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Ashton/Eyal/Nijinski : grappes de nymphes

P1180160Programme Ashton/Eyal/Nijinsky. Ballet de l’Opéra de Paris. Représentation du mercredi 1er décembre 2021.

La saison 2021-2022 du ballet de l’Opéra met décidément un temps infini à décoller. Après le retentissant et coûteux fiasco du Rouge et le Noir de Pierre Lacotte – contre-sens littéraire et naufrage chorégraphique –  après la reprise très dispensable des baballes de Play, le ballet de l’Opéra investit dans son premier programme « anglais ». Qu’est-ce à dire quand, finalement, seule une œuvre à l’affiche est d’un chorégraphe de cette nation ? Par « programme anglais », il faut entendre programme sans thématique, une spécialité notamment de la première compagnie londonienne. Cette tendance s’oppose à celle du ballet de l’Opéra national de Paris qui a plutôt tendance à rassembler des soirées autour d’un artiste, d’une période ou encore d’une tendance chorégraphique.

Chacune des formules à ses avantages et ses inconvénients. La thématique à la française peut parfois conduire à des soirées sur la même note et malheur à vous si elle est sombre. Le programme anglais est un peu fourre-tout mais les Britanniques savent y faire. Pour faire passer une nouveauté pas encore éprouvée ou une œuvre plus exigeante, ils miseront sur une pièce plus légère ou pyrotechnique – un « crowd pleaser » – placée en général en fin de soirée pour que les applaudissements finaux soient chaleureux.

Pour Ashton/Eyal/Nijinski, les Français n’ont pas eu cette finesse. Déjà, dans la brochure, la schizophrénie se fait sentir. Les très documentés fascicules s’ouvrent en général par une double page, « en quelques mots », pour débrouiller les membres du public néophytes et leur faire sentir la cohérence du programme. Ici, la justification de la réunion d’une pièce d’occasion d’Ashton, Rhapsody, d’une énième relecture du Faune de Debussy par Sharon Eyal et d’une nouvelle recréation du Sacre de Nijinski par Dominique Brun tient du jeu d’équilibriste. Si j’ai bien compris voilà à quoi elle tient : Debussy (Faune) appréciait beaucoup Stravinski (Sacre). Ashton (Rhapsody) a découvert la danse grâce à Pavlova (Russe comme Stravinski ? Russe comme Rachmaninov ? Russe comme Baryshnikov ?).

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Au fond, peu aurait importé si la pièce déjà éprouvée avait été, primo, placée en fin de programme et non au début et secundo, si elle avait été bien remontée (avec les décors et costumes actuels du Royal Ballet, inspirés des originaux dessiné par Ashton et non cette sinistre poterie art-déco aux couleurs criardes vestiges du goût d’Anthony Dowell lorsqu’il dirigeait la compagnie) et surtout correctement dansée. Car cette pièce d’occasion, créée en 1980 pour l’anniversaire de la queen mum et à l’occasion de la résidence de Mikhail Baryshnikov dans la compagnie londonienne, a ses qualités. Les parties féminines de la chorégraphie avec ses épaulements stylisés sont typiques d’Ashton. Les filles évoluent parfois dans des lacets qui ne sont pas sans évoquer la théorie de nymphes de l’Après-midi d’un faune. Les danseuses de l’Opéra s’acquittent de cette partie avec grâce – l’un des rares objet de satisfaction de cette représentation. La partie masculine, surtout celle du soliste, est en revanche du pur Baryshnikov avec ce que cela comporte de démonstrations pyrotechniques et de fanfaronnades. On se demande pourquoi l’Opéra n’a aligné aucune étoile masculine pour défendre cette partition hautement technique. Le soir de la première, Marc Moreau était absolument débordé par la chorégraphie : la jambe restait engluée dans la colophane, les pirouettes étaient toutes négociées plus qu’exécutées (même celles sur le coup de pied) et l’ensemble sous le signe du précautionneux quand ce n’était pas du sauve-qui-peut. Il était troublant de voir ce danseur habituellement si volontaire et efficace aussi « émoussé ». Les comparses masculins étaient hélas à l’unisson. C’était une juxtaposition de personnalités, de corps et de ballon extrêmement hétérogène. Les lignes de ces six faire-valoir rappelaient péniblement l’imprécision du corps de ballet masculin notée dans Le Rouge et le Noir.

Pour ajouter à la déception, Sae Eun Park manquait absolument du lyrisme requis dans une chorégraphie censée rappeler les lignes élégiaques d’Anna Pavlova ; elle bouge ses bras comme le ferait le télégraphe-Chappe et son interprétation des épaulements ashtoniens, subtilement décalés par rapport aux rotations du buste, a la poésie du Rubik’s cube. Surtout, on s’étonne de la façon dont ses partenaires peinent à la porter : que ce soit à bout de bras du soliste ou de plusieurs danseurs du  corps de ballet, la danseuse reste un poids mort. Adieu les références à Pavlova, que ce soit la pose en piqué arabesque avec ses ports de bras d’orant ou encore ce moment où les jolis moulinets de poignets de la ballerine paraphrasent les gammes ascendantes du pianiste. Ici, la danseuse semble essayer de se débarrasser de Kleenex usagés.

