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Programme « Racines » à l’Opéra : la forme et les formules

A l’Opéra de Paris, le programme Racines concocté par José Martinez se proposait de présenter trois ballets écrits pour la technique des pointes. L’an dernier, Sharon Eyal, qui devait créer avec cet accessoire central du ballet classique féminin, avait reculé devant l’obstacle. Ici, les trois œuvres répondaient donc bien au cahier des charges. La soirée proposait une reprise et deux entrées au répertoire : Thème et Variations s’y trouve depuis 1993. Corybantic Games de Christopher Wheeldon a été créé par le Royal Ballet en 2018 et Rhapsodies, par le chorégraphe Sud-africain Mthuthuzeli, est une très récente création pour le Ballet de Zurich, en 2024.

Le programme était bien pensé sur le papier. Qu’allait-il en être sur scène ?

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Theme & Variations.

La soirée s’ouvrait sur un des chef-d’œuvres du ballet néoclassique : Thème et Variations créé par George Balanchine en 1941 à l’American Ballet Theatre pour Alicia Alonso et Igor Youskevitch. L’eouvre appartient à la veine des ballets néo-pétersbourgeois du chorégraphe russe qui, au début du XXe siècle, avait participé aux derniers feux des ballets impériaux en exécutant des rôles d’enfant dans les grands ballets du tout juste défunt Petipa, notamment La Belle au bois dormant. Thème et Variations est d’ailleurs, comme d’autres ballets de Balanchine (Ballet Impérial, 1941, ou Diamants, 1967) une reconstruction amoureuse du ballet des ballets. Les théories des huit danseuses qui entrent en piétinés, main dans la main et servent de guirlande décorative aux développés équilibres de la ballerine, sont une citation assumée du septuor des fées du prologue. Les variations, extrêmement véloces, de la soliste de Thème ne sont pas sans rappeler les évolutions d’une fée Fleur de farine, Canari ou Violente. Les variations du soliste masculin reprennent en le condensant le répertoire de pas des rares variations de prince de La Belle. Le grand ballabile qui clôt le ballet est typique de la manière de Petipa.

Après une double et longue série de Belle au bois dormant la saison dernière, le ballet de l’Opéra s’est montré, les trois soirs où nous avons vu le ballet, tolérablement à la hauteur de sa réputation. Les demoiselles (en tutu bleu roi) étaient fort disciplinées tandis que les damoiseaux ont pu à l’occasion s’agenouiller en ligne sinusoïdale après leur grand jeté en tournant. Du quatuor de demi-solistes féminines, en bleu-layette, on aura préféré celui de la soirée du 7 novembre qui comptait dans ses rangs Claire Teisseyre et Nine Seropian. Les développés sur pointe avaient un petit côté jazzy qui rendait particulièrement hommage au style du plus américain des chorégraphes russes.

Les fortunes sont diverses chez les étoiles mais jamais inintéressantes. Le 18 octobre, Valentine Colasante se montre élégante : un joli travail des mains sans affectation et des épaulements bien dessinés. En revanche, elle finit sa première variation rapide bien avant l’orchestre, manquant donc son effet. Paul Marque  a un beau ballon. Ses jetés rebondis en attitude ou ses temps levés double ronds de jambe piqué arabesque sont parfaits. Pourtant, son aura de Leading man est en berne. C’est d’autant plus dommage que partenariat est fluide avec une pointe charnelle ajoutée par Colasante. Musicalement, ce passage n’est pas aidé par l’orchestre, le solo du premier violon est languissant sans être émouvant et l’orchestre, sous la baguette plan-plan du sempiternel Velö Pahn, joue les sédatifs. Ce défaut musical ne s’améliorera pas hélas avec les deux distributions suivantes.

Valentine Colasante et Paul Marque. Thèmes et Variations. 18/10/2025

Le 6 novembre, Roxane Stojanov interprétait le rôle de l’Etoile. La dernière nommée de l’Opéra a de jolies lignes et un joli phrasé. Ses gargouillades sur la première variation sont bien dessinées quand elles n’était pas le point fort de Colasante. Malheureusement elle manque successivement les pirouettes finales de ses deux variations, ternissant un tableau sans cela fort positif. On retient donc davantage son partenaire, Lorenzo Lelli, qui maitrise parfaitement sa partition et déploie le charisme qui manquait tant à Paul Marque. Lelli a un beau temps de saut. Il danse avec beaucoup de doigts, montrant que son mouvement va jusqu’aux extrémités du corps. L’arabesque en revanche pourrait s’allonger encore un peu, s’apparentant plus pour le moment à une attitude.

Le jour suivant on est enfin inconditionnellement conquis. Les premiers danseurs Inès McIntosh et Francesco Mura menaient avec maestria le corps de ballet. McIntosh, le bas de jambe ciselé, s’envole littéralement durant les gargouillades de la première variation. Ses épaulements à la fois précis et déliés séduisent car ils indiquent précisément des directions dans l’espace qui sortent du cadre pourtant large de la scène. Sa vitesse d’exécution dans les pirouettes ébaubit.

Francesco Mura, compact et explosif dans les sauts, la présence solaire, n’est pas sans évoquer Edward Villela, un grand interprète du rôle dans les années 70. Dans la série des doubles ronds de jambe les arabesques en piqué sont claires comme le cristal.

Dans l’adage, McIntosh à une qualité de distance-présence, très Farrellienne, qui nous donne envie de la voir dans le mystérieux et intime pas de deux de Diamants. Dans le Final pyrotechnique, le couple McIntosh-Mura peaufine l’arrêté-enchainé : les positions arabesques sont soulignées sans que jamais le flot du mouvement ne soit interrompu. Un bonheur !

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Rhapsodies.

La deuxième pièce, Rhapsodies, nous permet de découvrir un chorégraphe sud-africain inconnu de nous, Mthuthuzeli November. Le jeune chorégraphe, actif depuis le milieu des années 2010, propose une chorégraphie sur la célébrissime Rhapsody in Blue de Georges Guershwin pour piano et orchestre. La pièce, créée à Zurich en 2024, bénéficie d’une scénographie soignée de Magda Willi. Au début du ballet, une grande et profonde porte carrée éclairée en leds trône au centre de la scène. Actionnée par les danseurs, elle se difracte ensuite en plusieurs ouvertures qui redéfinissent l’espace et créent des effets-miroir assez malins. Déployées en forme de fleur, posées en arc de cercle, ces ouvertures sont surmontées d’un luminaire central (l’ex-cadre de la porte initiale), similaire à ceux qu’on trouverait dans une salle de billard mais qui aurait été repensé par un designer danois des sixties.

Rhapsodies de Mthuthuzeli November. Letizia Galloni et Yvon Demol

La gestuelle utilise d’amples ports de bras qui semblent entraîner les grands développés des jambes. La spirale est à l’honneur. Il y a des passages à genoux. Un premier couple ouvre le ballet, observé par un troisième larron avant que l’ensemble des danseurs, portant des costumes du quotidien à peine retouchés, n’apparaissent. Le 17 octobre et le 7 novembre, Letizia Galloni séduit par son énergie d’élastique tendu, prêt à vous claquer à la figure. Elle danse aux côtés d’Yvon Demol intense et athlétique. Le 6 novembre, Hohyun Kang fait montre d’une sinuosité plus végétale et exsude un parfum de sensualité qu’on aurait aimé trouver dans sa Myrtha, un tantinet monolithique, sur la scène de Garnier. Pablo Legasa, quant à lui, concurrence sa partenaire sur le terrain de la liane douée de vie. Sa souplesse, qui ferait pâlir d’envie une danseuse, est magnifiée par la force de son partenariat. Les oppositions et tensions du duo créent un phrasé palpitant.

Hohyun Kan et Pablo Legasa dans Rhapsodies de Mthuthuzeli November

Néanmoins, avec ces deux couples intéressants à leur manière, on reste un peu à l’extérieur. Tout d’abord, on ne comprend pas quelle histoire ils racontent. Leur connexion avec le corps de ballet qu’ils rejoignent entre deux passages solistes, reste obscure. Et on finit par se lasser de cette chorégraphie qui emploie tout le répertoire du classique sexy à l’américaine utilisé maintes fois à Broadway. La musicalité est calquée sur la musique : les mouvements de groupe se font sur les tutti d’orchestre et la phrase musicale semble paraphrasée. A l’occasion, certains mouvements tonitruants sont comiques. L’entrée des filles en piétinés sur pointe avec bras mécaniques ou le final où les garçons rejoignent les filles pour des piétinés sur demi-pointe n’est pas sans évoquer, l’humour en moins, la scène des papillons du concert de Robbins.

C’est plaisant, ça bouge, mais on a une impression de déjà-vu. Le programme annonçait que dans Rhapsodies, Nthuthuzeli November mêlait la danse de rue qu’il pratiquait enfant en Afrique du Sud et l’héritage de la danse classique. De rue, je n’ai décelé que la 42eme.

Ceci pose la question de l’intitulé de la soirée. Je pensais naïvement au début que Racines faisait référence au point commun de ces trois ballets : l’usage des pointes. Mais il semblerait que les racines en question étaient culturelles : la Russie pour Balanchine –connexion évidente dans Thème et Variations-, l’Afrique du Sud pour November –qu’on n’a pas été capable de déceler- et … la Grèce pour Christopher Wheeldon ?

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Corybantic Games.

C’est peut-être aller cherchez un peu loin les « Racines ». Certes, toute la culture occidentale peut se réclamer de la Grèce antique et le Ballet est sans conteste né d’un désir de retrouver les racines de la tragédie classique. Encore l’Empire romain était-il aussi convoqué comme origine de la pantomime noble. On pourrait retrouver un autre angle d’approche pour justifier le rattachement au thème de la soirée. Car pour ses rites corybantiques (des célébrations en l’honneur de la déesse castratrice Cybèle), Wheeldon a choisi la Serenade after Plato’s Symposium de Leonard Bernstein, une œuvre « à citations ».

En effet, Bernstein qui fut un compositeur novateur et rempli d’humour pour la comédie musicale (outre le célébrissime West Side Story, on pense à Candide qui fit entrer Voltaire sur la scène de Broadway) se voyait aussi en compositeur sérieux. Et dans ce domaine, hélas, sa muse était un tantinet constipée. Les œuvres symphoniques de Bernstein sont souvent ampoulées voire boursoufflées. Dans sa Sérénade platonicienne, il singe à tout-va les génies de son temps : il y a  un peu d’Hindemith, qui n’a lui-même pas toujours fait dans la dentelle, et beaucoup de Stravinski. Le dernier mouvement, tonitruant avec ses cloches, est embarrassant de grandiloquence.

Suivant jusqu’au bout son choix musical contestable, Christopher Wheeldon fabrique lui aussi une œuvre à citations. Il y a un soupçon d’Ashton dans les coquets costumes années 30 à harnais d’Erdan Morahoglu (on pense à Variations symphoniques mais pourquoi pas aussi La Chatte de Balanchine), une bonne dose de Robbins (celui d’Antique Epigraphs) dans le deuxième mouvement et beaucoup des Quatre Tempéraments de Balanchine (le dernier mouvement avec sa danseuse colérique qui évolue énergiquement au milieu de l’ensemble du corps de ballet et des solistes).

Ce jeu de collage lasse. Le ballet ne dure pourtant qu’une petite demi-heure… qui paraît une éternité.

Dans le Premier mouvement (lent) 2 garçons s’imbriquent l’un dans l’autre. Des positions bizarres, promenades-accroupissement sur demi-pointes, jambes en développés en dedans sont censés intriguer. Arrivent ensuite les filles. Bleuenn Battistoni  (le 18 octobre et le 6 novembre) montre ses belles lignes par des poses coquettes, très Art Déco, qu’on ne pardonne pas habituellement au style Lifar qui a le mérite, au moins, d’être d’époque. Le 7 novembre, Camille Bon, danseuse plutôt dans la veine sérieuse, force sa nature et rend le passage d’autant plus affecté.

Le deuxième mouvement commence par un solo pour une ballerine. Hohyun Kang tire ce qu’elle peut de ses précieux enchaînements qui la conduisent parfois au sol. Dans ce passage-citation d’Antique Epigraphs, c’est pourtant Claire Teisseyre qui retient notre attention le 7. Lorsqu’elle casse sa ligne très pure par des flexes des pieds ou des poignets, elle évoque presque une muse d’Apollon musagète de Balanchine. On reste néanmoins dans la citation.

Inès McIntosh et Jack Gasztowtt (les trois soirs) bénéficient ensuite d’un duo dynamique avec moult portés acrobatiques, y compris le dernier où la danseuse semble jetée dans la coulisse en double tour en l’air par son partenaire. Reconnaissons à ce mouvement le bénéfice de l’efficacité.

On ne peut en dire autant de l’adagio qui propose trois duos concomitants pour les solistes des mouvements précédents (deux femmes, deux hommes, un couple mixte) sans pour autant proposer de contrepoint par une énergie spécifique qu’ils déploieraient. Le décor arty, les lumières rasantes léchées nous bercent au point de nous faire piquer du nez.

Dans le dernier mouvement, néo-colérique, c’est Nine Seropian, par son alliance de pureté classique et d’énergie moderne qui nous convainc plus que Roxane Stojanov qui rend l’ensemble un peu trop fruité et minaudant.

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La critique peut paraître sévère. Christopher Wheeldon est assurément un chorégraphe chevronné. Aurais-je apprécié ce Corybantic Games si j’en étais aux prémices de  ma balletomanie ? Sans doute. La salle qui répond avec enthousiasme lors du baisser de rideau n’a pas à avoir honte de son plaisir. Simplement, on se dit qu’une fois encore, on se retrouve à ressasser des formules depuis longtemps éculées.

Faut-il pour autant abandonner la création néoclassique ? Certes pas. Balanchine lui-même, qui se voyait comme un cuisinier, disait qu’inspiré ou pas il fallait donner à manger à ses danseurs.  José Martinez a donc raison de continuer à commander des ballets contemporains pour justifier la continuation du difficile apprentissage des pointes. Peut-être qu’un jour ces racines de satin, de cuir et de carton feront éclore une fleur véritablement étrange et nouvelle comme à la fin des années 80 lorsque William Forsythe arriva pour sortir le ballet de son bégaiement post-balanchinien.

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Sylvia à l’Opéra : ce n’est qu’un au revoir?

Sylvia (Delibes, Legris d’après Darsonval-Aveline-Staats-Mérante). Opéra Garnier. Représentation du vendredi 24 mai 2025.

Sae-Eun Park et Pablo Legasa. Saluts.

