years ago. Then she faded into herself. Then disappeared. (At least here in a national company, you can go into hibernation without being fired).  But she popped up again last spring in Sleeping Beauty and offered the audience one of the loveliest Gold and Silvers I’ve seen in many a year: relaxed, imperious, generous, impeccable technically, with a sense of bounce and sweep that made us in the audience glad for her.

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October 17th 2025. Corybantic Games.

Turnips/ Christopher Wheeldon’s Corybantic Games (2018)

Un “navet” aka turnip is the French way to say “that was a real dud.” I could have called this ballet a turkey, but we being very svelte and are only going to eat veggies today.

This thing, created for The Royal Ballet in 2018, has no structure (dramatic or balletic), no core, and dithers endlessly along. My seatmate on the 17th called it “soporific.” I thought of nastier words but simply nodded. I seriously considered skipping it on the 18th. Once was more than enough.

The pretty costumes are white with black ribbons crisscrossed across the torso that then dangle down from the shoulders. During the second night’s curtain calls, I tried to see if there was some sense to the danglers. Seems like the more of a soloist you are, the more ribbons.

The pretentious music is by Leonard Bernstein whenever he windily demands to be taken seriously. I’d call it Bride of Agon. The choreography, equally self-infatuated, proffers up innumerable quotes from just about every ballet that had an Antique World-y theme to the point that you could use it as a quiz: Note down the minute and the second where this choreographer directly cites Nijinsky, Nijinska, Robbins, Balanchine, Taylor. From Faun(s) to Apollo to Antique Elegies, this whole ballet felt like some snarky schoolboy’s inside joke. Flexed heels and upside-downsies and, as my seatmate noted, a lot of great final poses that turn out to be just a hook for more of the same. The Third Movement pas de deux ends with the guy hurling the girl up and into the wings (to be caught). Just where have I seen that one before?

It just goes on and on. I am too tired to describe it. Only a few days later I stare at my scribbled notes and all images of actual movement have faded. The steps from scene to scene – indeed within one — never get individuated. I’m looking at the cast list, filled with up-and-coming and cherished dancers and it’s painful. People tried to shine, gave it their all, but.

In the last scene, a soloist turns up (Valentina Colasante on the 17th and Roxane Stojanov on the 18th). Clearly, she is supposed to mean something, but what? Yes, I did know who the Corybantes were and that their earth mother is the fertility goddess Cybele (pretentious me) but what I didn’t see was one drop of wild ecstatic energy — not even once! — during these long minutes (37 minutes says the program, felt at least twenty minutes longer).

So now I’m looking at the program notes. Oh! Games is about Plato’s Symposium and polyamory! A less sexy or sensual ballet you will never find. No one connects. Ever. It turns out that in the fourth movement, if you look closely, the three couples are a straight, a male, and a lesbian one. Ooh! Did I look for boobies at all while three pairs of soloists in low light diddled around before settling into lovely enlaced poses on the downstage lip like teddy bears going to beddy? Seriously? As a female, I should note that women of any kind had no legal status or interest at all to Ancient Greek life or thought. Plato didn’t give a flying…hoot… about women, gay or straight. Why didn’t Wheeldon just make a dance about men being men who then tolerate a female diva who shows up for the grand finale? A fun fact is that Cybele’s male followers often castrated themselves at the apex of their delirium. Come to think about it, I don’t think that would make for a great ballet either.

Bleuenn Battistoni & Roxane Stojanov, Corybantic Games.

As far as the title “Roots” goes, the program book insists that Wheeldon’s roots are in Greece. Seriously? He’s about as English as they come. As for Mthuthuzeli November,  the program talks less about his native origins and much more about his discovery of ballet. This program should have been entitled « Apples and Oranges with a Dried-Out Raisin on The Side. »

Could someone please pass the salt?

 

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Soirées d’ouverture à l’Opéra : la saison des fleurs

Soirée d’ouverture. Ballet de l’Opéra de Paris. Grand défilé du corps de ballet / Requiem For a Rose – Junior Ballet / Giselle. Soirée du 30 septembre 2025.

Et voilà un nouveau début de saison au Ballet de l’Opéra ! Pour cette ouverture, une désormais traditionnelle soirée de Gala a été programmée, soirée à laquelle nous nous sommes bien gardés d’assister. Pourquoi payer un prix outrageusement gonflé pour 1 coupe de champagne et trois petits fours quand le même programme allait être réitéré deux fois dans le courant de la même semaine ?

Pour tout dire, il y a tout de même un prix à payer à assister à ce genre de pince-fesse chorégraphique. Lorsque la pièce de résistance n’est autre que Giselle, chef d’œuvre du ballet romantique, deux heures de beauté et une éternité d’émotion, tout préambule peut paraître superflu. Or, en ce 30 septembre 2025, il n’y en a pas un mais deux.

Le premier était le très couru Grand défilé du corps de Ballet, 25 à 30 minutes de célébration de la plus ancienne compagnie de Ballet du monde. Une page d’Histoire ? On pourrait ironiser. Le défilé, c’est un peu comme notre baguette nationale : comme elle, il ne s’est imposé qu’après la Deuxième Guerre mondiale. En 1946, le Ballet de l’Opéra était encore tout abasourdi d’avoir perdu ses deux têtes, Jacques Rouché, son directeur depuis septembre 1914, et Serge Lifar, maître des destinées chorégraphiques de la Grande boutique depuis 1930, accusés de fricotage imprudent avec l’occupant allemand. L’idée de ce défilé, célébrant l’excellence d’une troupe en très grande forme et redevenue centre de création, était celle de Lifar. Mais le maître étant encore persona non grata sur le plateau. Il revint à Albert Aveline, représentant de la tradition à l’Opéra, de régler le cérémonial. Avant lui, en 1926, Leo Staats, un autre grand représentant de l’école française dont l’Ecole de danse justement reprendra cette saison le très joli Soir de Fête, avait inventé un défilé posé sur un extrait du Tannhäuser du très germanique Richard Wagner. En 1946, Berlioz et ses Troyens ont donc remplacé très avantageusement Wagner, en délicatesse après 4 ans d’occupation allemande, comme l’a prouvé une curieuse tentative de reprise de cette bande-son originale, en 2015, sous l’ère Lissner-Millepied.

Un traditionnel relativement récent ce défilé ? La réponse est peut-être plus subtile. Au XVIIIe siècle, les danseurs et danseuses de la compagnie défilaient déjà pour saluer la loge royale, qu’elle soit occupée ou non.

Aujourd’hui, le Roi, c’est le public. Et ce dernier, qui est bien là, ne se ménage pas pour signifier son appréciation à la différence des salles d’Ancien régime. Ne dit-on pas  –mais est-ce vrai ?- qu’en son temps, la reine Marie-Antoinette créa le scandale en manifestant ouvertement son approbation par des applaudissements ?

Pour cette édition 2025, les motifs de satisfaction étaient réels. En effet, contrairement à la session 2024, qui ressemblait à un texte à trous, les rangs des étoiles étaient serrés lors du salut final. A l’émotion de voir défiler les petits, particulièrement bien rangés, au plaisir de saluer les jeunes du Junior Ballet, venus renforcer les rangs, s’ajoutait en effet le profond bouleversement de revoir enfin Mathias Heymann fouler de ses pas le plateau de Garnier.

Ajoutez à cela l’annonce de la complète restauration du Concours de promotion, d’abord amputé de la classe des sujets puis mis sur la sellette l’an dernier. L’attitude diplomatique d’Alexander Neff et de José Martinez serait-elle en train de porter ses fruits ? Devant le bouquet radieux du défilé, on n’est pas loin de voir poindre des lendemains qui chantent.  

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Dans les projets d’amélioration du Directeur de la Danse se trouve la volonté de revivifier l’usage des pointes pour les nouvelles entrées au répertoire.

Requiem for a Rose. Junior Ballet.

Manifestation de cette volonté, Le Junior Ballet présentait justement une pièce néo-classique qui à défaut d’être très récente (elle date de 2009) avait l’avantage de mettre les danseuses sur pointe dans une mise en scène contemporaine. Requiem For a Rose répond au programme de José Martinez qui préfère inviter une première fois les chorégraphes avec une pièce préexistante pour que celle ou celui-ci apprenne à connaître la compagnie. Outre l’usage des pointes, Annabelle López Ochoa cite sans détour l’Histoire de la Danse. On est apparemment invité à une version 2.0 du Spectre de la Rose de Fokine.

Une nymphette en académique chair, pieds nus, les cheveux lâchés, tient une Rose entre ses dents à la manière de l’antique publicité pour une célèbre marque de dentifrice. La gestuelle est anguleuse. Les basculements brusques du bassin permettent à Shani Obadia de projeter son abondante chevelure dans tous les sens. Sur une bande son de battements de cœur accompagnés de pizzicati humides, arrivent des types en grande jupe pourpre cardinalice. Ils enserrent lentement la danseuse. Va-t-on assister à la vengeance impitoyable de la reine des fleurs, sacrifiée sur l’autel d’un bal ? Voilà qui serait intéressant.

Mais voilà que débute le célèbre adagio du Quintette en ut de Schubert et l’ambiance change du tout au tout. Une chorégraphie fluide, kylianesque en diable, à base de portés volants et tourbillonnants, de bras fluides qui se caressent et semblent toujours s’éviter. Les embrassements sont aussi doux que le parfum d’une rose ancienne. Les filles sur pointes sont habillées à l’unisson des garçons. Les multiples pirouettes demandées aux danseurs et danseuses sont magnifiées par les juponnages généreux des costumes.

Puis le ballet se termine comme il a commencé, sur « l’environnement sonore » d’Almar Kok, avec le retour de la porteuse de rose. Aucune connexion ne s’est établie entre les deux ambiances de la pièce, manquant l’effet éminemment romantique du retour à la réalité.