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Reste à espérer que les distributions suivantes serviront mieux cette pièce d’occasion car la suite du programme n’est pas sur la phase ascendante.

Faunes de Sharon Eyal, danseuse et chorégraphe israélienne issue de la Batsheva Dance Company n’est pas une pièce désagréable. La gestuelle volontairement apprêtée des bras – qui font des volutes parfois agitées de spasmes ou s’encastrent autour du buste à la manière de camisoles de force – le dispute au bas du corps non moins affecté. Les danseurs et danseuses, affublés de tenues unisexe, androgynes, effectuent de petites menées sur genoux pliés avec le bassin cambré à l’extrême. Les groupes sont bien gérés et évoquent parfois les théories de nymphes du ballet original de Nijinski. Dans le ballet d’Eyal, il n’y a pas de rencontre. Chaque faune-nymphe est aux prises avec un désir autocentré. Pourquoi pas ? Mais force est de reconnaître que cette pièce, comparée à d’autres relectures de ce ballet, frôle l’insipidité.

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On s’étonnait que le Sacre du Printemps ait été choisi pour conclure la soirée. Habituellement, la tradition française veut que l’on termine sur une création, répondant à la croyance erronée que c’est forcément une nouveauté et non la reprise d’une pièce éprouvée qui va susciter l’enthousiasme du public. La réponse était pourtant dans le programme de l’Opéra. Le Sacre de Nijinski présenté en ce soir de première n’était pas celui entré en 1991 au répertoire du ballet de l’Opéra, la reconstruction de Kenneth Archer et Milicent Hodgeson, mais une nouvelle réécriture-évocation par la chorégraphe et chercheuse Dominique Brun de la chorégraphie originale disparue de Nijinski. Il en est, dans le domaine de la reconstruction, comme dans celui de la biographie de personnage célèbre. Ce qui jadis avait paru fructueux dans le récit peut être réécrit à la lumière de nouveaux documents. On ne compte plus ces personnages à la légende noire réinventés en grands humanistes aux prises avec une période hostile. Le grand bouleversement que semble revendiquer ici Dominique Brun est qu’il n’y a pas de matériel suffisant pour prétendre reconstruire le Sacre et que la version Archer-Hodgeson est donc erronée. Pour sa propre évocation, elle s’appuie donc sur les seules notations de la main de Nijinski disponibles : celles de son Faune de 1912… Est-ce cela qui explique la dynamique languide du ballet ?

Avec ses positions très forcées comme celle de l’élue, posée sur son flanc comme une bûche avec les deux jambes incroyablement en-dedans, des ports de bras exagérément délicats et ciselés et une attention toute particulière apportée à la position des doigts, le Sacre de Dominique Brun manque absolument de la force primordiale qui infusait la version Archer-Hodgeson. Cette dernière montrait un rituel abscons d’une violence concrète toute prémonitoire (celle du conflit mondial à venir) lorsque cette nouvelle mouture découvre un Nijinski ennuyeux et vaguement ethnographe. L’élue d’Alice Renavand est à l’unisson du ballet : correcte sans sauvagerie, émoussant toutes les cassures de la chorégraphie. La seule chose que l’on peut dire de son élue, c’est qu’elle « tremble bien ». On connaît pourtant la force de cette artiste éprouvée dans de nombreux Sacres… Elle ne peut être accusée de manquer d’intensité… En revanche, la chorégraphie…

Au soir de la première, lors du porté paroxystique final, la salle est restée quelques secondes sans applaudir. Aucune sidération. Certains membres du public se demandaient sans doute s’il y allait y avoir une troisième partie… Les applaudissements furent ensuite polis et gênés

Y avait-il vraiment un intérêt à refaire une production entière presque identique à celle de 1991, faire venir une bonne dizaine de « transmetteurs » listés sur le programme pour donner à un public néophyte l’idée que l’une des œuvre les plus scandaleuse du début  du XXe siècle n’était après tout qu’une aimable vieillerie ?

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Les Ballets de Monte-Carlo au TCE : aujourd’hui, Nijinsky

En compagnie de Nijinsky. Ballets de Monte Carlo. Théâtre des Champs-Elysées. Samedi 9 février 2019 (matinée).

