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Se replonger dans La Source

La Source lors de la reprise de 2014

Dans le cadre de sa grille de programmes en ligne, la Comédie Française diffuse ce soir, 14 mai, le ballet La Source, dans la production Jean-Guillaume Bart, tel que filmé en 2011 par François Roussillon. Attention, le programme ne sera disponible qu’en direct.

Avez-vous besoin d’une petite révision avant la soirée  ? N’oubliez pas de consulter le « plot summary » concocté par Fenella lors de la reprise de 2014.

Pour sa part, Cléopold compare l’argument d’origine, dû à Charles Nuitter, avec la réécriture effectuée par le sociétaire Clément Hervieu Léger, et à laquelle il trouve bien des défauts.

La production lui plaît davantage: « La Source de Bart-Lacroix-Ruf (sans oublier les grands parents tutélaires Delibes et Minkus) est une œuvre « sur le fil », un perpétuel va-et-vient entre les références à divers périodes chorégraphiques qui, loin de sentir la naphtaline ou pis, l’inexorable travail de décomposition (pourtant suggéré par les rideaux de scène décatis imaginés par Eric Ruf), vit et vibre sous nos yeux. », écrivait-il, relatant une expérience « à la fois bizarre, hybride et délicieuse ».

Certaines distributions ont aussi eu le don de l’émouvoir pleinement. Las ! C’est, comme souvent, une autre qui a été filmée. Elle réunit Ludmila Pagliero (Naïla), Karl Paquette (Djémil) et Isabelle Ciaravola (Nouredda).

En 2011, le site des Balletonautes n’existait pas encore, mais James, dont l’esprit caustique et terre à terre sévissait déjà, ne s’était pas déclaré convaincu par le trio : « Ludmila Pagliero a une technique solide, mais ce n’est pas une sirène. On peine à comprendre, vu comme il danse, que Naïla se sacrifie pour Karl Paquette. Le costume d’Isabelle Ciaravola masque le grand atout que sont ses longues jambes. Ses qualités dramatiques correspondent à une partie du rôle (la scène méditative de l’arrivée, la solitude après l’humiliation), mais la mayonnaise collective ne prend pas. On voit un type empoté préférant la fille riche à la première de la classe. Et franchement, on s’en tamponne. », écrivait-il cruellement.

La captation de François Roussillon compte tout de même un joyau en la personne de Mathias Heymann, « époustouflant en Zaël bondissant ». Et on aura plaisir à revoir les premiers danseurs Christophe Duquenne (Mozdock, le frère de Nouredda) et Nolwenn Daniel (Dadjé, la favorite du Khan), qui ont depuis fait leurs adieux à la scène.

À quand une nouvelle reprise avec les danseurs d’aujourd’hui?

La Source : les tentures décaties voulues par Eric Ruf

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Neumeier : Le Chant du compagnon errant

P1010032Dans le programme du Chant de la terre, John Neumeier dit que, peut-être, il comprendra le sens de sa création dans vingt ans. Par chance, je n’aurai pas à attendre aussi longtemps ; avec la troisième distribution (vue le 3 mars), il m’a été donné, si ce n’est de saisir les intentions du chorégraphe, au moins de ressentir les émotions qu’il a voulu créer.

À quoi ce sentiment nouveau tient-il ? Lors du prologue, Nolwenn Daniel impose son style ; Laëtitia Pujol était lyrique, et Dorothée Gilbert immarcescible; Mlle Daniel est dense, avec une pointe d’impétuosité dans le piétiné. Il y a, derrière la qualité d’attaque de la danse, un enjeu émotionnel, une urgence, qui attirent durablement l’attention. Et puis, il y a Fabien Révillion. Pour être honnête, je suis un peu tombé des nues : je tenais le danseur pour un sujet brillant, à la belle technique classique ; je ne m’attendais pas à découvrir un interprète aussi inspiré, aussi expressif, aussi touchant. L’intensité du regard, à la fois naïf et profond, y fait beaucoup. Il faudrait distribuer Révillion en Petrouchka, rien qu’avec ses yeux, il vous tirerait des larmes à ruminer dans sa cellule son amour pour la ballerine.

Mais il y a aussi un bougé, un tremblé dans la danse, qui créent un personnage, et racontent une histoire. Il y a ainsi des moments où le personnage principal évolue au milieu du corps de ballet, comme s’il cherchait son chemin. À ces occasions, Matthieu Ganio ou Florian Magnenet étaient dans la maîtrise. Révillion, lui, donne l’impression de ne pas savoir où il va. Son interprétation – et il y a tout lieu de supposer que c’est exprès – est moins élégante, plus physique et emportée que celle de ses collègues dans le rôle. Et c’est du coup le seul dont les accents m’aient paru faire écho à ceux, souvent douloureux, de l’orchestre. Tout d’un coup, j’ai vu un Compagnon errant (oui John, il te reste encore au moins cette pièce à explorer !). Le contraste avec Audric Bezard, aussi solide et extraverti que Révillion paraît fragile et intérieur, participe de la tension de la soirée. Autre contraste : celui entre Bezard et Sae Eun Park, qui est toute douceur dans le 4e chant. On retient aussi l’humour pince-sans-rire de Léonore Baulac et Sébastien Bertaud dans le léger passage exaltant la jeunesse (3e chant). Vous crierez peut-être au fou, mais au bout de la troisième vision, je perçois davantage les arêtes et la variété du Chant, et j’ai failli me décider pour une 4e vision…

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Neumeier/Preljocaj: Le trop-plein et le vide, le lourd et le léger

P1010032C’est du lourd. Le Chant de la terre achève sans doute un compagnonnage au long cours entre John Neumeier et la musique de Mahler, et tout – danse, costumes, lumières, décor – est au service de la vision du chorégraphe. Neumeier n’a pas peur des défis : il a chorégraphié Bach à plusieurs reprises, Wagner pour Mort à Venise et le pesamment symbolique Parzival, utilisé pour son Orphée la partition de Stravinsky associée de longue date à L’Apollon musagète de Balanchine ; il s’autorise les collages musicaux les plus hétéroclites, et ose aussi la danse en silence (une option risquée à Garnier, où ces moments fragiles sont, immanquablement, ceux que le RER choisit pour faire vrombir le sol). Dans sa dernière création, Neumeier ajoute au poème symphonique de Mahler un prologue enregistré d’extraits du dernier chant, en version piano : dans une logique de bouillon Kub et de mystère à décrypter, sont donnés à voir, pendant une quinzaine de minutes, un condensé de l’atmosphère générale de la pièce, tout comme la signature chorégraphique, la note dominante, de chacun des personnages principaux.

Neumeier, qui a dansé à Stuttgart le Song of the Earth de Kenneth MacMillan (1965), ne fait qu’un discret clin d’œil à son devancier, et part dans des directions opposées. MacMillan collait plus étroitement au texte de chaque poème chinois (ainsi, dans Von der Jugend / De la jeunesse, une ambiance de porcelaine verte et blanche et des personnages qui finissent vraiment tête en bas), tout en construisant une narration originale (un homme et une femme, la mort, mais aussi la promesse du renouveau). Chez Neumeier l’abstraction est plus profonde, et aucune clef d’interprétation n’ouvre toutes les portes. MacMillan alternait drôlerie et gravité, là où Neumeier est plus uniment sérieux. Et quand le chorégraphe britannique tendait vers l’épure, son collègue américain privilégie l’emphase.

