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Some oldies, some goodies! We like them and we tell you why.

La Dame aux Camélias : « Montmartre » ou « La Fête de la Bière »

Edit décembre 2018. En 2013, Cléopold et Fenella trompaient l’attente de la reprise de saison du ballet de l’Opéra en allant visiter les fantômes de Marguerite Gautier et d’Alexandre Dumas-Fils : l’occasion de parler de l’époque romantique et des différentes transformations qui conduisent du roman au ballet.
Pour cette reprise 2018-2019, vous pouvez également consulter notre bilan 2013. Bien des « Marguerite » et des « Armand » ont quitté la compagnie aujourd’hui. Nostalgie, nostalgie…

Cimetière de Montmartre. Après midi pluvieux.

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Cléopold : Aaaaaaargh!

Fenella : Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !

Cléopold : Bon sang, Poinsinet, que faites-vous caché derrière la tombe de Jean-Claude Brialy ?

Fenella (avec sa petite pointe d’accent qui fait tout son charme) : C’est vrai, j’ai cru mourir de peur.

Poinsinet (l’air matois) : Et vous-même ? Que pouvez vous bien faire dans cette petite allée de la 15e division ? Ne me faites pas croire que c’est pour faire le tour des tombes de la Nouvelle vague. (sourcils relevés) … Truffaut, c’est par là….

Cléopold (haussant les épaules) : Vous vous doutez fort bien de ce que nous fabriquons ici… (tournant la tête à gauche)… Ce triste petit monument en forme de tombeau romain, avec ses petits frontons et sa croix qui manque…

Poinsinet (riant) : Alphonsine Plessis, dite Marie Duplessis, dite La Dame aux Camélias !

Fenella (reprenant le flambeau) : ou encore Marguerite Gautier, Violetta Valeri, Camille, depuis que Dumas Fils, Piave et Verdi ou encore George Cukor sont venus revisiter son triste destin…

Poinsinet (ironique) : sans oublier John Neumeier, je me trompe ?

Cléopold et Fenella : […]

Fenella (changeant de sujet) : oh regardez, how cute ! Quelqu’un a repassé les lettres de l’épitaphe à la peinture dorée… Well, it’s ugly though…. (lisant) Ici repose Alphonsine Plessis, née le 15 janvier 1824, décédée le 3 février 1847. De profundis

Cléopold : Elle est donc bien morte à la période du mardi gras comme dans le roman et l’Opéra ! Dans la pièce de 1852, Dumas-fils la fait mourir le jour de l’an… En fait, depuis ma première lecture du roman… (silence)… Il y a bien longtemps (fourrageant dans sa barbe fleurie), l’évocation de la Dame aux camélias ne m’a jamais mené dans un théâtre enfumé par les quinquets de gaz mais dans un cimetière rempli de croix comme celle du deuxième acte de Giselle…

Fenella : la scène de l’ouverture de la bière !

Cléopold : Exactement ! Pour un adolescent à la découverte du romantisme littéraire, quelle image ! Le cercueil découvert, les clous rouillés, le bois de chêne qui craque et le cadavre de l’héroïne mis à jour… Plus d’yeux, plus de lèvres, les joues creuses et vertes …. (exalté) Armand Duval s’effondre dans les bras du narrateur…

Poinsinet (impatient) : Ça va, ça va… Nous l’avons tous lu… Et franchement, c’est une bonne chose que Dumas, le fils du père, ait oublié ce fatras gothique dès l’écriture de la pièce…

Cléopold : Hum ! Qui sait… Je regrette toujours la perte de ce glacis romantique… Neumeier a mis l’accent sur la Manon de Prévost dont Dumas avait repris les artifices littéraires (un narrateur reçoit la confession de Des Grieux) et le sujet moralisateur pour faire passer la pilule de la béatification d’une courtisane morte seulement deux ans auparavant. Pourquoi pas… Ça le sort de quelques chausse-trappes dramatiques, notamment dans sa confrontation avec le père Duval où Manon apparaît avec ses amants payants. Dans Marguerite et Armand d’Ashton, je me suis toujours dit qu’un public qui ne connaîtrait pas l’histoire aurait du mal à comprendre ce que ce barbon pouvait bien dire à Marguerite pour la faire gesticuler comme ça avec des airs de Madeleine éplorée…

Fenella : c’est un peu systématique… Au bout de la quatrième apparition de Manon-Des Grieux, moi je regarde ailleurs…

Cléopold : C’est vrai … (revenant à son sujet initial) D’ailleurs, garder la scène au cimetière dans le ballet… Ça serait de toute façon un peu peau de banane… N’empêche: MacMillan aurait sans doute débuté une Dame aux Camélias comme ça !

Poinsinet (ironique) : Cléopold, auriez-vous vu Mayerling dans un passé récent ? Mais c’est qu’il s’est interdit de chorégraphier une « Lady of the Camellias », parce qu’il y avait la version Ashton. Et puis, il ne risque plus de le faire, maintenant… Non, comme chorégraphe vivant qui oserait commencer par là, je n’en vois qu’un et c’est …

Cléopold et Fenella (horrifiés de concert) : Boris Eiffman !!!

Cléopold (ébouriffé d’indignation) : ah non, décidément Poinsinet, cessez de jouer les oiseaux de mauvais augure ! Et puis d’abord, je répète ma question, que faisiez-vous caché derrière la tombe de Jean-Claude Brialy ?

Poinsinet (renfrogné) : mais la même chose que vous, j’allais visiter la jolie Marie… Parce que MOI, je l’ai croisée. Vous regrettez le frisson gothique de la scène au cimetière, moi je porte le deuil de la jeune femme. C’était tellement émouvant de voir tout Paris accourir à sa vente aux enchères ! Tout le monde pleurait, pleurait ! … Et achetait… Et puis la pièce, la pièce ! Pas vraiment la meilleure des pièces même si elle est devenue la source principale du livret de la Traviata ; mais LA nouveauté !! La nouveauté de voir des gens habillés en costume contemporains sur une scène de théâtre… Aujourd’hui, pour vous, La Dame, c’est un sujet à frisouilles et à manches gigot… Je connais même des balletomanes qui vous compareront les scènes de bal de La Dame de Neumeier, celle de Paquita de Lacotte et jusqu’à celle d’Onegin !

Mais pensez à l’époque … le scandale… Des Tartuffes comme Horace de Vieil Castel qui s’étranglaient dans leur moustache à la vue des foules empressées à la caisse du théâtre du Vaudeville… (rêveur) Ah, Sarah Bernhardt était surévaluée, mes amis… Mais la créatrice, Melle Doche ! […] (reprenant ses esprits) On dit même qu’à la création vénitienne de la Traviata, il avait fallu transposer l’action à l’époque de Louis XIV pour rendre le sujet moins choquant! Mais au fond, pourrait-on transposer l’intrigue en costume contemporain aujourd’hui? Cela paraîtrait fort artificiel… La société a changé.

(changeant abruptement d’humeur)… Mais ne restons point ici… Vous me demandiez ce que je faisais près de la tombe de l’acteur du beau Serge ? Et bien je pensais justement qu’il avait réussi un coup qu’avait raté Alexandre 2, le fiston…

Fenella (un peu déroutée) : pa(r)don ?