Inoffensif, Requiem for a Rose se laisse regarder mais s’oublie aussi vite qu’on l’a vu. La route qui conduit au renouvellement de l’usage des pointes paraissait bien longue et incertaine en 2009… Mais les choses ont elles changé ? Le programme Racines qui débute incessamment apportera peut-être des éléments de réponse.

Requiem for a Rose. Shani Obadia et le Junior Ballet.

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La soirée semble déjà bien avancée. La fatigue commence à poindre et, pourtant, Giselle n’a pas encore commencé. Il faut se ressaisir.

Giselle. Décor de l’acte 2 (détail). Alexandre Benois.

Nous avions déjà vu le couple de cette soirée en mai 2024.

A l’acte 1, Sae Eun Park confirme la bonne impression qu’elle nous avait faite alors. Elle délivre une très jolie première scène voletante dans l’épisode de la marguerite. La scène du banc est personnelle. Au lieu d’étaler sa jupe sur l’ensemble de l’assise, elle s’assoit à son extrémité, soulignant ses velléités de fuite face à l’empressement de son partenaire. Dans la Grande valse avec les vendangeuses, ses piqués attitude sont suspendus. Ceux en arabesque, tenus sans raideur, expriment parfaitement l’exaltation amoureuse.

La scène avec Bathilde est charmante. Park s’agenouille avec grâce aux pieds de la traîne doublée d’opulente fourrure et la porte à sa joue avec une vraie simplicité. La diagonale sur pointes, qui suit ce moment pantomime, est aisée et sans technicité vide. Elle n’arrête pas l’action.

La Folie de Giselle-Sae Eun est douce et triste. On se prend à regarder Germain Louvet, prince charmant inconscient jusqu’à l’épisode de l’épée. Peut-être la violence de ce moment  particulier aurait dû davantage guider la Folie de la danseuse pour vraiment bouleverser.

A l’Acte 2, si Roxane Stojanov déçoit un peu avec sa Myrta un tantinet pesante, aux arabesques pas toujours assurées, Park et Louvet forment en revanche un couple bien assorti.

Les adages jouent sur le moelleux et le ralenti tandis que les variations réveillent l’ensemble par des détails très ciselés et mis en avant (les petits ronds de jambes sous le tutu ou les sauts italiens finis petite arabesque pour elle, les pirouettes attitude en dehors prises très rapidement et néanmoins parfaitement contrôlées pour lui).

On s’étonne, à la vue de tant de perfections déployées en compagnie d’un corps de ballet si bien réglé de n’être pas plus ému. Sans doute la longueur et l’éclectisme de cette soirée sous le signe des fleurs (un bouquet, des roses, des marguerites et des lys) y étaient pour quelque chose. On reste enthousiasmé par ce début de saison et curieux aussi de la nouvelle maturité d’interprétation de Sae Eun Park.

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My Spring Season 2025 in Paris 2/2 : A Beauty Binge with Nymphs on the side.

In-Between The Beauties

Sylvia : ensemble.

Manuel Legris’s Sylvia, Palais Garnier, May 8th & 9th

Sandwiched in there, between Belles, we were treated to a short run of a revival/re-do of the ballet Sylvia, which had disappeared from the Paris repertoire.

I had never seen Darsonval’s 1979 version, alas. I will always regret how the Paris Opera then also deprogrammed the one I knew:  John Neumeier’s late 1990’s visually stunning version but esoteric re-interpretation of the story. It did take a while to figure out that Eros and Orion had been conflated into the same dancer by Neumeier,  yet the choreographer’s vivid sense stagecraft worked for me emotionally. All the better that Neumeier’s original naïve shepherd, Aminta/Manuel Legris himself, decided to try to piece together a new version that reached back to the ballet’s classic roots.

It was particularly odd to see most of the Sleeping Beauty casts now let loose/working overtime on this new production. While the dancers gave it their all, quite a few of the mythical beings were sabotaged by a production that included some very distracting costumes and wigs.

The Goddess Diana sports a basketweave ‘80’s Sheila Easton mohawk that would make any dancer look camp. In the role, a rather ferocious Roxane Stojanov held her head up high and ignored it, while the next evening a tepid Silvia Saint-Martin disappeared underneath the headgear to the point I had forgotten about her by the time she reappeared on stage near the conclusion. The interactions between Diana and Endymion make no sense whatsoever, particularly when you are at the top of the house and cannot see what is happening on the little raised platform at the back of the stage. Imagine trying to follow the plot when you can only see a bit of someone’s body wiggling, but without a head. Note to designers:  go sit up at the top of the house and do some simple geometric calculations of vectors, please.

To add to audience discomfort (hilarity?) with the staging at some point Eros, the God of Love, will abruptly rip open the raggedy cloak he’d been disguised in (don’t ask) in order to flash his now simply  gold-lamé-jockstrap-clad physique. On the 9th, Jack Gasztowtt managed to negotiate this awkward situation with dignity. On the 8th, having already gotten mega-entangled in his outerwear just prior to the reveal, Guillaume Diop didn’t. Seriously cringey.

There are many more confusing elements to this version, including the strong presence of characters simply identified as “A Faun” (Francesco Mura both nights) and “A Nymph” (a very liquid Inès MacIntosh on the 8thand a  floaty  Marine Ganio on the 9th).  But what’s with the Phrygian bonnets paired with Austrian dirndls? The Flames of Paris meet the Sound of Music on an Aegean cruise?

In Act 3, some characters seem to wear Covid masks. So please keep the choreography, but definitely junk these costumes!

Despite these oddities, dancers were having serious fun with it, as if they had been released from their solemn vow to Petipa while serving Beauty.

On the 8th of May, Germain Louvet’s fleet of foot and faithful shepherd Aminta charmed us. His solo directed towards Diana’s shrine touched in how grounded and focused it was. His Sylvia, Amandine Albisson, back after a long break, seemed more earthbound and more statuesque than I’d ever seen her, only really finding release from gravity when she had to throw herself into and out from a man’s arms.  But when Albisson does, gravity has no rules. Usually you use the term “partnering” to refer to the man, but I always have the feeling that she is more than their match. When I watch Albisson abandon all fear I often think back to Martha Swope’s famous photograph of Balanchine’s utterly confident cat Mourka as she flies in the air. When it’s Albisson, everything gravity-defying, up to and including a torch lift, feels liberatingly feline rather than showy or scary.

Here the hunter Orion is less from Ovid and more of a debauched pirate straight out of Le Corsaire. On the 8th, Marc Moreau at first moved with soft intention, clearly more of a suitor than a rapist where Sylvia was concerned. You felt kind of sorry for him. His switch to brutality made sense: being unloved is bad enough for a guy, being humiliated by a girl in front of his minions would make any gang leader lash out.

Marc Moreau (Orion), Amandine Albisson (Sylvia) and Germain Louvet (Aminta)

On the 9th, I had to rub my eyes. Bleuenn Battistoni – that too demure Beauty – provided the relaxed and flowing and poignant princess I had hoped to see way back in March. Nothing dutiful here. Already in the first tableau, without doing anything obviously catchy, her serene and more assertive feminine authority insured that the audience could immediately tell she was the real heroine – an eye-catching gazelle. Maybe Beauty is just too much of a monument for a young dancer? Inhibiting?  Ironically, at the end of the season, I would see Albisson let loose as Beauty. The tables will have turned.

I was drawn to Paul Marque’s melancholy and yearning shepherd Aminta. At a certain point, Sylvia will be prodded by Diana to shoot her suitor. Albisson did. Here Battistoni (and who in any case would obey Saint-Martin’s dry Diana?) clearly does by accident, which made the story juicier. Battistoni’s persona was vulnerable, you stopped looking at the “steps” even during the later Pizzicati solo, which she tossed off with teasing and pearly lightness. Everything I had hoped for in Battistoni’s Beauty showed up here.

Sylvia : Paul Marque et Bleuenn Battistoni

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The Belles Are Ringing

La Belle au Bois Dormant’s second series. Opera Bastille, June 27th,July 6th and 7th.

Guillaume Diop et Amandine Albisson (Désiré et Aurore le 7 juillet).

And then, boom, Albisson full out in Sleeping Beauty on July 7th.  As fleet of foot as I knew her to be, neither allegory nor myth but a real and embodied character. Whereas she had seemed a bit too regal as Sylvia, here came the nymph. Delicate and gracious in the way she accepted the compliments of all of her suitors, Albisson created a still space around her whence she then began to enchant her princes. She looked soundless.

Guillaume Diop, who had proven a bit green and unsettled earlier this series, woke up his feet, leaned into his Second Act solo as he hadn’t before – a thinking presence, as someone remarked to me – and then went on to be galvanized by his partner and freed by the music.

Perhaps Diop, like everyone else on the stage, was breathing a sigh of relief. For this second series of Beauties in June/July, the brilliant and reactive conductor Sora Elisabeth Lee replaced the insufferable Vello Pähn. During the entire first series in March and April, this Pähn conducted as slowly and gummily if he were asleep, or hated ballet, or just wanted to drag it out so the stagehands got overtime. With Sora Elisabeth Lee, here the music danced with the dancers and elated all of us. During the entire second series, Bluebirds were loftier, dryads were more fleet-footed. Puss and Boots had more punch and musical humor. Sora Elisabeth Lee gave the dancers what they needed: energy,  punchlines, real rhythm. This was Tchaikovsky.

So this second series was a dream.

On July 6th, Germain Louvet proved that he has grown into believing he can see himself as a prince. I say this because I was long perturbed by what he said as a young man in his autobiography (written before you should really be writing an autobiography).  An assertive prince, a bit tough and perfectly cool with his status as Act Two starts. And then he began unfurling his solo, telling his story to the heavens. His arms had purpose, his hands yearned. And when he saw his Beauty, Hannah O’Neill, it was an OMG moment.