C’est à la fois Mahler et pas Mahler. Soutenus par une grande envolée orchestrale, les pas de deux du deuxième chant (Der Einsame in Herbst / Le solitaire en automne) et du dernier (Der Abschied / L’Adieu) peuvent vous emporter dans l’émotion (surtout quand Mathieu Ganio le romantique est à la manœuvre, et que Laëtitia Pujol prête sa figure maternelle et protectrice au personnage qui console du départ de l’ami). Mais lors des interventions du corps de ballet, Neumeier confond le grandiloquent (sa chorégraphie) et le grandiose (la musique). Lors du premier et du quatrième chant, en particulier, les bonds des mecs ont un embarrassant côté « G.I. Joe tries ballet ». Il n’est pas difficile d’entendre, quasiment en permanence, de la danse chez Mahler – le rythme de la valse, un élan qui emporte malgré soi – mais ce n’est pas toujours celle que montre Neumeier, qui traduit le chatoiement orchestral en lourde géométrie signifiante.

Les deux distributions vues jusqu’ici laissent en moi le souvenir d’émotions complètement différentes, comme si je n’avais pas vu la même pièce à deux jours de distance : au soir du 25 février, Pujol la lyrique et Ganio le tourmenté aimantaient les regards. La distribution réunissant Florian Magnenet, Dorothée Gilbert et Vincent Chaillet est plus homogène (27 février) ; ce dernier, en particulier, a compris que Neumeier se danse avec une généreuse amplitude des bras, une mobilité et une expressivité du haut du corps qui font défaut à Karl Paquette. Dans la première distribution, Chaillet excelle aussi dans les hoquets du 5e chant (Der Trunkene im Frühling / L’homme ivre au printemps), également bien servi par Marc Moreau dans la 2e distribution. Dorothée Gilbert fait tout joli, notamment d’impeccables tours planés à la seconde, mais le rôle d’allégorie lyrique n’est pas vraiment pour elle; elle y est trop froide, et il faut attendre qu’elle sourie aux saluts pour voir tout ce qu’elle aurait pu donner d’humanité chaleureuse à son incarnation.

P1080852L’ambiance est plus légère au Théâtre de la Ville, où Angelin Preljocaj présentait jusqu’à la fin février son Empty Moves (parts I, II & III), sur la base d’une performance de John Cage, enregistrée à Milan en 1977. Pendant près de deux heures, Cage psalmodie La Désobéissance civile de Thoreau, parfois lettre à lettre, devant un public qui ne tarde pas à faire bruyamment part de son mécontentement. Sa voix est progressivement couverte par les protestations, cris, chants, battements de pied et de mains de la salle, qui se fait bientôt menaçante : les voix envahissent la scène, s’emparent du micro, pendant que Cage continue, imperturbable, ses onomatopées. Tout cela compose une hallucinante partition, sur laquelle Preljocaj a malicieusement réglé ses évolutions pour quatre danseurs, en un hommage évident et pourtant créatif à Cunningham. Le public milanais, sans le savoir, a du talent : en France, les spectateurs n’auraient sans doute pas créé autant de rythmes aussi variés pour exprimer leur colère ; Fabrizio Clemente, Baptiste Coissieu, Nuriya Nagimova et Yurie Tsugawa, sur scène pendant 105 minutes, font preuve d’une endurance peu commune (matinée du 28 février). Cette performance à la vacuité revendiquée (« Empty Words » chez Cage, « Empty Moves » chez Preljocaj) est un fascinant exercice de style, dont on s’amuse à repérer les variations, répétitions, retournements. Les danseuses se font marionnettistes du bout du pied. Voilà de la danse savante – comme chez Neumeier – mais on se bidonne. Et on ne regarde pas sa montre.

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La Source: comment bien choisir?

P1010032« Je sais qu’il est des amours réciproques, mais je ne prétends pas au luxe », faisait dire Romain Gary à un de ses personnages.

Dans La Source, Naïla en pince pour Djémil, qui convoite Nouredda, qui aurait voulu être choisie par le Khan. Ce dernier, délaissant sa favorite Dadjé, se fait embobiner par Naïla, lâchant la proie pour l’ombre. Djémil, chasseur benêt qui prétend au luxe, gagne l’amour de Nouredda par l’artifice d’une fleur magique, et au prix du sacrifice de Naïla. La ficelle est-elle un peu grosse, comme trouve Cléopold ? Je n’en suis pas gêné : avant d’avoir bu le filtre d’amour, Isolde aussi trouvait Tristan moche et gros (comme est généralement un ténor wagnérien). Et puis, la dramaturgie imaginée par Hervieu-Léger et Bart confirme ma dernière grande théorie : les filles choisissent toujours le mauvais gars (pour une autre lecture, voyez Fenella). Si vous voulez mon avis, Naïla ferait mieux de rester avec le Khan, Dadjé aurait beau jeu d’essayer Mozdock, et Nouredda, traitée comme du bétail de luxe par la gent masculine, devrait songer à virer sa cuti.

Que ce sous-texte ne dissuade personne d’aller à Garnier en famille : La Source de Jean-Guillaume Bart est – plus que Casse-Noisette ou Un Américain à Parisle ballet que je conseille pour les fêtes. Il n’y a pas que les costumes qui scintillent : la variété des styles, la richesse de la chorégraphie peuvent satisfaire petits et grands, néophytes et connaisseurs. Cléopold ayant déjà tout bien dit à ce sujet, je parlerai surtout de l’interprétation de la première.

Premier sujet de satisfaction, l’orchestre Colonne, bien conduit par Koen Kessels, fait mieux que la phalange sans direction qui s’est déshonorée tout au long des représentations d’Études. Autre bonne surprise, Laëtitia Pujol, qui aurait dû créer le rôle de Naïla il y a trois saisons, donne une belle épaisseur dramatique à Nouredda, aussi bien au premier acte (tristesse de la séparation d’avec ses compagnes caucasiennes), que dans la confrontation avec Dadjé et durant son pas de deux « lâche-moi les basques » avec Djémil. Il y a dans la danse de Mlle Pujol une éloquence – notamment du pied, des épaules et du regard – qui se voit de loin. Elle aurait mérité une ovation.

Ludmila Pagliero reprend le rôle de Naïla, qui ne lui va pas vraiment : cette danseuse peut joliment incarner une jeune fille – il y a quelques mois, elle était remarquable en rose dans Dances at a gathering – ses bras sont jolis, sa technique de pointe est douce, mais elle n’a pas l’impalpable liquidité, presque irréelle, qu’on attend d’un personnage incarnant une source ; dans le solo du premier acte, où tout est dans le bas de jambe, elle est humaine, trop humaine.

Vincent Chaillet, en revanche, est un Mozdock pointu et précis. Emmanuel Thibault est un elfe qui bondit comme on joue. Karl Paquette est le point noir de la distribution : le pyjama marron-chasse ne lui va pas mieux qu’il y a trois ans, il est si concentré sur les difficultés – qu’il passe poussivement – qu’il rend avec raideur de simples balancés (variation du premier acte) ; le haut du corps n’est jamais libéré, et l’éloquence est aux abonnés absents. Non, vraiment, on ne comprend pas que Naïla se sacrifie pour ce chasseur-là.