Poinsinet (triomphant) : Mais, fi ! Celui de se faire enterrer à côté de sa dame aux Camélias ! … L’idée était d’un goût douteux… Puisqu’il est enterré avec sa femme… Mais voilà… Lui et Marie Duplessis étaient contemporains … Ce qui n’était pas le cas de monsieur Brialy…

Cléopold : C’est vrai qu’il y a un nombre terriblement élevé de tombes en passe d’être relevées ici… Ça me rend triste…

Poinsinet (caustique) : Que voulez-vous, c’est la vie ! Au moins, celui de la jolie Alphonsine est protégé par la renommée que lui ont donné le roman, la pièce et l’opéra … Vous savez Cléopold… Il y a eu des tombes de courtisanes bien plus tristes que celle-là… Car mademoiselle Plessis, contrairement à ce qui se passe dans le roman, est morte mariée et comtesse … et séparée ; bref, comme Marie Taglioni. C’est son époux, le comte de Perregaux et non un quelconque amant de cœur, qui a payé pour la tombe… Bon, je vous le concède, il n’a pas été jusqu’à inscrire son patronyme sur le monument mais tout de même… C’est lui qui a emmené Marie à Bougival un été… Pas ce petit coq de Dumas-fils qui ne prête à Armand Duval que ses crises de jalousie et ses lettres impertinentes…

Tombeau d'Alexandre Dumas Fils et tombe du ténor Adolphe Nourrit

Cléopold : Vous ne le portez pas beaucoup dans votre cœur dites-moi…

Poinsinet (un air pincé) : Je lui reproche d’avoir eu la chance incroyable du débutant… Moi, j’étais un librettiste et auteur fin et savant… Franchement, si vous voulez mon avis, c’est justice que chaque hiver un peu froid fasse perdre un doigt de pied à son grandiloquent gisant… Tiens… Quand on parle du loup… Le voilà Dumas le Petit… avec son costume de moine trappiste et son grand front d’intellectuel (petit ricanement réprimé)

Regardez, derrière lui, ce tombeau… À défaut d’avoir eu pour voisine sa Dame aux Camélias, il a eu le ténor Adolphe Nourrit… Vous savez, le …

Cléopold (le coupant sèchement) : … Librettiste de la Sylphide… Non mais vous me prenez pour qui, Antoine ?

Fenella : un autre qui a connu une mort tragique…

Poinsinet : Oui, j’ai toujours apprécié l’ironie qui consistait à poser sa tombe juste au bord d’un haut mur de soutènement quand on sait qu’il s’est défenestré de sa chambre d’hôtel à Naples parce qu’il croyait avoir perdu sa voix.

Cléopold et Fenella : Poinsinet !!!

Poinsinet : Mais ne restons pas ici… Voyez, ce qui est le plus fascinant dans Alphonsine Plessis et que n’a pas retenu Dumas Fils, c’est cette volonté d’accéder au luxe qui l’a fait rebondir même après son mariage « savonnette à vilain ». Car son histoire ne s’est pas arrêtée là… Elle a trouvé le vieux barbon qui l’appelait sa fille; le duc dans le roman. Il s’appelait le comte von Stackelberg, je crois. Elle l’avait rencontré aux eaux, à Baden-Baden. Il lui a évité le ridicule de la rentrée dans le rang et l’a élevée sur un grand pied … « Une danseuse mariée pue » disait-on alors dans les coulisses de l’Opéra… Alors pensez ; une courtisane mariée de 22 ans !

Fenella (toujours titillée par son âme féministe) : Antoine, you’re revolting today !

Poinsinet : Mais pas du tout… Réaliste …pour l’époque dont nous parlons … Regardez par exemple cette tombe avec son noisetier qui s’est planté tout seul et qui menace déjà l’équilibre de la pierre tombale ; et cette plaque aux inscriptions presque effacées…

Cléopold : heu, je ne comprends pas bien… Cette Madame Abraham D… est décédée en 1925… Ce n’est pas du tout la même époque… Elle avait à peine cinq ans quand la dame aux Camélias est morte !

Poinsinet : Allons, lisez bien…

Fenella : …née… Léontine Beaugrand ! C’est une danseuse étoile de l’Opéra ! Celle qui a repris le rôle de Coppélia après la disparition prématurée de Guiseppina Bozacchi, à dix-sept ans pendant le siège de Paris… Que dit la stèle ? C’est difficile à lire…

 

Cléopold : « Tu forças les penseurs à respecter ton art / Car c’est par toi qu’émus d’une noble allégresse / Ils comprenaient pourquoi les sages de la Grèce / Au culte de(s’arrêtant sur un mot presque entièrement effacé) diantre ! … ah oui (reprenant) Au culte de la Danse avaient marqué sa part »

Poinsinet : Eh oui, une remarquable représentante de l’École française dans tout ce qu’elle comporte d’élégance et de correction… Elle est immanquablement perdue pour la postérité. Sa tombe ne tardera pas à être relevée … Mais que voulez vous, c’était un talent sérieux, pas une bacchante… (se répétant malgré le coup d’œil furibond de Fenella) « une danseuse mariée pue ! »

Cléopold (reprenant la marche dans l’espoir d’apaiser les tensions) : Il ne suffit pas d’être une bonne courtisane pour faire l’objet d’un grand roman ! Balzac lui-même a créé plus de trente personnages de courtisane dans la Comédie humaine et il n’en a vraiment réussi qu’un : Esther dans « Splendeurs et Misères »

Fenella : Ne pensez-vous pas que le succès initial du roman, à part la célébrité éphémère procuré par la vente aux enchères, a pu être dû au sentiment nostalgique diffus de l’après-1848. ? La mort de Marie Duplessis, ç’aurait pu être le symbole de la disparition du monde de la monarchie de Juillet… Car la Marguerite Gautier de Dumas-Fils, toute courtisane qu’elle est, n’est pas le modèle d’une de ces grandes horizontales caractéristiques du Second Empire…

Cléopold : Sans doute, mais ça n’explique pas la pérennité du succès. Surtout quand on considère le nombre d’altérations que son auteur lui-même a fait subir à son œuvre. La pièce de 52 ne garde que les épisodes purement narratifs : la rencontre, la querelle-rupture autour du financement de la villégiature à Bougival, la campagne et la confrontation avec le père, le bal des insultes et la mort de Marguerite avec grandes retrouvailles et effusions. Le livret de Piave pour Verdi élimine même le deuxième acte. Alfredo rencontre Marguerite au 1er acte, elle dit « peut-être, peut-être » et au second tout ce petit monde est déjà à la campagne. Toute référence à Manon Lescaut a été gommée.

Fenella : C’est le scénario qu’a gardé Ashton sur la musique que Liszt (un des amants d’Alphonsine Plessis).

Cléopold : Neumeier est celui qui, globalement colle le plus au roman. Il est le seul à réintroduire la courte nuit de passion que partagent Marguerite et Armand après leur rupture (le « black pas de deux » dans le jargon des salles de répétition). En revanche, il garde de la pièce et du livret d’Opéra l’idée de l’insulte publique. Dans le roman, Armand envoie l’argent dans une enveloppe chez Marguerite et quitte Paris. La place du père, régulièrement aux côtés d’Armand pendant le ballet, on la doit sans doute à l’opéra. C’est la musique de Verdi qui met la lumière sur le père Duval…

Fenella : C’est courageux d’avoir résisté à l’envie de copier la pièce et de faire un grand pas de deux de retrouvailles entre les deux héros… Tiens, pour la peine, je lui pardonnerais presque la énième apparition de Manon et Des Grieux !

Mais… Nous voici à la croisée des chemins… C’est le tombeau de Meilhac.