Le Théâtre des Champs Elysées est foncièrement lié à la mémoire de Nijinsky. Le danseur y est représenté sur les bas reliefs en marbre de Bourdelle plaqués sur sa façade en béton armé (le premier théâtre de ce genre) et son entrée dans l’Histoire théâtrale doit sa tonitruance à la première du Sacre du Printemps de Stravinsky chorégraphié par ce premier génie masculin de la danse au XXe siècle. Cette année, il y aura cent ans que cette voix corporelle s’est tue à jamais, définitivement, happée dans les cercles de la folie. L’an dernier, le TCE avait accueilli le Ballet National du Canada dans une pièce un peu profuse de John Neumeier qui adressait justement cet épisode final de la carrière dansé de Nijinsky.

Cette année, ce sont les Ballets de Monte Carlo qui viennent offrir un hommage au danseur mythique au travers de quatre ballets intimement liés à son souvenir aussi bien en tant qu’interprète qu’en tant que chorégraphe. C’est une gageure. Quatre partitions majeures et au moins trois authentiques chefs d’œuvres chorégraphiques qui ont traversé le temps pour nous parvenir, dans leur version originale, dans un état de fraîcheur sans cesse renouvelé.

En décidant de s’attaquer à Daphnis et Chloé, Jean-Christophe Maillot est finalement celui qui prend le moins de risques. Le ballet de 1912 n’est plus guère connu que pour les décors et costumes de Léon Bakst. La chorégraphie de Fokine ne s’est pas imposée comme définitive. L’Opéra l’a eu dans son répertoire dans les années 20 avant de lui préférer celle de Georges Skibine dans les décors et costumes de Chagall en 1959 (aujourd’hui reléguée au répertoire de l’Ecole de Danse), avant de commander l’actuelle version à Benjamin Millepied dans une scénographie de Daniel Buren. A chaque fois, au fond, et en dépit de certaines qualités, le ballet de Debussy semble trop souvent être vampirisé par le décorateur et costumier. Il faut dire que l’argument original du ballet, avec ses bergers et ses bergères de pastorale et ses pirates kidnappeurs, peine toujours à convaincre. Comme dans de nombreuses œuvres trop inspirées de poèmes (Sylvia en est un exemple), le héros sentimental n’est pas l’acteur de la délivrance de la demoiselle en détresse (dans Sylvia c’est Cupidon, dans Daphnis c’est le dieu Pan) et parait en conséquence bien falot. De toutes les versions sur la partition originale du ballet qu’il m’a été donné de voir, c’est peut-être celle de John Neumeier, située sur un site archéologique grec à l’époque des premières Saisons russes parisiennes, qui gomme ce défaut de la manière la plus élégante. Jean-Christophe Maillot quant à lui, décide très intelligemment de faire fi de l’argument original en utilisant les deux suites pour orchestre de Daphnis plutôt que l’intégrale du ballet avec chœur. L’intrigue se resserre ainsi sur le chassé-croisé amoureux entre les quatre protagonistes principaux de l’histoire. Le ballet s’ouvre sur un long duo pour Daphnis (Simone Tribuna) et Chloé (Anjara Ballesteros), habillés de vêtements à traits (Jérôme Kaplan), qui font écho aux dessins de nus qui s’inscrivent sur le décor de rochers stylisés d’Ernest Pignon-Ernest. La chorégraphie faite d’enroulements-déroulements, développe un partnering très « frotté ». Le Daphnis de Simone Tribuna est très tactile et facétieux. Par certains mouvements très pantomime (la mobilité des poignets), il semble guider les impulsions de sa Chloé et non pas les subir comme dans la plupart des versions de ce ballet. Dorcon et Lycénion (Matèj Urban et Marianna Barabas), en pourpre, plus sculpturaux et sexués, viennent essayer de troubler cet accord naïf en entrainant le jeune couple dans d’autres associations ; sans succès. Car à la fin, tendis que le crayon numérique de l’artiste s’affole et multiplie les dessins érotiques rupestres sur la montagne de papiers, ce sont finalement les deux tendrons qui, dans une apothéose faunesque, copulent sous l’œil des deux tentateurs.

Daphnis et Chloé. Jean-Christophe Maillot. Ballets de Monte Carlo. Photographie Alice Blangero

L’Après-midi d’un Faune est une œuvre qui, bien que non créée spécifiquement pour le ballet, a connu de nombreuses versions dansées différentes et mémorables. La première d’entre-elles, qui est également la première chorégraphie de Nijinsky (1911) est toujours jouée aujourd’hui. L’adaptation qu’en a faite Serge Lifar en 1941 reprenait les principes de la chorégraphie originale tout en soulignant, par la disparition des nymphes, l’érotisme autosuggéré qui anime le faune. L’écharpe mythique remplaçait la grande nymphe. Robbins, dans son Faun de studio de danse présente de nouveau un pas de deux mais tout en soulignant la solitude des deux protagonistes perdus dans leur contemplation narcissique des moindres détails de leur corps. Thierry Malandain retourne quant à lui à la forme solo pour une pièce qui se propose de remettre le spectateur dans l’état de voyeurisme un peu gêné dans lequel les spectateurs de 1912 avaient pu se retrouver. Il y a bien une écharpe mais elle est extraite d’une boite de mouchoirs en papier. Le Faune de Debussy semble porter chance aux chorégraphes.

