Archives de Tag: Théâtre National de Chaillot

Mehdi Kerkouche, « Portrait » : chaîne de vie

Théâtre national de Chaillot. Portrait. Mehdi Kerkouche (chorégraphie), Lucie Antunes (musique). Représentation du samedi 21 janvier 2023.

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« Portrait », Mehdi Kerkouche, CCN de Créteil et du Val-de-Marne. Photographie Julien Benhamou.

Lors de la reprise avortée de la saison 2020, une soirée de chorégraphes contemporains à l’Opéra de Paris avait été diffusée en streaming, les théâtres ayant déjà été contraints de refermer leurs portes pour des raisons sanitaires. Elle nous avait permis de découvrir le travail de Mehdi Kerkouche. Ce fut sans doute l’un des rares moments où il nous a semblé que la directrice Aurélie Dupont avait fait preuve de nez. Elle avait remarqué le jeune chorégraphe, qui n’avait pas alors 35 ans, grâce à ses « danses confinées » sur écran partagé.

J’étais donc curieux de retrouver à Chaillot ce chorégraphe, pour moi « du virtuel », aux manettes cette fois de sa propre compagnie, l’EMKA fondée en 2017, très récemment devenue le CCN de Créteil et du Val-de-Marne, depuis que le chorégraphe a succédé, en janvier, à Mourad Merzouki.

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Dans un espace nu au lino blanc barré d’une sorte de piste rectangle noire, les neuf danseurs aux physiques très individualisés apparaissent en formation d’étoile. Une danseuse plus âgée, aux cheveux argentés, semble tenir lieu de pivot à cette formation, préfigurant le rôle qu’elle tiendra pendant toute la pièce ; une figure tutélaire et maternelle qui apparaît et disparaît subrepticement, s’insère dans les groupes, interagit avec lui tout en restant un peu à part, presque transcendante.

C’est que « Portrait », c’est le nom de la pièce, interroge la notion d’individu au sein du groupe. Y a-t-il d’ailleurs d’individu possible sans le groupe ?

Non, semble répondre Mehdi Kerkouche. Dans sa chorégraphie sous le signe de la courbe et de l’ellipse, où les corps se contorsionnent et jouent avec le vecteur de la gravité, les danseurs s’échappent souvent dans des soli très individuels (de gestuelle rap, souvent mais aussi au tout début du voguing pour un grand gars à chignon qui, plus tard, s’avérera être en possession d’un bel organe vocal) mais ils sont systématiquement rattrapés par l’ensemble ou alors cherchent à s’y réintégrer.

Au service de cette idée, est, comme dans la pièce pour l’Opéra, cet art chez Mehdi Kerkouche de la gestion du groupe. Celui-ci est toujours rendu vibrant grâce à l’utilisation de subtils contrepoints chorégraphiques ménageant des surprises pour faire voyager l’œil du spectateur d’un danseur ou d’un groupe de danseurs à un autre, toujours de manière inattendue.

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Les corps se frôlent et s’enroulent en jolis entrelacs. Les danseurs évoquent parfois une frise ou un fronton lors d’occasionnels moments d’immobilité. Les mains se joignent pour former une chaine humaine qui s’enroule sur elle-même et se délie inopinément. Les rencontres sont subreptices, avortées ou alors carrément charnelles.

Il y a des moments émouvants ou poignants comme ce très beau passage où l’un des danseurs, un moment illuminé par un spot rasant à cour, seul d’abord, est étreint par un autre puis est passé de bras en bras comme un Christ de descente de croix. Il est recueilli enfin par la figure tutélaire en blanc. Un autre fait un exercice de derviche tourneur tandis que l’ensemble des danseurs tourne autour de lui. Il est ensuite soutenu par le groupe, tandis qu’étourdi, il ondoie, pantelant, tel une marionnette désarticulée.

La dernière partie de la pièce, jusqu’ici abstraite, évolue vers la biographie. La femme en blanc nous raconte l’immigration de sa famille aux USA et détaille son arbre généalogique. Le rectangle en lino noir figure désormais une table autour de laquelle on s’assoit, discute, s’isole ou se déchire avant de se réconcilier.