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Dances : de toutes les couleurs

P1010033Les Balletonautes n’ont pas boudé les représentations du programme Rr (ROBBINS-Ratmanski). Ils ont réussi à voir trois dates différentes entre le 23 juin et le 7 juillet (une quatrième a été annulée en raison de la journée de soutien aux intermittents). Voilà les résultats d’une conversation tenue sous un clair de lune entrecoupé d’averses, non loin de la grande Boutique….

Cléopold (à la barbe fleurie d’aise) : « Ma foi, comme lors de la dernière reprise, je n’aurai vu qu’une représentation mais c’était la bonne ! (se rembrunissant) Enfin, presque….. James ! Cessez de sautiller comme ça vous me donnez le mal de mer ! »

James : « tut ! tut ! Cléo. (se calmant enfin) Mais j’en conviens, la première distribution, celle du 23 juin, la distribution « 5 étoiles » était supérieure à celle « 5 premiers danseurs » que j’ai vue le 29.

Fenella : « James, seriez-vous devenu snob ? »

Cléopold : « Et puis ils n’étaient pas 5 ; ils étaient 6… »

James : « que nenni Fenella ! Cléopold, vous êtes psychorigide…. La différence principale entre la distribution « cinq étoiles » -j’insiste !- … du début de la série et la « 5 premiers danseurs » du 29 juin est que la première faisait confiance à la danse, alors que la seconde semblait vouloir montrer qu’elle avait compris l’histoire. »

Fenella : « J’ai tout de même trouvé le cast du 23 un peu jeune, comparé aux créateurs new yorkais et londonien des années 70… Par exemple, quelque chose manquait dans la première rencontre du danseur en vert et de la danseuse en jaune. Ce duo est un vrai challenge, (rougissant) syncopated, i would say… Excuse my french. Ce doit être du « attrape-moi si tu peux ! ». Eh bien Nolwenn Daniel envoyait les bons signaux mais Josua Hoffalt semblait un peu long à la détente. L’effet comique languissait un peu…

Cléopold : « Vraiment Fenella ? Mais j’ai beaucoup aimé le danseur vert d’Hoffalt… Il a le grand jeté…, comment dire (pause) … viril… Et Nolwenn Daniel… est à la fois incisive et déliée. »

James (approbateur) : «J’ai trouvé délicieux Hoffalt en vert. Dans le pas de deux avec la danseuse jaune de Nolwenn Daniel, ils avaient tous les deux des bras qui flottaient au vent – leurs agaceries étaient celles d’adultes qui badinent, avec une certaine distance au rôle. Muriel Zusperreguy et Pierre-Arthur Raveau, le 29, donnaient à voir des adolescents qui mettaient tout leur cœur dans l’enjeu.»

Fenella : «J’ai vu Raveau avec Eloïse Bourdon là-dedans. Elle était solaire et trompe-la-mort. Elle semblait avoir fait les quatre cent coups avec tous les gars du groupe depuis l’enfance.»

Et Hoffalt ! (s’arrêtant soudain)… « Comme c’est drôle, je me plaignais tout à l’heure d’avoir trouvé la 5 étoiles trop « jeune » et je me rends compte que j’ai adhéré à une plus jeune encore… (Reprenant) Hoffalt… Je pense qu’il a conquis le public dès sa première entrée en Brun avec sa lumière, sa précision et son approche très joueuse avec la musique. Pas un poète cherchant après sa Sylphide, juste un gars voulant passer du bon temps avec des amis chers. »

James : « Il ne m’a pas tant séduit en brun. Sans doute la poésie de Ganio me manque-t-elle. Le danseur à la mèche danse avec une élégance teintée de caractère. Chez Hoffalt, le dosage est dans l’autre sens. »

Cléopold : « J’adore les courses inspirées de Ganio. Quand il court, il a toujours l’air d’être dans le monde des idées ! Et ma foi, quel joli couple avec la danseuse rose de Pagliero ! »

James (très docte) : « Elle a pour elle la fluidité, la finesse des accents, et sait placer certaines inflexions cruciales comme si elle touchait elle-même le piano. »

Cléopold : « Vous avez raison, sa danse est un délice de moelleux (posant puis ajoutant) même si sa présence apaisante atténue une partie du drame sous-jacent entre le danseur mauve et le danseur brun. »

James : « Dans le partenariat rose/violet, on regarde surtout Pagliero et un peu Paquette ; en revanche le 27, on scrutait autant Albisson que Bézard, car ce dernier, qui danse toujours racé, est expressif même du dos »

Fenella : « Bézard ? Il m’a fait penser à Gregory Peck dans Spellbound et Roman Holidayhe may look the part but never turns out to be quite what you expect…Sa façon de marcher sinueusement autour de la vert amande comme Gros Minet autour de Titi m’a donné des frissons.»

(rires)

«Pour ce qui est d’Albisson, personnellement, Je l’ai trouvée un peu verte dans la mauve…»

(Cléopold lève un sourcil et se tripote la barbe)

Fenella : « Je veux dire… un peu jeune… (en aparté) Damn ! »

Cléopold : « Moi, Je l’ai trouvée très juste. Lorsqu’elle s’agenouille devant le danseur vert, elle sait installer son petit mystère. Elle a ce qu’il faut de réserve romantique… Et c’est curieux comme ses lignes s’accordent mieux avec Hoffalt lorsqu’elle ne porte pas de tutu »

Fenella : « Eh bien moi, j’ai préféré la mauve de Laura Hecquet : un peu sèche mais sans raideur. On aurait dit la fille qui a juste un an de plus que les autres et qui a quelques préoccupations qui leur sont encore étrangères…»

James (recommençant à gesticuler) : « Albisson en mauve est incomparable par rapport à Colasante, qui manque de grâce et d’abandon. »

Fenella (taquine) : « calmez-vous, James… sinon que ferez-vous si je vous dis que j’ai beaucoup aimé la danseuse en rose d’Albisson que vous goûtez moins ; Son habituel mélange de mouvement mené à fond et de relaxation, de crémeux sans excès…

(Changeant de sujet) … Mais au fond, ce qui était beau dans mes deux soirées, et surtout dans la dernière sur 7 juillet, c’était l’accord entre les danseurs… Au-delà de l’âge ou du rang hiérarchique. »

James : « Exactement, voyez Giezendanner. Eh bien dans le trio avec Pagliero et Albisson, les trois donzelles créaient une émotion profonde quand elles virevoltent de concert. J’ai peut être été moins chanceux sur ma deuxième distribution. Le trio Albisson-rose, Colasante, Granier, était bien moins touchant. De même pour le danseur brique, Emmanuel Thibault … ».

Cléopold (l’interrompant; exalté) : « Un miracle de juvénilité bouclée ! »

James (aggacé) : Vous m’interrompez encore… « Juvénilité bouclée »… Prenez garde, Cléopold, vous allez bientôt vous mettre à parler de (ton affecté) la joie de danser des danseurs… Je reprends. Emmanuel Thibault coule ses agaceries dans le flux du mouvement  avec Mlle Daniel là où François Alu joue la poursuite de la danseuse jaune de façon plus ostentatoire  – et il accentue aussi trop ses épaulements.