Le Faune de Jeroen Verbruggen, humblement renommé « Aimai-je un rêve ? », confirme ce postulat. Le rêve du chorégraphe néerlandais semble commencer comme un cauchemar. Le faune (Alexis Oliveira) est d’un aspect qui provoque le malaise ; animal à tâches (réminiscence du costume original de Nijinsky) il porte ce qui pourrait être un masque tribal lui donnant l’aspect d’une tête réduite momifiée avec sa couronne de cheveux longs à la base du cou. L’attirail n’est pas sans évoquer, avec son ouverture de bouche obscène, une cagoule pour adepte de pratiques sadomasochistes. Entre un homme, nommé simplement « L’individu » dans le programme (Benjamin Stone), qui se retrouve entraîné dans une succession d’emmêlements intimes au sol, d’imbrications osées et de positions ouvertement sexuelles. Pourtant, on ne distingue pas dans ce pas de deux de complaisance homo-érotique. Il apparaît très rapidement que ce pas de deux ne fait que présenter l’homme aux prises avec son désir. L’individu, partagé entre répulsion et attirance, contemple son moi secret. Il finit même par se dégager de ces ébats une certaine poésie intime. Les deux danseurs, admirables, deviennent tour à tour l’écharpe de l’autre. Après une dernière étreinte, l’individu exhale la même fumée qui baignait la scène pendant ses ébats. Aurait-il internalisé son désir ? On en conclura ce qu’on voudra…

Aimai-je un rêve? Chorégraphie Jeroen Verbruggen. Ballets de Monte Carlo. Photographie Alice Blangero

Le Spectre de la Rose ne correspond pas au même schéma que l’Après midi d’un Faune. Cette chorégraphie de Fokine, acte de renaissance de la danse masculine grâce aux qualités physiques et d’interprétation de Nijinsky n’a sans doute jamais été égalée à ce jour. Et ce n’est pas la version de Marco Goecke qui va changer la donne. La gestuelle du chorégraphe, affolée et hyperactive des bras, avec spasmes désespérés et autres déboîtements de nombreuses parties du corps est assurément captivante à première vue. Mais Goecke plaque ce même schéma sur toutes ses pièces au mépris de la musique ou de son sujet. Après un début, très convenu, dans le silence avec six gars en imper jetant des pétales de roses, commence ce qui devrait-être une évocation du célèbre ballet de 1911. Mais ici, la jeune fille et son rapport au spectre ne sont finalement qu’accessoire. Le pas de deux n’est qu’une adition d’agitations monomaniaques effectuées en parallèle. Cette gestuelle grouillante d’insecte lasse très vite. Marco Goecke aurait dû penser que ce que la danse évoque dans la Spectre de la Rose, c’est le parfum entêtant de la fleur, pas la contemplation de ses pucerons.

Le Spectre de la Rose. Chorégraphie Marco Goecke. Ballets de Monte Carlo. Photographie Alice Blangero

Petrouchka, qui clôturait le programme, est une œuvre du même acabit que le Spectre de la Rose. Sa chorégraphie ainsi que sa scénographie originale restent à ce jour la version la plus satisfaisante du ballet de Stravinsky. Johan Inger prend acte de ce constat et propose une réécriture actualisée du conte. Il élude la fête foraine petersbourgeoise et transpose l’action dans le monde de la mode. L’agitation est celle de la préparation d’un défilé de la fashion week avec son désordre de couturiers, de coiffeurs et de top-modèles. On habille des mannequins de vitrine blancs avec des créations réminiscentes des costumes de Schéhérazade (costumes Salvador Mateu Andujar). Dans la version de Johan Inger, fluide techniquement sans être mémorable, le grand couturier mégalomane -le magicien dans l’argument original-  (Lennart Radtke) se coince la libido entre les charmes de Petrouchka et ceux du Maure, deux mannequins Stockman aux mensurations avantageuses (George Oliveira et Alvaro Prieto) placés dans une boite-vitrine. La ballerine paraît finalement plus accessoire dans ce schéma même s’il y a bien une rivalité autour d’elle entre les deux porte-manteaux. Cette idée des mannequins blancs est brillante. Elle restaure parfaitement le sentiment de malaise face aux poupées animées de Fokine, tout en effaçant la question lourdingue « Pretrouchka est-il un ballet raciste puisqu’il y a un « maure » badigeonné de noir ? ». Ici, le Maure n’est reconnaissable qu’au cimeterre blanc comme lui dont il menace Petrouchka. Le quatrième tableau est très réussi. Yohan Inger sait mettre en osmose la danse et la scénographie, une qualité somme toute très « Ballets russes ». On assiste au défilé de couture. Le plateau tournant de Curt Allen Wilmer prend alors tout son sens. La ballerine revêt la traditionnelle robe de mariée. On sourit de voir la mécène, cheveux assortis à son manteau à poil long, évoquer subtilement l’ours en peluche exhibé dans la version originale du ballet. C’est cette mécène que le designer perd lors du scandale de l’étranglement de Petrouchka par le Maure. Le créateur s’effondre alors sur lui-même comme une poupée de chiffon.