À la revoyure, qualités et défauts se confirment dans la Sylvia de Manuel Legris. On apprécie toujours la maîtrise savante de la composition du chorégraphe et directeur de compagnie mais on reste nécessairement un peu extérieur à l’action. La faute en revient au livret original écrit à un moment où la danse masculine était au plus bas à l’Opéra. À l’origine, le héros Aminta était interprété par Louis Mérante, le maître de ballet lui-même. Il avait 48 ans. Le rôle d’Orion avait été attribué à un mime italien. Les librettistes ont ainsi confié le déroulement de l’action aux personnages féminins, Sylvia, incarné par la forte technicienne Rita Sangalli, et Eros, joué à l’époque par une femme : le sujet Marie Sanlaville. Dans Sylvia, Aminta, ressuscité par l’Amour, part à la recherche de la nymphe de Diane kidnappée par Orion à la fin de l’acte 1. Il n’arrivera jamais à destination. On le retrouve à l’acte 3 en train de se lamenter. Puis il danse un pas de deux avec l’héroïne qui s’est libérée presque toute seule (l’amour lui a juste prêté son véhicule) et se prend enfin une raclée par son rival Orion. C’est peu court pour un héros traditionnel. (Dans Raymonda, un ballet au livret bancal à l’origine, Jean de Brienne a au moins une scène du rêve pour briller et il gagne sa confrontation face à Abderam). Cela ne fait pas pour autant de Sylvia un ballet féministe puisque la fière héroïne finit quand même par succomber au charme de son tendron dispensable et fadasse.

Nine Seropian et Clara Mousseigne (deux chasseresses).

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La réussite ou non d’une soirée de Sylvia repose donc principalement sur le charme de ses interprètes ainsi que sur leur alchimie. C’est la seule manière de faire passer les inconsistances du livret d’origine si on renonce à la refondre.

Claire Teisseyre et Milo Avêque (Diane et Endymion).

Au soir du 24 avril, cela commence plutôt bien. Claire Teisseyre, à la fois élégante et autoritaire en Diane, jette à 180° et reste en suspension. On croit donc aisément à sa nature divine en dépit de son costume terne et de la peu compréhensible inversion hiérarchique impliquée par la mise en scène – Sylvia, une simple nymphe, apparait sur un praticable en hauteur tandis que Diane, la déesse, la contemple en contrebas sur la scène. Le couple qu’elle forme avec Milo Avêque en Endymion fonctionne bien. Les deux danseurs rendent palpable la prévention initiale de la déesse face aux attentions insistantes de son prétendant, puis le badinage amoureux et enfin la connexion charnelle du couple.

Sylvia. Chun-Wing Lam et Eléonore Guérineau (une faune et une Naïade)

Chun-Wing Lam  et Éléonore Guérineau sont très bien en meneurs des esprits de la forêt. Lam est moins un satyre (qu’interprétait merveilleusement bien Francesco Mura lors de mes deux précédentes représentations) qu’un elfe bondissant. Mais son Puck facétieux contraste à merveille avec la naïade déjà bacchante de Guérineau, son ballon et sa sensualité déliée, très différents de l’interprétation cristalline d’Inès McIntosh.

En Orion, Jeremy-Loup Quer, à défaut de toujours rencontrer parfaitement les prérequis techniques de son rôle, dégage l’énergie farouche et concupiscente du chasseur noir. Lorsqu’il éveille Sylvia dans sa grotte à l’acte 2, on a même l’impression de voir une scène du réveil de La Belle au bois dormant du côté sombre.

Lorenzo Lelli est quant à lui Eros. Il mène plutôt bien sa scène d’Amour médecin et parvient à garder sa dignité intacte dans la croquignolette scène du « regardez mon speedo ! ». Néanmoins, pour s’extasier vraiment, il faudra attendre le feu d’artifice technique de l’acte 3.

Sylvia. Lorenzo Lelli (Eros).

Mais qu’en est-il du couple principal, ciment d’autant plus essentiel que cette histoire est mal fagotée ?

En Aminta, Pablo Legasa, qu’on a regretté de voir si peu distribué ces deux dernières saisons, est d’une grande beauté. Avec sa ligne très étirée et ses développés à la hauteur de celui des danseuses, il évoque l’idéal classique tout en sachant donner aussi des indications dramatiques fortes. Il parvient ainsi, pendant la confrontation avec Diane et les chasseresses, à suggérer qu’il a déjà noué avec Sylvia une relation sentimentale.

Pablo Legasa. Saluts.

Dans le rôle de la nymphe de Diane, Sae Eun Park domine sa partition et se montre musicale. Sa scène de l’escarpolette en compagnie des nymphes a beaucoup de grâce. On est loin de la bonne élève de jadis qui semblait se réciter intérieurement les indications de ses répétiteurs tout en dansant. À l’acte 2, dans la grotte d’Orion, mademoiselle Park fait même de très jolis effets de dos et de bras en bacchante improvisée.  Ce qui manque encore à cette élégante danseuse, c’est de la projection. Il y a par exemple de bonnes intentions dans la scène de l’élégie sur le corps supplicié d’Aminta mais l’interprétation ne passe pas toujours la rampe.

Sae Eun Park (Sylvia).

Ceci n’aide donc pas à se projeter sur le couple Aminta-Sylvia qui n’a que la très courte fenêtre de l’adage à l’acte 3 pour convaincre. Or, Legasa et Park délivrent dans ce passage une exécution immaculée mais sans vraie alchimie de couple.

On passe néanmoins un excellent moment. Le challenge technique de la bacchanale finale est aisément relevé. Sae Eun Park est impeccable dans sa variation ainsi que dans la série de pirouettes en attitude devant. Pablo Legasa et Lorenzo Lelli font assaut de virtuosité et on apprécie le contraste d’école qui les sépare. Lorenzo-Eros a des sauts explosifs et une batterie extrêmement croisée. Les impulsions se voient et font partie de la chorégraphie. Pablo-Aminta est lui un modèle de l’école française. Les impulsions sont gommées et l’élévation semble sortie de nulle part. Le danseur parvient même à exprimer l’invite à sa partenaire pendant les pirouettes développées arabesque de sa variation.

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On ressort satisfait de l’Opéra Garnier, avec en prime la vision du primesautier trio de paysans mené par Hortense Millet-Maurin qui était également une esclave nubienne serpentine à  l’acte 2 aux côtés d’Elizabeth Partington.

Au revoir donc Sylvia et à bientôt – on l’espère, en dépit de nos réserves – où à dans trente ans dans une version qui peut-être enfin sera définitive.

Sylvia, scène finale. Sae Eun Park, Pablo Legasa, Lorenzo Lelli

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Paquita à l’Opéra : ballerines d’hier et d’aujourd’hui

P1220788Paquita (Deldevez-Minkus / Pierre Lacotte d’après Joseph Mazilier – Marius Petipa). Ballet de l’Opéra de Paris. Représentations des 18, 23 décembre 2024 et du 1er janvier 2025.

Paquita, créé en 1846 à l’Académie royale de musique, est un ballet qui embrasse un des aspects du romantisme : la couleur locale. Joseph Mazilier, qui avait été dans ses années de carrière active de danseur un interprète virtuose (il fut le créateur du rôle de James dans La Sylphide), semblait moins attiré par l’aspect éthéré de la danse, par le surnaturel, que par les oripeaux nationaux ou historiques. Paquita s’apparente à la tradition de la danse romantique représentée par Fanny Elssler qui avait étourdi Paris en 1836 avec sa capiteuse Cachucha dans le « Diable boiteux » de Jean Coralli. Le premier essai chorégraphique de Joseph Mazilier avait d’ailleurs été créé pour Fanny Elssler, en 1839. Dans « La Gipsy », la belle autrichienne, sommée par une partie des abonnés de quitter les terres, ou plutôt les airs, de Marie Taglioni (sa reprise du rôle de la Sylphide avait provoqué une émeute dans la salle), incarnait Sarah, jeune fille de noble extraction enlevée dans son enfance par des Bohémiens.

À cette époque, dans le ballet, on ne reculait pas devant les petits recyclages. En 1846, Carlotta Grisi, la nouvelle coqueluche de Paris, que les Histoires simplifiées de la Danse présentent comme la danseuse qui a fait la synthèse entre les styles ballonnés de Taglioni et tacquetés d’Elssler, avait besoin d’un nouveau ballet. Ce fut donc Paquita où l’héroïne était, elle aussi, une enfant dérobée.

Dans cette recréation de 2001 par Pierre Lacotte, on a été tenté de trouver à quelle grande ballerine de l’Histoire les interprètes sur scène aujourd’hui nous faisaient le plus penser.

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Cela tombe bien. Pour les trois représentations auxquelles on a pu assister, les interprètes du rôle-titre avaient des auras de ballerine. Ce n’est pas donné à tout le monde. Dans le monde chorégraphique d’expression classique, il y a de grandes danseuses et, parfois, des ballerines.

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Paquita. Final. 18 décembre 2024. Marc Moreau et Léonore Baulac.

Léonore Baulac est de ce dernier type. À l’acte un, pour sa première apparition, tout son travail de pirouettes est extrêmement filé. Les ports de bras sont élégants et souples et le mouvement continu. Ravissante, elle évoque par sa blondeur et cette manière assez indéfinissable de rayonner sur scène, Carlotta Grisi, la créatrice du rôle. Par sa pantomime, elle accrédite une Paquita dont l’inné (sa naissance noble) prend le pas sur l’acquis (sa culture gitane). Dans le passage au tambourin, elle s’apparente plutôt à une Sylphide apparaissant au milieu de ses compagnes qu’à une bacchante. Marc Moreau, un Lucien d’Hervilly qui fabrique d’emblée un personnage de fiancé en plein doute (très proche du James de La Sylphide justement), se montre fasciné comme s’il était face à une vision. Techniquement, il est également dans le beau style. La technique saltatoire est ciselée. Il ne retombe que brièvement, lors du Grand Pas, dans sa tendance aux finals soviétique (bras métronomiques et levé de menton). On croit à ce couple dont le badinage amoureux à la rose de la scène 1 a de la fluidité.

Les deux danseurs s’en sortent avec les honneurs pendant la scène de la taverne qui souffre un peu de sa transposition de Garnier à Bastille. Les distances entre les quelques éléments de décor, l’armoire à jardin, la table et le vaisselier à cour, ont certainement dû être augmentées : combien de temps Iñigo peut-il rester la tête enfoui sous un manteau pour permettre à l’héroïne de courir vers son amant et lui délivrer l’information du complot par le biais de la pantomime ? Dans le rôle du gitan amoureux et jaloux, Pablo Legasa, une fois encore utilisé à contre-emploi (il a l’air d’être lui-aussi un enfant aristocrate dérobé), parvient à émouvoir dans sa déclaration d’amour rejetée de la scène 1 après avoir conquis la salle avec sa première variation.

Au soir du 23 décembre, Antoine Kirscher, brio en berne et moustache postiche en goguette n’aura pas le même chien. Son Iñigo frôlait l’insipidité.

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Ines McIntosh et Francesco Mura (Paquita et Lucien d’Hervilly). 23 décembre 2024.

On a heureusement une autre ballerine sur scène : Inès McIntosh. Sa version de Paquita est pourtant force différente de celle de sa prédécesseure. Inès McIntosh met plus en contrepoint l’inné (la noble ascendance) et l’acquis (l’éducation gitane). Moins naïve, plus primesautière, Paquita-Inès utilise son buste, son cou et les épaulements naturels et ondoyants directement pour séduire, telle une Fanny Elssler dans « La Gipsy ». Une petite pointe de brio technique vient rajouter à cette caractérisation délicieusement aguicheuse. Dans sa première variation, McIntosh exécute des tours attitude devant très rapides mais comme achevés au ralenti. Elle cherche clairement à séduire Lucien, Francesco Mura, plus compact que Moreau, le bas de jambe nerveux qui cadre fort bien avec sa condition de militaire. Ses épaulements ont également du chic et il dégage une mâle présence. La déclaration d’amour entre les deux amants a du peps. La scène des éloignements-retournements, coquetterie de l’une, badinage de l’autre, sont bien réglés. Avec McIntosh-Mura, on est clairement sur le registre de l’attraction charnelle.

La scène 2 réserve aussi son lot de bons moments. La pantomime est vive. L’épisode de la chaise où Lucien manque d’assommer Paquita est très drôle.

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Héloïse Bourdon et Thomas Docquir (Paquita et Lucien d’Hervilly). 1er janvier 2025.

Le 1er janvier, s’il faut filer la métaphore des ballerines romantiques, Héloïse Bourdon évoque Pauline Duvernay dans la cachucha immortalisée par une gravure durant la saison londonienne de 1837 où elle dansait en alternance avec Elssler. On trouve en effet dans sa Paquita tout le charme de l’Espagne de pacotille agrémenté de l’élégance de l’école française. Tout chez mademoiselle Bourdon est contrôlé et moelleux. Elle sait minauder sans affectation et énoncer clairement sa pantomime.

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Andrea Sarri (Inigo). 1er janvier 2025.

Cela fait merveille durant la scène de taverne où jamais elle ne paraît pressée par le temps dans ses interactions avec l’Iñigo truculent, presque bouffe d’Andrea Sarri (qui trouve le bon équilibre entre la précision des variations dessinées par Lacotte et le relâché requis par le rôle). En Lucien, Thomas Docquir, qui remplace Jérémy-Loup Quer, a une belle prestance et de belles qualités de ballon à défaut d’être aussi immaculé techniquement que sa partenaire. Il a néanmoins du feu en amoureux qui fait fi des conventions sociales. Sa pantomime lors de sa déclaration d’amour repoussée de l’acte 1 est touchante à force d’être décidée. Lors de la seconde demande où Paquita accepte Lucien, on se remémore exactement les circonstances de la première demande non-aboutie. Héloïse Bourdon sait nous rappeler sa pantomime de l’acte 1 afin de nous faire mieux saisir celle de l’acte 2. De nos trois distributions, elle est sans doute celle qui réussit le mieux à connecter les deux parties du spectacle.

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On aura sans doute remarqué que les descriptions se concentrent sur l’acte 1. C’est que pour tout dire, le défaut de cette Paquita est bien sa deuxième partie. Après l’entracte, la messe est dite. Les deux héros ont échappé à l’acte 1 aux manigances du traitre Don Lopez Mendoza et de l’amoureux éconduit Iñigo. Le dénouement heureux, au milieu d’une scène de bal 1820 bien réglée pour le corps de ballet, ne parvient guère à soutenir l’intérêt dramatique. Personnellement, je préférerais que le ballet s’achève sur le pas de deux romantique final, en tutu long pour la ballerine,  concocté par Lacotte.

Le 16, Baulac et Moreau parvenaient à créer un moment intime avec ce pas de deux avant la grand-messe du grand pas classique de Petipa. Le 23, le couple McIntosh-Mura était un peu plus à la peine dans le partenariat.