 (Changeant de sujet) Mais je pense que nous allons tomber d’accord sur la danseuse en vert amande.

Cléopold et Fenella (de concert) : « agrrh ! »

Cléopold (véhément) : « Là ou jadis Claude de Vulpian marquait joliment sa première variation -une Taglioni des temps modernes !- Aurélie Dupont surligne et démontre. Et dans la deuxième entrée avec les membres masculins de la distribution c’est encore pire ; Elle ne badine pas, elle babille. Pire! Elle caquette ! J’avais envie de crier Chut !… »

James : « Vous n’aimez pas Dupont en vert ? Mais Sabrina Mallem ne convainc pas entièrement non plus. Elle ne manque pas d’intéresser lors de sa première apparition, en dansant entre les notes, et par le côté lunaire que lui donnent ses grandes articulations caoutchouc. Mais par la suite –  faisons abstraction d’une petite chute –, sa parade est plus rentre-dedans que chic, et elle termine – comme chez Dupont – par un haussement d’épaules trop appuyé. Peut-être sont-ce les maîtres de ballet qui coachent avec du Stabilo. »

Cléopold : « pour la seule danseuse en vert amande ? A ce stade de sa carrière, future maîtresse de ballet, la demoiselle devrait avoir dépassé le stade du copié-collé d’interprétation….»

Fenella: c’est un soupir, pas un haussement d’épaules! Je dois le dire en Anglais …  The point is to raise the shoulders only slightly but then really exhale from your core and let the shoulders drop with your breath.  Your little hands and wrists, the only part of your upper body that are still « up » at that instant, then will express « oh well » rather than « so what.« 

Cléopold (reprenant) : Quant à Mallem, elle est sans doute un peu « jeune » –entendez pas assez distribuée le reste du temps– pour un tel rôle, non? Je l’aurais plutôt vue dans la mauve et en tout cas, la bleue… »

James : « Pour moi, la bleue, c’est Charline Giezendanner, la petite sujette à la danse perlée… »

Cléopold : « … perlée, fuitée, et au joli son de flûte à bec… Et Duquenne ! Ses portés dans le sextuor sur la grande valse brillante ! La gradation d’intensité avec laquelle il rattrapait et faisait tournoyer la danseuse mauve, la rose puis enfin la jaune a fait s’exclamer la salle le soir où j’y étais…

Fenella : « Le soir de ses adieux, c’était exactement le même, (se reprenant) sorry, pareil. Quel rattrapeur, ce Duquenne! Cela me rappelle cette série de Roméo et Juliette où il était Benvolio presque tous les soirs et où il rattrapait tous ces Roméo de tailles et corpulences diverses qui se jetaient dans ses bras à la renverse. Il a le timing d’un grand joueur de baseball qui n’a pas l’air d’y être, ni de s’attendre à quoi que ce soit mais qui soudain a des aimants sur les mains…. »

Cléopold : « Et en tant que danseur, il était tellement plus que cela… Son Roméo ! »

 Fenella (reprenant) : « A la fin du ballet, lorsque les danseurs se préparaient à sortir de scène, les hommes s’inclinent devant les femmes. Déjà isolé sur le devant de scène, côté jardin, il a été le seul à placer sa main sur son cœur, comme s’il disait adieu.»

[un ange passe et s’en va]

Cléopold : « Bon… je m’agenouillerais bien pour toucher le sol… mais nous ne sommes pas dans un parc bucolique mais bien sur l’asphalte parisien… »

James : « Vous avez raison, il est temps de se séparer »

Fenella (citant Ruskin et Keats de mémoire) :

« The purest and most / Thoughtful minds are / Those which love colour / The most. »

*

*                  *

« Heard melodies are sweet / But those unheard are / Sweeter »

[La lune se cache et le ciel vomit des torrents d’eau]

Soirée du 23 juin : Mathieu Ganio (brun), Nolwenn Daniel (jaune), Josua Hoffalt (vert), Ludmila Pagliero (rose), Karl Paquette (violet), Charline Giezendanner (bleu), Christophe Duquenne (bleu), Amandine Albisson (mauve), Aurélie Dupont (vert), Emmanuel Thibault (rouge brique).
Soirée du 29 juin : Josua Hoffalt (brun), Muriel Zussperreguy (jaune), Pierre-Arthur Raveau (vert), Amandine Albisson (rose), Audric Bezard (violet), Christelle Granier (bleu), Nicolas Paul (bleu), Valentine Colasante (mauve), Sabrina Mallem (vert), François Alu (rouge brique).
Soirée du 7 juillet : Josua Hoffalt (brun), Héloïse Bourdon (jaune), Pierre-Arthur Raveau (vert), Amandine Albisson (rose), Audric Bezard (violet), Laurène Lévy (bleu), Christophe Duquenne (bleu), Laura Hecquet (mauve), Aurélie Dupont (vert), Daniel Stokes (rouge brique).

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Aux marches du Palais

P1020329Soirée Balanchine-Millepied. Soirée du jeudi 29 mai et du samedi 31 mai 2014.

Après une première expérience douloureuse, c’est d’un pied hésitant et circonspect que j’ai passé les portes de l’Opéra Bastille et franchi les quelques marches qui me séparaient de ma place de premier balcon. Mais si la représentation du 15 du Palais de Cristal avait tout d’une exécution (aux deux sens du terme), celle du 29 tendait vers l’interprétation. Le corps de ballet s’y est montré en place, avec une rigueur de ligne retrouvée et les demi-solistes dansaient enfin à l’unisson. Le tout manquait néanmoins de style, sans doute faute d’un groupe de couples solistes homogène. Amandine Albisson dansait pourtant cette fois son mouvement «rubis» sans accroc. Mais c’était également sans brio particulier. Agnès Letestu faisait une représentation d’artiste invitée « oubliable » avec des équilibres incertains et des poignets mous aux bras de Vincent Chaillet, très professionnel en la circonstance dans le grand adage. Valentine Colasante avait migré du troisième au quatrième mouvement sans aucune plus-value artistique. Son partenaire, Emmanuel Thibault, semblait quant à lui en méforme physique. Le seul moment vraiment enthousiasmant fut donc le couple des « émeraudes » incarné par Héloïse Bourdon et Audric Bezard. Souffle sous les pieds, pirouettes en petite seconde bien négociées et surtout, un abattage de bon aloi réveillaient le ballet tout entier. Leur final était brillant, un brin aguicheur et parfaitement roboratif pour le spectateur.

Ce ne fut donc qu’une demi-déception lorsque j’ai découvert sur la distribution, le samedi 31, qu’Alice Renavand, qui devait danser le mouvement vert avec Bezard était remplacée par Melle Bourdon. Mais contrairement au 29, ce couple d’émeraudes de la plus belle eau n’était pas isolé. Car, à une exception près (il semble qu’on ne puisse éviter Melle Colasante), le groupe des solistes dansait sur un pied d’égalité.