Petrouchka de Yohan Inger. Ballets de Monte Carlo. photographie Alice Blangero

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Nijinski dans toute sa force et sa fraîcheur

P1090370Programme Hommage à Nijinski.

Samedi 22 octobre 2016.

La reconstitution d’œuvres du répertoire, qu’il s’agisse d’un retour à un texte original ou d’une recréation, n’est pas chose aisée. Pour une réussite, combien de ces opus ressemblent-ils plutôt à des créatures au mieux hybrides, au pis mal embaumées ? Parfois, la tentative est oiseuse. Pour preuve, La Belle au Bois Dormant prétendument reconstituée par Alexei Ratmanski pour ABT dont les archaïsmes assumés n’apportent rien aux danseurs ni au public. Le miracle peut se produire une fois (La Sylphide de Pierre Lacotte en 1971) et être suivi par des tentatives intéressantes mais moins fructueuses.

Dans le domaine de la reconstitution, même une réussite n’est jamais qu’une interprétation et rien n’empêche quelqu’un d’autre de proposer sa propre interprétation. C’est ce que se propose de faire Dominique Brun avec trois œuvres emblématiques de Nijinsky à la postérité contrastée.

L’Après-Midi d’un Faune, la première création de Nijinky en 1912, n’a jamais vraiment quitté le répertoire des compagnies et bénéficie d’une notation Stepanov de la main du danseur et chorégraphe lui-même. L’Opéra de Paris possède cette version avec la reconstitution des décors et costumes panthéistes de Léon Bakst. Tel qu’il se présente aujourd’hui, le ballet ressemble à un rituel très codifié ou, quand les interprètes font défaut, à un tableau animé. Dans sa proposition chorégraphique de 2007, Dominique Brun suit scrupuleusement le texte d’origine, mais gomme certains postulats peut-être suivis trop à la lettre dans les versions traditionnelles. Par exemple, elle gomme l’angularité des positions, sans la renier. Les paumes des mains, légèrement obliques, donnent ainsi plus de sensualité à la recherche de l’écharpe. Surtout, elle abandonne presque totalement le staccato de la chorégraphie du personnage principal.

Plus ronde bosse que bas-relief, plus grec qu’égyptien, cet Après-midi d’un Faune recentre l’intérêt sur l’épisode plutôt que sur la forme. Les costumes de Christine Skinazi ont aussi leur rôle à jouer. Ils sont proches des originaux mais moins statuaires (les perruques, moins dorées, plus « en cheveux » ont l’air presque « ethniques »). François Alu, dans un justaucorps placé entre le costume d’origine et le survêtement à motif camouflage, incarne ainsi un faune au sex appeal très contemporain.

François Alu, faune urbain en tenue de camouflage.

François Alu, faune urbain en tenue de camouflage.

Avec Jeux (1913), la problématique est tout autre. Le ballet, un pas de trois pour Nijinsky, Karsavina et Ludmilla Schollar, n’a jamais eu de succès et connut seulement un petit nombre de représentations. Quelques photographies, toujours les mêmes,  et des aquarelles de Valentine Gröss ont figé le ballet dans deux à trois poses emblématiques. Dominique Brun, loin d’être intimidée par cet univocité de l’archive, la prend à bras le corps et la diffracte pour lui rendre son côté contemporain (l’oeuvre d’origine est le premier ballet à thème contemporain présenté aux Ballets russes) et ambigu. Dans un espace sans décor délimité par une grand carré au scotch de scène (le lieu d’origine était un court de tennis) qui rend l’atmosphère induite par la musique encore plus oppressante, le trio d’origine, avec ses fameuses poses qui évoquent les bas-reliefs de Bourdelle, est séparé entre six danseurs. Ceux-ci endossent indifféremment et successivement les costumes féminins ou masculins du ballet (très subtilement, les « garçons » portent une cravate noire comme dans les photos, et pas rouge comme dans les tableaux). Le chiffre trois et son ambiguïté affective ou sexuelle est toujours présent. Les entrées et sorties de danseurs sont tellement inattendues qu’elles laissent à penser qu’ils sont beaucoup plus nombreux qu’en réalité. Une réussite.

Jeux. Six interprètes. Une infinités de possibilités.

Jeux. Six interprètes. Une infinité de possibilités.