Poinsinet (explosant) : mais ça n’est pas dieu possible ! Vous le faites exprès tous les deux… Vous avez décidé de me faire visiter les tombes de tous les théâtreux chanceux du cimetière Montmartre… Mais regardez-moi ce tombeau prétentieux…

Cléopold (riant) : Allez, ne soyez pas jaloux, Poinsinet… Il n’est pas mal non plus, votre tombeau… Avec ses coupoles, ses statue dorées, sa lyre…

Poinsinet (tout à coup très grave) : Mon tombeau ? Plus pour longtemps, je le crains…

Fenella (oubliant d’un coup ses griefs féministes…) : Comment, Poinsinet, vous nous quittez ? Vous avez décidé de renier votre « Ernelinde » ?

Poinsinet (outragé) : Renier Ernelinde? JAMAIS ! Mais il ne s’agit pas de cela… Que vais-je faire, moi, si les puissances supérieures m’adjoignent un fantôme de l’Opéra bis…

Cléopold (interloqué) : Comment ?

Fenella : Pa … Pa(r)don ?

Poinsinet : Je vous raconterai ça plus tard. Venez me visiter à l’Opéra… Et si vous amenez ce cuistre de James, dites lui de remballer ses impertinences et de cesser d’agiter les mains dans tous les sens… J’ai une réputation à soutenir, moi !

Fenella (l’interrompant) : Oh regardez ? Le tombeau de la Goulue !

Cléopold : Poinsinet ? Mais ou diable est-il passé ? (À Fenella) La goulue ? Euh oui Fenella… Mais on ne s’éloigne pas un peu du sujet ?

Fenella : Mais pas du tout mon ami ! Tu n’as jamais vu ce très bruyant film de Baz Luhrmann, «Moulin Rouge» ? Et bien figure-toi que le scénario du film, c’est La Dame aux Camélias !

Cléopold : Ah oui ? Et comment ça…

[Ils s’éloignent… Sur la tombe de La Goulue, un chat fait sa toilette profitant d’un subreptice rayon de soleil]

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La Sylphide : tout est dans la jupe (ou presque)

Copie de P1030958À l’occasion d’une visite des coulisses de l’Opéra organisée pour les abonnés en février dernier, mon regard avait été attiré par le tableau véléda qui voisinait avec un gracieux tutu de La Sylphide. La succession des jupes y était décrite pour l’ensemble des couturières de l’atelier flou. Une corolle de Sylphide c’est la superposition d’au moins cinq épaisseurs de jupes sur une âme de crin : tulle dur ; organza, tulle mou, tulle « mariée » (très fin) avant l’ultime pétale, la jupe d’organza pour le corps de ballet et de tulle de soie pour l’étoile qui vient parfaire l’écran vaporeux occultant le haut de jambe des danseuses à la différence de ceux de Giselle, censés les laisser deviner. Cette panoplie romantique, inventé par Eugène Lami – un peintre proche de la dynastie des Orléans (il était professeur de dessin et de peinture des enfants de Louis-Philippe), féru d’uniformes militaires – est le premier costume de ballet à pouvoir s’appeler légitimement tutu. Et, comme la pointe – qu’à défaut de l’avoir inventée, Marie Taglioni a porté à son pinacle –  il a changé la façon de danser et de voir la danse.

Un court film des débuts du cinématographe avec Carlotta Zambelli (entre 1’10’’ et 2’15’’), née alors que Taglioni avait déjà achevé sa carrière de danseuse, peut néanmoins nous donner une idée de ce que le tutu (déjà raccourci par rapport à l’époque romantique) entraînait d’un point de vue chorégraphique. L’usage de la batterie – petits battements sur le coup de pied, aussi bien dans les piqués que dans les emboîtés – faisait vivre le bas de la corolle du tutu en l’ébouriffant telle une nuée capricieuse. Le côté assez opaque de la jupe sylphide rend compréhensible l’oubli visible chez les danseurs de cette époque du travail des adducteurs (voir entre 1’20’’ et 1’35’’ les sauts de Zambelli qui serrent très peu au niveau des cuisses mais accentuent l’effet croisé sous la corolle).

Enfin, le travail de pointe :  si d’une part il bénéficie ici de progrès de facture inconnus de l’époque romantique (l’assise du chausson est plus large que celle des souliers de bal renforcés des premières sylphides) et si d’autre part, il ne correspond pas à nos critères techniques modernes (qui prônent le passage par-dessus la cambrure),  il garde cet aspect flottant et « joliment marqué » que ses contemporains reconnaissaient à l’illustre Taglioni. Car la jupe de la Sylphide ne tolère pas les retombées brusques de sur la pointe. L’effet vaporeux s’en trouverait irrémédiablement ruiné.

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P1050181C’est hélas ce qu’on a eu à déplorer trop souvent le soir de la première (22 juin 2012) de la reprise du ballet à l’Opéra Garnier. Dorothée Gilbert, à notre plus grand étonnement, semble avoir eu des difficultés à se conformer au style si particulier qui découle de son costume. Ses montées ou ses  redescentes de pointes était trop souvent saccadées et ses piqués, trop plantés dans le sol, ne dégageaient aucune impression de plané. Le travail du bas de jambe n’était pas des plus ciselé non plus. En conséquence, la corolle du tutu semblait plutôt lester la danseuse qu’évoquer une nuée sur laquelle elle flotterait avec grâce. Sa vision du personnage, juvénile et mutin, aggravait cette pénible impression ; non pas qu’elle soit hors-sujet : Mélanie Hurel (une charmante Effie en ce soir de première) l’avait adopté avec succès lors de la dernière reprise du ballet où elle avait obtenu une unique date dans le rôle-titre. Mais le bas de jambe suivait. Avec Melle Gilbert, on avait donc parfois l’impression de voir une très jeune fille qui aurait emprunté les atours et la trousse de maquillage de sa maman pour virevolter devant l’armoire à glace de la chambre à coucher. Sa connexion avec James enfin était inexistante. C’était fort dommageable pour Mathieu Ganio qui n’est jamais à son aise sur scène lorsqu’il ne se réalise pas en tant que partenaire. Il a donc donné le change par ses belles lignes et son air de doux poète mais a eu du mal à parcourir et est presque systématiquement sorti de son axe dans les pirouettes. James sans Sylphide était comme déséquilibré.

La sorcière pouvait bien triompher. La sarabande infernale menée par Stéphane Phavorin (qui fut jadis un James prometteur) et un groupe de garçons grimés en harpies de Macbeth aura été sans doute le seul vrai moment palpitant de cette soirée décevante.

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Mrs. B a dit

P1000938Dans 500 jours, Brigitte Lefèvre quittera la direction de la danse de l’Opéra de Paris. Il faut s’y préparer. Il faudra s’y habituer.

On regrettera son œil si prompt à repérer les bons danseurs. Ses coups de génie en matière de programmation. Ses déclarations publiques si inspirantes. Il reste à espérer qu’elle ne nous quitte jamais vraiment : gageons qu’elle deviendra, telle une Ninette de Valois républicaine, une légende vivante et bienveillante, régalant danseurs et amateurs de ses conseils et de ses souvenirs. On sourit déjà à l’idée de la croiser encore longtemps à Garnier, toujours souriante et débonnaire, les soirs de spectacle.

Le site officiel de l’administration française l’a déjà honteusement mise à la retraite  (Edit : grâce à notre action cet outrage a été réparé). Il lui reste pourtant tant à faire et à donner. À l’heure où tous les toutous culturels que compte le sot Paris frétillent du museau à l’approche de Benjamin Millepied, son successeur, il ne faut pas craindre de le proclamer haut et fort : Brigitte, nous, on t’aimera jusqu’au bout !