As it had been destined to be. O’Neill’s coltish and gracious and sleek, sweetly composed and well-mannered maiden from Act One was now definitely a damsel in need of a knight in shining armor. She was his dream, no question. She began her Second Act solo as if she were literally pushing clinging ivy aside, her arms moving slowly and filling into spaces at the end of each phrase. No wonder that Louvet’s prince became increasingly nervous seconds later while trying to find his girl in among the sleepers. You could feel his tension. “Are they all dead? Was the Lilac fairy just fooling with me?” And, oh, Act Three. The way he presented his belle, the way they danced for each other.

Hannah O’Neill (Aurore) et Germain Louvet (Désiré)

But of all the Beauties, I will never forget Leonore Baulac’s carefree and technically spot-on interpretation, maybe because I just can’t find a way to describe this June 27th performance in words. Fabulous gargouillades? The way she made micro-second connections with all four of her suitors (and seemed to prefer the one in red)? The way everything was there but nothing was forced? The endless craft you need to create the illusion of non-stop spontaneity? The way Marc Moreau just suited her? Those supported penchées and lean backs in the Dream Scene as one of the most perfect distillations of call and response I have ever seen?

Both Baulac and Moreau sharply etched their movements but always made them light and rounded and gracious. Phrases were extended into the music and you could almost hear whispered words as they floated in the air. They parallelled each other in complicity and attack to the point that the first part of the final pas de deux already felt as invigorating as a coda.

Léonore Baulac et Marc Moreau (Aurore et Désiré).

You can never get enough of real beauty. Let’s hope 2025’s Paris fall season will be as rich in delight.

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A l’Opéra : Sylvia de Manuel Legris. De poussière, de marbre ou d’albâtre.

Cette saison, l’Opéra fait rentrer à son répertoire un ballet à éclipses pourtant né entre ses murs. Sylvia, premier ballet créé pour le cadre du Palais Garnier, a connu en effet moult versions et a disparu maintes fois du répertoire.

Le ballet revient dans une version d’un enfant de la maison, Manuel Legris, qui fut un éminent danseur étoile à Paris avant de devenir un excellent directeur de compagnie à l’étranger. Cette version de Sylvia a d’ailleurs été créée au Wiener Staatsballett en 2018 avant d’être reprise au Ballet de la Scala de Milan, deux compagnies que Legris a successivement dirigées.

Manuel Legris ayant décidé d’adopter une vision traditionnelle de ce ballet de 1876, on ne peut s’empêcher de jouer au jeu des comparaisons avec la dernière version classique de ce ballet qui fut au répertoire de l’Opéra, celle de Lycette Darsonval datant de 1979 et jamais reprise par la compagnie bien qu’elle soit toujours dansée par le Ballet National de Chine et que la Grande boutique envoie toujours ses propres répétiteurs lorsqu’il y est remonté. Le Ballet de Chine l’a d’ailleurs présenté sur la scène du Palais Garnier durant la saison 2008-2009.

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Lycette Darsonval avait fait de ce ballet son cheval de bataille. De la chorégraphie de la Sylvia de Mérante, on ne sait pas grand-chose. Darsonval avait créé la version de Serge Lifar en 1941 mais avait également brillé dans la version d’Albert Aveline qui citait elle-même la version de Léo Staats (1919) dans lequel il avait dansé avec Carlotta Zambelli ; version qui était inspirée de motifs de la chorégraphie de Mérante.

Les rapports qui lient la version Legris à la version Darsonval sont sans doute du même acabit que ceux qui liaient la version Staats à celle de Mérante. Les deux ballets ont un puissant air de famille sans que pour autant la chorégraphie soit identique. Il y a des motifs communs. Par exemple, à l’acte 1, les chasseresses effectuent une entrée à base de temps levés et de grands jetés et Sylvia alterne jetés et attitudes devant. La main qui ne tient pas l’arc est souvent posée sur l’épaule. Il y a des marches sur pointe genoux pliés. Le berger Aminta fait une entrée avec des piqué arabesques et des tombés en arrière en pointé 4e devant.

Sylvia : les chasseresses

Manuel Legris, qui à l’acte 3 garde l’adage connu entre Sylvia et Aminta, fait un choix plus radical lorsqu’il décide d’inverser la présentation de la traditionnelle variation des Pizzicati. Il déplace en effet la diagonale de sautillés sur pointe en milieu plutôt qu’en début de variation. Ceci donne certes un développement plus ascendant à ce passage mais s’éloigne peut-être de la manière de Léo Staats qui aimait bien présenter d’emblée sa ballerine avec une prouesse technique telle cette série de tours à l’italienne qui débute la variation de l’étoile dans Soir de Fête.

Mais la Sylvia de Manuel Legris n’est pas qu’une variation de la Sylvia de Darsonval. On y retrouve en palimpseste la carrière de danseur du chorégraphe Manuel Legris.

Une dizaine d’années avant de prendre sa retraite de la grande boutique, Manuel Legris avait fait partie des créateurs de la version plus contemporaine de  Sylvia par John Neumeier. Il était Aminta en face de sa partenaire fétiche Monique Loudières ainsi que d’Elisabeth Platel en Diane et de Nicolas Leriche en Eros/Orion.

De la version Neumeier qu’il a créée, Legris retient le développement des rôles de Diane et d’Endymion voulu par l’Américain de Hambourg. A l’origine, la fière chasseresse n’apparaissait que dans la scène finale de l’acte 3 où elle venait châtier le profanateur Orion et la félonne Sylvia. Endymion quant à lui n’était qu’une apparition dans les lointains pour expliciter le dialogue pantomime où Eros donnait une leçon de modestie à Diane. Ici, un pas de deux Diane-Endymion, très classique et bien loin de la force poétique de son inspirateur moderne, prend place sur l’ouverture du ballet et explicite la situation initiale. On préfère la prestation pleine d’autorité de Roxane Stojanov à celle de Sylvia Saint Martin, plus en retrait. Marius Rubio, très éveillé pour un Endymion, séduit par ses grands jetés aux côtés de cette dernière.

Andrea Sarri. Orion

L’héritage Noureev n’est jamais très loin non plus. Les deux « Nubiennes » dans la grotte d’Orion ne sont pas sans rappeler la danse Djampo de La Bayadère (mention spéciale à la prestation savoureuse d’Eléonore Guérineau). Surtout, le rôle du chasseur noir Orion, à l’origine mimé et déjà augmenté chorégraphiquement par Lycette Darsonval, lorgne clairement vers l’Abderam très Paul Taylor concocté par Noureev pour sa Raymonda de 1983.

On pourrait aussi noter un petit emprunt à un collègue. La scène des satyres de l’acte 2 sur un extrait musical de La Source qui n’est pas sans évoquer la danse de Zaël et des elfes dans le ballet de Jean-Guillaume Bart datant de 2011. Le passage est efficace sans pour autant atteindre la magie de la scène concoctée par Bart.

Mais dans l’ensemble, on peut se montrer satisfait de la chorégraphie de Manuel Legris, nourrissante pour les danseurs, notamment en termes de saltation, et qui ménage habilement une spirale ascensionnelle dans la pyrotechnie des solistes. Elle culmine lors de la grande bacchanale de l’acte 3. On apprécie aussi la prestesse d’exécution que Legris requiert de ses danseurs qu’ils soient dans le corps de ballet ou sur le devant du plateau. Le tout est enlevé et la partition de Léo Delibes scintille sous la baguette primesautière de Kevin Rhodes ; un soulagement après la direction empesée de Vello Pähn sur La Belle au bois dormant.

Une autre qualité du ballet de Manuel Legris est de ne jamais oublier l’action. La pantomime est conservée et bien accentuée lorsque cela est nécessaire notamment pendant la scène de punition d’Aminta à l’acte 1 ou encore dans les interactions entre Sylvia et Orion à l’acte 2 : « Suis-je ta prisonnière ? ». Même dans le grand divertissement de la Bacchanale de l’acte 3, Legris parvient, en mettant sur le devant un trio de paysans, une fille et deux gars qui se la disputent, à faire une référence au triangle Aminta/Sylvia/Orion et à briser, par là même, le côté succession de danses décoratives de ce dernier acte.

On aimerait être aussi positif sur la production mais c’est malheureusement là que le bât blesse. Les costumes  de Luisa Spinatelli, dans l’ensemble corrects, n’échappent pas toujours au fade (la tunique de Diane, couleur brique, loin d’être divine. Et que dire du panier en osier qu’elle porte sur la tête ?), au kitsch (le pauvre Eros est affligé à l’acte 1 d’un inénarrable slibard doré) ou au hors-sujet (les costumes des paysans à bonnet phrygiens nous évoquent plutôt le très soviétique Flammes de Paris que la pastorale antique). Plus grave, les décors sont d’une absolue platitude. Les toiles peintes poussiéreuses et mal éclairées enferment l’action dans une boite qui sent déjà la naphtaline. Même si des ajustements ont été apportés aux lumières entre deux soirées, le statisme des praticables et la froide géométrie des espaces interdisent le rêve. La nef d’Eros ressemble à une crédence de buffet Henri II et l’œil est agressé à l’acte 3 par une large coupe en polystyrène, dorée à la bombe. Rien qui inspire des libations dionysiaques.