D’une manière générale, on peut se montrer satisfait de l’exécution du Paquita Grand pas, même s’il contraste trop avec la reconstitution de Lacotte. En 2001, le chorégraphe avait d’ailleurs laissé à Elisabeth Platel le soin de le remonter. Pour cette reprise, on est content de constater que les dames du corps de ballet sont toujours à leur affaire. Léonore Baulac montre beaucoup de grâce suspendue même dans les parties difficiles de la chorégraphie tandis qu’Inès McIntosh montre qu’elle n’a pas peur des doubles tours fouettés. Mais c’est sans doute Héloïse Bourdon qui nous laissera un souvenir durable sur cette partie. Elle interprète en effet un grand pas immaculé. Bourdon a cette sérénité dans la grande technique qui vous met sur un nuage. Elle brille au milieu du corps de ballet, aussi bien dans l’entrada que durant l’adage. Dans sa variation elle est comme au-dessus de sa technique : les pirouettes finies en pointé quatrième, la série des tours arabesque et attitude, les fouettés, tout est superbe.

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Héloïse Bourdon et Thomas Docquir (Paquita et Lucien d’Hervilly). 1er janvier 2025.

C’est peut-être le seul des trois soirs où ce Grand pas de Petipa ne nous a pas paru interpolé de manière pataude dans le ballet à l’instar du pas de trois de l’acte 1 qui donne invariablement l’impression d’assister à une soirée parallèle. Que font en effet ces deux donzelles en tutu à plateau et ce toréador d’opérette en pleine montagne ? Le 16 décembre, on a néanmoins le plaisir de voir Clémence Gross et Hoyun Kang défendre les variations féminines et, le 1er janvier, Célia Drouy interpréter avec délicatesse la deuxième variation tandis que Nicola Di Vico fait preuve d’une indéniable sûreté technique dans sa variations à double-tours en l’air.

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Paquita, 18 décembre 2024. Léonore Baulac, Marc Moreau et Pablo Legasa

En 2001, parlant de la partition de Deldevez, Pierre Lacotte disait qu’elle était truffée de longs passages qu’il avait fallu couper. Peut-être aurait-il été judicieux d’utiliser certaines de ces pages pour donner une chance aux personnages secondaires d’exister un peu. Du mariage planifié entre Lucien et Doña Serafina, on sait bien trop peu de choses. Il y a peu de chance que le public non-averti comprenne que l’élément de décor en forme de pierre était un monument en l’honneur du père assassiné de l’héroïne. Doña Serafina est escamotée sans ménagement (et c’est fort dommage quand elle est interprétée par la très élégante Alice Catonnet), en quelques secondes, à la fin de la scène 1 de l’acte 2. On est loin d’une Effie ou d’une Bathilde qui ont un rôle effectif à jouer dans l’action.

C’est ce genre de détails d’importance qui fait d’un ballet non pas un simple divertissement bien réglé mais une œuvre solide, prête à parler à de nombreuses générations successives de balletomanes.

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In Paris Two Paquitas, at long last…

At the Opera Bastille, December 17 and 18, 2024

What would it have looked like in the end if Giselle’s heart had not been broken, Albrecht had forgotten about Bathilde in two seconds flat, and they lived happily ever after? Their names would be Valentine Colasante and Guillaume Diop. Their courtship would be bathed in sunshine from beginning to end.

What would it look have looked like if Swanhilda had been kidnapped by campy gypsies? She would have gotten her desired Franz in the end by hook or by crook, and the two of them would be called Léonore Baulac and Marc Moreau. A rainbow would smile upon them.

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Paquita. December 17th (Valentine Colasante, Guillaume Diop, Pablo Legasa). Curtain call.

On December 17th, the light and unpretentious manner of Colasante’s Paquita made the audience root for her from start to finish. But to me, she seemed a bit…tame (for lack of a better word). This girl would either be saved by a prince charming, or not.  Diop’s youthfully eager hero made his “blink and I’m done” attraction to her quite clear. And Colasante’s Paquita seemed to fluff up every time she was around him. He’s a very nice guy and a caring partner, an Albrecht with no secret story. 

Diop kind of overdid it in his first solo, trying to impress his partner, as if he had been coached by Nicolas Le Riche for better or for worse. What I mean is that Le Riche had glorious talent and a penchant for rousing the audience with his split leaps even if that meant sacrificing precision. You might have seen a few off-finishes, a right leg that turned in too early before marvelous leaps and, much less visibly, “my toes aren’t completely stretched right now.”  But the audience clearly did not care for such picky details. He got it all back into control as the evening went on. This very young étoile will hopefully use Manuel Legris as his model instead from now on: he’s got the talent to be the kind of star who never sacrifices precision for expression nor the other way around and still delights an audience.

For me, I wonder whether Valentine Colasante could make more of a contrast between 1) the 1840’s-ish first act of mime and terre à terre caressing of the floor by the foot (the realm of Carlotta Grisi, the first Paquita as well as the first Giselle) and 2) the full-out Petipa of the second act. She could have used really broken-in and more tapered toe shoes at first before later switching to those shiny modern ones when really needed. I wonder if her coach didn’t somehow convince this lovely ballerina, who makes dancing seem as natural as breathing, to dance “small and controlled.”

At some point I could not stop thinking about how everything had been so correct and well-rehearsed and pretty for hours now that maybe a bit of acceleration and deceleration of the phrasings would be welcome.  All the partnering had been perfectly worked out and Diop did a great job on making the lifts work. But why was I actually thinking about the technique of partnering as I was watching, rather than swept away? 

By the last act I was “OK, whatever, I’m not having a bad time. Maybe clean and pearly is just fine. Maybe rehearse it hard and just do it is all you need?” Their lines really matched, elegantly classical and not flashy. The audience around me was barely breathing, completely entranced by some kind of fairy magic. For me the last travelled lines in the last big pas could have travelled more, but did anyone around care other than me? No.

A night later the “feel” was very different, but why feel you need to choose between apples and oranges or sunshine and a rainbow? 

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Whereas Valentine Colasante had shaped a Paquita gently doubtful but confused and insecure about her origins,  Baulac’s Paquita was “nope, I know this is not right. I’m better than all of this. Hm. Maybe I can start getting attention by just swishing my skirt.” Her Swanhilda, cheerily resourceful from the get-go, helped give the limp narrative a bit more of a dramatic arc than it normally has. In Scene Two at the tavern, Baulac was definitely trying to save her Franz from losing his life to bad wine, and was way more focused on making the most out of the opportunities for slapstick. No damsel in distress, this one.

Instead of a ready, willing, and able youth, Marc Moreau, as soon as he appeared onstage, defined space around himself as a perfectly poised Lucien d’Hervilly , a gentleman in no way boyish but definitely open to adventure. His technique was precise, but he didn’t forget about the big picture either. 

In Léonore Baulac’s radiant Paquita, there was no way that Marc Moreau was going to find a Giselle. Perhaps a little adventure might happen in the woods with a naughty sylph, very flirty and strong-willed from the start? Nope, not that either. This man had no chance of getting away, and he didn’t mind at all.  Moreau and Baulac’s lifts felt more naturally floated and less “rehearsed” than the night past. Everything felt more reactive than activated. At one point, he slid his hand gently down her arm from her shoulder to her wrist before a turn. Yesterday that same moment had been “I’ve got the wrist, let’s go.” During the last act, I began to fantasize about seeing Baulac and Moreau dance an iridescent and inflected Theme and Variations.

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Paquita, December 18th (Léonore Baulac, Marc Moreau, Pablo Legasa). Curtain call.

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What’s so weird about Pierre Lacotte’s reinvention of Paquita is that despite its numerous dramaturgical faults, it works for the audience. And this big ball of fluff actually works much better now that it is housed at the Opera Bastille. As opposed to the tight box that is the Palais Garnier’s stage, here all the endless group dances (from the waltzes to the children’s polonaise) do in fact get space to breathe and be danced big…albeit not always with the music and often messily aligned. 

However, a breath of air does not excuse the other weaknesses that this yet another Pierre Lacotte staging of yet another 19th century ballet always had in the first place. The plot summary provided in the fat program (save your money and just invent your own plot) will never rhyme or reason with what you see on stage. And, frankly, certain aspects of the plot have gotten even fuzzier due to a bigger venue with more distant sightlines.

Who on earth can tell that the evil governor’s much more youthful daughter (as we see it) in fact happens to be his sister (not to mention that we are often unsure whether he wants Lucien killed or Paquita). I’d always thought Bathilde in Giselle was kind of a loser role, but Dona Serafina? She appears, dances a little, sits down stage left and then just fades from view until curtain.  Both Nais Dubosq (a bit of a wallflower on the 17th ) and Fanny Gorse (more assertive on the 18th  if that is humanly possible) tried to give this impoverished role a bit of visibility. 

And then this: from nowhere in the house now – OK, maybe from the front row — can you now even begin to decipher what is written on that “marble slab” in Act One ? But the worst part is that, due to sitting even further away than normal at the Opera Bastille, “the locket,” [our heroine’s “get out of jail free” card] becomes even more spectacularly illegible, too. Why couldn’t repeated locket pantomime have been a priority in Lacotte’s eye? Maybe give the little thing a Giselle/Bathilde kind of big awkward necklace visibility? Instead, the “key to the mystery” is pinned to the dancer’s skirt in a way that cannot be seen. Perhaps the hip level location is historically correct. But I bet the pendant was bigger, maybe against a darker skirt, and its original theft accompanied by mime of a more semaphoric variety.  It’s now been just about two decades that I’ve watched Lacotte’s reconstruction of this “lost ballet.” Only once did I actually notice Inigo steal the locket in the first place. This needs to be seen, maybe à la Basilio stealing the innkeeper’s money bag.  The dancer’s fault? No. Lacotte should have made a lot of the panto way bigger.

On both nights, Pablo Legasa was wasted as the manipulative Inigo. Like Audric Bezard once was, he’s getting stuck in character roles when he’s really a danseur noble. Legasa’s acting responds to his ballerina, he’s just not a ham. So it was logical that he was no macho gypsy king on either night. With the gentle Colasante, he was Berthe, worried about a daughter who dances too much. When facing off with a tricksy Baulac, Legasa morphed into a hapless Doctor Coppelius, naturally. 

Speaking of Coppelia. Why doesn’t the company perform one of the greatest ballets ever created for it? Why are reconstructed first acts buried in a vault at the school, only to be exhumed for the Paris public maybe once about every fifteen years? And why, instead of letting Lacotte dig himself a deep hole with his swan song – the dreadful Le Rouge et le Noir – hadn’t management simply asked him to come in and toss off an act three?

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Mayerling : bilan tardif

Les Balletotos se sont cotisés pour voir trois distributions différentes du Mayerling de Sir Kenneth MacMillan. Tels des boas constrictors qui auraient mis du temps à digérer leur proie volumineuse, ils se résolvent enfin à vous en rendre compte. Fenella est enragée, Cléopold assommé et James… juste tombé sur la tête?

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JamesJames : représentation du 30 octobre 2024.

J’ai trouvé la recette pour passer une bonne soirée à coup sûr : voir le spectacle à travers les yeux de quelqu’un d’autre. J’ai longtemps hésité à revoir Mayerling, dont j’avais fait une overdose lors de son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris. Pour cette année, une revoyure serait le maximum. J’ai même failli revendre ma place, mais une charmante amie qui avait pourtant une journée bien chargée a insisté pour découvrir l’œuvre, et je ne pouvais pas la laisser en plan. Et me voilà arpentant tous les couloirs et escaliers de Garnier – et il y en a de lépreux – pour narrer les nombreuses péripéties de chaque acte, détailler les interactions entre les personnages, donner des pistes pour reconnaître les perruques, tenter de rabouter tout cela à la géopolitique de l’Empire austro-hongrois, avant qu’il soit temps de nous faufiler en troisièmes loges.
Et là, miracle, la magie du spectacle opère. À chaque instant, je vérifie que les épisodes annoncés (« tu vas voir, dans la scène du bal, Rodolphe danse, non pas avec son épouse, mais avec la sœur de celle-ci ! ») sont compréhensibles, et du coup, suis attentif au moindre détail (tiens, je ne souvenais pas ce qui déclenche cette entorse à l’étiquette : sa mère, déjà, lui manifeste une horrible froideur). C’est comme si l’œil brillant de ma voisine contaminait mon regard. De blasé, me voilà neuf.
Oh, tout n’est pas parfait. Les quatre zigues qui harcèlent le prince pour lui faire embrasser la cause de la Hongrie manquent de rudesse et ne dansent pas toujours ensemble (ils seront plus à leur aise à l’auberge au deuxième acte ; il s’agit de damoiseaux Busserolles, Lopes Gomes, Marylanowski et Simon).

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Mathieu Ganio et Héloïse Bourdon. Répétition à l’amphithéâtre Olivier Messian. 12 octobre 2024.

Mais il y a Mathieu Ganio, dont on voit cette saison les derniers feux ; le danseur-acteur donne toute la palette de son art dans le rôle du prince Rodolphe. On voit à travers lui la morgue, la rage, les doutes, la névrose. À chaque pas de deux – et il y en a de nombreux – il adapte son style à sa partenaire et à la situation de cœur de son personnage : dragueur insolent avec la princesse Louise (Ambre Chiarcosso), il est las mais sensuel avec son ancien collage Marie Larisch (Naïs Duboscq), avant de se faire effrayant et glaçant de violence dédaigneuse avec son épouse Stéphanie (Inès McIntosh très touchante en fétu de paille). Approchant sa mère (Héloïse Bourdon, toute de grâce avec tout le monde et toute de glace avec lui), on le voir redevenir enfant. Au deuxième acte, lors de la scène de la taverne, il fait montre d’une élégance inentamée aussi bien pour son solo de caractère que lors du duo avec Mitzi Caspar (une Clara Mousseigne un poil trop élégante).

Alors que la névrose du prince progresse, Mary Vetsera prend son ascendant : Léonore Baulac incarne avec une crâne détermination le seul personnage qui dialogue d’égale à égal avec le prince ; le passage où elle inverse les rôles (Rodolphe avait terrorisé Stéphanie avec un pistolet, elle fait de même) scelle le pacte de mort qui occupera le dernier acte. Dans le rôle de Bratfisch, serviteur fidèle de Rodolphe, Jack Gasztowtt est presque trop grand et élégant, mais il habite avec précision sa partition, et avec sensibilité son rôle d’amuseur (2e acte) qu’on ne regarde plus (3e acte).

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cléopold2Cléopold : représentation du 5 novembre 2024.

Sans doute parce que je n’avais pas comme l’heureux James pour sa soirée une charmante voisine à mes côtés, je n’ai pas eu d’épiphanie face au mastodonte Mayerling. Le ballet apparait toujours avec ses mêmes gros défauts, sa myriade de personnages accessoires, notamment féminins, le tout encore aggravé par cette spécialité de l’Opéra de distribuer les rôles plus selon la hiérarchie de la compagnie que selon la maturité physique des interprètes. C’est ainsi que le 5 novembre, dans son pas de deux du « dos à dos » avec Rodolphe, Célia Drouy, par ailleurs fine interprète, a l’air d’être la petite sœur de son partenaire et non sa mère. Sylvia Saint-Martin tire son épingle du jeu en Marie Larisch. Sa pointe de sécheresse donne à l’intrigante comtesse une image vipérine qui s’accorde avec le premier pas de deux qu’elle a avec le prince héritier tout en enroulements-déroulements – notamment le double tour en l’air achevé en une attitude enserrant le partenaire- . Marine Ganio est quant à elle très touchante ; aussi bien dans son solo de jeune mariée où, malgré les signes contraires donnés pendant le bal, elle espère encore trouver dans le prince héritier un mari, que dans le pas de deux « monstre à deux têtes » de la chambre nuptiale.