D’ici la date fatidique, nous aurons maints événements à vivre ensemble, qui seront autant de jalons vers l’au-revoir. Sachez déjà qu’aux alentours de J-100 (juillet 2014), il y aura une « Carte blanche » à Nicolas Le Riche, la première depuis celle donnée à Jean Guizerix en 1990. Et tant pis pour les esprits chagrins, fielleux, tordus et rabougris qui se demandent pourquoi Élisabeth Platel, Laurent Hilaire, Manuel Legris, José Martinez ou Agnès Letestu n’ont pas eu ou n’auront pas droit au même traitement : ces ballots sceptiques n’ont pas le sens des valeurs aussi sûr et affûté que celui de notre bien-aimée directrice qui, en 20 ans de règne, a su faire des nominations d’étoile un fascinant jeu d’am stram gram.

Prions pour que de vrais poètes chantent la contribution considérable de Brigitte Lefèvre à l’épanouissement des arts du spectacle au XXIe siècle. Plus modestement, et dans l’esprit de service public du commentaire de danse qui est le nôtre, nous avons souhaité recenser, sans souci d’exhaustivité, quelques citations inoubliables de notre chère artiste-directrice. En espérant que sa lecture aidera les amateurs de ballet à passer le cap de son départ, et – de temps à autre, quand la nostalgie sera trop mordante – à garder présentes, pour l’éternité, ses pensées.

– Elle a une énergie qui nous laisse tout pantelants d’espérance : « J’ai programmé la saison 2014/2015 et il faut que je m’arrête pour ne pas faire 2016, emportée par mon élan ! » (Culture Box, 6 mars)

– Son art de parler d’elle quand elle témoigne sur un autre confine au sublime (à propos de l’hommage à Noureev du 6 mars 2013) : « J’ai vu pour la première fois Noureïev quand j’étais à l’école de danse. Puis, partagé la même scène que lui au Palais des sports lorsqu’il dansait Le Lac avec Noëlla Pontois. Il me regardait dans la danse espagnole, me disant qu’il cherchait à comprendre mon succès. Quand j’ai pris la direction du Ballet, il m’a souhaité du courage. C’est moi ensuite qui étais là quand il a créé La Bayadère».  (Le Figaro, 26 février)

– C’est elle qui a quasiment découvert Benjamin Millepied, les paris les plus fous, ça la connaît, et elle connaît tout le monde :  « On n’a pas eu le temps de se voir depuis que cette nomination a été annoncée. J’ai la fierté de l’avoir mis en scène pour la première fois à l’Opéra de Paris en 2008. Il a une carrière fulgurante. Je reconnais beaucoup de qualités à Benjamin, pour preuve je lui ai demandé pour la saison 2014/2015 de chorégraphier Daphnis et Chloé sur une musique de Ravel. J’ai souhaité que ce soit Daniel Buren qui en soit le scénographe. Ils sont en train de travailler, on vient de se saluer. C’est quelqu’un dont j’apprécie l’œil, le regard artistique, la curiosité, mais c’est un grand pari. Après 20 ans d’une direction, il fallait peut- être ça, retenter un pari. Cela a été un pari quand on m’a nommé, c’est un pari de le nommer. » (Culture Box, 6 mars)

– Quand elle dresse un esquisse de bilan de son mandat, ça parle : « Ce que j’ai osé, c’est de faire en sorte que le public de l’Opéra – plus de 350 000 spectateurs pour le ballet de l’Opéra – vienne voir un spectacle très contemporain, et cela lui paraît normal. On est au XXIe siècle, bien évidemment vive le Lac des Cygnes et Giselle et tout ça, que nous aimons profondément, mais que les plus grands artistes chorégraphient pour le ballet de l’Opéra de Paris, c’est formidable. (…) C’est ce que j’aime maintenant : voir qu’on présente en même temps, par exemple, La Bayadère  et un autre programme, avec l’Appartement de Mats Ek (l’autre ballet est un peu plus classique) : le même succès, le même enthousiasme, la même troupe, le même théâtre, et c’est de la danse » (Conférence Osons la France – 2012; la transcription ne conserve pas toutes les chevilles du langage oral ; « l’autre ballet » est Dances at a Gathering, de Jerome Robbins)

– Elle a le sens de la propriété et son propos est si dense qu’il faut longtemps en chercher le sens : « Je ne considère pas mes étoiles comme capricieuses : elles sont exigeantes par rapport à elles-mêmes. Du côté de l’Opéra de Paris, la plupart des artistes comprennent cette logique de troupe avec beaucoup de spectacles. Ils sont très singuliers par rapport à l’ampleur des rôles. Il ne s’agit pas de bons petits soldats. Et je n’ai pas envie d’ailleurs qu’ils soient tous pareils ! » (Paris-Match, août 2012)

– Parlez-moi de moi, y a que ça qui m’intéresse (sur les raisons de l’attrait qu’exerce le Ballet de l’Opéra sur les danseurs) :  « Il y a un socle commun, qui n’a jamais cessé d’évoluer, qui joue le rôle de tremplin. En même temps, il y a toujours une volonté de valoriser la personne, son intériorité. J’ai moi-même été  biberonnée à cette école » (Direct Matin, 15 avril)

– Elle a bon goût et nous espérons qu’elle deviendra une amie : « J’adore les Balletonautes, ils me font trop rire » (New York Times, 29 février 2011, page 12).

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Mais qui est le « faun »?

L’avantage des grands chefs d’œuvres classiques du XXe siècle, c’est qu’on en possède parfois un témoignage presque direct au travers de leur interprétation d’origine. C’est le cas pour Afternoon of a Faun de Robbins, en ce moment à l’affiche du programme Béjart, Nijinsky, Robbins, Jalet-Cherkaoui à l’Opéra. Créé en 1953, le ballet a été filmé pour la télévision canadienne en 1960 avec Tanaquil LeClercq – la jeune fille de la création – et Jacques d’Amboise – à la place de Francisco Moncion.

Remonter à la source d’un ballet de Robbins est toujours fascinant. Le chorégraphe était obsédé par la lisibilité de ses intentions. Cela venait avec de multiples repentirs dans le texte chorégraphique (dont les danseurs devaient garder la mémoire) et entraînait également de merveilleuses séquences où la danse était marquée plutôt que dansée afin de suggérer un état réflexif chez l’interprète. Or « Faun » est par essence un ballet infusé de réminiscences. Dans un studio de danse, la rêverie légèrement narcissique d’un jeune danseur est perturbée par l’apparition d’une jolie ballerine aux cheveux lâchés. Une fugace et elliptique rencontre a lieu. Et de quoi peut bien parler une rencontre entre deux danseurs, si ce n’est de danse ?

Jacques d’Amboise, au physique de son époque – hanches étroites et buste triangulaire sans excès de courbures pectorales – , mélange avec un apparent naturel des poses caractéristiques du danseur à la classe et des phrases chorégraphiques d’un ou plusieurs ballets répétés dans la matinée (du début à 40’’). Lorsqu’elle fait son entrée (45’’), Tanaquil LeClercq, la première authentique création de la School Of American Ballet, avec sa ligne encore si étonnamment contemporaine, fait de même. Elle scrute, professionnelle, sa cambrure et son parcours. Avec ces danseurs, il est moins question de narcissisme que d’absorption dans le travail. Le rapport n’est pas nécessairement égal entre eux. La jeune femme de Tanaquil LeClercq bouge avec la confiance d’une soliste tandis que d’Amboise a toute l’indécision du jeune apprenti dans la compagnie. Lorsqu’elle se met à la barre, il semble même vouloir quitter le studio pour lui laisser la place (de 2’ à 2’28’’) mais tente néanmoins sa chance. Les regards qu’il lance dans le miroir imaginaire (2’) suggèrent qu’il la scrute depuis déjà un certain temps. Elle, ne jauge que l’effet qu’elle a sur lui et l’éventuelle communion de ligne qui pourrait les rapprocher. Il se prête à ce jeu lors du premier pas de deux (2’30 à 3’45’’) mais cela ne va pas sans tiraillements et frustrations de sa part. Regardez comme il s’étire puis se love au sol après qu’elle l’a quitté (3’45’’ à 3’55’’).