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Les défauts de la production sont plus ou moins visibles selon les distributions. Celle de la première nous a moins touché. Amandine Albisson, qui fait son retour sur la scène de l’Opéra, nous a paru un peu marmoréenne. Elle a de très belles lignes mais l’ensemble de sa prestation au premier acte était sous le signe de la pesanteur. Le tout s’améliore grandement à l’acte 2 où son côté terrestre convient bien à la bacchante séductrice et enivrante qui se joue de son geôlier Orion (Marc Moreau, que son travers minéral sert ici, lui donnant l’autorité et la violence du chasseur noir). A l’acte 3, Albisson-Sylvia maîtrise suffisamment les difficultés techniques ainsi que la vitesse d’exécution tout en y ajoutant une note charnelle. On finit par adhérer au couple qu’elle forme avec Germain Louvet (fort belles lignes, un peu tendu à l’acte 1 mais qui se libère à l’acte 3 dans sa variation aux échappés battus de même que dans la coda pyrotechnique).

La seconde distribution m’a plus directement séduit. Paul Marque, plus compact physiquement que Germain Louvet, est plus plausible en berger. Sa première entrée est à la fois moelleuse et élégiaque. Il semble vraiment diriger sa danse vers la statue d’Eros. Dans le rôle dieu marionnettiste, Jack Gasztowtt, bien qu’un peu moins superlatif dans les difficultés techniques et les portés (notamment le flambeau avec Sylvia à la fin de l’acte 2) que Guillaume Diop dans le même rôle, est beaucoup plus crédible dans la scène pantomime de la résurrection d’Aminta. Avec sa grande cape argentée et son masque assorti, il parvient à maintenir un équilibre sur le fil entre l’inquiétant et le comique.

Bleuenn Battistoni, quant à elle, remplace le marbre par l’albâtre translucide. La légèreté, le phrasé de la danse, la ligne idéale (notamment lors des arabesques basculées sur pointe), les changements d’épaulement captivent l’œil et touchent aux tréfonds du cœur. Sa variation méditative devant le corps supplicié d’Aminta est ondoyante et poétique. A l’acte 2, Battistoni passe certes un peu trop sans transition de demoiselle en détresse à tentatrice aguicheuse mais cela est fait avec tant de chic qu’on lui pardonne aisément cette inconséquence dramatique. En face d’elle, Andrea Sarri, aux sauts puissants, déploie un charme capiteux au point qu’on s’étonnerait presque que l’héroïne résiste à son kidnappeur. A l’acte 3, Bleuenn Battistoni et Paul Marque parviennent enfin à nous faire croire à leur couple pourtant peu porté par l’argument de Jules Barbier et Jacques de Reinach, Aminta n’ayant eu à l’acte 2 aucune part dans la libération de son béguin réticent de l’acte 1. Pris dans le tourbillon immaculé des pirouettes attitude en dehors sur pointe de mademoiselle Battistoni, on ne demande qu’à croire à son bonheur conjugal.

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Voilà donc une nouvelle entrée au répertoire de l’Opéra globalement satisfaisante pour Sylvia. On lui souhaite une longue carrière et surtout des oripeaux, des décors et des éclairages plus dignes des standards de la maison qui jadis fut son berceau.

Sylvia. Kevin Rhodes, Manuel Legris et Amandine Albisson. Première, saluts.

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Onéguine : O’Neill-Mélac, « à l’anglaise »

Portrait de Laure Bro, Théodore Géricault. 1818-1820.

Onéguine (Tchaïkovski-Cranko), Ballet de l’Opéra de Paris. Représentation du 17 février 2025.

La Tatiana de Hannah O’Neill est dotée d’un physique « préromantique » qui évoque parfaitement les jeunes femmes peintes ou sculptées avant 1830 par les artistes néoclassiques. Sagement assise sur sa banquette d’osier, calme lectrice, elle nous fait penser au portrait de Laure Bro par Géricault. Comme le modèle du peintre, la danseuse semble à la fois rester en retrait mais porter un regard curieux sur le monde qui l’entoure. Elle offre un contraste saisissant avec l’Olga de Roxane Stojanov, sa petite soeur de ballet, qui déploie une très juvénile énergie. Ces qualités ont beau être inscrites dans la chorégraphie de Cranko, on apprécie combien la légèreté primesautière de la nouvelle danseuse étoile de l’Opéra sied à ce rôle. Son partenaire, Milo Avêque, qui trouve en Lenski l’une de ses premières opportunités de conséquence dans la compagnie, a de la fraîcheur. Le pas de deux de l’idylle entre les deux tourtereaux, une sorte de pastiche des adagios des pas de deux romantiques, s’essouffle bien un peu sur la durée mais ce couple Olga-Lenski fonctionne bien. A la fin du premier tableau, le baiser qu’obtient le jeune poète de sa fiancé derrière le rideau translucide d’avant-scène est d’une grande justesse et, par conséquent, absolument émouvant.

Roxane Stojanov (Olga) et Milo Avêque (Lenski).

En Onéguine, Florent Melac se montre plus réservé que ténébreux. Dans ses interactions avec Tatiana, on le sent davantage amusé qu’agacé par l’attention appuyée que lui porte son interlocutrice. Son visage s’illumine même parfois d’un sourire radieux. Sa variation pensive nous parait donc plus sincère qu’affectée. En cela, monsieur Melac joue intelligemment avec ses grandes qualités (c’est un danseur harmonieux, musical et lyrique) tout en masquant ses petits défauts : il n’a pas ce genre de charisme qu’avaient Audric Bezard ou encore Evan McKie qui leur permettait, rien qu’en posant le pied sur scène, de camper leur personnage.

On sait donc déjà qu’on va s’éloigner de l’anti-héros dépeint par Pouchkine : un dandy diablement séduisant, poli par une éducation irréprochable mais complètement vide intérieurement et narcissique mais qu’importe car, au premier acte, cette approche est fructueuse.

Lors du pas de deux au miroir on n’est pas encore dans les débordements de la passion mais plutôt dans l’idéal de la rencontre, les portés ont du lié et une forme de légèreté. L’Onéguine qui sort du miroir ne semble point tant un fantasme d’homme qu’une version à peine idéalisée du bel inconnu rencontré dans l’après-midi.

A l’acte 2, Florent Melac fait une entrée au bal très élégante et distante, teintée d’agacement mesuré. On y verrait plus un Mister Darcy de Pride & Prejudice qu’un Onéguine de Pouchkine. La scène de la lettre déchirée est empreinte d’une certaine humanité. Hannah O’Neill montre de son côté une farouche véhémence dans sa variation du désespoir. Ses mouvements de mains et de poignets résonnent à souhait comme une supplique.

C’est peut-être à ce moment que l’approche très Jane Austen, de Florent Melac trouve ses limites. Après avoir frappé la table de jeu où il affectait de jouer une réussite, il passe un peu sans transition du bel indifférent à l’enragé qui lutine Olga (Stojanov joue parfaitement l’écervelée qui volette sans voir la montée du drame) et qui piétine les sentiments de son meilleur ami Lenski.

Pour la scène du duel, Milo Avêque est touchant dans sa jeunesse et sa verdeur d’interprète. Ses très jolies lignes et le suspendu de ses pirouettes évoquent à ravir le poète qui écrirait une lettre d’adieux à sa fiancée. Certains gestes de la pantomime de désespoir sont encore un tantinet sémaphoriques mais l’ensemble est des plus prometteurs. En revanche Florent Melac nous semble manquer un peu de nuances dans ses fluctuations d’humeur : le conciliateur, le coléreux, l’implacable adversaire et enfin le repenti honteux nous semblent se succéder comme autant de personnages différents.

A l’acte 3, l’interprète s’amende cependant. En Onéguine triste vieilli et nostalgique, Melac sait se montrer touchant. Avec certains interprètes, la scène où le corps de ballet féminin glisse sur le plateau sous des lumières tamisées, rappelle les Mémoires d’Outre-Tombe où Chateaubriand évoque –quelque peu complaisamment- les femmes disparues qui ont eu le bonheur de croiser sa route. Avec Florent-Onéguine, on a plutôt l’impression d’assister à un résumé de sa vie solitaire après le duel avec Lenski. Peut-être cet Onéguine s’est-il rendu précisément compte après avoir commis l’irréparable qu’il était réellement amoureux de Tatiana.

Jeremy-Loup Quer (Prince Gremine)

Pendant le duo très fluide entre Tatiana et le Prince Gremine (Jeremy-Loup Quer, qui donne du corps et une aura à la fois rassurante et séduisante à son personnage), jolie évocation du bonheur conjugal serein, Onéguine semble essayer de ne pas se faire remarquer ; une forme de délicatesse qu’on n’a pas l’habitude d’observer chez le personnage principal du ballet de Cranko.

Pendant la dernière scène, les premiers moments d’excuses et de supplication du danseur sont absolument émouvants (la couronne entourant Tatiana sans la toucher à la manière de James dans La Sylphide de Taglioni ou les agenouillements sont particulièrement réussis). Il n’y a aucun sentiment de calcul ni de prédation qui se dégage de cet homme qui a réalisé son erreur passée et tente de rattraper désespérément le temps perdu.

Le dernier pas de deux est comme une version plus aboutie du pas de deux du miroir. Ce que l’on perd en violence acrobatique dans les portés est contrebalancé par la plénitude des abandons et des embrassements. TatiHannah, qui quelques instants avant l’arrivée du héros s’accrochait à son mari comme un naufragé à une planche du navire, chasse finalement Melonéguine. Mais son expression n’exprime pas le triomphe de la détermination ; c’est plutôt une nouvelle et ultime blessure avec laquelle elle devra vivre le restant de ses jours.

On doit reconnaître qu’on a été touché par cette interprétation plus sentimentale et plus fruitée, plus anglaise en somme du poème de Pouchkine.

Hannah O’Neill (Tatiana) et Florent Melac (Onéguine).

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Paquita: une Étoile pour les fêtes

Opéra Bastille – Représentation du 28 décembre 2024.