Le Sacre du Printemps, scandale historique de 1913 pour l’inauguration du Théâtre des Champs-Élysées, volontairement oublié par les danseurs, remplacé par une autre chorégraphie (de Massine) dans les mêmes costumes, a longtemps été un mythe. Depuis les années 80, cependant, il est présenté sur scène dans une reconstruction qui a fait date au point qu’on en oublie parfois qu’il ne s’agit pas de la chorégraphie originale mais celle de Millicent Hodson et Kenneth Archer.

La version de Dominique Brun, qui utilise la même documentation à la fois pléthoriques et éparse, offre un point de vue à la fois familier et essentiellement différent. Cela commence par la production : un seul décor et des costumes (de Laurence Chalou) volontairement plus clivés sexuellement que dans la version Roerich. On assiste alors vraiment à une fête de village avec les hommes qui saluent presque obséquieusement les femmes. Chacun restant dans son espace ou dans son rôle social.

Les costumes des hommes permettent d’apprécier d’autant mieux la très impressionnante transcription de « l’en-dedans Nijinsky » habituellement caché par les costume « originaux » qui descendent en dessous du genou (ici de pantalons blancs avec des bandes de broderie sur le côté des jambes). Adducteurs serrés au dessus du genou, le bas de jambe très écarté, haut du dos extrêmement voûté des hommes : on se croirait vraiment face à de la statuaire du haut Moyen-Âge. Les groupes de filles font penser parfois aux nymphes de l’Après-midi d’un Faune de même que la transe du vieillard qui conclut le premier tableau au sol évoque l’extase amoureuse du faune.

La deuxième scène commence dans la pénombre : on distingue un mystérieux échange chamanique entre un homme jeune et un des aïeux. Les capacités acoustiques prodigieuses de la salle nous immergent littéralement dans la partition de Stravinsky et dans l’action même lorsqu’elle reste cachée.

Les filles sont désormais en grandes chemises brodées. Les hommes pour cette section incarnent tous des vieillards. Un groupe de six garçons en peau de loup ou d’ours ressemble vraiment à une meute menaçante. Pas de drames dans le choix de l’élue. Elle se couche par deux fois au sol comme si elle savait. De même la colère des filles sur la pulsation des tambours est un rituel réglé, énergique mais dépassionné. Au plus fort des tutti d’orchestre, l’élue qui passe par toutes les positions connues par les archives visuelles n’ajoute pas au drame. Elle se concentre. C’est l’assemblée des hommes qui crée la tension. Ce sacrifice tranquille créateur de chaos a quelque chose de terrible, de poignant et d’étrangement actuel.

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Boucles et escarboucles

P1010032Soirée du 27 mai 2013

La soirée Béjart, Nijinski, Robbins, Cherkaoui-Jalet est assurément sous le signe de la boucle.

C’est ainsi que l’Oiseau de feu de Béjart commence avec un oiseau et finit avec son parèdre le Phénix. Si on parvient à faire abstraction du message très daté (les ouvriers, le leader révolutionnaire, l’aube rouge), il est possible d’apprécier encore la noble et simple puissance d’une chorégraphie à base de rondes, d’ondulantes pirouettes et de sauts dévoreurs d’espace. Il est vrai que François Alu, un Partisan pas « parmi d’autres » excelle dans les deux derniers registres. Mais Nicolas Paul ne se défend pas mal non plus et le trio de filles est à la fois élégant et énergique. Malheureusement, l’Oiseau de feu de Florent Magnenet incarne une révolution « mou du genou » et la pesanteur s’installe. Il ne suffit pas d’avoir de jolies lignes pour incarner l’oiseau de Béjart. Le Phénix tel qu’interprété par Jeremy-Loup Quer, tout en ligne et tension, était néanmoins porteur d’espoir… Les lendemains qui chantent ?

Boléro de Sidi Larbi Cherkaoui est encore plus marqué par la boucle. La chorégraphie sur la célèbre pièce hypnotique de Ravel évoque les derviches tourneurs par ses perpétuels enroulements : tournoiements des bustes, enroulements sur soi ou encore autour d’un partenaire. La scénographie de Marina Abramovic appuie cet effet : cercles concentriques projetés au sol, neige de lumière et décuplement de la chorégraphie par le truchement d’un immense miroir suspendu obliquement à la salle de spectacle. Tout cela est joli, coulé ; en un mot plaisant. Mais on pourrait regretter que les chorégraphes traitent la répétition chez Ravel comme ils le feraient de la musique répétitive de Philip Glass. La chorégraphie reste au même niveau d’intensité pendant toute la pièce ; l’enrichissement de la matière orchestrale n’étant suggéré que par les éclairages. Les costumes squelettes-dentelle de Ricardo Tisci, viennent parfaire cette curiosité esthétique de bon goût fort peu éloignée de l’esprit dans lequel le chef d’œuvre de Ravel fut créé en 1928 pour la compagnie d’Ida Rubinstein.