Nolwenn Daniel, qui nous avait déjà impressionné dans « les perles » s’emparait avec chic et flair des «Rubis». Si le piqué arabesque n’est pas plus haut que celui de sa cadette Albisson, la demoiselle sait rendre l’enchaînement excitant en mettant l’accent sur le raccourci-équilibre qui suit. Ses bras, ce qui ne gâche rien, étaient toujours beaux et déliés jusque dans l’opposition des directions. Josua Hoffalt, déjà plus en forme le 29, s’accordait mieux aux proportions de sa nouvelle partenaire et paraissait plus à l’aise sur l’ensemble du mouvement. On pouvait alors savourer sans arrières pensées ses sissonnes et ses ronds de jambes sautés aériens du final. Dans ce même passage, Christophe Duquenne donnait une magistrale leçon de style. L’heure de la retraite a-t-elle sonné ? Vraiment ?

Mais la plus forte émotion (l’effet de surprise du couple Bourdon-Bezard étant moindre) nous fut offerte par Ludmila Pagliero dans «les diamants noirs». À la fois sûre et sereine, elle rendait pleinement justice aux subtils enroulements déroulements créés jadis par Balanchine pour la très divine Tamara Toumanova. À regarder Melle Pagliero ondoyer aux bras experts de Karl Paquette, on s’est senti un moment transporté aux temps du crépuscule scintillant des ballets russes dont la créatrice du rôle était l’une des dernières étoiles.

Les hasards de l’achat des places m’avaient de surcroît contraint à grimper une volée d’escalier supplémentaire, vers le fond du deuxième balcon. J’ai pu ainsi y vérifier mon intuition de la soirée du 15. De ces hauteurs, le cyclorama bleu était réduit à un petit rectangle et ne venait jamais interférer avec la splendeur des costumes de Christian Lacroix. Autour des scintillements de gemmes des solistes, le corps de ballet jouait alors parfaitement son rôle d’écrin iridescent. L’ensemble était parfait sans froideur, les lignes tirées au cordeau mais sans raideur, les déplacements étaient silencieux et les bras ondoyants.

On y percevait enfin la spécificité du Palais de Cristal, un ballet par Balanchine plutôt qu’un ballet de Balanchine. Confronté à l’école française (et à sa qualité de plié), Mr B. a créé des mouvements plus dans le rubato que dans le staccato qui sera sa marque américaine (et celle de Symphony in C). Lorsqu’ils le maîtrisent, les danseurs s’amusent avec la mesure et donnent toujours l’impression « d’avoir le temps ». C’est ce à quoi on a assisté -enfin!- lors de la soirée du 31 mai.

Cela valait bien quelques marches !

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Vision sylvestre et éléphants roses

BastilleSoirée Balanchine Millepied. 14 mai 2014.

Commençons par ce qui fâche le moins. Daphnis et Chloé, la création de Benjamin Millepied est une œuvre agréable qui mériterait un maintien au répertoire même si son chorégraphe n’était pas, comme c’est le cas, appelé à devenir directeur de la compagnie. La danse, dans l’enroulement-déroulement, multiplie les ports de bras fluides et ondoyants. On retrouve la technique en collage d’influence qui marque souvent les créations de Millepied; le solo de Dorcon fait penser aux évolutions bravaches d’un marin de Fancy Free de Robbins et la jolie scène des nymphes autour de Daphnis tour à tour endormi puis éploré s’achève dans une pose en référence directe à Apollon musagète. Mais, comme son collègue Christopher Wheeldon, également ancien du New York City Ballet, Benjamin Millepied passionne plus lorsqu’il raconte une histoire que lorsqu’il verse dans la danse sans argument. La danse est assez expressive pour ne pas avoir à s’interrompre par de la pantomime : en deux passes sinueuses la très belle Eve Grinsztajn, dans le rôle de la tentatrice Lycénion, évoque l’étreinte avec Daphnis. Les dangereux pirates sont efficacement caractérisés par d’énergiques parcours au travers de la scène (Pierre-Arthur Raveau se montre étonnamment à l’aise et convaincant dans un rôle taillé pour les qualités de François Alu).

Buren, pour sa part, joue la carte de musique plutôt que celle de l’histoire. Le ballet s’ouvre sur une page blanche à la Buren : un rideau de scène strié de raies horizontales. Des formes géométriques apparaissent alors en ombre chinoise. Mais les angles s’arrondissent au contact des arabesques raveliennes magnifiées par la direction souple de Philippe Jordan. Un esprit chagrin pourrait finir par trouver que cela fait un peu écran de veille pour ordinateur mais l’ouverture atmosphérique s’achève et le décor apparaît : géométrique, coloré et translucide. C’est abstrait la plupart du temps mais cela laisse vivre la narration chorégraphique. On peut même, à l’occasion, considérer que le cercle jaune est un soleil et que les parallélépipèdes qui se juxtaposent à lui au sol dans la scène de l’enlèvement figurent les arcanes inquiétants de la grotte du pirate Bryaxis. C’est comme on voudra.

Les danseurs sont aussi des pages blanches. Les non-couleurs règnent sur la majeure partie du ballet (blanc pour les bergers et noir pour les pirates). Le chromatisme franc du décor ne s’infuse dans les costumes d’Holly Hynes que pour le Finale : vert gazon (vision sylvestre de Léonore Baulac traversant seule la scène en diagonale), bleu pétrole, jaune soleil et orange (pour Daphnis et Chloé).

La distribution de solistes de cette soirée convenait bien à cette production épurée. Les danseurs avaient en commun la clarté cristalline des lignes : Pujol aux bras souples, et Ganio plus soupir que jamais. Peut-être plus « garçon » que marlou de campagne, Marc Moreau (Dorcon) donnait une tonalité lycéenne à la fois contemporaine et intemporelle à cette rivalité entre adolescents.

Si je n’ai été « que » séduit par le Daphnis et Chloé de Millepied et pas transporté, la faute n’en revient pas nécessairement à l’œuvre elle-même.

L’état de contrariété poussé dans lequel je me trouvais après le « Palais de Cristal » en était plus certainement la cause.

La faute aux costumes ? Non.

Il fallait un fin coloriste comme Lacroix, pour sortir du casse tête chromatique que peut représenter le final de ce ballet. En 1994, la dernière fois que le ballet avait été présenté, les rouges se frictionnaient un peu trop avec les verts (les mouvements sont alternativement Rubis, Diamants noirs, Émeraudes et Perles). C’est sans doute une des nombreuses raisons pour laquelle Balanchine s’était lui-même débarrassé des couleurs dès sa production new-yorkaise de 1948. Lorsqu’il est revenu au thème des pierres précieuses en 1967 pour « Jewels », il s’est bien gardé de créer un mouvement final réunissant émeraudes, rubis et diamants. Pour cette production du Palais de Cristal, Lacroix semble avoir pris soin de trouver des tons de vert et de rouge qui se marient plus qu’ils ne s’opposent. On n’évite pas totalement l’effet « magie de Noël » mais les couleurs s’unissent assez subtilement. Lacroix a posé sur les corolles des tutus du corps de ballet pour les deux mouvements les plus colorés des résilles sombres et pailletées qui éteignent ce que leur teinte pourrait avoir de trop contrasté. La plus authentique réussite reste néanmoins les « diamants noirs » avec des costumes bleus « nuit étoilée ».

Deux constatations s’imposent cependant.