On pourrait d’ailleurs légitimement se demander qui est le Faune dans ce « Faun ». Si c’est lui, c’est un faune bien innocent en comparaison du lascif hiéroglyphe tacheté imaginé par Nijinsky. Car s’il commence et finit couché au sol, ses privautés n’excèdent pas un timide effleurement des cheveux de la belle (4’17’’) et un chaste baiser (6’30). Elle, en revanche, exsude la sensualité. On remarque d’ailleurs qu’elle a hérité de la majeure partie des citations visuelles du « Faune » de Nijinski. Ses bras sont souvent placés dans la position en motif de poterie archaïque si caractéristique de la chorégraphie originale (bras replié de manière angulaire à 2’50’’ ou encore à 3’35’’). Lorsqu’elle plie lentement la jambe de terre pour poser au sol son arabesque aidée par son partenaire(4’26 » à 4’38 »), elle achève sa descente dans une position proche de celle du faune dans la chorégraphie de 1911. Enfin, lors du dernier porté (6’10) c’est elle qui semble, par un mouvement de tête caractéristique, mimer un orgasme chorégraphique.

Le jeune homme bientôt délaissé n’aura plus qu’à toucher sa bouche d’un air interloqué avant de reprendre sa musardise solitaire derrière les verrières ensoleillées du studio.

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Le tricentenaire au miroir de la classe 1828

Copie de P1040017Le mercredi dix-sept septembre de l’an 1828, « en conséquence d’une lettre de convocation émanée de Monsieur le Directeur de l’académie Royale de musique » (à l’époque Émile Lubbert), se trouvaient réunis à une heure précise, dans le foyer de la Danse de la rue Lepelletier un groupe de sommités de l’Opéra : Monsieur le Directeur et son secrétaire, Aumer, 1er maître de ballet, Ferdinand, Albert et Montjoie(1er artistes de la Danse), Anatole (artiste de la danse) et Melle Legallois, dont le portrait orne aujourd’hui le plafond stuqué du Foyer de la Danse de l’Opéra Garnier ; ce monstre doré qui s’illuminera demain soir sur le premier petit rat ouvrant le Grand défilé du corps de ballet en l’honneur du tricentenaire de l’école française de Danse.

Cette prestigieuse assemblée s’était réunie « À l’effet de procéder à l’examen de Melle Hullin 3e proposée pour l’admission aux débuts ». À cette époque, l’entrée dans la compagnie était subordonnée à une série de trois débuts dont le succès ou non déterminait l’engagement ainsi que le rang et les émoluments annuels.

Le procès verbal d’examen concluait :

Cette élève a d’abord donné un pas de trois dans lequel Mr Albert et Mr Anatole ont marqué les figures, et ensuite un pas de deux avec l’assistance de Mr Ferdinand

Ces exercices finis, tous les membres du comité se sont rendus dans le local des délibérations, où chacun ayant pris séance sous la présidence de Mr le Directeur ; il a posé la question de savoir si depuis le précédent examen subi par melle Hullin, ses progrès ont été assez marqués pour qu’elle puisse être admise à débuter.
On reconnaît généralement qu’elle a beaucoup acquis ; que ses principales qualités sont la force et l’aplomb, et que ses poses, si elles n’ont point encore autant de grâce qu’on le désirerait, il y a tout lieu d’espérer qu’avec de l’attention, un travail assidu et les conseils de son maître, elle parviendra à vaincre la froideur que l’on remarque encore dans ses bras et dans l’attitude de sa tête.

La description technique est certes succincte, mais elle donne comme un parfum des permanences du style français : l’accent mis sur l’aplomb, le souci de la grâce des poses mais aussi l’ombre toujours planante de la froideur que donne une trop grande correction.

Permanence du style, certes. Mais est-on en face d’une permanence de l’école ? Non. Car l’école de danse que nous célébrons en même temps que le tricentenaire n’existait pas sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. Elle était pourtant déjà imminente.

En 1828, on n’en était qu’aux prémices de la brillante période du romantisme qui verrait éclore La Sylphide. Marie Taglioni, bien que déjà dans la compagnie, n’avait pas encore supplanté dans les cœurs de balletomanes Melle Legallois, l’étoile dans le jury de Melle Hullin. Taglioni ne pouvait se douter alors qu’elle serait la réformatrice de l’école de Danse française en important de nombreux éléments du règlement de l’école de la Scala.

A l’époque, « l’école » était presque informelle dans son fonctionnement. Les professeurs donnaient fort peu de classes et seuls les élèves remarqués prenaient des leçons supplémentaires payantes ou pas ; sponsorisés par un bienfaiteur ou non. La discipline pouvait parfois y être … étique

Bureau de l’habillement

MM Ernest et Achile, élèves de la Danse, étaient hier dans un état d’ivresse complet. Ils ont troublé l’ordre dans leur loge et ont insulté leur habilleur qui voulait s’opposer à leurs extravagances. M. Achile a vomi sur ses costumes et les a tout tachés.

Le chef de l’habillement pense que pour l’exemple ils meritent (sic) une punition sévère. Il lui paraît que M. Achile doit être mis à l’amende de 15 jours de ses appointements et M. Ernest à 8 jours.

Signé : Geré

Achille, l’élève vomitif, n’était pas tout à fait n’importe qui. C’était le neveu d’un des grands premiers danseurs de l’époque napoléonienne, Louis Henry, devenu chorégraphe du Théâtre de la Porte Saint Martin. Achille ne réussit pas ses débuts à l’Opéra. Il cachetonna un peu partout en Europe entre Vienne et Madrid comme le fit peu après lui Marius Petipa, avec le succès qu’on sait.

Les temps ont bien changé, on le voit. Les élèves d’aujourd’hui sont beaucoup plus sobres et (on l’espère) respectueux des habilleurs.

Louis Frémolle par Gavarni. "Les petits mystères de l'Opéra".

Louis Frémolle par Gavarni. « Les petits mystères de l’Opéra ».

En cette année 1828, -oh hasard !- un 14 avril, un jeune danseur masculin avait également passé l’examen d’admission aux débuts sous les yeux de ses pairs (entre autres Aumer, Lise Noblet – créatrice de la Muette de Portici et future Effie de la Sylphide –, ou encore Pauline Montessu). C’était Louis Frémolle, élève de Maze qui concourrait face à Mr Mathis, élève de Mr Vestris (rien que ça !).

Monsieur le Président met aux voix les opinions sur Mr Frémolle et à l’unanimité le Jury pense qu’il doit être admis aux débuts.

Il en est de même pour Mr Mathis à qui le jury reconnaît moins de vigueur qu’à Mr Frémolle ; mais plus de grâce et de souplesse.

Malgré cet examen unanime, Louis Frémolle n’est pourtant pas rentré dans la légende de la danse, ou alors contre son gré.

Albéric Second débute Les petits mystères de l’Opéra, son ouvrage de 1844, par le récit d’une soirée horrifique où :

…tous les gros pieds, toutes les grosses mains et toutes les grosses jambes de l’Opéra s’en donnèrent à cœur joie […]. Horreur ! M. Frémolle, odieusement frisé, dansa un pas qu’on eût peut-être apprécié au théâtre des Funambules.

Ceci pour nous rappeler – et c’est aussi une permanence, cruelle, celle-là – que c’est dur et incertain, la carrière d’un excellent élève de la danse à l’Opéra… Une pensée qui ne manquera pas de m’effleurer lorsque je regarderai les élèves de 2013 célébrer demain le style français.