La section centrale de la soirée présentait en boucle le Prélude à l’Après-midi d’un faune de Claude Debussy au travers de la chorégraphie de Nijinsky (1912) et de celle de Robbins (1953). Cette répétition a eu l’avantage de chauffer –modérément mais tout de même – l’orchestre de l’Opéra qui parvint au bout de la deuxième fois à ne pas trop agrémenter de canards ce chef d’œuvre de la musique du XXe siècle.

La répétition n’était pas cependant l’unique effet de cercle dans le programme. Pour le Faune de Nijinsky, le jeu entre la grande nymphe d’Eve Grinsztajn et le Faune de Jérémie Bélingard semblait plutôt la répétition rituelle d’un badinage amoureux qu’une simple et unique rencontre. Grinsztajn et Bélingard s’accordaient dans leur capacité à payer leur tribut à la bi-dimensionnalité de la chorégraphie sans verser dans l’angularité. Ils s’harmonisaient ainsi parfaitement avec les tonalités fauves du décor de Léon Bakst.

Ajoutant à l’effet miroir, la rencontre de Myriam Ould-Braham et de Mathias Heymann dans Afternoon of a Faun avait de petits airs de réconciliation sous les auspices de la danse –une interprétation aux antipodes de celle de Tanaquil LeClerc et de Jacques d’Amboise. Myriam Ould-Braham et Mathias Heymann paraissent d’autant plus un couple qu’ils partagent cet éclat d’escarboucle qui fait la marque des étoiles. Lui, a cette intensité du regard et du mouvement qui donne l’impression qu’il cherche perpétuellement à atteindre l’inaccessible ; l’autre soir, l’inaccessible c’eût pu être sa partenaire aux lignes interminables et à la langueur vaguement mélancolique. Mais finalement, il est parvenu à l’atteindre. Lorsqu’il a déposé son baiser sur sa joue, elle l’a regardé avec cet air attendri qui disait « tu m’aimes donc ? Je suis si heureuse… ». Pas de charme rompu. Elle a quitté la scène. Il s’est lové au sol mais c’était dans l’attente de la prochaine entrevue.

Boucles et escarboucles…

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As Diaghilev may have said: “ASTONISH ME!”

diaghilev CocteauA triple-bill : “Béjart / Nijinski / Robbins / Cherkaoui-Jalet” and the others (Igor, Claude, Maurice) begins May 2nd at the Palais Garnier in Paris.  

Probably the most famous words spoken in dance (and probably the most apocryphal – mà, si no è vero è molto ben trovato), the impresario Serge Diaghilev’s roar quoted above can also be interpreted as “I want the best of everything.”  In 1908, this Russian aesthete began flooding Paris and beyond with the best musicians, the best dancers, the best designers, all obsessed by ceaselessly exploring the now and the new.  Until his death in 1929, Diaghilev’s Ballets Russes company continued this obstinate pursuit of the cutting edge: rich evenings of one-act ballets harnessing season after season the best talents of his time (some of them in embryo, as in a neophyte Coco Chanel for costumes):  Balanchine, Nijinsky and his sister Nijinska, Massine, Lifar/ Picasso, Braque, Matisse, Goncharova/ Stravinsky, Prokofiev, Debussy, Ravel…

Here the Paris Opera Ballet pays tribute in a manner Diaghilev might have endorsed: one revival, two re-mixes, and something so utterly new that the current management hopes it will make you jump out of your seat.

L’OISEAU DE FEU (FIREBIRD

Choreography:  Maurice Béjart (1970)

Music:  Igor Stravinsky (1910)

The original choreography for this ballet as set by Michel Fokine in 1910 continues to be produced in companies around the world.  Inspired by Russian fairytales, the classic version tells a linear story:  a rather dim prince encounters a big red bird wearing a tutu and toe shoes.  To the prince’s astonishment this one, unlike most ballet heroines, is not hanging around waiting to be loved or rescued, she wants to be rid of him.  She buys her freedom with a feather that will bring her back if called, promising to help him if need be.  And he will need it, once he encounters an evil sorcerer who seems to patronize the same beauty parlor as Edward Scissorhands.  In the end, the prince will end up freeing a passel of knights who had been uncomfortably turned into stone and a multitude of enchanted princesses for them to marry.

Maurice Béjart kept the redness of the “firebird’s” costume, but little else of the story when he remade it.  Or did he?  For the essence of the story remains the same:  we yearn for freedom, for liberation, at any price.

Here the bird –the free spirit, the catalyst — is danced by a man. For Béjart, totally ‘60’s in his instincts, a “firebird” could only mean a “phoenix:” a creature willing to be consumed and destroyed if that brings us a greater good.  Unlike the bird of 1910, this one will try to fire up the masses, rather than simply shake up a spoiled and naive princeling.