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J’ai beau être blasé, quand j’ai pris une place pour la soirée du 28 décembre, j’avais dans un coin de ma tête l’idée d’une nomination possible : initialement prévue 8 jours avant, mais reportée pour cause de grève, la prise de rôle de Roxane Stojanov dans Paquita pouvait être l’occasion du type d’annonce dont la direction de la danse est friande en fin d’année (ça fait toujours des petits reportages à la télé). Aux jumelles, le soir même, j’ai cru voir Alexander Neef dans la salle (un signe généralement favorable : le directeur de l’Opéra de Paris n’assiste pas à toutes les représentations). Certes, la tradition voudrait qu’on ne nomme à l’étoilat qu’en présence d’une déjà-Étoile sur scène, mais en ces temps où le concours de promotion s’étiole, cette règle pouvait aussi bien voler en éclats.

Bref, tout était ouvert, et j’étais là pour apprécier le spectacle. Un peu comme Marie-Agnès Gillot dans le même rôle en 2010, Mlle Stojanov dépare d’emblée : au milieu de tous ces gitans mal-nourris, son grand corps détonne. Son énergie la singularise, son exubérance déborde. Elle est en retard, elle fait tourner en bourrique Iñigo, elle ne reste pas en place (ni à sa place). Et c’est charmant : le haut du corps est très mobile, les ports de tête sont spirituels et variés, le bas de jambe est vif, et les gambades tricotées par Lacotte assumées avec joliesse et élégance.

La donzelle ne fait qu’une bouchée d’Antonio Conforti, remplaçant Pablo Legasa annoncé souffrant, et qui campe un Iñigo un rien pâlot (le danseur est plus préoccupé d’assurer correctement sa variation que d’y mettre du piment). La relation avec Lucien, incarné par Thomas Docquir, est plus équilibrée : le danseur, qui a le profil gourmé de l’emploi, est un solide partenaire, et assure sa partition sans brio technique délirant mais avec de belles lignes et un joli sens du phrasé : cela donne, au premier acte, un charmant unisson d’esprit et de musicalité entre les deux interprètes – notamment quand Paquita et Lucien dansent en canon tandis que le corps de ballet masculin et féminin fait le décor mouvant en arrière-plan. Lors de la deuxième scène, qui voit la donzelle déjouer le projet d’assassinat contre son futur, Roxane-actrice alterne avec une vitesse confondante danse vive et mimiques drolatiques.

Au second acte, Mlle Stojanov et damoiseau Docquir ménagent un joli crescendo dramatique entre leur pas de deux amoureux et le grand pas. Parmi les morceaux de bravoure, l’interminable série de tour-arabesque/tour-attitude finit par manquer un peu d’élan, mais les fouettés sont menés avec une facilité réjouissante. Dans le pas de trois, aux côté de Camille Bon plutôt raide et de Célia Drouy plus déliée, on découvre le beau ballon de Lorenzo Lelli, propre et élégant. Au deuxième acte, les deux officiers incarnés par Chun-Wing Lam et Aurélien Gay sont à égalité de style. Il y a dans le corps de ballet quelques petits nouveaux qui en font des tonnes en termes de caractérisation espagnole, et c’est assez amusant.

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Forsythe-Inger à l’Opéra : presque…

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Impasse. Scénographie. La maison à géométrie décroissante de Johan Inger. Lumières de Tom Visser

La première partie du programme de gala avait été, si vous vous en souvenez, assez peu roborative. On se réjouissait donc, après un entracte, de retourner dans le vif des choses avec deux ballets du grand Billy (entendez William Forsythe).

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Las, il faudra attendre encore de longues minutes avant d’être emporté. En effet, je n’ai pas reconnu Rearray, cette pièce créée pour Sylvie Guillem et Nicolas Le Riche en 2011 et vue au TCE en 2012. Certes, le pas de deux a été transformé en pas de trois, mais l’absence totale de réminiscences a sans doute d’autres raisons plus préoccupantes.

Lors de la répétition publique à l’amphithéâtre Bastille vue par Fenella, le répétiteur a en effet livré l’attitude de Forsythe lui-même face au remontage de ses œuvres. « Il n’y a pas de version définitive de ses ballets », « Les interprètes ne doivent pas reproduire ce qui a été fait par d’autres », « un ballet repris peut être transformé ». Tous ces principes, en eux-mêmes semblent fructueux. Forsythe est de cette génération qui a vu les ballets de Balanchine lentement se fossiliser après la mort du maître en 1983 (époque où Forsythe créait sa toute première pièce pour l’Opéra : France Dance).

La création du Balanchine Trust était une grande première. Elle consistait dans le legs des ballets du maître à certains de leurs interprètes, désormais seuls à être autorisés à les remonter dans d’autres compagnies. Le système a vite montré ses limites. Il y eut vite des luttes d’influences et certains imposèrent des règles qui n’étaient pas fixes du vivant du maître. Par exemple, le diktat du non-posé du talon au sol dans les enchaînements rapides s’est généralisé quand il n’avait été conçu par Balanchine que pour contourner le manque de longueur de tendon d’Achille de certains danseurs. Violette Verdy, créatrice de Tchaikovsky-Pas-de-deux, n’a jamais eu à utiliser cet expédient. Figer les règles n’a pas non plus empêché la dérive staccatiste qui à mon sens défigure les ballets du chorégraphe dans sa propre compagnie, le New York City Ballet.

Néanmoins, l’attitude de Forsythe face au remontage de ses ballets qui pourrait se résumer à « le style correct, c’est celui des danseurs qui sont en train de danser » rencontre aussi ses limites. Déjà à l’époque de Rearray avec Guillem-Leriche, je me montrais soulagé de retrouver le Forsythe qui m’avait fasciné depuis le début des années 90 et non une mouture chichiteuse du maître de Francfort. Car il y a le style (qui trop révéré peut scléroser) mais il y a aussi le Style (les spécificités chorégraphiques qui sont le cœur de l’œuvre du créateur).

En 2012, j’avais donc retrouvé les départs de mouvements à la Forsythe, c’est-à-dire de parties complètement inattendues du corps (un genou, une épaule). C’est ce qui justifiait l’accent mis par exemple sur les préparations, habituellement cachées dans le ballet académique et néoclassique mais hypertrophiées ici. Forsythe a ajouté au ballet une approche déconstructiviste, mettant l’accent sur le détail, ce qui rend également l’irruption de la danse et de la virtuosité inattendue et galvanisante pour le public. Les danseurs passent et repassent de l’attitude de ville au balletique sans crier gare. Mais devrait-on écrire « rend » ou bien « rendait » ? Aujourd’hui, de plus en plus, lorsqu’on voit les danseurs marcher sur scène, on a l’impression qu’ils sont sur le catwalk d’une énième Fashion Week. Les positions à poignets cassés ne sont plus déconstructivistes, elles sont tout bonnement maniéristes. La pièce d’occasion deMy’Kal Stromile en était la consternante preuve par l’exemple.

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Rearray. Roxane Stojanov.

Sans atteindre ce tréfonds, il nous faut reconnaître que Rearray mouture 2024 nous laisse complètement sur le bord de la route. Avec Roxane Stojanov, une subtile interprète qu’on ne peut accuser de maniérisme, tout part du centre attendu chez un danseur d’expression classique. La danseuse va piquer très loin ses pointes (Guillem dansait sur demi-pointes), jusqu’au point de déséquilibre, c’est fort beau, mais son mouvement reste continu quand les fulgurances post classiques devraient naître d’une préparation manquée ou d’une marche de rue. Dans ce Rearray, Roxane Stojanov demeure à chaque instant une danseuse.

En 2012, on s’était émerveillé aussi du mystère de la pièce : était-on face à un duo ou à un double solo ? Ici, la question ne se pose plus vraiment. Takeru Coste et Loup Marcault-Derrouard (qui parvient à se désarticuler d’une manière conforme à l’esthétique Forsythe) nous offrent ce jeu de nœuds trop léché avec leur partenaire qu’on a vu et revu partout. C’est la malédiction Forsythe en plein.

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Blake Works I, qui est fabriqué sur la joliesse inhérente à l’école française, ressort mieux. Ces badinages chorégraphiques sur les musiques suaves à paroles sombres de James Blake mettent la compagnie en valeur. Au soir du 9 octobre, beaucoup des créateurs du ballet en 2016 sont encore dans les rangs et ont, pour certains, monté dans la hiérarchie.

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Blake Works. Curtain calls

Léonore Baulac est toujours aussi lumineuse dans son rôle avec ses lignes pures, son mouvement continu et sa sensibilité à fleur de peau. Elle accomplit, une fois n’est pas coutume, un très beau duo avec Germain Louvet qui reprend le rôle de François Alu. Le pas de deux « The Color in Anything », qui à l’époque semblait teinté d’une charge « biographique » (on avait le sentiment d’assister à une scène de rupture amoureuse) ressemble aujourd’hui à ce qu’il était vraisemblablement dès le départ, l’évocation d’un travail de studio en cours qui résiste à devenir pas de deux. Les mains se croisent, les passes se tentent et avortent. On sent la frustration poindre chez l’interprète féminine face à son chorégraphe-partenaire à moins que ce ne soit elle la créatrice et lui le modèle rétif. Le trio « Put that Away » avec Pablo Legassa, Caroline Osmont et Inès McIntosh (nouvelle venue dans ce ballet), avec ses poignets cassés et ses poses de chat, fait penser à une version moderne du mouvement flegmatique des Quatre Tempéraments de Balanchine. On est fasciné. Hohyun Kang danse avec une jolie énergie et de belles lignes le rôle de Ludmila Pagliero même si on regrette les gargouillades ciselées de la créatrice. Le duo final avec Florent Mélac manque de recueillement intérieur. Hugo Marchand, qui a le mérite de montrer l’angularité de la chorégraphie, ressort moins que dans mon souvenir. Il me semble qu’il marque joliment. On est cependant satisfait de l’ensemble du ballet porté par sa vingtaine d’interprètes.