Le Palais de Cristal a besoin … d’un palais. C’était le cas lors de la création du ballet en 1947 et il aurait fallu y penser pour cette reprise même s’il ne s’était agi que de tentures comme dans Études ou de lustres comme dans Thème et Variations. En l’absence de tout écrin même suggéré, les danseurs, placés devant un cyclorama bleu, semblent un tantinet endimanchés.

La deuxième est sans doute la plus douloureuse. Il semble en effet qu’il est temps de réapprendre au ballet de l’Opéra à danser du Balanchine. Dans les années 90, il pouvait parfois s’y montrer plus pertinent que le New York City Ballet lui-même. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les costumes étincelants reflétaient cruellement le manque d’éclat de la compagnie dans cette œuvre jadis créée pour elle. Corps de ballet à l’attaque émoussée, lignes rien moins qu’impeccables et surtout médiocrité générale des solistes étaient, hélas, le triste lot de la soirée du 14.

Amandine Albisson vacillant de la pointe dansait les rubis avec l’air de connivence un peu bonasse de la maîtresse de maison qui vous vante les qualités de ses tartelettes aux groseilles. Son partenaire, Josua Hoffalt vasouillait ses pirouettes-tour à la seconde en dehors avant de jouer le marquis de patatras dans la pose finale. Pour Diamant noir, Aurélie Dupont avait la ligne rabougrie (couronnes pendantes et arabesques courtes). Manquant – ça peut arriver – son équilibre arabesque pendant lequel son partenaire est censé tourner autour d’elle pour magnifier sa prouesse, elle reste plantée sans rien faire pour combler le blanc, telle une autostoppeuse attendant la prochaine voiture – et ça, cela ne devrait jamais arriver. Et qu’importe si son partenaire est Hervé Moreau. Il pourrait être un autoradio ou un grille-pain, la demoiselle lui témoignerait tout autant sa plus sereine indifférence. Dans le mouvement vert, on n’a pu que s’interroger sur la pertinence qu’il y avait à distribuer une danseuse sans ballon, Valentine Colasante, dans le mouvement aux sauts. Si son partenaire, François Alu, repoussait le sol c’était sans aucune grâce ; les lignes étaient sèches et ses sissonnes en reculant, le genou tendu seulement après réception, des plus disgracieuses.

Il aura fallu attendre le quatrième et dernier mouvement pour voir un peu de Balanchine et de ballet de l’Opéra de Paris sur scène. Nolwenn Daniel avait cette attaque incisive de l’un et ce chic un peu second degré de l’autre. Alessio Carbone était la monture idéale pour enchâsser ce bijou du plus bel orient.

Mais voilà ; « perles » est le mouvement le plus court et un sur quatre n’est pas exactement un score à la hauteur d’une compagnie qui prétend tenir le haut du pavé de la danse mondiale. Ce Palais de cristal sera retransmis en mondiovision au mois de juin… Un nouveau travail de répétition s’impose d’ici là ou la première compagnie nationale risque d’être comparée par le public et la critique à un éléphant dans un magasin de porcelaine.

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Paysages mentaux

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Opéra-Bastille, soirée du 10 mai 2014. Le Palais de Cristal (Balanchine/Bizet, costumes de Christian Lacroix). Daphnis et Chloé (Benjamin Millepied, Maurice Ravel, scénographie de Daniel Buren)

Entre les tutus constellés de brillants de Palais de Cristal et les tenues grand teint – blanc, noir, jaune, bleu, vert et orange – de Daphnis et Chloé, voilà une soirée pour gens qui ne craignent pas le mélange des couleurs. Plus profondément, c’est la symbiose entre musique et danse qui fait le prix du programme BB/MR (Balanchine/Bizet et Millepied/Ravel).

La distribution du Palais de Cristal réserve quelques changements de dernière minute. Exit Laëtitia Pujol dans le premier mouvement ; elle est remplacée par une Amandine Albisson, initialement prévue dans le quatrième, et dont le haut du corps paraît un peu figé par l’enjeu de la première. Mathieu Ganio offre le premier frisson du soir (superbe enchaînement de sissonnes-entrechat-six suivi de pirouettes finies en cabriole à la seconde). Dans l’adage, on retrouve (ou plutôt ne retrouve pas, tant elle a changé) une Marie-Agnès Gillot étonnamment fluide, jouant pleinement la carte romantique de l’enroulement de ses expressives jambes autour de son partenaire (Karl Paquette, qui dans le finale, fera de réussis double tours en l’air). Mathias Heymann est remplacé dans le troisième mouvement par Emmanuel Thibault, qui ne soigne plus aucune arabesque et finit très bizarrement ses tours en l’air en petite seconde, donnant une impression brouillonne et de déséquilibre avec Ludmila Pagliero, et nuisant à la perception d’ensemble du mouvement. Le dernier couple, campé par Pierre-Arthur Raveau et Nolwenn Daniel, est plus homogène, aussi bien dans la précision que dans l’aisance. On peut en dire autant, à quelques nuances près, des semi-solistes et du corps, qu’on retrouve pour un finale grisant d’élasticité et de virtuosité.

La musicalité emprunte d’autres chemins, plus choraux, avec Daphnis et Chloé, dont Maurice Ravel a conçu la partition comme une « vaste fresque », « moins soucieuse d’archaïsme que de fidélité à la Grèce de [s]es rêves, laquelle s’apparente volontiers à celle qu’ont imaginée et dépeinte les artistes français du XVIIIe siècle ». La scénographie de Daniel Buren et les lumières de Madjid Hakimi construisent un paysage mental respirant avec l’influx symphonique.  Suivant Ravel, mais avec l’imagination du XXIe siècle, nous sommes conviés à une Grèce idéelle, géométrique plus que pastorale : le pré est figuré par un ovale numérique projeté au sol, des panneaux translucides et semi-réfléchissants évoluent et varient selon l’humeur, et l’intervention miraculeuse de Pan (libérant Chloé enlevée par les pirates) est figurée par un rouge pétaradant. À l’image de son scénographe, Benjamin Millepied a puisé son inspiration dans la matière sonore, fastueuse mais pas facilement chorégraphique, et il a bien fait : il y trouve variété, effluves d’algues (avec un très réussi pas de neuf pour les demoiselles lors du nocturne avec éliophone), prouesses barbaresques (la scène chez les pirates, qui permet à François Alu de casser la baraque en Bryaxis), et dans les pas de deux, un sens dramatique qui m’a toujours semblé faire défaut dans ceux qui lui ont été inspirés par des compositeurs minimalistes américains.

Dans le roman de Longus, charmant et plein d’humour, Daphnis et Chloé se connaissent depuis l’enfance (ils gardent chèvres et brebis ensemble) et, se découvrent l’un pour l’autre un tendre sentiment, sans savoir ni le nommer ni l’assouvir. Elle le voit nu (ça la déclenche), elle lui donne un bisou (ça le déclenche). Le livret vous épargne des kyrielles de péripéties traditionnelles, mais conserve la rivalité entre Daphnis (Hervé Moreau, lignes parfaites et lyrisme visible du dernier rang) et Dorcon (Alessio Carbone), ainsi que le rôle déniaiseur de Lycénion, qui apprend à Daphnis quoi faire avec une fille nue auprès de soi (le rôle est tenu par Eleonora Abbagnato, qui n’a aucun mal à faire l’initiatrice aux bras enveloppants).