Post-scriptum : les compte-rendus d’examen sont extraits des archives de l’Opéra conservées au CARAN.
Pour revenir à Albéric Second, auteur narrateur des Petits mystères de l’Opéra, la vue de monsieur Frémolle l’accable tellement qu’il « s’enfonce bien carrément dans la stalle de monsieur Rothschild » et s’endort. Il se réveille dans la salle de l’Opéra désertée mais fait une drôle de rencontre… Celle de Poinsinet

Et la boucle est bouclée.

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Noëlla Pontois : secrète mais jamais distante

EPÀ l’Éléphant Paname, le gros du matériel de l’exposition Noëlla Pontois est à la fois abondant et assez « modeste » : des coupures de presse soulignées au stylo ou au surligneur, des affiches de spectacles de l’Opéra ou de gala – on sourit parfois lorsqu’on reconnaît un numéro des Saisons de la Danse qu’on a jadis acheté et relu dix fois, ou encore un article de Paris-Match jadis subtilisé dans le cabinet du médecin. Les costumes présentés sont eux-mêmes moins luxueux qu’on pourrait l’attendre. Noëlla Pontois a été étoile durant une période notoirement connue pour l’appauvrissement des matières utilisées dans les costumes de scène et de cinéma et ils ne sont pas, pour la plupart, issus de productions « Opéra ». Ce sont des costumes de tournées et de gala appartenant à l’artiste.

Et pourtant, la « magie Noëlla » opère petit à petit sur les trois étages de l’exposition, grâce à une scénographie intelligente qui joue sur les transparences et les mises en perspective.

P1030883Sous le dôme de verre de l’hôtel particulier devenu un temps une banque, les costumes placés en arc de cercle autour d’un podium où trône un tutu de « Giselle-1er acte » sont comme soulignés par des piliers de carton-pâte. Les affiches et autres artefacts plus modestes (photographies, programmes) sont occultés par cette mise en scène d’accueil. Sur un rideau de fil est projetée, fantomatique, une Mort du cygne tandis qu’on distingue au bout d’un moment les relevés d’une Odette au deuxième acte du Lac sur la coupole de verre et de béton. Et on s’approche alors des costumes, palimpsestes de la danseuse qui a cessé d’appartenir à la troupe de l’Opéra après sa prise de rôle dans Raymonda, il y a bientôt trente ans : on s’attarde sur les bustiers qui surmontent les corolles. Ils ont abrité un buste court et droit. À l’usure des décorations de perles et de paillettes, on voit que les partenaires de la ballerine posaient les mains assez hautes sur le buste, juste en dessous de la naissance de la poitrine plutôt qu’au bas de la taille.

P1030890Au deuxième étage, la salle à main gauche se concentre sur la vie privée (très peu) et le personnage public (beaucoup plus). Une petite chambre au papier peint suranné nous invite, par sa perspective forcée, à entrer dans les couloirs du temps. Quelques photos d’enfance, des diplômes, des magazines retracent une longue carrière d’artiste sous l’œil de la presse. Car la presse a aimé Noëlla Pontois plus qu’elle semble l’avoir aimé. Celle qui ne voulait pas être star, celle qui n’aurait pas sacrifié sa vie de mère pour une « carrière » a très vite capté l’attention des publicitaires. On sourit de la voir apparaître dans un roman-feuilleton illustré, « Nathalie en danger » ou sur les pochettes de disque 33 tours de valses viennoises aux couleurs acidulées.

Mais même si on apprend certains faits, on reste toujours à distance de la femme qui s’est constamment exprimé avec pudeur. On fait donc des choix personnels dans cette partie de l’exposition. Pour ma part, je retiendrai cet article de la fin des années soixante où l’on relate une prise de rôle controversée du jeune sujet Pontois, choisie par Attilio Labis en dépit des lois hiérarchiques pour remplacer Christine Vlassi dans son ballet Arcade. L’article sous-entend même que Claude Bessy aurait menacé de ne pas danser ce jour-là dans un ballet de Lifar. On sourit et on fait bien sûr des parallèles avec aujourd’hui, où les sujets talentueux remplacent plus souvent qu’à leur tour des étoiles « défectueuses »… Du coup, on relit avec intérêt un article de Match des années 90 où Noëlla explique qu’une nomination d’étoile n’est pas une fin en soi mais un commencement. Selon elle, à l’Opéra il y a des étoiles « qui ne dansent pas », des étoiles « qui dansent à la maison » mais qui auront peu de chances de continuer après l’âge fatidique de la retraite, et les étoiles qui ont une carrière. Décidément, ce couloir du temps d’Éléphant Paname nous ramène constamment au présent…

À l’étage de la « petite maison du temps », on trouve enfin une première vidéo du premier acte de Giselle pour nous rappeler la danse de Noëlla Pontois. Mais elle est curieusement projetée sur un écran transparent qui la rend difficile à suivre. Jusqu’ici, le seul soutien pour rappeler combien l’interprète Pontois était fascinante ont été les photographies ; des photographies souvent reproduites dans des ouvrages autrefois dans le commerce.

P1030891Il faut attendre le troisième étage de l’exposition pour qu’on se retrouve enfin en présence de la danseuse en mouvement. Au centre, il y a cette charmante évocation de la loge de l’artiste à l’Opéra, avec son miroir d’origine et les rideaux imprimés qui fermaient ses penderies – un environnement chaleureux peuplé de chaussons, de costumes sur portants et de coiffes de rôles emblématiques. Mais de part et d’autre, dans les deux aires de projection (à l’acoustique malheureusement mal étudiée – le seul reproche que j’aurais à formuler contre cette excellente exposition), on peut enfin toucher du regard ce qui fit, outre sa beauté stupéfiante, la gloire de mademoiselle Pontois. Ce petit buste, perçu de manière fantomatique par les costumes de scène était accompagné de longues jambes terminées par un pied à la fois ductile et fort.

Ceci est particulièrement évident dans les différents extraits du troisième acte de la Belle au Bois dormant à différents stades de la carrière de l’étoile et dans les costumes d’au moins trois productions. On se souviendra longtemps aussi, d’un pas de deux d’Apollon avec Jean-Pierre Bonnefous, ou encore de cette répétition dans la rotonde Zambelli de l’Adage à la rose où la danseuse distille déjà, même lorsqu’elle coupe ses deux bretelles de justaucorps pour y faire des nœuds et gagner en confort, la grâce de la princesse nouvellement présentée à la cour.

Ce qui frappe aussi, c’est l’évidence de son partenariat avec Rudolf Noureev. L’un des extraits, partie d’un reportage sur Noureev, est disponible sur le site de l’INA. On peut y comparer la différence d’attitude du grand Rudi selon qu’il répète avec Claire Motte ou avec Pontois le « pas de deux du cygne noir ». Avec la première (3’55 » à 7’46 »), il se montre professionnel et déférent mais il est évident que l’alchimie n’est pas au rendez-vous. Claire Motte est trop grande pour lui. Mais avec Pontois (7’48 » à 10’03 »), la répétition est déjà une représentation. Noureev est déjà Siegfried. Sa ligne s’allonge tandis que Noëlla se jette dans ses bras sans l’ombre d’une hésitation. On est très surpris de les entendre se vouvoyer entre les prises.

Ce mélange de pudeur et de proximité, c’est sans doute ce qui faisait la grandeur de Noëlla Pontois. Une étoile secrète dans la vie mais jamais distante sur scène.