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Blake Works. Saluts

Le constat de cette section de la soirée reste néanmoins mitigé.

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Après un nouvel entracte, on va pouvoir enfin assister à la première pièce de Johan Inger entrée au répertoire du ballet de l’Opéra : Impasse.

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Impasse. Répétition publique à l’Amphithéâtre Bastille. Fernando Madagan (répétiteur), Ida Viikinkoski, Marc Moreau et Andrea Sarri.

J’avais pour ma part assisté à la répétition publique à l’Opéra Bastille, le 21 septembre. Le répétiteur Fernando Madagan avait choisi de présenter le trio central du ballet. L’ensemble était on ne peut plus prometteur. La chorégraphie, très fluide, avec ses marches et ses glissés au sol, ses corps qui dessinent des volutes, ses dos qui s’arquent vers le ciel et conduisent à des chutes rattrapées par les partenaires, sont dans la veine post classique. Il y a également une veine ekienne (Inger n’est pas Suédois pour rien) avec ses marches sur genoux pliés, ses poses assises jambes écartés et ses gestes du quotidien hypertrophiés, ses rires et des dandinements comiques. Le chorégraphe ajoute même une note folklorique en réaction à la bande son apposant Ibrahim Maalouf et Amos Ben-Tal.

Dans son solo, Ida Viikinkoski accomplit des sortes de sauts temps de flèche attitude en reculant qui sont une véritable déclaration d’innocence. Dans le duo, Andréa Sarri est lui aussi dans le charme et l’insouciance en dépit du gros patch qu’il porte à l’épaule gauche. Bien que le duo se transforme en trio, avec l’arrivée de Marc Moreau, on ne repère pas de rivalité entre les garçons pour la fille. Le répétiteur revient sur des nuances d’interprétation ou sur des dynamiques de mouvement qui vont changer le sens et le perception du passage. Viikinkoski est très réactive. Moreau se voit souvent reprocher de ne pas être assez dans le relâché au début mais se reprend bien. Il reste néanmoins plus sur le contrôle que les deux autres. On ne se refait pas. Fernando Madagan annonce qu’il y aura sur le plateau une puis deux puis trois maisons rétrécissant l’espace au fur et à mesure que les danseurs entreront en nombre toujours croissant. Trois groupes différents s’additionneront au final : le trio, les gens de la ville puis les royalties et autres excentriques. Le titre de la pièce, « Impasse » ferait référence au sentiment d’enfermement et d’inéluctable créé par le COVID. Comme pour la soirée Cherkaoui, Voelker, Kerkouche à l’Opéra en novembre 2020, Impasse fut finalement créé en ligne par les danseur junior du Nederlands Dans Theater (NDTII)…

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Impasse. Johan Inger. Saluts

Au soir du 9 octobre, le résultat final laisse pourtant un tantinet perplexe. Si on y retrouve les qualités des ballets de Johan Inger. Il y a d’abord son habileté à lier sa chorégraphie à la scénographie, à la différence de ce qu’a pu faire le duo Leon-Lightfoot au NDT. On apprécie la séquence des Oty People (les gens de la ville), presque music-hall, avec son drôle de va-et-vient ramenant toujours plus de danseurs qui s’ajoutent. On comprend enfin la symbolique de l’arrivée des personnages colorés et divers : d’abord tentés par le conformisme (le trio se change pour le costume unisexe noir des citadins), nos trois innocents d’hier sont confrontés aux sirènes de l’ultra individualisme. Ils échappent in extremis à cette apocalypse vociférante en se glissant sous le rideau couperet qui descend lentement sur le devant de la scène. Pourtant, cette dernière séquence avec ces gesticulations et ces cris nous perd un peu. On se remémore certaines pochades déjantées proposées par Kylian à la fin de sa direction à La Haye. On ne s’est pas ennuyé, non. Johan Inger sait composer un ballet. Mais on ne ressort pas aussi inspiré qu’on a pu l’être après certaines de ses productions. Le succès est d’estime et on espère que le directeur de la danse saura donner une autre chance au Suédois qui serait à même d’enrichir le répertoire du ballet de l’Opéra de Paris.

Au final, ce programme d’ouverture, celui de la première saison authentique de José Martinez à la direction de la Danse, aura été truffé d’occasions manquées.

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Les Balletos d’Or de la saison 2023-2024

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Louis Frémolle par Gavarni. « Les petits mystères de l’Opéra ».

Il sont plus attendus, dans certains cercles nationaux comme internationaux, que les médailles d’or aux Jeux olympiques. Leur sélection est aussi secrète que celle des restaurants étoilés au guide Michelin. Et le sprint final aura été – presque – aussi tendu que les tractations en vue de la désignation d’une future tête de majorité parlementaire. Ce sont, ce sont – rrrrroulement de tambour – les Balletos d’Or de la saison 2023-2024!

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Ministère de la Création franche

Prix Création : le Boléro déstructuré d’Eyal Dadon (Hessisches Staatsballett. Le Temps d’Aimer la Danse).

Prix Recréation : Catarina ou la fille du bandit (Perrot/ Sergei Bobrov. Ballet de Varna)

Prix Navet : Marion Motin (The Last Call)

Prix Invention : Meryl Tankard (For Hedi, Ballet de Zurich)

Prix Jouissif : Les messieurs-majorettes de Queen A Man (Le Temps d’Aimer la Danse)

Prix Nécessaire : le Concours #4 des jeunes chorégraphes de Ballet (Biarritz)

Ministère de la Loge de Côté

Prix Je suis prête ! : Roxane Stojanov (Don Quichotte)

Prix Éternelle Oubliée : Héloïse Bourdon (au parfait dans Casse-Noisette, le Lac …)

Prix Intensité : Philippe Solano (le Chant de la Terre de Neumeier, Ballet du Capitole de Toulouse)

Prix J’ai du Style : Tiphaine Prevost (Suite en blanc, Ballet du Capitole de Toulouse)

Ministère de la Place sans visibilité

Prix de l’Inattendu : Marcelino Sambé et Francesca Hayward, Different Drummer (MacMillan, Royal Ballet)

Prix Ciselé : Chun-Wing Lam (La Pastorale de Casse-Noisette)

Prix Guirlande clignotante : Camille Bon (Off en Reine des Dryades / On en Reine des Willis)

Prix Voletant : Kayo Nakazato (La Sylphide, Ballet du Capitole de Toulouse)

Ministère de la Ménagerie de scène

Prix Biscottos : Mick Zeni (Zampano, La Strada, Sadler’s Wells)

Prix Félin élancé : Daniel Norgren-Jensen (Conrad, Ballet de Stockholm)

Prix Groucho bondissant : Arthus Raveau (Le Concert de Robbins)

Prix Souris de laboratoire : Léonore Baulac et ses poignants piétinements aux oreillers (Blaubart, Pina Bausch)

Prix Des Vacances : le petit âne (La Fille mal gardée) et la colombe (Les Forains), retirés des distributions à l’Opéra.

Ministère de la Natalité galopante

Prix Complicité : Inès McIntosh et Francesco Mura (Don Quichotte)

Prix Limpidité : Hohyun Kang et Pablo Legasa (Don Quichotte)

Prix Complémentarité : Bleuenn Battistoni et Marcelino Sambé font dialoguer deux écoles (La Fille mal gardée)

Prix Gémellité : Philippe Solano et Kleber Rebello (Le Chant de la Terre de Neumeier)

Prix Ça vibre et ça crépite : le couple Hannah O’Neill et Germain Louvet (ensemble de la saison)

Prix par Surprise : Sae Eun Park, émouvante aux bras de Germain Louvet (Giselle)

Ministère de la Collation d’Entracte

Prix Poivré : Bleuenn Battistoni et Thomas Docquir (In the Night de Robbins)

Prix Savoureux : Nancy Osbaldeston (La Ballerine dans le Concert de Robbins, Ballet du Capitole de Toulouse)

Prix Bourgeon : Hortense Millet-Maurin (Lise dans La Fille mal gardée)

Prix Fleur : Ines McIntosh (Clara dans Casse-Noisette)

Prix Fruit : Marine Ganio (Clara dans Casse-Noisette)

Prix – vé de dessert : Silvia Saint-Martin (Myrtha dans Giselle)

Ministère de la Couture et de l’Accessoire

Prix bariolé : la garde-robe dégenrée des gars de Car/Men (Chicos Mambo)

Prix poétique : Les Eléments et les Monstres de Yumé (Beaver Dam Company, Le Temps d’Aimer la Danse)

Prix Soulant Soulages : Yarin (Jon Maya et Andrés Marin, Le Temps d’Aimer la Danse)

Prix Ma Déco en Kit : Matali Crasset (Giselle, les décors et costumes. Ballet de l’Opéra national de Bordeaux)

Ministère de la Retraite qui sonne

Prix On aurait pu lui donner un Albrecht pour sa sortie : Audric Bezard

Prix « C’est qui ces gens bruyants de l’autre côté de la fosse ?» : Myriam Ould-Braham (les adieux).

Prix Musée d’Ontologie : L’exposition Noureev à la Bibliothèque Musée de l’Opéra

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My Nights at the POB (2024 Spring / Summer collection)

A classical ballet, just like a classic book you’ve reread many – many ! – times, almost never fails to delight you again when you rediscover it. Here are some of my most recent ones at the Paris Opera ballet.