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Marine Ganio (Sophie), Francesco Mura (Bratfisch) et (? ahhh La confusion des personnages multiples et vides)

On l’aura compris, on se raccroche au pas de deux comme un marin naufragé aux planches éparses du navire englouti. MacMillan reste un maître incontesté du genre. Et qu’importe si chacun des personnages féminins qu’il dépeint à part peut-être Mary Vetsera se voit refuser toute progression dramatique. Chacune d’entre elles reste l’allégorie d’un type de relation avec le prince héritier.

C’est pourquoi on ne voit guère en Mayerling qu’une tentative ratée de surenchérir sur le succès de Manon, créé quatre ans auparavant. La scène la plus emblématique de cet échec est à ce titre celle de la taverne qui tente de transposer, de manière pataude, l’acte « chez Madame » de Manon. En effet, on y trouve une myriade de prostituées qui se dandinent et se chamaillent. Un personnage masculin secondaire exécute une variation aussi bouffonne qu’acrobatique (Francesco Mura donne à ce numéro de Bratfisch une jolie bravura, entre relâché –les roulis d’épaules- et énergie coups de fouet des sauts). Un personnage secondaire féminin danse une variation sensuelle (Clara Mousseigne atteint les critères techniques du rôle sans parvenir à donner corps à sa Mizzi Caspar). Un quatuor de messieurs fait des grands jetés dans tous les sens (Les Hongrois de carton-pâte qui jusque-là ressemblaient plutôt à des polichinelles sortant de leur boite – MacMillan aurait mieux fait de ne pas aborder le volet politique si c’était pour le traiter de cette manière). La police vient enfin gâcher la fête.

Seulement voilà, dans Manon, la scène chez Madame vient faire avancer l’action : des Grieux, voit sa fiancée volage revenir à lui. Lescaut, qui favorise ce retour de flamme après avoir été la cause même du départ de l’héroïne, perd la vie. Manon est arrêtée et va être déportée en Louisiane. Dans Mayerling, la scène n’apporte pas grand-chose au développement de l’action. Que nous importe que Rodolphe propose le suicide à Mizzi Caspar quand la chorégraphie ne nous a suggéré aucune vraie intimité, même sensuelle, entre les deux personnages. Peut-être aurait-il dû proposer le marché à Bratfisch. Cela aurait, peut-être, donné une raison d’exister à ce personnage accessoire se résumant à ses deux variations.

Invariablement, cette scène inutile émousse suffisamment mon attention pour me trouver indifférent à un moment pivot du ballet, celui du salon de la Baronne Vetsera où, durant un tirage de cartes truqué, Marie Larisch finit de tourner la tête à la jeune écervelée Mary Vetsera – le rôle féminin principal- qui, depuis le début du ballet, ne faisait que passer.

Il faut donc attendre la moitié de la soirée pour rentrer dans le vif du sujet et c’est sans compter encore deux autres scènes parfaitement inutiles : la réception au palais de la Hofburg où on nous inflige tous les proches et illégitimes de la famille impériale (en amant de Sissi, Pablo Legasa est grossièrement sous employé) et la scène à la campagne  (beaucoup de décors et de figurations pour un coup de fusil).

C’est un peu comme si MacMillan, qui avait su condenser la Manon de l’abbé Prévost, n’avait pas su sélectionner les épisodes les plus significatifs qui ont conduit le prince au tombeau. Un ballet n’est pas un livre d’Histoire et multiplier les notes de bas de page ne fait assurément pas une bonne histoire.

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Hohyun Kang et Paul Marque (Mary et Rodolphe).

Mais venons-en –enfin !- aux personnages principaux. En Rodolphe, Paul Marque, assez compact physiquement, torturé et introverti, nous crée des frayeurs au début du ballet. Il cherche ses pieds lors de sa première variation (ses chevilles tremblent sur les pirouettes et même en échappés). Le pas de deux avec la sœur de Stéphanie (Luna Peigné) est un peu périlleux avec des décentrés ratés. On craint un peu pour la jeune danseuse. Cela s’améliore par la suite. Paul Marque joue très bien la maladresse et l’inconfort. Il semble déplacé au milieu de tous ces ors et ces fastes. Il est même touchant dans la scène de chasse, avalé qu’il est par son lourd manteau et sa toque. Il est aussi un morphinomane poignant mais convainc moins en Hamlet sur Danube, dans ses confrontations avec le crâne.

Pour le drame, on se repose alors sur Hohyun Kang qui, assez charmante et lumineuse dans ses premières scènes de presque figuration, se mue assez vite en liane à l’élasticité toxique. Sa Mary est un petit animal qui ronronne et griffe tout à tour. A l’acte 3, la scène de la mort, avec ses portés-synthèses de tous les autres pas de deux avec les autres interprètes féminines, est d’un effet monstrueux.

Mary-Hohyun accrédite l’idée d’un vrai sacrifice consenti. Elle semble rester complètement dans l’exaltation jubilatoire du suicide romantique. Je préfère la version où la jeune fille recule au dernier moment et est emportée par la folie de Rodolphe qu’elle a activement encouragée. Le choix présenté par Kang et Marque est cependant très valide.

Mais Dieu qu’il faut patienter pour en arriver là ; et que de fois on a cru sombrer dans les bras de Morphée avant ce dénouement.

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Hoyun Kang (Mary), Paul Marque (Rodolphe) et Silvia Saint-Martin (Marie Larisch).

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FenellaFenella : soirée du 13 novembre 2024

SHOOT! 

Mayerling by Sir Kenneth MacMillan, Paris Opera Ballet at the Palais Garnier, November 13th, 2024. 

Even if you put a gun to my head, I will never ever go see this ballet again. 

The potential dramatic arc keeps shooting itself in the foot as hordes of pointless people keep disturbing the crime scene. This cacophony of characters only serves to distract and, worse, confuse an audience unversed in the minutiae of minor late 19th century Central European history.  

During the early scene at a ball, once again I just kept trying to guess who’s who, as did the two women sitting in front of me who were leaning in and actively chatting to each other. “Archduchess Gisela,” seriously? Who?  Who cares? Who even cared back then? The character is a non-character, a company member who was just wasted playing a titular extra. (At least 18 roles have names in the cast list).

 So there. Now back to the topic at hand. What I saw. And it didn’t start well. 

Then, after having been absolutely gobsmaked by an Emperor Franz Joseph doing heavy squats in second when he was supposed to be leading a Viennese waltz with upright elegance, I started to sink down in my seat. I will not out the very young dancer who perpetrated this assault on the waltz as either he was not, or was seriously badly, coached. Clearly, more attention was paid to his wig and costume. If you are going to be so historically correct that you give specific names to minor characters…maybe you should pay attention to little details such as how a waltz is properly danced? 

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Curtain calls. The too many characters

Oh yes. The leads.  

Germain Louvet as Crown Prince Rudolph nailed it. He’s grown into his talent. He’s gone from being a youthfully pretty star into this manfully expressive artist, all without losing a sliver of his lines and elan. He’s really in the zone right now and, despite the fact that I think this ballet is a total waste, he made it work for us in the audience. From his first entrance as Rudolf, Louvet set out a complicated but readable persona: already anguished, brusque; very proper manners if required but clearly not a fool, not naive (and not as mad as others, such as his mother, assume he is).  

 As his mother, Empress Elizabeth, Camille Bon did impose a calm presence. You could tell she was his mother from scene to scene, no matter what the hat or hair. In their only intimate encounter, the one in her bedroom, there was no doubt that this woman hated to be touched by her son. The little kiss goodbye on the forehead never fails to pin down what kind of mother the dancer has shaped. Alas, later on, when Elizabeth dances pointlessly with a lover who suddenly pops up in the deserted ballroom, neither radiated charisma (not to mention desire). Why not just ERASE Sissi’s pointless boyfriend “Colonel Bay Middleton” Cast member #9? I wanted to remove him at gunpoint. No one in the audience has ever been able to tell who the hell he is supposed to be. 

As Rudolph’s battered bride, Countess Stephanie, Inès McIntosh proved naively helpless, but not hopeless and definitely not a ninny. You started to cheer for her: if only her new husband could tell that she’s just as melancholic as he is! Just not as crazy. And if only her new husband could see that her body does match his in lines and energy. Both Louvet and McIntosh have an unassuming way of lifting and extending their legs that makes the high lines seem natural. Neither of the two kicks or flings their legs about needlessly. Their extensions soar up softly and take time to soak in the music. They’d make a nice couple, given a chance.  

Heloïse Bourdon, whom I had once seen playing Rudolfs’s mother with cold fire, was unrecognizable (in the best way) here as Countess Larisch. Healthy, sane, pragmatic – you almost could imagine that the Habsburg Empire wouldn’t have fallen if she’d been Franz Joseph’s Pompadour rather than Rudolph’s enabler. Actually, her countess seemed more wry and disabused than enabling. Yes, a Pompadour: elegant, smart, knows someone will always hate her for where she comes from. 

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Mayerling. Curtain Call.

By first intermission, I was already thinking about the busy 1953 Warner Brother’s cartoon Duck Amuck, where Bugs Bunny progressively erases Daffy Duck. And now, please, for Act Two: 

CUT the tavern scene with Mizzi Caspar, which provides zero dramatic purpose or emotional payoff. I mean, this endless scene finally fizzles out when Mizzi — whom we have not seen before …and will never see again – gets taken home by another man who probably has a name in the program? He might be #10 or #11, who cares? Waving papers around (ooh, plot clue) is something to be saved for a close-up in a BBC miniseries.  

As Mizzi, however, Marine Ganio infused her persona with the voluptuous Viennese charm of what they call “Mädls:” « Girlies » with hearts of brass.  

Some can even manage, like Ganio, to be one of the boys when dancing to Liszt’s Devil’s Waltz with four pointless Hungarians.  [Don’t even ask me about the score. I want to burn it]. OK, maybe do not FULLY ERASE the tavern scene entirely but please:  just EDIT OUT these “Hungarian” Jack In The Boxes from the entire ballet. I was rather annoyed that James did not find them rough and rustic enough. Le Sigh, they are supposed to be noblemen aka elegantly sinuous whisperers, not tough guys. 

Louvet’s Rudoph was the happiest and least tormented when dancing with Marine Ganio’s Mizzi, even when he was pulling her in too manaically. Their yearning to stretch matched, their arms – even when in tight couronnes — matched. There was a story ready to be told here, but that would have been a different ballet. 

Please CUT the ennnndless scene of the Habsburg Fireworks and thereby CUT the out-of-place diva impersonating “Katharina Schratt”, Franz Joseph’s actress mistress, as she sings to boring effect to live piano accompaniment.  And CRUMPLE UP AND THROW OUT: The Hunt, oh god please. OK, Rudolph killing someone, by accident or on purpose,  is based on a true story. As the guy already is a drug and sex addict, syphilitic, and just plain nuts, does this excuse to make a prop gun go pop…add anything to the narrative?  

Most of all: CUT CUT CUT Bratfisch, the loyal coachman, OR at least please give him enough to do to make him identifiable! As is, he is a 5th  Jack In The Box, but a lonely one who dances alone. As this character is 8th out of 18 in the playbill you might not notice that he was the first guy you saw on the snowy stage of Act One Scene One. Antoine Kirscher, eh? Didn’t he also get cast as the naughty coachman (aka the guy with a horsewhip) in Neumeier’s La Dame aux camellias? Here Kirscher couldn’t quite make as much of a sassy statement in the endless tavern scene, hampered by the fact you had no idea who he was supposed to be. Now seriously dated Groucho Marx references don’t help the younger ones in the audience.  Nor could you tell that the sad guy in the last scene in the churchyard was someone you’d seen before. Even with two solos, it’s a non-role and no dancer, none, has been given enough to chew on to really make it work.  

Oh, and by the way, one of the many pretty girls who’d been popping in and out for at least an act and a half then turns out to be the starring female role: Mary Vetsera, the last of Rudoph’s mistresses, the only one who turns out willing to die with/for him. Bluenn Battistoni. Clearly not naïve: she’s a girl of our time who has seen too much perversion on the internet that she thinks  doing  “x”(spellcheck just censored me) on a first date is normal. Battistoni’s Mary was clearly not a drama queen with death wish either. Just a girl…and perhaps Louvet’s Rudolph was a bit too careful with his ballerina during the final flippy- flappy too-much is not enough MacMillan partnering.   

Honestly, by the time the action got around to Mary, at some point after the tavern or  the hunt, I must have been weirdly smiling: I was now thinking about that 1952 cartoon “Rabbit Seasoning” where Bugs asks his nemesis whether Elmer Fudd should shoot him now or shoot him later. If this ballet ever shows up in the Paris Opéra repertory again, I swear I shall scream, like Daffy Duck, “I demand that you shoot me now!

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Forsythe-Inger à l’Opéra : presque…

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Impasse. Scénographie. La maison à géométrie décroissante de Johan Inger. Lumières de Tom Visser

La première partie du programme de gala avait été, si vous vous en souvenez, assez peu roborative. On se réjouissait donc, après un entracte, de retourner dans le vif des choses avec deux ballets du grand Billy (entendez William Forsythe).

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Las, il faudra attendre encore de longues minutes avant d’être emporté. En effet, je n’ai pas reconnu Rearray, cette pièce créée pour Sylvie Guillem et Nicolas Le Riche en 2011 et vue au TCE en 2012. Certes, le pas de deux a été transformé en pas de trois, mais l’absence totale de réminiscences a sans doute d’autres raisons plus préoccupantes.

Lors de la répétition publique à l’amphithéâtre Bastille vue par Fenella, le répétiteur a en effet livré l’attitude de Forsythe lui-même face au remontage de ses œuvres. « Il n’y a pas de version définitive de ses ballets », « Les interprètes ne doivent pas reproduire ce qui a été fait par d’autres », « un ballet repris peut être transformé ». Tous ces principes, en eux-mêmes semblent fructueux. Forsythe est de cette génération qui a vu les ballets de Balanchine lentement se fossiliser après la mort du maître en 1983 (époque où Forsythe créait sa toute première pièce pour l’Opéra : France Dance).