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Tombeau de Noureev (Célébration par temps de nomination)

photo NoureevIl paraît qu’on a tout le mois de janvier pour présenter ses vœux. On doit donc pouvoir étendre cette règle aux commémorations. Le 6 janvier 1993, disparaissait Rudolf Noureev. Quand cela est arrivé, il y a vingt ans, ma journée n’avait pas été obscurcie outre mesure par la nouvelle. Le deuil de Noureev, je l’avais fait ce soir d’octobre 1992 où j’avais vu un vieil homme entraîné par sa faiblesse et la pente de scène vers les abîmes de la fosse d’orchestre – une douche froide après les enchantements de sa toute nouvelle Bayadère. Quand on est jeune, on n’aime pas voir le spectacle de la mort en chemin.

Et puis la mort de Rudolf Noureev, c’était dans ces temps-là comme une abstraction : son répertoire était dansé par la génération de danseurs qu’il avait choisis et formés. Ses chorégraphies respiraient la vie.

Est-ce le cas aujourd’hui au moment où l’on prépare à l’Opéra un très select gala commémoratif ? Je me garderai bien de répondre et de tomber par-là même dans un énième débat de style. Ce qui est certain, c’est que commémorer Noureev, pour moi, c’est célébrer ce que j’ai connu de lui : pas le flamboyant danseur que je n’ai jamais vu sur scène (quand j’aurais pu, j’en ai été dissuadé par des puristes) mais le directeur démiurge qui a poli et serti ce joyau qu’est la compagnie de l’Opéra.

C’est pendant mon voyage à Vienne (ville qui a été un temps marquée par le grand Rudi) qu’une amie balletomane m’a signalé que l’intégralité de la Raymonda avec Noëlla Pontois, Rudolf Noureev et l’ensemble de la distribution de la création était mise en ligne sur le site du « corsaire internet » Balletoman.com.

http://balletoman.com/index.php?newsid=1063

Pour l’intégralité, il faut certes en revenir : les ouvertures orchestrales sont toutes coupées et le final manque. Le film est un très médiocre transfert d’une vieille vidéo qui montrait d’alarmants signes de faiblesse (le défilement s’emballe quelquefois et l’image est passablement trouble). Pour l’hommage au danseur, ce n’est sans doute pas le document idéal. Noureev interprète Jean de Brienne à 45 ans passés… Mais tout de même… Voilà un formidable document qui montre le ballet de l’Opéra de Paris à un moment charnière de son histoire.

Il serait sans doute illusoire de parler de style Noureev. En 1983, lorsque cette captation a été réalisée en décembre pour la chaîne Antenne 2 sous la direction d’Yves-André Hubert, la compagnie avait certes déjà travaillé avec le chorégraphe et danseur, mais elle n’était qu’au début de sa collaboration étroite avec lui. Il est néanmoins intéressant de distinguer les multiples nuances d’investissement des uns et des autres… Car le plateau est riche ; très riche et en cela déjà très « Noureev ». Même Yvette Chauviré a repris du service pour l’occasion.

photo PontoisNoëlla Pontois, partenaire habituelle de Rudolf Noureev à l’Opéra de Paris depuis 1968, est dans la plénitude de sa carrière. En grande étoile, elle danse sans se conformer à un style particulier mais avec un instinct des plus sûrs. Sa variation de la valse fantastique (à 49’50’’) est très différente sans doute des indications données par Noureev à Élisabeth Platel, créatrice du rôle. Mais l’accent mis sur le moelleux du plié et non sur le tenu du piqué et des développés rentre dans l’ensemble du personnage qu’elle construit pendant cette soirée : une Raymonda tendre véritablement tiraillée entre deux représentations de la masculinité (voir l’adage de l’acte 2 avec Abderam 68’58’’-71’70’’ ou encore la façon dont elle poursuit la troupe du sarrasin blessé à 100’57’’).

photo Pontois GuizerixAutre artiste dans l’entière plénitude de son art, Jean Guizerix, créateur d’Abderam à l’Opéra. Tout en jambes et en bras, le danseur-acteur paraît immense. Là encore, on ne perçoit à aucun moment ce qui est le résultat d’un travail de répétition et l’impulsion du moment. Il abolit la distance entre la chorégraphie et le jeu. Lors de sa première apparition dansée du premier acte (la scène du rêve), il arrache soudain son turban. Ce geste sans doute dicté par un quelconque problème technique semble un commentaire sur son impatience d’amant dédaigné. Au deuxième acte, lorsqu’il exécute des temps de cuisse pendant le déploiement de sa tente de Bédouin, il bascule la tête à s’en casser la nuque vers Raymonda, l’objet de son désir. Excepté au premier acte où il n’est après tout qu’un phantasme dans l’esprit tourmenté de l’héroïne, l’Abderam de Guizerix n’est jamais impérieux ni violent. Sa fascination pour la princesse chrétienne est essentiellement touchante, à l’image de sa mort.

photo De VulpianÀ la différence de ces grands déjà consacrés dont Noureev semble avoir approuvé et suivi les choix artistiques, Claude de Vulpian, étoile déjà confirmée en 1983, semble s’être littéralement immergée dans la technique de son nouveau directeur de la danse. Tout est déjà palpable : l’orientation précise des épaulements, les mains qui semblent désigner la direction du mouvement (variation aux relevés de la valse fantastique 44’50’’), les ralentis planés (tours à la seconde et pirouettes à l’acte II -75’10’’) et aussi cette touche de second degré à la fois chic et sexy (variation avec ce qu’il faut d’exagération « hongroise », mais pas trop à 119’25’’) qui fut par la suite la marque de cette génération. On est aux antipodes de l’efficace numéro d’esbroufe de Patrick Dupond et Françoise Legrée dans la danse espagnole (89’20- 91’50’’) qui pour être une rupture de style, a l’avantage de faire vibrer la salle, et nous avec trente ans après. Noureev, directeur de la danse apparaît déjà au travers même de cette diversité des implications (parfois antagonistes) comme un formidable catalyseur d’énergies.

photo LoudièresEt puis il y a bien sûr la génération montante. Monique Loudières, nommée en 1982 et déjà distinguée par Noureev au moment de Don Quichotte (elle dansa Kitri alors qu’elle n’était que sujet) est Clémence, Laurent Hilaire et Manuel Legris sont Bernard et Bérenger (affublés de croquignolettes perruques-coupe au bol), Isabelle Guérin est danseuse sarrasine (aux côtés de Frédéric Olivieri ?) et Marie-Claude Pietragalla danseuse de la Czardas. À la vue de ce bouquet de talents indéniables mais encore souvent incomplets (Loudières, très investie dramatiquement, est souvent entre deux positions dans ses variations, Guérin jette avec feu mais ne projette pas encore beaucoup) on ne peut que réfléchir à la place que prend un directeur de la danse inspiré dans la carrière d’un danseur. Ces grands noms de la génération passée auraient-ils connu la floraison artistique exceptionnelle qui fut la leur si Noureev n’avait pas posé un temps ses bagages, ses thermos et ses colères entre les murs de l’Opéra ?

Au moment où on choisit un nouveau directeur de la danse à l’Opéra, mes pensées vont à la génération actuelle de solistes qui n’a pas eu cette chance et à celle des danseurs encore en devenir qui a tout à espérer d’un vrai changement…

Bonne chance à eux à l’approche de ce nouveau tournant et bonne chance à Benjamin Millepied.