Hannah O’Neill and Germain Louvet: a most pleasant discovery

P1200303Don Quichotte on March 27th

For a while now, I’d been unconvinced by the pairing of Hannah O’Neill with Hugo Marchand. His large presence overwhelmed her and their lines and musicality did not match. He made her look small and quite pallid, which is odd considering that the smaller Gilbert never did. Maybe it’s because Gilbert is clearly a fighter while O’Neill’s persona is more demure?

But who else could she dance with? Germain Louvet? Pairing them in Don Q on March 27th proved splendid: their lines and timing and reflexes completely in synch. They even giddily broke the line of their wrists exactly when the music went “tada.”

But Don Q is a comedy.

Up until now, for me, Germain Louvet only lacked one thing as an artist: gravitas. It was impossible to find fault with his open-hearted technique, but somehow I always got the feeling that he wasn’t quite convinced when he played a prince. Some part of him remained too much a stylish young democrat of our times.

His acting could reminded me of how you tried to keep a straight face when you got cast as Romeo at an all-girl’s high school.  You tried really, really hard, but it just wasn’t you.

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Germain Louvet (Basilio) et Hannah O’Neill (Kitri).

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Giselle. Saluts

Giselle on May 28th

Then something happened when Louvet stepped out on the stage on May 28th. Here was a man whose self-assurance seemed worldlier, tougher, critical distance gone. Within seconds in his pantomime with Wilfried, Louvet “was” that Old-World well-mannered man used to being obeyed and getting what he wants at any restaurant. I was convinced.

And it all came together when Hannah O’Neill answered his knock-knock.  A healthy, normal girl with no secrets who has clearly been warned about men but who has decided – on some level to this Albrecht’s surprise – that he is a good man.

Everything about O’Neill’s Giselle, from her first solo onwards, breathed restraint and modesty. She was the kind of girl who speaks so softly you cannot help but lean in to her.  Louvet’s Albrecht clearly felt this.

Once again, every little danced detail matched. But more than that, these two were literally inside the same mental space. Both of them reacted strongly to Berthe’s narrative:  O’Neill spellbound and Louvet taking that cautionary tale personally, as if Giselle’s mother had just put a hex on him. Later, when Giselle shows him her big new diamond pendant, Louvet managed the degrees of that multileveled reaction of “I must not tell her she has a scorpion crawling on her chest just yet.” And none of this felt like he was trying to steal the spotlight. He was really in the moment, as was she.

Antonio Conforti’s Hilarion had also been believable all along, his mild state of panic at the growing romance evolving into fear for her life. (His Second Act panic will be equally believable). When Conforti had rushed in as if shot out of a cannon to put a stop to the romance, you could see how Giselle knew that he was no monster. This nice Giselle’s inability to disbelieve anyone made her mad scene all the more poignant. No chewing of the scenery, her scene’s discreet details once again made us want to lean in and listen.  Giselle’s body and mind breaking down at the same time was reflected in the way O’Neill increasingly lost control, even the use, of her arms. She took me directly back to one awful day when I was crying so hard I couldn’t breathe and walked straight into a wall. Utter stunned silence in the auditorium.

Louvet’s differently shaped shock fit the character he had developed. You could absolutely believe in the astonishment of this well-bred man who had never even put one foot wrong at a reception, much less been accused of murder.

Woman, Please let me explain
I never meant to cause you sorrow or pain
So let me tell you again and again and again

I love you, yeah-yeah
Now and forever*

In Act II, you had no need of binoculars to know that the regal Roxane Stojanov  was the only possible Queen of the Wilis. Her dance filled the stage. Those tiny little bourrées travelled far and as if pulled by a string. She seemed to be movingNOTmoving. Her reaction at the end of the act to the church bells chiming dawn — a slow turn of the head in haughty disbelief — made it clear that this Queen’s anger at one man, all men, would never die. Clearly, she will be back in the forest glade tomorrow night, ready for more.

I was touched by the way Louvet’s Albrecht was not only mournful but frightened from the start. It’s too easy to walk out on the stage and say “just kill me already.” It’s another thing to walk out on the stage and say “I’ve never been so completly confused in my entire life.”

Woman, I can hardly express
My mixed emotions at my thoughtlessness
After all, I’m forever in your debt…*

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Hannah O’Neill et Germain Louvet (curtain call)

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P1220593Le Lac des cygnes on June 27th

O’Neill’s unusual interpretation of Odette – under-swanned and unmannered – reminded me of Julia Roberts saying ,” “I’m just a girl standing in front of a boy asking him to love her.” No diva here. O’Neill’s swan/princess had not only been captured but promoted queen against her will. All she wants is to be seen as a normal girl. I think this take on the role might have put out some in the audience nourished by that awful horror movie’s over the top clichés. Once again I fell for the rich nuances in this ballerina’s demure and understated authority.

And here was Germain Louvet again! Elegant, well-mannered, gracious, and absolutely un-melancholy. His prince was not self-involved, yet regal with a kind of natural elegance that set him apart. I’ve met people like that.

Louvet’s at ease Siegfried just wants to dance around with his friends and has never thought much about the future.  Often the Queen Mother scene just seems like an intertitle in a silent movie: basic information needed to make a plot point. The acting can be light, as in Paris the dancers cast as queen mothers are mostly ten to fifteen years younger than their sons. Young Margaux Gaudy-Talazac, however, had believable authority and presence.  I cannot put my finger on exactly what she and Louvet did and when, but what developed was clearly the Freudian vision Nureyev had had for this ballet in the first place. “Why do you want me to go find a woman? I’m just fine here with you, mommy.” This Siegfried’s rejection of the Act Three princesses was preordained no matter what. What a pity, then, that Thomas Docquir’s flavourless Wolfgang and stiff Rothbart gave all the others little to work against.

Back to no matter what… But what if a woman unlike all other women actually exists? Hey, what if even dozens of them are lurking out there just outside the windows? Louvet’s tiny gesture, stopping to stroke a tutu as if to check it were for real as he progressed in through the hedgerow of swan maidens, made these thoughts come to life.

O’Neill and Louvet’s courtly encounters were like the water: no added ingredients, pure and liquid. O’Neill kept her hands simple – the way you actually do when you swim– and Louvet gently tried to get in close enough to take a sip but she kept slipping away from him. As he gently and with increasing confidence pushed down her arms into an embrace, you could sense that she couldn’t help but evaporate.

Their lines and timing matched once again. But I wondered if some in the audience didn’t find this delicately feminine and recognizably human Odette too low energy, not flappy enough? But she’s a figment of HIS imagination after all! This Siegfried was in no need of a hysteric and obviously desired someone calm, not fierce. [This brings me back to what doesn’t work in Marchand/O’Neill. He may appreciate her in the studio, but on stage he needs a dancer who resists him].

As Act Three took off, I found myself bemused by when I do focus, and when I don’t focus, on how this production’s Siegfried is dressed in bridal white. Louvet’s character was indeed both as annoyed and then as anguished as an adolescent. No other betrayed Siegfried in a long time has buried his face in his mother’s skirts with such fervor.

Nota Bene: All nights, in the czardas, the legs go too high. The energy goes up when it should push forward. This ancient Hungarian dance is not a cancan.

As Odile, O’Neill once again went for the subtle route. Her chimera played at re-enacting being as evanescent as water, now punctuated with little flicks of the wrist. Louvet reacted in the moment. “She’s acting strangely. Maybe I just didn’t have time last night to see this more swinging side to her?”

In Act Four, O’Neill’s Odette was no longer under a spell, just a girl who wants to be loved. No other Siegfried in a long time has dashed in with more speed and determination. As they wound and unwound against each other in their final pas de deux of doom I wondered whether I’d ever seen Louvet’s always lovely partnering be this protective. The only word for his partnering and persona: maternal.

It wasn’t a flashy performance, but I was moved to the core.

And woman
Hold me close to your heart
However distant, don’t keep us apart
After all, it is written in the stars*

*John Lennon, “Woman.” (1980)

 

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Le Lac des cygnes. Hannah O’Neill (Odette/Odile) et Germain Louvet (Siegfried).

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Sae-Eun Park : I found her and then lost her again

Gisele May 17 Sae-Eun Park and Germain Louvet

P1220423During Giselle, what I’ve been looking for finally happened. Before my eyes Sae-Un Park evolved from being a dutiful baby ballerina into a mature artist. And her partner, Germain Louvet (again!) whom I’d often found to be a bit “lite” as far as drama with another goes, came to play a real part in this awakening.

But this was not the same Albrecht, to boot. From his first entrance and throughout his dialogues with Wilfried, words from an oldie began to dance around at the back of my brain:

Well, she was just seventeen
You know what I mean
And the way she looked
Was way beyond compare
So how could I dance with another
Ooh, when I saw her standing there?*

I almost didn’t recognize Park. All the former technical mastery was still in place but it suddenly began to breathe and flow in a manner I had not seen before. She came alive. All her movement extended through a newfound energy that reached beyond from toes and fingertips and unblocked her already delicate lines. Her pantomime, her character, became vivid rather than textbook. I’ve been waiting for Park to surprise herself (and us) and here she demonstrated a new kind of abandon, of inflection, of fullness of body.

Well, she looked at me
And I, I could see
That before too long
I’d fall in love with her
She wouldn’t dance with another
Ooh, when I saw her standing there*

Throughout the ballet, Louvet and Park danced for each other and not for themselves (which had been a weakness for both to grow out of, I think). Park’s acting came from deep inside. From inside out for once, not demonstrated from without. During her mad scene, I simply put my notebook down.

Act 2 got off to a… start. Sylvia Saint-Martin clearly worked on controlling all the technical detail but danced as harshly as is her wont for now. The disconnect between her arabesque, torso, and abrupt arms, the way she rushes the music, the way her jumps travel but don’t really go anywhere…everything about her dance and stage presence just feels aggressive and demonstrative from start to stop. She finally put some biglyness into her last manège, but it was too late for me.