La création du Balanchine Trust était une grande première. Elle consistait dans le legs des ballets du maître à certains de leurs interprètes, désormais seuls à être autorisés à les remonter dans d’autres compagnies. Le système a vite montré ses limites. Il y eut vite des luttes d’influences et certains imposèrent des règles qui n’étaient pas fixes du vivant du maître. Par exemple, le diktat du non-posé du talon au sol dans les enchaînements rapides s’est généralisé quand il n’avait été conçu par Balanchine que pour contourner le manque de longueur de tendon d’Achille de certains danseurs. Violette Verdy, créatrice de Tchaikovsky-Pas-de-deux, n’a jamais eu à utiliser cet expédient. Figer les règles n’a pas non plus empêché la dérive staccatiste qui à mon sens défigure les ballets du chorégraphe dans sa propre compagnie, le New York City Ballet.

Néanmoins, l’attitude de Forsythe face au remontage de ses ballets qui pourrait se résumer à « le style correct, c’est celui des danseurs qui sont en train de danser » rencontre aussi ses limites. Déjà à l’époque de Rearray avec Guillem-Leriche, je me montrais soulagé de retrouver le Forsythe qui m’avait fasciné depuis le début des années 90 et non une mouture chichiteuse du maître de Francfort. Car il y a le style (qui trop révéré peut scléroser) mais il y a aussi le Style (les spécificités chorégraphiques qui sont le cœur de l’œuvre du créateur).

En 2012, j’avais donc retrouvé les départs de mouvements à la Forsythe, c’est-à-dire de parties complètement inattendues du corps (un genou, une épaule). C’est ce qui justifiait l’accent mis par exemple sur les préparations, habituellement cachées dans le ballet académique et néoclassique mais hypertrophiées ici. Forsythe a ajouté au ballet une approche déconstructiviste, mettant l’accent sur le détail, ce qui rend également l’irruption de la danse et de la virtuosité inattendue et galvanisante pour le public. Les danseurs passent et repassent de l’attitude de ville au balletique sans crier gare. Mais devrait-on écrire « rend » ou bien « rendait » ? Aujourd’hui, de plus en plus, lorsqu’on voit les danseurs marcher sur scène, on a l’impression qu’ils sont sur le catwalk d’une énième Fashion Week. Les positions à poignets cassés ne sont plus déconstructivistes, elles sont tout bonnement maniéristes. La pièce d’occasion deMy’Kal Stromile en était la consternante preuve par l’exemple.

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Rearray. Roxane Stojanov.

Sans atteindre ce tréfonds, il nous faut reconnaître que Rearray mouture 2024 nous laisse complètement sur le bord de la route. Avec Roxane Stojanov, une subtile interprète qu’on ne peut accuser de maniérisme, tout part du centre attendu chez un danseur d’expression classique. La danseuse va piquer très loin ses pointes (Guillem dansait sur demi-pointes), jusqu’au point de déséquilibre, c’est fort beau, mais son mouvement reste continu quand les fulgurances post classiques devraient naître d’une préparation manquée ou d’une marche de rue. Dans ce Rearray, Roxane Stojanov demeure à chaque instant une danseuse.

En 2012, on s’était émerveillé aussi du mystère de la pièce : était-on face à un duo ou à un double solo ? Ici, la question ne se pose plus vraiment. Takeru Coste et Loup Marcault-Derrouard (qui parvient à se désarticuler d’une manière conforme à l’esthétique Forsythe) nous offrent ce jeu de nœuds trop léché avec leur partenaire qu’on a vu et revu partout. C’est la malédiction Forsythe en plein.

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Blake Works I, qui est fabriqué sur la joliesse inhérente à l’école française, ressort mieux. Ces badinages chorégraphiques sur les musiques suaves à paroles sombres de James Blake mettent la compagnie en valeur. Au soir du 9 octobre, beaucoup des créateurs du ballet en 2016 sont encore dans les rangs et ont, pour certains, monté dans la hiérarchie.

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Blake Works. Curtain calls

Léonore Baulac est toujours aussi lumineuse dans son rôle avec ses lignes pures, son mouvement continu et sa sensibilité à fleur de peau. Elle accomplit, une fois n’est pas coutume, un très beau duo avec Germain Louvet qui reprend le rôle de François Alu. Le pas de deux « The Color in Anything », qui à l’époque semblait teinté d’une charge « biographique » (on avait le sentiment d’assister à une scène de rupture amoureuse) ressemble aujourd’hui à ce qu’il était vraisemblablement dès le départ, l’évocation d’un travail de studio en cours qui résiste à devenir pas de deux. Les mains se croisent, les passes se tentent et avortent. On sent la frustration poindre chez l’interprète féminine face à son chorégraphe-partenaire à moins que ce ne soit elle la créatrice et lui le modèle rétif. Le trio « Put that Away » avec Pablo Legassa, Caroline Osmont et Inès McIntosh (nouvelle venue dans ce ballet), avec ses poignets cassés et ses poses de chat, fait penser à une version moderne du mouvement flegmatique des Quatre Tempéraments de Balanchine. On est fasciné. Hohyun Kang danse avec une jolie énergie et de belles lignes le rôle de Ludmila Pagliero même si on regrette les gargouillades ciselées de la créatrice. Le duo final avec Florent Mélac manque de recueillement intérieur. Hugo Marchand, qui a le mérite de montrer l’angularité de la chorégraphie, ressort moins que dans mon souvenir. Il me semble qu’il marque joliment. On est cependant satisfait de l’ensemble du ballet porté par sa vingtaine d’interprètes.

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Blake Works. Saluts

Le constat de cette section de la soirée reste néanmoins mitigé.

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Après un nouvel entracte, on va pouvoir enfin assister à la première pièce de Johan Inger entrée au répertoire du ballet de l’Opéra : Impasse.

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Impasse. Répétition publique à l’Amphithéâtre Bastille. Fernando Madagan (répétiteur), Ida Viikinkoski, Marc Moreau et Andrea Sarri.

J’avais pour ma part assisté à la répétition publique à l’Opéra Bastille, le 21 septembre. Le répétiteur Fernando Madagan avait choisi de présenter le trio central du ballet. L’ensemble était on ne peut plus prometteur. La chorégraphie, très fluide, avec ses marches et ses glissés au sol, ses corps qui dessinent des volutes, ses dos qui s’arquent vers le ciel et conduisent à des chutes rattrapées par les partenaires, sont dans la veine post classique. Il y a également une veine ekienne (Inger n’est pas Suédois pour rien) avec ses marches sur genoux pliés, ses poses assises jambes écartés et ses gestes du quotidien hypertrophiés, ses rires et des dandinements comiques. Le chorégraphe ajoute même une note folklorique en réaction à la bande son apposant Ibrahim Maalouf et Amos Ben-Tal.

Dans son solo, Ida Viikinkoski accomplit des sortes de sauts temps de flèche attitude en reculant qui sont une véritable déclaration d’innocence. Dans le duo, Andréa Sarri est lui aussi dans le charme et l’insouciance en dépit du gros patch qu’il porte à l’épaule gauche. Bien que le duo se transforme en trio, avec l’arrivée de Marc Moreau, on ne repère pas de rivalité entre les garçons pour la fille. Le répétiteur revient sur des nuances d’interprétation ou sur des dynamiques de mouvement qui vont changer le sens et le perception du passage. Viikinkoski est très réactive. Moreau se voit souvent reprocher de ne pas être assez dans le relâché au début mais se reprend bien. Il reste néanmoins plus sur le contrôle que les deux autres. On ne se refait pas. Fernando Madagan annonce qu’il y aura sur le plateau une puis deux puis trois maisons rétrécissant l’espace au fur et à mesure que les danseurs entreront en nombre toujours croissant. Trois groupes différents s’additionneront au final : le trio, les gens de la ville puis les royalties et autres excentriques. Le titre de la pièce, « Impasse » ferait référence au sentiment d’enfermement et d’inéluctable créé par le COVID. Comme pour la soirée Cherkaoui, Voelker, Kerkouche à l’Opéra en novembre 2020, Impasse fut finalement créé en ligne par les danseur junior du Nederlands Dans Theater (NDTII)…

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Impasse. Johan Inger. Saluts

Au soir du 9 octobre, le résultat final laisse pourtant un tantinet perplexe. Si on y retrouve les qualités des ballets de Johan Inger. Il y a d’abord son habileté à lier sa chorégraphie à la scénographie, à la différence de ce qu’a pu faire le duo Leon-Lightfoot au NDT. On apprécie la séquence des Oty People (les gens de la ville), presque music-hall, avec son drôle de va-et-vient ramenant toujours plus de danseurs qui s’ajoutent. On comprend enfin la symbolique de l’arrivée des personnages colorés et divers : d’abord tentés par le conformisme (le trio se change pour le costume unisexe noir des citadins), nos trois innocents d’hier sont confrontés aux sirènes de l’ultra individualisme. Ils échappent in extremis à cette apocalypse vociférante en se glissant sous le rideau couperet qui descend lentement sur le devant de la scène. Pourtant, cette dernière séquence avec ces gesticulations et ces cris nous perd un peu. On se remémore certaines pochades déjantées proposées par Kylian à la fin de sa direction à La Haye. On ne s’est pas ennuyé, non. Johan Inger sait composer un ballet. Mais on ne ressort pas aussi inspiré qu’on a pu l’être après certaines de ses productions. Le succès est d’estime et on espère que le directeur de la danse saura donner une autre chance au Suédois qui serait à même d’enrichir le répertoire du ballet de l’Opéra de Paris.

Au final, ce programme d’ouverture, celui de la première saison authentique de José Martinez à la direction de la Danse, aura été truffé d’occasions manquées.

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Opening Night at the Paris Opera Ballet. Will We Get Into The Groove?

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Défilé. Dorothée Gilbert.

The Défilé du Corps de Ballet de L’Opéra de Paris

+ An Evening of Forsythe/Inger (and Stromile)

October 9, 2024

After months of being forced to sit on the sidelines (and literally stay out of the way) in Paris due to the Olympics, shortly followed by Fashion Week parasiting normally public spaces, encore!, I really needed to feel I was back at home at the Palais Garnier and get back into the groove. To be lifted out of my seat by cheering dance instead of being forced to watch basketball. Instead, my reward for being a good and patient Parisian turned into maybe the dullest, most monotonous, outing I’ve experienced in quite a while.

Yes, I am grumpy. Here’s why.

On September 14th, I had decided to ignore the last Olympic Grande parade on the Champs Elysées and instead burrowed down into the Opéra Bastille’s Amphithéatre to watch a public rehearsal with some young dancers cast in the upcoming revival of William Forsythe’s Blake Works. This hour-long session was not at all about the pursuit of the Perfect Ten. Albeit physically demanding, ballet is an art, not a sport. You don’t need to nail it. The goal is not getting a ball into a little basket, nor scoring a goodie bag.

Instead of breaking records, another question proved more pressing. Not all that long after this ballet had been created for the Paris Opera Ballet in 2016 “how to keep Blake Works alive and how to keep it feeling new” clearly obsessed both the new cast as well as the spectators. After the rehearsal was over, one audience member during Q&A asked about “getting it right.” Ayman Harper’s — a Forsythe veteran — response summarized what he was here to do: to get the dancers to “feel and go with the flow.”

During this public rehearsal, the Paris company’s ballet master – Lionel Delanoë, himself the winsome and sharp creator of a role in Forsythe’s masterpiece, “In The Middle” – did not stop beaming at the dancers from his front row seat in this intimate space. Harper, a guy with a slouch and an oomph and fun hair, kept saying: “That was beautiful. Just beautiful. But maybe you could try this?”

Roughly (as I was not doing steno), Ayman Harper pitched it like a dude:

“ There is no authoritative version of any Forsythe ballet. Bill believes that once you do that – fix it, nail it – a work of art is dead. If you impose the way you must move every single second onto the dancers, if you give them too much information and over-explain it, you will have killed it and put it in a box. Art needs to be like air, inhaled and exhaled.” This rehearsal master (eight years in Frankfurt) also added why “Bill” insists upon remaining so loose about the future of his works. “The man himself could say, ‘ooh! Now I have the chance to change something that has been bothering me for years/oh that bores me now/um, I just don’t need to insist upon it this way. Your body is different so just do it your way’.” This approach is not about the “après moi le deluge” attitude of the many long-dead dance makers who still engender bodice-ripping fights from beyond the grave amongst their legal heirs. This “guardian of the temple’s” attitude was more about “if the dancers learn to love to do it, then we can all share in the fun.” This is a very cool idea. But does “making it work for you” really keep a ballet alive? Can new generations not just outline, but live in, the step? Do new kids even know what the ancient word “groove” even means? Will they ever feel it?

Jazz has always been both structured and unstructured, too. Coach Ayman Harper kept playing with making the dancers feel/pounce upon/vary the rhythms, push the musicality out into a personal space. Ground a step. Pull one in. Forget about being “in a pirouette.” “Let yourself just follow the impulse. No imitation, no study-the- video, no make it look nice. Listen, listen, listen to the music.Groove. Let yourself go. Be here now. (Heads nodding to the sounds, concentrating) 5-6-7-8 GO!” That’s how you keep it alive.

“The steps are there-ish. Just trust the music. More that than that, play with the music!” And then he asked. “Maybe try a staccato here, hunhah, hunhah, make us look at your arms doing what your feet are doing down below. Go inside the music, hunh, hunh. One, two? What about one uh! two? One uhuha two? What feels good? “

The ballet coach’s kids struggled at first. But you could see a glimmer. When they get it, they will light a forest fire.

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Blake Works. Curtain calls

This infinity of possibilities was not necessarily confirmed at the Fall Season Paris Opera Ballet Gala [redux] on October 9th (The “Opening Gala,” now stretches across several nights. I didn’t manage to score tickets to the first).

After the Grande Défilé du corps de ballet — an annual autumn delight of floofy tutus, white satin, all the company simply walking forward to us in waves encased in their unattainable style and elegance — the mood dropped as we were forced to watch, after a short pause:

A neo-Forythian pastiche by a My’Kal Stromile. Jesus, there are just too many neo-Forsythers out there. Oh boy, was this Word for Word a downer. The costumes were by CHANEL (all caps in the program). Maybe that was the point as Paris Fashion Week (s) had just happened?

So hats off to Jack Gasztowtt for his energy and the way he took his assignment as well as his role as partner to Hannah O’Neill most seriously despite the inanity of the entire ballet. The rest of the cast fussed and fluffed about in their lush costumes by CHANEL. A lot of bourrés (piétinées in French) were involved, Guillaume Diop (a young Etoile so often so good) seemed to be channelling runway attitude. He was relaxed and poised…but way too “lite.” The always “there” Valentina Colasante had nothing left to work with as she hopped and stretched her infinite lines in a void. Rubens Simon catches the eye, tries, but had little to do. But what can you do if there is no point in the first place? Overall, this thing did not engender the feeling that “a good time had been had by all.”

I could not even vaguely comprehend why the audience was being forced to watch My’Kal Stromile’s intermezzo until the cleverly snarky end. Aha. During the Defilé du Corps de Ballet prior, all the dancers of the company and the school had descended the raked stage with superb and stately aplomb in order to salute their devoted fans from the lip of the stage. Here, as the finale of Stromile’s Word for Word finally arrived, the dancers turned their backs to us and stalked equally elegantly and solemnly back to upstage, like models done with the runway. Wow, how clever. Who’d a thunk it? I felt nothing.