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In The Middle Somewhat Elevated; 21’53 »

Revoir in The Middle…

C’est toujours avec une certaine émotion que je me dis cette phrase incantatoire. Je devrais dire plutôt « redécouvrir In the Middle » car une œuvre de Forsythe échappe forcément à la mémoire. Lorsqu’on est transporté par l’œuvre du chorégraphe, on ressort du théâtre avec des fourmis dans les jambes, une bouillie d’images qui se catapultent dans la tête et … on oublie. On oublie les pas, on ne se souvient que de l’énergie qu’ils nous ont insufflée même paisiblement assis (du moins le croyait-on) dans un fauteuil de théâtre. A quoi devons-nous cela ? Sans doute à la technique de travail du chorégraphe qui travaille avec des « loops » ou « boucles », des combinaisons chorégraphiques susceptibles d’être ouvertes à n’importe quel endroit et refermées de même, ce qui donne aux ballets du maître de Francfort cet aspect implacablement déstructuré. Les départs du mouvement qui ne viennent plus d’un quelconque centre de gravité mais de différentes parties du corps ajoutent à la perte de repères et à l’impression d’absolue liberté.

Mais d’In The Middle Somewhat Elevated, on ne connait le plus souvent qu’un solo et un pas de deux filmés jadis par André Labarthe sur Sylvie Guillem et Laurent Hilaire. Ces deux extraits qui interviennent respectivement à 8mn27 et 21mn53 dans un ballet de 25 minutes (on notera ici l’influence de Merce Cunningham), ne se conçoivent vraiment que dans leur environnement, au milieu de ces corps-lianes qui entrent sur scène comme bon leur semble, initient des ébauches de mouvement ou des débauches de virtuosité puis semblent changer d’avis en chemin et déserter l’espace.

Le pas de deux est donc la concrétisation des tensions présentes sur le plateau et dans la partition construite de manière très classique par Tom Willems avec un thème qui va et vient, s’élude ou se met en avant jusqu’au crescendo final. Il est également un moment de -relative- harmonie dans un monde déconstruit.

Ici privé de ses éclairages à contre-jour pour les besoins d’un plateau de télé, il s’offre d’une manière encore plus crue. On voit la volonté du réalisateur de prendre en compte l’intégralité du ballet. Les regards échangés par Guillem et Hilaire font penser à l’ouverture du ballet quand la lumière éclate en même temps que le premier tonnerre de rame de métro. Le ballet semble s’achever sur un Tango argentin futuriste qui, à l’image du thème principal de la partition, fait de subreptices mais néanmoins significatives apparitions (ici entre 18 et 28’’ ou encore entre 50 et 55’’) au milieu d’une avalanche de dérapages contrôlés. Mlle Guillem et Laurent Hilaire excellent dans ce domaine (il faut regarder les tours attitude décalés à l’extrême à 1’35’’ ou encore carrément tombés à 1’47’’).

Ce qui fait la grandeur de ce ballet, c’est qu’au milieu de cette apparente cacophonie, un sentiment d’accord et d’harmonie éclot, comme une plante à fleur entre deux pierres disjointes. Le « cavalier » qui semblait jusqu’ici avoir des difficultés à dompter sa partenaire s’accorde avec elle après qu’elle est tombée comme une planche face à lui (2’38’’). Un ralenti presque cinématographique commence alors (2’45’’ à la fin)… Le début de l’harmonie?

Dans le documentaire de Labarthe comme dans ce plateau télé, la chute finale est coupée.

Mais au fait, saviez-vous que le pas de deux d’In The Middle était en fait un pas de trois ?

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La variation de Colas : vidéo commentée.

Mathias Heymann, récipiendaire d’un Benois de la Danse pour Zaël dans « La Source ».

Puisqu’il semble que c’est le moment des remises de prix, rappelons également que les Benois de la Danse n’ont pas récompensé que le « Liliom » de Neumeier. Notre Mathias Heymann national a reçu, en partage avec Carsten Jung, le Benois de la meilleure interprétation de l’année pour sa création du rôle de Zaël dans « La Source » de J.G. Bart (également nominée dans la catégorie meilleure chorégraphie).

Bravo Mathias ! On regrette que Zaël ait finalement été votre seule apparition sur la scène de l’Opéra cette année. Prompt rétablissement. Les Américains attendent le ballet de l’Opéra de pied ferme et on vous veut, pour l’occasion, dans une forme olympique ! Et tant pis si, pour la peine, nous serons privés du plaisir de vous voir dans « La Fille mal gardée ».

Car c’est finalement notre actualité à l’Opéra pour les mois de juin et juillet tandis qu’une partie de la troupe ira se présenter au Lincoln Center pour leurs « étés de la Danse » à eux.

Célébrons donc le génie particulier d’Ashton de concert avec celui de Mathias Heymann au travers d’une petite vidéo commentée.

Dans un article paru dans la revue l’Avant scène ballet, David Vaughan, évoquant la création de la chorégraphie en 1960, rappelait combien Ashton créait de concert avec ses danseurs. Pour La Fille, il parait même que son trac légendaire à l’approche d’une première l’avait laissé en repos tant il avait le sentiment qu’il s’agissait d’une œuvre collective plus que d’une de ses créations.

« A cette époque, Errol Addison –grand danseur et parmi les élèves préférés de Cecchetti- était professeur à la Royal Ballet School et nombre des pas utilisés dans le solo de Colas viennent directement de son cours. Son solo du pas de deux d’Elssler fut réglé en dix minutes :

Ashton voulait des sauts en tournant et [David] Blair lui proposa un saut de basque en diagonale arrière ; Ashton lui demanda un double tour, jambes enlacées qui se terminât par un plié en quatrième puis un relevé en arabesque ; ce qui illustre parfaitement comment, à partir d’une simple figure scolaire, il pouvait broder. »

Dans la vidéo, il semblerait que le double tour enlacé soit devenu un simple tour en retiré à l’italienne et que l’arabesque après la 4e se soit muée en attitude. On y apprécie le saut généreux de Mathias Heymann et surtout –car, hélas, trop souvent aujourd’hui, l’un va sans l’autre- ses réceptions moelleuses. [entre 5 et 17s’].

« Blair trouvait naturel de conclure cet enchaînement (qu’il effectuait à trois reprises) par un chassé coupé assemblé dans un double tour en l’air terminé en plié ; mais Ashton lui demanda d’atterrir accroupi, puis de se relever brusquement en arabesque pour produire un effet de surprise. »

Dans la vidéo [18-21s’], on appréciera la maîtrise de M. Heymann ainsi que sa pose finale, le menton levé ; une petite touche de lyrisme « vieux russe » qui fait sa particularité au sein de l’Opéra.

« Des emprunts au style Bournonville donnent à ce solo un ton original, notamment les petits pas de bourrée courus effectués en tournant en arrière [22s’ à 33s’], […]

Puis, M. Heymann exécute une double pirouette enchainée avec un tour attitude en dehors achevé par un fouetté en quatrième devant. On admire l’aisance du passage des positions et le fixé dynamique de la pose finale, presque en déséquilibre et donc tellement suspendu. [35s’ à 38s’]

« […] et l’enchainement final : cabriole en arabesque suivie d’un grand sauté à la seconde en tournant puis d’un grand jeté en tournant finissant, lui aussi, sur un plié relevé en arabesque » [40s’ à 57s’].

Hourra, Ashton, Blair, et alia ! Et bravo encore, Mathias Heymann. Avec ou sans « Benois de la Danse », 30 secondes d’applaudissements à l’Opéra, cela touche à l’exploit !

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Manon – 1974

Antoinette Sibley created the part of Manon in 1974. In this rare footage, she dances the bedroom Pas de deux with David Wall who himself created Lescaut (her wicked and altogether charming brother).
She embodies the light and crystaline quality of the dance that she inherited from Ashton. Once again, interesting comparisons are to be made with the interpretations of our Parisian dancers, past and present.

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