Si Hervé Moreau fait aisément figure de berger innocent, Aurélie Dupont semble plus froide qu’ingénue. Rien d’étonnant à cela: dans le rôle de Mademoiselle Julie il y a quelques semaines, elle avait la sensualité d’une motte de beurre. La danse suppliante de Chloé face à Bryaxis, qui veut lui sauter dessus, manque d’éloquence. Heureusement, les retrouvailles avec Daphnis dégèlent la banquise : c’est l’effet Hervé Moreau, un réchauffement climatique à lui tout seul. Comme dans le Palais de cristal, un finale avec tout le monde achève brillamment une œuvre qu’on est impatient de revoir avec les deux autres distributions prévues à ce stade. Et puis, on ne se lassera pas de réécouter le lever du jour dirigé par Philippe Jordan.

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Couples maudits : soirée Cullberg/De Mille (3eme distribution)

Rideau GarnierProgramme Cullberg-De Mille. Soirée du 11 mars

Dans Fall River Legend, Nolwenn Daniel construit son personnage bien loin des paroxysmes expressionnistes de Laëtitia Pujol. Elle se repose entièrement sur la chorégraphie et en délivre une interprétation précise jusqu’à l’épure. Sa Lizzie Borden apparait dès lors comme une jeune fille réprimée non seulement par sa famille mais également par les strictes conventions sociales de son milieu. Son visage semble une page blanche qui ne s’illumine qu’en la présence du pasteur. Dans ce rôle, Sébastien Bertaud, avec sa technique précise et son beau physique fait véritablement figure d’archange. Il semble solide comme le roc et de la trempe de ces prêcheurs qui charrient des foules de fidèles autour d’eux ; une foule plus fervente envers le guide qu’envers le dieu dont il parle.

Mais voilà qu’après le père, cette nouvelle figure masculine se déprécie à ses yeux en se laissant prendre au piège du doute. Lizzie devient donc meurtrière.

Devant le gibet, le pasteur embrasse presque passionnément la condamnée. Mais c’est pour la laisser seule face à l’inéluctable supplice.

Décor FRL

Dans Miss Julie, Eve Grinsztajn, sanglée dans son costume d’amazone a le port de tête des aristocrates des portraits de Paul Helleu mais, sous la coquette corolle du tutu, la cuisse frémissante de la Carmen de Roland Petit. Sa Julie n’est cependant pas une évaporée. En deux regards par-dessous, on la sent gênée et taraudée par son désir pour Jean, le majordome. En quelques poses subtilement évocatrices, elle vous transporte durant une chaude fin d’après-midi (sa pose dans l’ouverture de la porte sur le parc à la fin de la première scène) ou vous transmet le malaise ténu qui vous prend lorsque vous faites une entrée en milieu hostile (dans la grange, elle contemple les villageois avec un air à la fois défiant et offert).

Audric Bezard aura sans douté été le plus convaincant Jean de cette série. Avec ses cheveux gominés, ses longues lignes, il évoque déjà les photos des interprètes du passé, Julius Mengarelli (en 1950) ou encore Erik Bruhn qui dansa ce rôle pendant les années 60 et 70 à l’ABT. Mais sa compréhension du personnage et le rapport qu’il entretient avec sa partenaire font toute la différence. Le couple Grinsztajn-Bézard est le seul qui fait ressortir de manière évidente la continuité de la relation entre Julie et Jean après la disparition dans la chambre. Lorsqu’elle repasse la porte, Grinsztajn n’est pas une fille violentée mais une femme dégrisée par le petit matin. Elle cherche un appui dans le regard de son partenaire, mais Jean-Bezard, qui a le réveil difficile, ne lui offre que sa mauvaise humeur. Cependant le jeu de séduction n’a pas cessé entre Julie et Jean. Au retour de Christine, la fiancée officielle et faussement pudibonde, Jean fait clairement le choix de Julie. Le passage n’a beau durer que quelques secondes, l’étreinte chorégraphique des deux danseurs parle d’attraction réciproque et change notre perception du ballet entier.

Cette attraction mutuelle est pourtant interrompue par le tintement de la clochette de service auquel (c’est la première fois qu’on s’en rendait compte) les deux protagonistes principaux sont également soumis. Jean est remis à sa place de serviteur et Julie entend déjà le son éraillé de boîte à musique qui la conduira à l’idée de suicide. Dans cette dernière scène, Jean n’est pas veule. On peut interpréter son geste de pousser le couteau dont Julie n’a pas le courage de se servir comme une ultime preuve d’amour.

Cullberg décor

Par un curieux mouvement ascendant, la série du programme De Mille-Cullberg, commencée sur le mode mineur, s’est achevée à la manière d’une marche triomphale. Pas d’étoiles à l’affiche ; au mieux des premiers danseurs. Mais l’alchimie chez les couples principaux a fait de cette soirée la plus homogène et la plus satisfaisante qui soit.

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Sleeping Beauty: Golden Hours on Angel Wings.

P1060221La Belle aux bois dormant by the Paris Opera Ballet: December 10th ,  21st (matinee), and 25th.

 O’ my luve’s like a red red rose:

Not at all: three casts have provided very different shades of that flower’s perfume.

PROLOGUE/CARABOSSE: Where sits our silky sullen dame,/Gathering her brows like gathering storm,/Nursing her wrath to keep it warm. [Robert Burns, “Tam o’Shanter”].

Every time I see the prologue, I can’t wait until the evilest fairy in balletdom bursts into view. Here each interpretation of Carabosse intrigued me.

On my first evening Nolwenn Daniel reminded me of the teacher who, when I met her again years later, seemed nothing like the witch who had so terrified me as a small child.  This made the role sadder: proper, strict, full of regret of having until now always played by the rules. Rather than channeling some inner diva, her sullen Carabosse seemed to beseech the court: “why do you hate me so much?”

Sabrina Mallem  banged her walking-stick loud enough to awaken even the grumpy Jean-Baptiste Lully. Anger arched through the nape of her neck.   Her Cruella must have been always driven to destroy the young and the beautiful.  When she set her minions upon the fairies, she seemed to be calling upon wolves to eat helpless puppies.  No melancholy here, pure gleaming wrath.

But, I must admit, Stéphanie Romberg gave me a witch the way I best like ‘em: haughty and full of fun inflections.  She played within the music, slowing down and accelerating her gestures at will, thus punctuating every morsel of mime.  She made “the words dripped with sarcasm” physically, silkily, palpable.

ACT I: AURORA DAWNS But to see her was to love her,/ Love but her, and love for ever. [Burns “Ae Fond Kiss”]

From the get-go, Ludmila Pagliero clearly had been dreaming of a Prince for a while now.  Perhaps Juliet’s nurse had already told her the facts of life, for she was ready, unafraid of her future as a wife. When her father presented her with the four Princes, and the way she responded to them, signaled “these guys are kind of cute! Ooh, but which one to choose?”  She attacked the Rose Adagio with flair and no fear of mistakes (she has the gift: when she “goes off,” she knows how to cover in a way most of the audience assumes are intended steps). This fearlessness translated into an unusual and refreshing take on the Second Act.  Indeed her entire interpretation worked back from Aurora’s exclamation when she is awakened: “I had a dream! Of a handsome prince! Who must be the man I love! And look! Here he is again!”  So Act Two turned into Aurora’s dream, not the Prince’s. She was checking out this umpteenth suitor and really liked what she saw.