I needed a drink. Surprise! Not only was the Grand Foyer privatized for a corporate evening, so was the Avant Foyer along with the Glacier. After the Paris Olympics, the last thing I needed was to be kept out of, yes, yet another fan zone because I didn’t have a QR access code. I scored a place squeezed to the side under a low ceiling to grumble to myself and then spill half my glass because someone in the packed crowd had bumped hard into my elbow.

Second Act, here comes the Forsythe (ooh ForsytheS!). This will get me back up on Cloud Nine, I know it.

No it didn’t.

Before Blake Works will finally happen, let’s insert Forsythe’s Rearray, a once spectacular duo that had been composed upon the bodies of Sylvie Guillem and Nicholas LeRiche.

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Takeru Coste, Roxane Stojanov & Loup Marcault-Derouard. Forsythe’s Rearray.

Now it’s a trio? All I can say is that the actor-dancer Takeru Koste’s ever-growing gravitas becomes all the more eye-catching. He pulls you into his moves. There’s no story in this duo, now trio, but he gives the piece a badly-needed mysterious sostinato. All I can say is that for Roxanne Stojanov – or for any dancer until the end of time — stepping into Guillem’s shoes is often just too daunting. Stojanov has her own way of moving and is always committed to what she does. This pièce d’occasion is just not just for her at this point in her career. Poor junior soloist Loup Marcault-Derouard tried with little to do, to make an impression. He kind of did. But what can you do if you are cast as the pointless third wheel in a pointless bore?

The lights go half up and down as we twitch in our seats during the pause. Here it comes, Forsythe’s well-rehearsed Blake Works!!!

In the sour aftertaste of everything up to now, I really, really, needed to wallow in a luminous ballet you could only describe as Petipa meets Woodstock. I really needed the feeling of an Ancient meets a Modern at a bar: you graze him with your elbow, he lurches back and then lurches forward and catches your wrist. You look into each other’s eyes and it starts. He’d almost fallen off his stool, so you end up on the dance floor where you show off your ballet moves while he grooves. The disco light shimmers and pulses and you are more alive and in the flow than you will ever be ever again.

It was a nice enough Blake Works, albeit sometimes too studied. Dancing Forsythe should always about suddenly something will happen that you didn’t expect and you are figuring out on the spot just how to skedaddle on and in and out from there. I always like to remind people that Forsythe himself was once, long ago and far away, the Long Island champion of a now forgotten ‘60’s dance called “The Mashed Potato.” Anything is possible.

As the coach had said:” Do it your own way. If I impose the way you must move every second, give you too much information, over-explain it, I will have killed it and put it in a box. Art needs to be like air, inhaled and exhaled without needing to think about having to do it.”

Inès MacIntosh, Caroline Osmont, Pablo Legasa: all had bounce and go and jazz. No poses, just pauses within the music. That’s good. . . Hohyun Kang has a spark and draws your eye to her. Kang tries, but for the moment she is sometimes too diffident. On the other hand, the chic and of course competent Hugo Marchand quietly had his own fun but made zero attempt to engage the audience, so utterly cool and disengaged that he turned me off. I guess he’s saving all his energy for Mayerling next month. To me, he was just slumming.

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Hohyun Kang, Florent Melac & Léonore Baulac. Forsythe’s Blake Works I.

The always vibrant and focussed and breathing Léonore Baulac, who has this ballet in her bones, was seconded by a discretely powerful Germain Louvet. Louvet’s cool and manly presence made you forget that François Alu had even ever had a part in this, let alone created the role. Louvet was more about catching than pushing his partner around. Their duet,“The Color In Anything,” breathed in a very new way. Both partnering and being with a partner in real life can turn into who dominates. Here, the duet evolved into questions about finessing the complexities of living on stage together instead of offstage anger suddenly dragged out under the spotlight. I prefer it done this way. Beaulac and Louvet made Blake Works work for them and for us in equal measure.

Alas, after yet another claustrophobic intermission, my brain was simply too fried, my mood too dark, to take in any more neo-classic post-modern ballets. I had no grey cells left for Johan Inger’s inventive Impasse. I was fascinated and Inger does absolutely get people moving about in satisfying ways. I just couldn’t get into it, alas. But I’d like to see it again once day – just in another context. How weird is that?

Frankly, for a gala, shouldn’t you vary the program? Too much of one thing is both too much and not enough.

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Les Balletos d’Or de la saison 2023-2024

Frémolle

Louis Frémolle par Gavarni. « Les petits mystères de l’Opéra ».

Il sont plus attendus, dans certains cercles nationaux comme internationaux, que les médailles d’or aux Jeux olympiques. Leur sélection est aussi secrète que celle des restaurants étoilés au guide Michelin. Et le sprint final aura été – presque – aussi tendu que les tractations en vue de la désignation d’une future tête de majorité parlementaire. Ce sont, ce sont – rrrrroulement de tambour – les Balletos d’Or de la saison 2023-2024!

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Ministère de la Création franche

Prix Création : le Boléro déstructuré d’Eyal Dadon (Hessisches Staatsballett. Le Temps d’Aimer la Danse).

Prix Recréation : Catarina ou la fille du bandit (Perrot/ Sergei Bobrov. Ballet de Varna)

Prix Navet : Marion Motin (The Last Call)

Prix Invention : Meryl Tankard (For Hedi, Ballet de Zurich)

Prix Jouissif : Les messieurs-majorettes de Queen A Man (Le Temps d’Aimer la Danse)

Prix Nécessaire : le Concours #4 des jeunes chorégraphes de Ballet (Biarritz)

Ministère de la Loge de Côté

Prix Je suis prête ! : Roxane Stojanov (Don Quichotte)

Prix Éternelle Oubliée : Héloïse Bourdon (au parfait dans Casse-Noisette, le Lac …)

Prix Intensité : Philippe Solano (le Chant de la Terre de Neumeier, Ballet du Capitole de Toulouse)

Prix J’ai du Style : Tiphaine Prevost (Suite en blanc, Ballet du Capitole de Toulouse)

Ministère de la Place sans visibilité

Prix de l’Inattendu : Marcelino Sambé et Francesca Hayward, Different Drummer (MacMillan, Royal Ballet)

Prix Ciselé : Chun-Wing Lam (La Pastorale de Casse-Noisette)

Prix Guirlande clignotante : Camille Bon (Off en Reine des Dryades / On en Reine des Willis)

Prix Voletant : Kayo Nakazato (La Sylphide, Ballet du Capitole de Toulouse)

Ministère de la Ménagerie de scène

Prix Biscottos : Mick Zeni (Zampano, La Strada, Sadler’s Wells)

Prix Félin élancé : Daniel Norgren-Jensen (Conrad, Ballet de Stockholm)

Prix Groucho bondissant : Arthus Raveau (Le Concert de Robbins)

Prix Souris de laboratoire : Léonore Baulac et ses poignants piétinements aux oreillers (Blaubart, Pina Bausch)

Prix Des Vacances : le petit âne (La Fille mal gardée) et la colombe (Les Forains), retirés des distributions à l’Opéra.

Ministère de la Natalité galopante

Prix Complicité : Inès McIntosh et Francesco Mura (Don Quichotte)

Prix Limpidité : Hohyun Kang et Pablo Legasa (Don Quichotte)

Prix Complémentarité : Bleuenn Battistoni et Marcelino Sambé font dialoguer deux écoles (La Fille mal gardée)

Prix Gémellité : Philippe Solano et Kleber Rebello (Le Chant de la Terre de Neumeier)

Prix Ça vibre et ça crépite : le couple Hannah O’Neill et Germain Louvet (ensemble de la saison)

Prix par Surprise : Sae Eun Park, émouvante aux bras de Germain Louvet (Giselle)

Ministère de la Collation d’Entracte

Prix Poivré : Bleuenn Battistoni et Thomas Docquir (In the Night de Robbins)

Prix Savoureux : Nancy Osbaldeston (La Ballerine dans le Concert de Robbins, Ballet du Capitole de Toulouse)

Prix Bourgeon : Hortense Millet-Maurin (Lise dans La Fille mal gardée)

Prix Fleur : Ines McIntosh (Clara dans Casse-Noisette)

Prix Fruit : Marine Ganio (Clara dans Casse-Noisette)

Prix – vé de dessert : Silvia Saint-Martin (Myrtha dans Giselle)

Ministère de la Couture et de l’Accessoire

Prix bariolé : la garde-robe dégenrée des gars de Car/Men (Chicos Mambo)

Prix poétique : Les Eléments et les Monstres de Yumé (Beaver Dam Company, Le Temps d’Aimer la Danse)

Prix Soulant Soulages : Yarin (Jon Maya et Andrés Marin, Le Temps d’Aimer la Danse)

Prix Ma Déco en Kit : Matali Crasset (Giselle, les décors et costumes. Ballet de l’Opéra national de Bordeaux)

Ministère de la Retraite qui sonne

Prix On aurait pu lui donner un Albrecht pour sa sortie : Audric Bezard

Prix « C’est qui ces gens bruyants de l’autre côté de la fosse ?» : Myriam Ould-Braham (les adieux).

Prix Musée d’Ontologie : L’exposition Noureev à la Bibliothèque Musée de l’Opéra

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My Nights at the POB (2024 Spring / Summer collection)

A classical ballet, just like a classic book you’ve reread many – many ! – times, almost never fails to delight you again when you rediscover it. Here are some of my most recent ones at the Paris Opera ballet.

Hannah O’Neill and Germain Louvet: a most pleasant discovery

P1200303Don Quichotte on March 27th

For a while now, I’d been unconvinced by the pairing of Hannah O’Neill with Hugo Marchand. His large presence overwhelmed her and their lines and musicality did not match. He made her look small and quite pallid, which is odd considering that the smaller Gilbert never did. Maybe it’s because Gilbert is clearly a fighter while O’Neill’s persona is more demure?

But who else could she dance with? Germain Louvet? Pairing them in Don Q on March 27th proved splendid: their lines and timing and reflexes completely in synch. They even giddily broke the line of their wrists exactly when the music went “tada.”

But Don Q is a comedy.

Up until now, for me, Germain Louvet only lacked one thing as an artist: gravitas. It was impossible to find fault with his open-hearted technique, but somehow I always got the feeling that he wasn’t quite convinced when he played a prince. Some part of him remained too much a stylish young democrat of our times.

His acting could reminded me of how you tried to keep a straight face when you got cast as Romeo at an all-girl’s high school.  You tried really, really hard, but it just wasn’t you.

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Germain Louvet (Basilio) et Hannah O’Neill (Kitri).

*                                        *

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Giselle. Saluts

Giselle on May 28th

Then something happened when Louvet stepped out on the stage on May 28th. Here was a man whose self-assurance seemed worldlier, tougher, critical distance gone. Within seconds in his pantomime with Wilfried, Louvet “was” that Old-World well-mannered man used to being obeyed and getting what he wants at any restaurant. I was convinced.

And it all came together when Hannah O’Neill answered his knock-knock.  A healthy, normal girl with no secrets who has clearly been warned about men but who has decided – on some level to this Albrecht’s surprise – that he is a good man.

Everything about O’Neill’s Giselle, from her first solo onwards, breathed restraint and modesty. She was the kind of girl who speaks so softly you cannot help but lean in to her.  Louvet’s Albrecht clearly felt this.

Once again, every little danced detail matched. But more than that, these two were literally inside the same mental space. Both of them reacted strongly to Berthe’s narrative:  O’Neill spellbound and Louvet taking that cautionary tale personally, as if Giselle’s mother had just put a hex on him. Later, when Giselle shows him her big new diamond pendant, Louvet managed the degrees of that multileveled reaction of “I must not tell her she has a scorpion crawling on her chest just yet.” And none of this felt like he was trying to steal the spotlight. He was really in the moment, as was she.

Antonio Conforti’s Hilarion had also been believable all along, his mild state of panic at the growing romance evolving into fear for her life. (His Second Act panic will be equally believable). When Conforti had rushed in as if shot out of a cannon to put a stop to the romance, you could see how Giselle knew that he was no monster. This nice Giselle’s inability to disbelieve anyone made her mad scene all the more poignant. No chewing of the scenery, her scene’s discreet details once again made us want to lean in and listen.  Giselle’s body and mind breaking down at the same time was reflected in the way O’Neill increasingly lost control, even the use, of her arms. She took me directly back to one awful day when I was crying so hard I couldn’t breathe and walked straight into a wall. Utter stunned silence in the auditorium.

Louvet’s differently shaped shock fit the character he had developed. You could absolutely believe in the astonishment of this well-bred man who had never even put one foot wrong at a reception, much less been accused of murder.

Woman, Please let me explain
I never meant to cause you sorrow or pain
So let me tell you again and again and again

I love you, yeah-yeah
Now and forever*

In Act II, you had no need of binoculars to know that the regal Roxane Stojanov  was the only possible Queen of the Wilis. Her dance filled the stage. Those tiny little bourrées travelled far and as if pulled by a string. She seemed to be movingNOTmoving. Her reaction at the end of the act to the church bells chiming dawn — a slow turn of the head in haughty disbelief — made it clear that this Queen’s anger at one man, all men, would never die. Clearly, she will be back in the forest glade tomorrow night, ready for more.

I was touched by the way Louvet’s Albrecht was not only mournful but frightened from the start. It’s too easy to walk out on the stage and say “just kill me already.” It’s another thing to walk out on the stage and say “I’ve never been so completly confused in my entire life.”

Woman, I can hardly express
My mixed emotions at my thoughtlessness
After all, I’m forever in your debt…*

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Hannah O’Neill et Germain Louvet (curtain call)

*                                        *

P1220593Le Lac des cygnes on June 27th

O’Neill’s unusual interpretation of Odette – under-swanned and unmannered – reminded me of Julia Roberts saying ,” “I’m just a girl standing in front of a boy asking him to love her.” No diva here. O’Neill’s swan/princess had not only been captured but promoted queen against her will. All she wants is to be seen as a normal girl. I think this take on the role might have put out some in the audience nourished by that awful horror movie’s over the top clichés. Once again I fell for the rich nuances in this ballerina’s demure and understated authority.

And here was Germain Louvet again! Elegant, well-mannered, gracious, and absolutely un-melancholy. His prince was not self-involved, yet regal with a kind of natural elegance that set him apart. I’ve met people like that.

Louvet’s at ease Siegfried just wants to dance around with his friends and has never thought much about the future.  Often the Queen Mother scene just seems like an intertitle in a silent movie: basic information needed to make a plot point. The acting can be light, as in Paris the dancers cast as queen mothers are mostly ten to fifteen years younger than their sons. Young Margaux Gaudy-Talazac, however, had believable authority and presence.  I cannot put my finger on exactly what she and Louvet did and when, but what developed was clearly the Freudian vision Nureyev had had for this ballet in the first place. “Why do you want me to go find a woman? I’m just fine here with you, mommy.” This Siegfried’s rejection of the Act Three princesses was preordained no matter what. What a pity, then, that Thomas Docquir’s flavourless Wolfgang and stiff Rothbart gave all the others little to work against.