Honestly, I find the 1910 version, rooted in ancient Russian myth, eternally satisfying in the way it responds to and is rooted in the music. This 1970’s “partisan” version – inspired by emotions burning deeply right then due to the Vietnam War – can seem somewhat dated.  On the other hand, while it remains rather easy to locate women sporting tutus and feathers, being able to gape at a buff guy dancing his head off in tight vintage red spandex remains a relatively rare, and a most pleasant, experience.

 L’APRES-MIDI D’UN FAUNE (AFTERNOON OF A FAUN)

Choreography:  Vaslav Nijinsky (1912)

Music: Claude Debussy

Ode to a Grecian Urn goes somewhat 3-D.  Dance stiff and stylized in profile with bent knees and legs in parallel (as unnatural and uncomfortable for ballet dancers as skiing).

In this re-creation of the original choreography, a half-man/half-animal meets some females with anacreontic hair.  Not quite sure what to do with his feelings and the signals these women seem to send, the Faun ends up frightening them away. Like men in most bars today, he just doesn’t get it.

Left alone to figure out just what to do with the scarf one of the nymphs dropped when she fled, the Faun’s final gesture will still, 101 years later, astonish – even offend — some in the audience.

L’APRES-MIDI D’UN FAUNE (AFTERNOON OF A FAUN)

Choreography:  Jerome Robbins (1953)

Music: Claude Debussy

The same music again, but completely different…or maybe not. Consider how a ballet dancer his/her self could seem to be the most exotic and mysterious figure out there for many of us flat-footed ones.  They are fauns, fauna.  Outside the studio, they glide yet walk like ducks, hold their heads as if they had antlers balanced atop, take dragonfly leaps over puddles in a delicate manner frogs would envy, do weird catlike stretches in airplanes…but inside the studio, freed from our gaze, they become human again.

Jerome Robbins (choreographer of Gypsy, West Side Story, Dances at a Gathering) created a ménage-a-trois to the same score as Nijnsky:  only here the almost lovers turn out to be 1) a boy 2) a girl 3) the studio mirror.  We, the audience, get to play the “mirror.”   If the 1910 version made you gasp, think about how here you get seduced into becoming peeping toms.

BOLERO

Choreography: Sidi Larbi Cherkaoui/Damien Jalet( 2013)

Sets (and probably explosive ideas): Marina Abramovic

Music: Maurice Ravel (1928)

Invented in 18th century Spain, the “bolero” is a slow dance where two simple melodies are repeated again and again over a stuttering triple rhythm (one, a-a-a, and three, and one…). The Franco-Basque composer Maurice Ravel’s version differs from its model in that it builds to a cathartic orchestral crescendo.  Think Andalucia meets Phillip Glass.

In a medium difficult to write down and for long rarely deemed worth filming, Bronislava Nijinska’s original choreography – for the pickup company of a former Diaghilev diva who dared to set up a rival company, Ida Rubinstein — died with those who had experienced its few performances in 1928. Apparently her creation didn’t astonish the audience enough.

In Maurice Béjart’s 1961 version – the one most performed since — he appropriated part of Nijinska’s original story: a man/woman dancing alone on a table in a tavern.  But Béjart added how he/she slowly arouses his/her spectators on-stage and out-front to a rather melodic orgasm. His version remains enormously popular, if always rather embarrassing to witness.

As the première of a new conceptualization of this same music will take place May 2nd, I cannot tell you more than the pedigrees of the three commissioned to astonish us:

Cherkaoui/Jalet, both born in 1976, have collaborated for years on performance pieces, all over the world.  Cherkaoui started dance late – but is a very hip grasshopper — Jalet started his drama and ethnographic music studies earlier.  Both grew into and from the wild Belgian modern dance scene, which continues to sprout all over. Both men love exploring the limits of music and dance and stagecraft: from Björk to flamenco, from Florence and the Machine to Shaolin monks, from the potential physically and mentally disabled performers can bring to life to the banality of our everyday gestures.  These two share a quest to explore and explode categories of identity.

Adjoining them to the Grande Dame of Terrifying Performance Art – Marina Abramovic – makes me a bit nervous. Dare I say she explores and explodes too much in protest against our flat lives? Even if her most recent piece, which played at the MOMA in New York, seemed mild (only sharing a moment of silence per person during 736 hours with hordes who lined up for the emotionally exhausting experience), she has built a reputation since the 1970’s as someone inspired by quite extreme quests: almost burning to death, passing out from lack of oxygen, taking pills in order to have seizures or catatonia in front of an audience, letting it bleed…

Because they have pushed their bodies to the limit since childhood, self-induced pain brings nothing exciting and new to dancers. All that I hope is that this creative trio agrees that their cast has already been tortured enough. On the other hand, since I couldn’t attend the last time a ballet provoked a riot by furious spectators – the Diaghilev-provoked Rite of Spring one hundred years ago – I’d be tickled to actually be present at one…

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