Amandine Albisson’s more innocent Aurora seemed to exhale health and made me think she smelled of pure soap and fresh-mown grass. She incarnated the first breath of spring that knows not sorrow nor want nor winter nor desire.  She brought out the waltzing spaciousness of all the First Act music, and seemed to breathe her way through her balances and lush penchés.  The Second Act, all legato and lines, allowed her to suffuse the stage with an even more delicate and serene fragrance.  I prefer Albisson when she gets slowed down and can luxuriate in the moment and the movement.

My third cast, Myriam Ould-Braham, proved both the most experienced in the role (2004!) and the youngest at heart.  She’s managed to hold on to her fresh precision and natural expansiveness: she’s like Makarova, a tiny dancer for whom the stage always seems too small.  Her Aurora waves at her friends, adores her mother – the regal and warmly expressive Christine Peltzer — and probably not only still has a bedroom full of stuffed toys but probably live mice, hamsters, and a bunny rabbit.  She met her suitors in slight disbelief, like the young girl who suddenly feels a man’s arm about her waist at her first ball.

A small but telling detail. Each time – in many companies’ versions — I cringe when during the “Rose Adagio” Aurora, after handing her first set of roses to her mother, dumps the second clump somewhere downstage left kind of near someone’s feet. What kind of well-bred girl throws away gifts in the presence of the men who offer them?  Finally, Ould-Braham’s didn’t.  She handed them gently to mom again, but with less energy, as if she had begun to understand that her situation was serious, that this second time she got what the flowers meant but couldn’t quite pick one man quite yet.  Of course, then, this Aurora blossomed during her slow variation: she was thinking about what had just happened to her. And the way she responded to the sweet music gave us time to enjoy Ould-Braham’s natural finesse, delicate lines.

Another detail: the way each “died.”  Pagliero, utterly shocked and disbelieving, attempting to keep up the facade.  Albisson reacting as if the needle had been poisoned and striving desperately in big gulps to seek help (I look forward to a Giselle one day). Ould-Braham , whose tiny rushing steps expressed how deeply she couldn’t understand why anyone could want to hurt her. Each actress made this moment her own and I wouldn’t want to choose between them.

ACT TWO: Princes and lords are but the breath of kings, /’An honest man’s the noblest work of God” [Burns, “The Cotter’s Saturday Night”]

There’s the rub.  Princes. A bore. Not much to do except be handsome and noble and elegant and do the usual barrel turns…but is that true?  Nureyev’s version adds a bloody exhausting 8-minute solo for Desiré, where our prince keeps shifting intention, feet, direction, and energy, to one of Tchaikovsky’s most heartbreaking violin solos (originally written as an interlude, not meant to be danceable).  All tension and yearning, full of abrupt hesitations – this is where a dancer could establish a Wagnerian Siegfried-like character, bereft, in desperate need of a reason to live.  The choreography establishes that this prince…thinks. When a dancer commits to this solo, you understand why this generic prince could in fact be just the man worth waiting a hundred years for.

Pagliero’s suitor, Josua Hoffalt,  rushed through the solo with more impatience than melancholy.  Nominated  étoile a bit early, he still often seems too raw, and didn’t really seem to get the point of this pièce de résistance.  It’s up to you to bring a character alive, even if you think princes are all dimwits.  This lack of commitment translated into his dancing.  In particular, his forward energy kept getting blocked in his manèges: during one sequence in Act Three, his chainé turns into grand jetés seemed to stay rooted in place. He was no match for Pagliero’s splendid energy and aplomb.

Albisson and Florian Magnenet are matched because they are both tall, I guess, but they don’t fit together. Not only did they seem too polite and distant during the Wedding, from the first their lines and attack just didn’t align. Whereas Albisson uses her body full out all the time, Magnenet seems to fade in and out. His sleepy feet and loosely-controlled landings surprised me.  He’s handsome and well-built and he gave more energy and phrasing to the searching aspect of his big solo than Hoffalt, at least, but he really needs a coach to clean up the details. Talent does not suffice. In the ballet’s finale, the prince’s sisonnes should be at least as pretty and assured as that of Silver (Cyril Mitilan) and the Bluebird (Marc Moreau).

But, ah, Mathias Heymann.  Of the three, only he didn’t get a round of applause upon his entrance: he’s enough of a prince not to have to play the prince.  Then time stopped during his solo. He brought the line, the tension, the perfect soft landings, and clearly-delineated sweet agony inherent to the counter-intuitive changes of direction, that are there for the taking.

One of my favorite moments where Nureyev fits the action to the word occurs near the end of the dream scene. The corps de ballet, in interlaced groups of four, fold back into a long line that slices across the stage in a diagonal as the music gets more and more nervous. Suddenly, Desiré bursts into view and launches into a series of brisés/sauts de chat that fly across the ground, followed a split-second later by Aurora in travelling coupé-jetés.  What these steps should mean: our hero is promising to lead our heroine out of her limbo and she will follow him to the ends of the earth.  What it can look like: Aurora chases after her prey.  Manuel Legris knew how to make this moment count, and now with Heymann I felt a happy shiver go down my spine, as I delighted in Ould-Braham’s effervescence as she effortlessly followed his bravura lead.

ACT THREE: Go fetch to me a pint o’ wine,/An’ fill it in a silver tassle.

In Paris, we don’t get Little Red Riding Hood, alas. My favorite cast of “Gold and Silver:” Heloïse Bourdon and Pierre-Arthur Raveau, juicy and full, brought this oft dull interlude needed rigor and panache.

Despite having been promoted première danseuse, Valentine Colosante  — technically by-the-book, perfectly-proportioned yet too deliberate, a quality Anglos criticize the company for – never delighted my eye until this Florine.  Perhaps she needs a partner and François Alu’s high-flying yet earthy Bluebird finally brought out a kind of sweet personality in her dance. They both gave the audience a gloriously danced interlude.  Again, though, I wouldn’t give up having seen Charline Giezendanner (still only a soloist?!) shimmer next to Marc Moreau, or Eve Grinsztajn with Axel Ibot.  Grinsztajn, too often cast in the “sexy” roles (Manon in “La Dame aux Camelias” or the Street Dancer in “Don Q,”) reminded me of her lovely proportions, purity of line, and of the power of her unadorned classical technique.

THE CORPS DE BALLET: Green grow the rashes O;/The sweetest hours that e’er I spend/Are spent among the lasses O!

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The cast bows on December 25

And I tip my hat to Julianne Mathis, ever stuck in the corps but always buoyant and fine-tuned, who somehow still radiates joy in dancing.  I’ve always enjoyed following one dancer of the corps in his or her patterns – feels kind of like cheering on a football player – and Mathis seems to have been promoted into the incredibly vital yet thankless role of locomotive for the corps, a position Nathalie Aubin used to play to both my delight and sadness.  The corps de ballet makes enchanted kingdoms come to life.  Princes and princesses can’t live without them. Then gently scan your brother man, /Still gentler sister woman…

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