Back to no matter what… But what if a woman unlike all other women actually exists? Hey, what if even dozens of them are lurking out there just outside the windows? Louvet’s tiny gesture, stopping to stroke a tutu as if to check it were for real as he progressed in through the hedgerow of swan maidens, made these thoughts come to life.

O’Neill and Louvet’s courtly encounters were like the water: no added ingredients, pure and liquid. O’Neill kept her hands simple – the way you actually do when you swim– and Louvet gently tried to get in close enough to take a sip but she kept slipping away from him. As he gently and with increasing confidence pushed down her arms into an embrace, you could sense that she couldn’t help but evaporate.

Their lines and timing matched once again. But I wondered if some in the audience didn’t find this delicately feminine and recognizably human Odette too low energy, not flappy enough? But she’s a figment of HIS imagination after all! This Siegfried was in no need of a hysteric and obviously desired someone calm, not fierce. [This brings me back to what doesn’t work in Marchand/O’Neill. He may appreciate her in the studio, but on stage he needs a dancer who resists him].

As Act Three took off, I found myself bemused by when I do focus, and when I don’t focus, on how this production’s Siegfried is dressed in bridal white. Louvet’s character was indeed both as annoyed and then as anguished as an adolescent. No other betrayed Siegfried in a long time has buried his face in his mother’s skirts with such fervor.

Nota Bene: All nights, in the czardas, the legs go too high. The energy goes up when it should push forward. This ancient Hungarian dance is not a cancan.

As Odile, O’Neill once again went for the subtle route. Her chimera played at re-enacting being as evanescent as water, now punctuated with little flicks of the wrist. Louvet reacted in the moment. “She’s acting strangely. Maybe I just didn’t have time last night to see this more swinging side to her?”

In Act Four, O’Neill’s Odette was no longer under a spell, just a girl who wants to be loved. No other Siegfried in a long time has dashed in with more speed and determination. As they wound and unwound against each other in their final pas de deux of doom I wondered whether I’d ever seen Louvet’s always lovely partnering be this protective. The only word for his partnering and persona: maternal.

It wasn’t a flashy performance, but I was moved to the core.

And woman
Hold me close to your heart
However distant, don’t keep us apart
After all, it is written in the stars*

*John Lennon, “Woman.” (1980)

 

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Le Lac des cygnes. Hannah O’Neill (Odette/Odile) et Germain Louvet (Siegfried).

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Sae-Eun Park : I found her and then lost her again

Gisele May 17 Sae-Eun Park and Germain Louvet

P1220423During Giselle, what I’ve been looking for finally happened. Before my eyes Sae-Un Park evolved from being a dutiful baby ballerina into a mature artist. And her partner, Germain Louvet (again!) whom I’d often found to be a bit “lite” as far as drama with another goes, came to play a real part in this awakening.

But this was not the same Albrecht, to boot. From his first entrance and throughout his dialogues with Wilfried, words from an oldie began to dance around at the back of my brain:

Well, she was just seventeen
You know what I mean
And the way she looked
Was way beyond compare
So how could I dance with another
Ooh, when I saw her standing there?*

I almost didn’t recognize Park. All the former technical mastery was still in place but it suddenly began to breathe and flow in a manner I had not seen before. She came alive. All her movement extended through a newfound energy that reached beyond from toes and fingertips and unblocked her already delicate lines. Her pantomime, her character, became vivid rather than textbook. I’ve been waiting for Park to surprise herself (and us) and here she demonstrated a new kind of abandon, of inflection, of fullness of body.

Well, she looked at me
And I, I could see
That before too long
I’d fall in love with her
She wouldn’t dance with another
Ooh, when I saw her standing there*

Throughout the ballet, Louvet and Park danced for each other and not for themselves (which had been a weakness for both to grow out of, I think). Park’s acting came from deep inside. From inside out for once, not demonstrated from without. During her mad scene, I simply put my notebook down.

Act 2 got off to a… start. Sylvia Saint-Martin clearly worked on controlling all the technical detail but danced as harshly as is her wont for now. The disconnect between her arabesque, torso, and abrupt arms, the way she rushes the music, the way her jumps travel but don’t really go anywhere…everything about her dance and stage presence just feels aggressive and demonstrative from start to stop. She finally put some biglyness into her last manège, but it was too late for me.

Well, my heart went « boom »
When I crossed that room
And I held her hand in mine

Oh we danced through the night
And we held each other tight*

There was a different kind of emotional violence to Germain Louvet’s first entrance, reacting to THIS Giselle. Along with the flowers, he carried a clear connection to the person from Act One onto the stage. You don’t always get the feeling that Giselle and Albrecht actually see each other from the backs of their heads, and here it happened. Both rivalled each other in equally feathery and tremulous beats. Their steps kept echoing each other’s. Park’s Giselle was readably trying to hold on to her memories, and moved her artistry beyond technique.  This newfound intensity for her was what I’d long hoped for. I am still impressed by how visible she made Giselle’s internal struggle as the dark forces increasingly took control of her being and forced her to fade.

I left the theatre humming as if the thrum of a cello and the delicate lift of the harp were tapping on my shoulder.

Now I’ll never dance with another, Ooh.*

*The Beatles, “How Could I Dance With Another?” (1963)

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Sae-Eun Park (Giselle) et Germain Louvet (Albrecht)

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Swan Lake, Sae-Un Park with Paul Marque on June 28th

P1220597However, this performance saw the ballerina go back into comfort mode.

In Act 1 Pablo Legasa, as the tutor Wolfgang aka Rothbart, instantly asserted his authority over Siegfried and the audience understood in a way that it hadn’t with  Docquir whose presence didn’t still does not cross the footlights . Legasa’s tutor gleefully set up the about-to be-important crossbow as he slid it into Marque’s hands, just as he would later use that cape better than Batman. Most Rothbarts manipulate the Loïe Fuller outfit like a frenemy, at best.

The little dramatic nuances matter. Whereas Louvet’s Siegfried hadn’t really wanted to rock the boat much during Act 1 — so to be fair Docquir didn’t have that much to do — tonight Legasa repeatedly denied Paul Marque, whose Siegfried is more of a regular guy, any escape or release without express permission.

Paul Marque doesn’t possess the naturally elongated lines of Germain Louvet, but that isn’t a problem for me. Marque’s vibe feels more 19th century: dancing at its best: a restrained yet elevated 90 degrees back then was the equivalent of 180 now and every step he makes is as clearly outlined as if it popped out of an engraving. The way he worked up towards making the last arabesque in his solo arch and yearn gave us all we wanted as to insight into the internal trauma of the character.

In Act 2, Sae-Eun Park finally arrived to the delight of her fans.  She gave a very traditional and accomplished classic rendering of Odette, replete with big open back, swanny boneless wings/arms, took her time with the music and became a beautiful abstract object in Siegfried’s arms. Her solo was perfectly executed. Could I ask for anything more? Maybe?

You have to make it work for you. O’Neill remained a woman, a princess trapped in some kind of clammy wetsuit and gummy gloves that covered her fingers. Park outlined and gave a by the book performance of the expected never having been a human swan. But at least now she dances from the inside out and her arms do fully engage in dialogue with her back.

I loved the way this Siegfried reacted to all the swans. “What? You mean there’s more of them?” Marque, as in Act One, then chiselled a beautifully uplifted variation that felt true to Nureyev’s vision in the way a synthesized centeredness (thesis) encounters and surmounts a myriad of unexpected changes in direction (antithesis). Very Hegelian, was Marque’s synthesis.  Bravo, he made philosophical meanderings come alive with his body.

These lovers are lulled into the idea that escape is possible and will happen soon.

In Act 3, Legasa continues to lead the narrative. He is clearly whispering instructions into Odile’s earbud while also utilizing his cape and hands as if they were remote control.. For once Rothbart’s solo did not seem like a gratuitous interruptionsreplete with awkward landings. The pas de deux can in fact be a real pas de trois if that third wheel unspools his steps and stops and brings out the underlying waltzy rhythm of the music. Legassa tossed off those double tours with flippant ease and evil father-figure panache. Nureyev would have loved it.

Park’s Odile? Marque recognized his Odette instantly. Park did everything right but only seemed to come into her own in her solo (from where I was sitting). Even if her extended leg went up high and she spinned like a top, at the end of the pas de the audience didn’t roar.

“When Siegfried discovered he has both betrayed and been betrayed, Louvet, like a little boy, he wrapped his arms desperately tight around his mother.” Why did I write that in my notebook at the exact moment when I was watching Paul Marque in the same pantomime? I don’t quite remember, but I think it was because “mama” wasn’t what anything was about for him.

In the last Act, while Legasa acted up a storm, Marque remained nice and manly. The night before, Germain Louvet had really put all his energy into seeking Odette and fighting back against the forces of darkness. He really ran after what he wanted. Marque is maybe just not as wild by nature. Or maybe he just stayed in tune with Park? In Act 4, Park did fluttery. Lovely fluttery arms and tippy-toes that stayed on the music and worked for the audience. I observed but didn’t feel involved.

For me, only Pablo Legasa made me shiver during this Park/Marque Swan Lake. I found myself wondering what Park would have done IF a more passionate dancer like Legasa – as Louvet had been recently for her Giselle – had challenged her more. Now that I think back, Marque, too, had hit a high dramatic level when recently paired with Ould-Braham in Giselle. Maybe it’s time to end “ParkMarque.”  I like them both more and more, just not together.

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Le Lac des cygnes. Sae-Eun Park (Odette/Odile) et Paul Marque (Siegfried).

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Héloïse Bourdon: The Treasure that’s been hiding in plain sight.

You may say I’m a dreamer
But I’m not the only one*

P1220572Swan Lake, Héloïse Bourdon and Jerémy-Loup Quer, on July 12th

Then on July 12th, something long anticipated didn’t happen. Again. As she had way back then on December 26th, 2022, Heloïse Bourdon gave yet another stellar performance as Odette/Odile in Le Lac des Cygnes. At the end, as the audience roared, so many of us expected the director to come out and finally promote Bourdon to étoile (star principal). Instead all we all got do was shuffle out quietly and once again go home to wash off what was left of our mascara.

If anyone managed to find the perfect balance between woman and swan this season, it was Bourdon.  Even in the prologue, this princess showed us that she felt that danger prickling down the back of her neck just as an animal does.

As the curtain rises after this interlude, Jeremy-Loup Quer’s Siegfried puts his nightmare aside and is feeling just fine with his friends. He will later prove rather impervious to his mother’s admonitions and more boyishly cheered by her gift of the crossbow. Then, there was the moment where he looked intently at his baby throne only to turn his back on it in order to stare out of once of the the upstage window slits.

This Siegfried’s melancholic solo was infused by a kind of soft urgency, where the stops and starts really expressed a heart and mind unable to figure out which way to go. Touchingly, Bourdon would echo exactly this confused feeling in her solo in the Second Act, bringing to life the idea that Odette is both a product of Siegfried’s imagination and indeed a kindred soul.

As Wolfgang the Tutor, Enzo Saugar had made his entrance like a panther, a strong and dark-eyed presence with threateningly big hands. I instantly remembered his first splash on the stage as a very distinctive young dancer in Neumeier’s Songs of a Wayfarer at the Nureyev gala last year .  Alas, as of now, Saugar continues think those eyes and those splayed fingers suffice. This works at first glance, but goes nowhere in terms of developing a coherent evening-long narrative. He just wasn’t reactive. He was performing for himself.

So thank goodness for Heloïse Bourdon. As Odette, she uses her fingers and wrists mightily as well, but with variety and thought. Hers was a woman and swan in equal and tortured measure. When she encounters Siegfried, he is clearly instantly delighted and she is clearly a woman trapped in a weird body who hestitanly wonders whether he could actually be her saviour.

Whereas Louvet’s Siegfried had seemed to say when the bevy of swans had filled the stage, “What? The world has always been full of swans?! This is like so unbelievable,” Quer seemed to be saying, as with the Princesses later: “Pleasure to meet you, but for me there is only one swan and I’ve already found her.”

 I’d have to agree. Bourdon glowed from within without any fuss, and this was magnified by the unusual way she used her arms. Some dancers don’t connect their arms to their backs, which I hate. When dancers make their arms flow out from their backs this gives their movements that necessary juice. But here Bourdon’s arms had a specific energy that I’ve rarely seen. It flowed and contracted inward in waves from her fingers first and then pulled all the way back into her spine. I was convinced. That’s actually how you do feel and react when you are injured.

Throughout the evening, whether her swan was white or black, these two danced for each other, including not leaving the stage after a solo and staying focused for their partner from a downstage corner.  Whether in Act Two or Four, each time Rothbart tried to rip her out of Siegfried’s arms via his spell, this couple really fought to hold onto each other.  You could understand this prince’s bewilderment at a familiar/unfamiliar catch-me-if you-can Odile. (Perfectly executed, unbelievably chiselled extensions, fouettés, etcetera, blah blah, just promote her already).

Like Giselle, this Odette knew her hold on life was fading as the end of the last act approached. The energy now reversed and seemed to be pumping out from her back through her arms and dripping out of her hands and beyond her control. This Siegfried, like an Albrecht, like someone in a lifeboat, kept begging his beloved to hold fast.

The Paris Opera’s management may be blind, but the audience certainly wasn’t. I saw a lot of red eyes around me as we left the theatre in silence. Oh what the hell. As long as Heloïse Bourdon continues to get at least one chance to dance a leading role per run I can dream, can’t I?  Next time, how about giving her a Giselle for once?

Imagine there’s no heaven
It’s easy if you try
No hell below us
Above us, only sky*

*John Lennon, “Imagine” (1971).

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Le Lac des cygnes. Héloïse Bourdon (Odette/Odile) et Jeremy-Loup Quer (Siegfried).

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Le Lac des Cygnes à l’Opéra de Paris : princesses lointaines

P1220629En 1984, Rudolf Noureev a présenté sa version définitive du Lac des cygnes. Son premier essai, réussi, avait été créé à Vienne, en 1964 alors qu’il dansait lui-même le prince Siegfried aux côtés de sa partenaire de prédilection Margot Fonteyn. Sa version d’alors était très proche encore de la structure traditionnelle du ballet tel que représenté en Russie et, à l’époque, dans très peu de pays d’Europe de l’Ouest (le ballet de l’Opéra n’a eu sa première version du Lac qu’en 1960). Noureev y développait cependant le rôle du prince, en faisant un être aux prises avec les doutes. Il reprenait une variation qu’il avait déjà présentée à Londres avec le Royal Ballet et qui avait d’ailleurs été fort critiquée pour ses complications jugées maniérées. Pour l’acte trois, il créait un pas de deux hybride utilisant la musique de l’entrada, de la variation du cygne noir et la coda utilisées par Vladimir Bourmeister pour sa version du Lac mais gardait la musique traditionnelle pour la variation de Siegfried. A l’acte 4, il chorégraphiait un très bel ensemble choral pour les cygnes, un pas de deux d’adieux poignant pour Odette et Siegfried et rompait avec la tradition du dénouement heureux soviétique. La dernière image montrait Siegfried se noyant tandis que le cygne semblait flotter sur les eaux du lac en furie.