Well, my heart went « boom »
When I crossed that room
And I held her hand in mine

Oh we danced through the night
And we held each other tight*

There was a different kind of emotional violence to Germain Louvet’s first entrance, reacting to THIS Giselle. Along with the flowers, he carried a clear connection to the person from Act One onto the stage. You don’t always get the feeling that Giselle and Albrecht actually see each other from the backs of their heads, and here it happened. Both rivalled each other in equally feathery and tremulous beats. Their steps kept echoing each other’s. Park’s Giselle was readably trying to hold on to her memories, and moved her artistry beyond technique.  This newfound intensity for her was what I’d long hoped for. I am still impressed by how visible she made Giselle’s internal struggle as the dark forces increasingly took control of her being and forced her to fade.

I left the theatre humming as if the thrum of a cello and the delicate lift of the harp were tapping on my shoulder.

Now I’ll never dance with another, Ooh.*

*The Beatles, “How Could I Dance With Another?” (1963)

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Sae-Eun Park (Giselle) et Germain Louvet (Albrecht)

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Swan Lake, Sae-Un Park with Paul Marque on June 28th

P1220597However, this performance saw the ballerina go back into comfort mode.

In Act 1 Pablo Legasa, as the tutor Wolfgang aka Rothbart, instantly asserted his authority over Siegfried and the audience understood in a way that it hadn’t with  Docquir whose presence didn’t still does not cross the footlights . Legasa’s tutor gleefully set up the about-to be-important crossbow as he slid it into Marque’s hands, just as he would later use that cape better than Batman. Most Rothbarts manipulate the Loïe Fuller outfit like a frenemy, at best.

The little dramatic nuances matter. Whereas Louvet’s Siegfried hadn’t really wanted to rock the boat much during Act 1 — so to be fair Docquir didn’t have that much to do — tonight Legasa repeatedly denied Paul Marque, whose Siegfried is more of a regular guy, any escape or release without express permission.

Paul Marque doesn’t possess the naturally elongated lines of Germain Louvet, but that isn’t a problem for me. Marque’s vibe feels more 19th century: dancing at its best: a restrained yet elevated 90 degrees back then was the equivalent of 180 now and every step he makes is as clearly outlined as if it popped out of an engraving. The way he worked up towards making the last arabesque in his solo arch and yearn gave us all we wanted as to insight into the internal trauma of the character.

In Act 2, Sae-Eun Park finally arrived to the delight of her fans.  She gave a very traditional and accomplished classic rendering of Odette, replete with big open back, swanny boneless wings/arms, took her time with the music and became a beautiful abstract object in Siegfried’s arms. Her solo was perfectly executed. Could I ask for anything more? Maybe?

You have to make it work for you. O’Neill remained a woman, a princess trapped in some kind of clammy wetsuit and gummy gloves that covered her fingers. Park outlined and gave a by the book performance of the expected never having been a human swan. But at least now she dances from the inside out and her arms do fully engage in dialogue with her back.

I loved the way this Siegfried reacted to all the swans. “What? You mean there’s more of them?” Marque, as in Act One, then chiselled a beautifully uplifted variation that felt true to Nureyev’s vision in the way a synthesized centeredness (thesis) encounters and surmounts a myriad of unexpected changes in direction (antithesis). Very Hegelian, was Marque’s synthesis.  Bravo, he made philosophical meanderings come alive with his body.

These lovers are lulled into the idea that escape is possible and will happen soon.

In Act 3, Legasa continues to lead the narrative. He is clearly whispering instructions into Odile’s earbud while also utilizing his cape and hands as if they were remote control.. For once Rothbart’s solo did not seem like a gratuitous interruptionsreplete with awkward landings. The pas de deux can in fact be a real pas de trois if that third wheel unspools his steps and stops and brings out the underlying waltzy rhythm of the music. Legassa tossed off those double tours with flippant ease and evil father-figure panache. Nureyev would have loved it.

Park’s Odile? Marque recognized his Odette instantly. Park did everything right but only seemed to come into her own in her solo (from where I was sitting). Even if her extended leg went up high and she spinned like a top, at the end of the pas de the audience didn’t roar.

“When Siegfried discovered he has both betrayed and been betrayed, Louvet, like a little boy, he wrapped his arms desperately tight around his mother.” Why did I write that in my notebook at the exact moment when I was watching Paul Marque in the same pantomime? I don’t quite remember, but I think it was because “mama” wasn’t what anything was about for him.

In the last Act, while Legasa acted up a storm, Marque remained nice and manly. The night before, Germain Louvet had really put all his energy into seeking Odette and fighting back against the forces of darkness. He really ran after what he wanted. Marque is maybe just not as wild by nature. Or maybe he just stayed in tune with Park? In Act 4, Park did fluttery. Lovely fluttery arms and tippy-toes that stayed on the music and worked for the audience. I observed but didn’t feel involved.

For me, only Pablo Legasa made me shiver during this Park/Marque Swan Lake. I found myself wondering what Park would have done IF a more passionate dancer like Legasa – as Louvet had been recently for her Giselle – had challenged her more. Now that I think back, Marque, too, had hit a high dramatic level when recently paired with Ould-Braham in Giselle. Maybe it’s time to end “ParkMarque.”  I like them both more and more, just not together.

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Le Lac des cygnes. Sae-Eun Park (Odette/Odile) et Paul Marque (Siegfried).

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Héloïse Bourdon: The Treasure that’s been hiding in plain sight.

You may say I’m a dreamer
But I’m not the only one*

P1220572Swan Lake, Héloïse Bourdon and Jerémy-Loup Quer, on July 12th

Then on July 12th, something long anticipated didn’t happen. Again. As she had way back then on December 26th, 2022, Heloïse Bourdon gave yet another stellar performance as Odette/Odile in Le Lac des Cygnes. At the end, as the audience roared, so many of us expected the director to come out and finally promote Bourdon to étoile (star principal). Instead all we all got do was shuffle out quietly and once again go home to wash off what was left of our mascara.

If anyone managed to find the perfect balance between woman and swan this season, it was Bourdon.  Even in the prologue, this princess showed us that she felt that danger prickling down the back of her neck just as an animal does.

As the curtain rises after this interlude, Jeremy-Loup Quer’s Siegfried puts his nightmare aside and is feeling just fine with his friends. He will later prove rather impervious to his mother’s admonitions and more boyishly cheered by her gift of the crossbow. Then, there was the moment where he looked intently at his baby throne only to turn his back on it in order to stare out of once of the the upstage window slits.

This Siegfried’s melancholic solo was infused by a kind of soft urgency, where the stops and starts really expressed a heart and mind unable to figure out which way to go. Touchingly, Bourdon would echo exactly this confused feeling in her solo in the Second Act, bringing to life the idea that Odette is both a product of Siegfried’s imagination and indeed a kindred soul.

As Wolfgang the Tutor, Enzo Saugar had made his entrance like a panther, a strong and dark-eyed presence with threateningly big hands. I instantly remembered his first splash on the stage as a very distinctive young dancer in Neumeier’s Songs of a Wayfarer at the Nureyev gala last year .  Alas, as of now, Saugar continues think those eyes and those splayed fingers suffice. This works at first glance, but goes nowhere in terms of developing a coherent evening-long narrative. He just wasn’t reactive. He was performing for himself.

So thank goodness for Heloïse Bourdon. As Odette, she uses her fingers and wrists mightily as well, but with variety and thought. Hers was a woman and swan in equal and tortured measure. When she encounters Siegfried, he is clearly instantly delighted and she is clearly a woman trapped in a weird body who hestitanly wonders whether he could actually be her saviour.

Whereas Louvet’s Siegfried had seemed to say when the bevy of swans had filled the stage, “What? The world has always been full of swans?! This is like so unbelievable,” Quer seemed to be saying, as with the Princesses later: “Pleasure to meet you, but for me there is only one swan and I’ve already found her.”

 I’d have to agree. Bourdon glowed from within without any fuss, and this was magnified by the unusual way she used her arms. Some dancers don’t connect their arms to their backs, which I hate. When dancers make their arms flow out from their backs this gives their movements that necessary juice. But here Bourdon’s arms had a specific energy that I’ve rarely seen. It flowed and contracted inward in waves from her fingers first and then pulled all the way back into her spine. I was convinced. That’s actually how you do feel and react when you are injured.

Throughout the evening, whether her swan was white or black, these two danced for each other, including not leaving the stage after a solo and staying focused for their partner from a downstage corner.  Whether in Act Two or Four, each time Rothbart tried to rip her out of Siegfried’s arms via his spell, this couple really fought to hold onto each other.  You could understand this prince’s bewilderment at a familiar/unfamiliar catch-me-if you-can Odile. (Perfectly executed, unbelievably chiselled extensions, fouettés, etcetera, blah blah, just promote her already).

Like Giselle, this Odette knew her hold on life was fading as the end of the last act approached. The energy now reversed and seemed to be pumping out from her back through her arms and dripping out of her hands and beyond her control. This Siegfried, like an Albrecht, like someone in a lifeboat, kept begging his beloved to hold fast.

The Paris Opera’s management may be blind, but the audience certainly wasn’t. I saw a lot of red eyes around me as we left the theatre in silence. Oh what the hell. As long as Heloïse Bourdon continues to get at least one chance to dance a leading role per run I can dream, can’t I?  Next time, how about giving her a Giselle for once?

Imagine there’s no heaven
It’s easy if you try
No hell below us
Above us, only sky*

*John Lennon, “Imagine” (1971).

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Le Lac des cygnes. Héloïse Bourdon (Odette/Odile) et Jeremy-Loup Quer (Siegfried).

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