En 1984, Noureev poussait les états d’âmes du prince à un point sans doute jamais atteint alors pour une version classique. Selon le danseur et chorégraphe, Siegfried, à un moment charnière de sa vie, sommé de se marier par la reine sa mère, bascule lentement dans la folie. Dominé par Wolfgang, son précepteur, il le réincarne dans son esprit en oiseau maléfique, Rothbart, et s’invente une compagne aussi idéale qu’impossible, Odette, la reine des cygnes. Le ballet est traversé de références freudiennes à l’homosexualité. La palette des costumes des garçons des premier et troisième actes incluent le vieux rose et le parme. La danse des coupes, qui clôt l’acte 1 est uniquement dansée par des garçons. Le prince ne quitte jamais son palais minéral. Le lac est volontairement réduit à une pâle toile de fond. Noureev multiplie aussi les références aux conventions les plus éculées du théâtre comme pour mettre un peu plus en abyme l’histoire. L’envol de Rothbart et du cygne qui ouvre et conclut le ballet est directement inspiré des apothéoses baroques. Noureev, qui avait durant toute sa carrière à l’ouest combattu les conventions de la pantomime notamment dans le Lac des cygnes, décide de restaurer la pantomime originale de la première rencontre entre Odette et Siegfried comme pour créer une distance supplémentaire avec l’histoire. Cependant, on peut, à la différence d’un « Illusion comme le Lac des cygnes » de John Neumeier (1976), ignorer le sous-texte et regarder un Lac presque traditionnel.

Pourtant, lors de cette reprise 2024, jamais il ne m’a tant semblé que les cygnes étaient des visions nées de l’imagination enfiévrée du prince.

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Le Lac des cygnes. Valentine Colasante et Marc Moreau.

Au soir du 22 juin, Marc Moreau incarne véritablement son prince. Lui, si longtemps minéral, a travaillé sur le moelleux de la danse. Les pliés sont désormais profonds. Surtout, on admire ses bras et ses mains qui interrogent ou qui cherchent à atteindre. Cela fait merveille à l’acte deux avec le cygne noble, à la belle et longue ligne, de Valentine Colasante. Le dialogue par les mains de Siegfried dépasse la pantomime inscrite. Moreau reste en scène pendant toute la variation des envols contrariés d’Odette. Dans l’adage les deux danseurs semblent suspendre l’orchestre par leur danse réflexive.

A l’acte 3, la pantomime bien accentuée de Marc Moreau lui fait refuser les prétendantes avec énergie. Le pas de deux du cygne noir est bien enlevé. Valentine Colasante est sereine dans la puissance : dans l’adage, l’équilibre arabesque du cygne noir est véritablement suspendu et dans sa variation, elle exécute les tours attitudes de manière très rapide et les achève d’une manière très nette. Marc Moreau se laisse aller à sa tendance aux fins de variations démonstratives, un peu à la soviétique, mais comme il maîtrise parfaitement sa partition, on attribue cela à l’exaltation de Siegfried. Le tout est soutenu par la présence de Jack Gasztowtt, Wolfgang convaincant et Rothbart plein d’autorité même si on a toujours une petite pointe d’appréhension lorsqu’il exécute sa série de pirouettes en l’air. Le dénouement est très dramatique. Siegfried-Marc se parjure exactement sur le tutti de l’orchestre.

L’acte 4 est poignant. Le prince recherche fiévreusement son cygne au milieu des entrelacs élégiaques des cygnes agenouillés. L’adage des adieux est, avec ses oppositions de directions bien marquées et la suspension des deux partenaires, une vraie conversation dansée. Odette-Valentine y est à la fois noble et distante. Si bien que si l’on ressort très ému, c’est finalement plus par le destin brisé du prince que par la destinée tragique d’Odette.

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Le Lac des cygnes. Sae Eun Park (Odette/Odile) et Paul Marque (Siegfried).

Le 28 juin, on apprécie les beaux développés suspendus et des finis de pirouettes impeccables de Paul Marque à l’acte 1. Il dessine un prince très dubitatif face au Wolfgang marmoréen a force d’impassibilité de Pablo Legasa. Ce dernier parvient vraiment à imposer d’entrée une forme de présence menaçante. Lorsqu’il tourne autour de Siegfried, caressant de sa main le cou du prince à la fin de l’acte 1, on se demande vraiment s’il ne pense pas à l’égorger.

A l’acte 2, Sae Eun Park fait de jolies choses. La ligne est belle. Dans la variation des ailes coupées, le dernier posé piqué semble s’affoler ce qui donne du relief à l’ensemble de cette section. Elle ne regarde jamais vraiment son partenaire comme absorbée par son monologue intérieur.

Pour l’acte 3, Paul Marque est un Siegfried valeureux qui mange l’espace pendant la coda. Sae Eun Park présente un cygne noir plein d’autorité avec cependant un certain relâché bienvenu car inhabituel chez cette danseuse. Les tours fouettés de la coda sont très rapides et hypnotiques. Pablo Legasa est lui aussi dans l’extrême prestesse d’exécution. Cette forme d’urgence sied bien au quatrième acte et contraste heureusement avec l’ambiance brumeuse et tragique de l’acte 4.

Néanmoins, si l’adage final entre les deux étoiles est très harmonieux et poétique visuellement, l’Odette déjà absente de mademoiselle Park, pour conforme qu’elle soit à la vision de Noureev, nous émeut moins. En revanche, le combat final de Siegfried-Paul avec l’implacable Rothbart-Pablo, très « cravache », termine le ballet sur une note ascendante.

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Le Lac des cygnes. Thomas Docquir (Rothbart), Hannah O’Neill (Odette/Odile) et Germain Louvet (Siegfried).

Le 3 juillet, Germain Louvet est un prince à la ligne éminemment romantique. C’est un plaisir de voir tous ses atterrissages impeccables et les jambes qui continuent de s’étirer après l’arrivée en position. En Wolfgang, Thomas Docquir reste très impassible à l’acte 1. Il est difficile de déterminer si c’est un parti-pris dramatique ou le fait d’un manque d’expressivité.

A l’acte 2, Hannah O’Neill a de très belles lignes mais reste très lointaine, très « dans sa danse ». Les deux étoiles, dont l’accord des lignes nous avait déjà conquis lors de Don Quichotte en mars dernier, rendent la rencontre tangible lors d’un fort bel adage.

A l’acte trois, le pas de deux du cygne noir est bien mené même si l’entrada manque un tantinet d’abattage. Germain Louvet ne pique pas sur demi-pointe pour permettre une arabesque plus penchée à sa ballerine. C’est certes efficace, mais pourquoi danser la version Noureev si c’est pour servir la même cuisine vue ailleurs ? La salle nous semble un peu molle. C’est peu justifié au vu des variations : celle de Louvet est irréprochable et dans la sienne, O’Neill se montre très sûre dans ses tours attitude. Thomas Docquir, sans déployer le même charisme que Legasa, s’acquitte très bien de son très pyrotechnique solo. La coda, avec les fouettés du cygne noir et les tours à la seconde du prince, réveille néanmoins le public jusqu’ici atone.

A l’acte 4, Germain Louvet et Hannah O’Neill nous gratifient d’un bel adage réflexif. La ballerine, qu’on a trouvé jusqu’ici trop intériorisée, parvient même à être touchante lorsqu’elle mime « ici, je vais mourir ». On est néanmoins un peu triste de n’avoir pas plus adhéré au couple. On a l’étrange impression que Germain Louvet, faute d’avoir une Odette en face de lui, était le cygne ; une interprétation intellectuellement intéressante mais qui nous laisse émotionnellement sur le bord de la route.

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Le Lac des cygnes. Bleuenn Battistoni (Odette/Odile).

On attendait donc beaucoup de la soirée du 10 juillet. En effet, Hugo Marchand, qui devait initialement danser aux côtés de Dorothée Gilbert, était désormais distribué avec la toute nouvelle étoile Bleuenn Battistoni.

A l’acte 1, Marchand est un prince aux lignes parfaites, aux bras crémeux dans sa variation réflexive et aux entrelacés silencieux. Ce Siegfried n’est pas absent à la fête et interagit avec les courtisans. Ce pourrait être un parti pris intéressant si Florent Melac était plus ambivalent en Wolfgang. Dans le pas de deux qui clôt l’acte 1 et préfigure l’acte 4, Melac n’est rien de plus qu’un conseiller sérieux et écouté. A l’acte 2, Bleuenn Battistoni exprime tout par le corps et garde un visage assez impassible. Les arabesques sont étirées à l’infini, le buste semble flotter au-dessus de la corolle du tutu, le cou est mobile, les bras sont sobres mais d’une grande délicatesse. Tous les ingrédients sont là pour créer une grande Odette. L’adage avec Siegfried est un plaisir des yeux tant les longues lignes des deux danseurs s’accordent. De plus, Hugo Marchand est un prince qui réagit au récit d’Odette pendant toute sa variation plaintive. Pour le final, Marchand enserre délicatement le cou de sa partenaire comme si elle avait déjà repris sa condition animale.

A l’acte 3, pour le pas de deux du cygne noir, les critères techniques sont largement atteints. Battistoni, toujours dans la stratégie du less is more en termes d’interprétation, fait preuve d’une grande autorité technique. Sa variation avec double attitude est immaculée. Hugo Marchand a des grands jetés suspendus et des réceptions moelleuses. Florent Melac exécute une bonne variation de Rothbart même si son personnage manque toujours un peu de relief. On s’étonne cependant un peu de rester sur des considérations purement techniques. Adhère-t-on vraiment à l’histoire ?

A l’acte 4, on apprécie le bel adage des adieux entre Odette et Siegfried : les lignes sont parfaites et les décentrés suspendus. On reste néanmoins un peu à l’extérieur du drame. Mais juste avant la dernière confrontation entre Siegfried et Rothbart, Odette-Bleuenn a un éclair dans le regard quand elle tend désespérément son aile vers Siegfried. C’est sur ce genre de fulgurance que la jeune et talentueuse ballerine devra travailler lors de la prochaine reprise afin de se mettre au niveau d’interprétation d’un partenaire tel qu’Hugo Marchand.

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On était un peu triste, au bout de quatre représentations, de ne pas avoir été emporté par un cygne. D’autant qu’il y a des motifs de réjouissance du côté des solistes et du corps de ballet. Ce dernier, malgré un temps relativement court de répétition, se montre presque au parfait. La grande valse du premier acte, avec ses redoutables départs de mouvement en canon, est tous les soirs tirée au cordeau. La polonaise des garçons est digne de la discipline d’un ballet féminin. Les danses de caractères de l’acte 3 sont fort bien réglées. Dans la napolitaine, on a un petit faible pour le couple que forment Nikolaus Tudorin et Pauline Verdusen (qui fait ses adieux sur cette série), très primesautier, mais Hortense Millet-Maurin (également tous les soirs dans un quatuor de petits cygnes extrêmement bien réglé) et Manuel Garrido ont le charme et la fraicheur de la jeunesse. On est également rassuré de voir balayer le souvenir mitigé des pas de trois de la dernière reprise qui s’étaient avérés souvent mal assortis et avaient mis en lumière une certaine faiblesse chez les garçons. Pour cette mouture 2024, on trouve le plus souvent sujet à réjouissance. Les 22 juin, Ines McIntosh est très légère et délicate dans la première variation. Silvia Saint Martin est tolérable et Nicola di Vico a de beaux doubles tours en l’air bien réceptionnés et un vrai parcours. Les 28 juin et 3 juillet, on assiste aussi à un pas de grande qualité avec un trio réunissant Andrea Sarri, condensé d’énergie et de ballon, Roxane Stojanov enjouée et légère et Héloïse Bourdon alliant moelleux et élégance. Le 10 juillet, Camille Bon se montre élégante et déliée et Hoyhun Kang très légère. Antonio Conforti, partenaire sûr comme à son habitude, délivre une variation irréprochable et d’un bel abattage. Il prend même le temps de saluer le prince tandis qu’il accomplit ses exercices pyrotechniques. Enfin, le 12 juillet, le trio réunissant Mathieu Contat, Bianca Scudamore et Clara Mousseigne ne manque pas de talent. Contat fait un beau manège de coupé jeté, Scudamore est d’une grande légèreté dans la seconde variation mais Mousseigne, toujours trop démonstrative, se met parfois hors de la musique pour montrer ses atouts techniques…

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Le Lac des cygnes. Héloïse Bourdon (Odette/Odile) et Jeremy-Loup Quer (Siegfried).

Le 12 juillet… Il aura fallu attendre le 12 juillet pour que je sois ému par une Odette. Enfin un cygne de cœur, de chair et de sang ! Héloïse Bourdon, désormais une habituée du rôle, vient magnifier de tout son métier la maîtrise souveraine de la technique noureevienne. Les ports de bras sont crémeux ; l’arabesque haute de même que les développés (la variation) ; les ralentis contrôlés. Mais surtout, mais enfin, il se dégage de cette Odette une humanité, une sensibilité qui passe par-delà la rampe. Cette Odette regarde son Siegfried de ses yeux mais aussi… de son dos (adage). Pour que le parti-pris du « rêve du Prince » développé par Noureev fonctionne, il faut que le mirage de la femme sensible et idéale soit plus vrai que nature et non désincarné. La quasi perfection des cygnes du corps de ballet, à la fois disciplinés et vibrants (on regrette un vilain décalage de lignes côté jardin sur le triangle saillant à l’acte 4) reçoit enfin le couple qu’il mérite. En Siegfried, Jeremy-Loup Quer présente une belle danse noble et musicale sans aucun accroc. Ses intentions sont bonnes (la façon dont il réalise que son arbalète effraie le cygne) même si sa projection est encore intermittente. On salue le progrès accompli par cet artiste. En Rothbart, Enzo Saugar doit en revanche trouver l’équilibre entre sa technique, qui est très impressionnante, et son interprétation, qui est assez pâle.

On se laisse porter, comme le reste de la salle, très enthousiaste de bout en bout, par le couple Bourdon-Quer. Le cygne noir de Bourdon est serein dans la puissance, et le prince de Quer exalté et bondissant. Les adieux à l’acte 4 sont déchirants.

Disparaissant dans l’océan de fumigènes tandis que Rothbart emporte la princesse définitivement métamorphosée, on est profondément ému par la façon dont la main du prince semble surnager avant de disparaître à nouveau comme engloutie par le Lac.

L’émotion, enfin !

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