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Le final, en tenue 70’s termine la pièce en un désopilant et loufoque portrait de famille auquel ne manque même pas la photo encadrée du greffier. Dans la transe finale, on se sent inclus et comme emporté dans une grande ronde de la vie.

Mehdi Kerkouche est parvenu à dresser l’air de rien, en une heure, sans remplissage inutile et sans grandiloquence, un portrait de famille dans lequel chacun et chacune peut se reconnaître. Du grand art, en somme…

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« Portrait », Mehdi Kerkouche, CCN de Créteil et du Val-de-Marne. Photographie Julien Benhamou.

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Batsheva à Chaillot : Venezuela. L’histoire se répète

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Venezuela. Ohad Naharin. Batsheva Dance Company. Photographie © Ascaf

Théâtre National de Chaillot. Batsheva Dance Company. Ohad Naharin. Représentation du vendredi 13 mai.

À Chaillot, la Batsheva Dance Company reprend une pièce présentée déjà en 2018 dans ce même théâtre : Venezuela. Le titre vous donne des envies de voyage ? En un sens vous allez être servi même si en ressortant vous regarderez avec un visage dubitatif le titre de la pièce. Car il n’est, ni directement ni même indirectement question de cet État du continent sud-américain. À certains moments, les danseurs s’engagent bien en couple dans des sortes de danses à la chaleur toute latine mais le tango ou la salsa ne sont pas une spécialité spécifiquement vénézuélienne.

Ohad Naharin et ses 18 danseurs nous convient plutôt à un voyage abscons et initiatique sur les ailes de la musique. Le principe est simple et pas nécessairement nouveau : une même chorégraphie est répétée deux fois par un groupe de 8 à 10 danseurs solistes différents – parfois rejoints par l’autre groupe de danseurs qui attendent leur tour ou rentreront dans le rang dans la seconde partie – sur deux ambiances musicales très contrastées (Maxime Waratt et Nadav Barnea). Paul Taylor avait déjà utilisé ce parti-pris en 1976 dans Polaris.

On est donc tout d’abord convié à une réflexion sur la façon dont la musique peut infléchir la vision d’une chorégraphie.

Dans la première partie, posée sur des chants grégoriens, on a tendance à voir un rituel et on lit le dispositif scénique (des pendrillons gris très serrés et un mur de fond effet béton), magnifié par les lumières d’Avi Yona Bueno, comme une belle et solennelle nef romane. Les huit danseurs ouvrant la pièce, tous habillés de noir même si tous leurs vêtements sont individualisés (costumes de Eri Nakamura), qui se présentent de dos remontant vers le fond de scène, pourraient être des sortes de moines engagées dans une célébration. Mais voilà qu’une danseuse qui ferme la marche prend une pose de pin-up et que son compagnon y répond par une pose d’éphèbe maniériste. Puis des couples se forment et s’engagent dans des sortes de danse de société assez torrides. Toute cette première partie est sous le signe du contrepoint et de la disruption.

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Venezuela. Ohad Naharin. Batsheva Dance Company. Photographie © Ascaf

Dans un passage à cloche-pied, l’ensemble de la troupe qui entre par vagues successives, semble figurer une sorte de mer aux flux et reflux houleux. Les danseurs martèlent le sol créant une partition rythmique alternative aux chants religieux qui finit par la compléter tant elle en a le caractère lancinant et hypnotique. Dans le passage suivant, un danseur à chignon, entré avec un micro, engage une conversation d’abord mimée puis susurrée et enfin slamée au propos frisant la pornographie. Cet épisode qui pourrait être blasphématoire sur la première musique devient dans la deuxième partie, accompagné de musiques rock, hip-hop et indiennes, où les scansions des pieds des danseurs sont noyées dans les basses de la bande son, beaucoup plus organique. Ces évolutions correspondent parfaitement à une geste festive contemporaine. Dans un très joli passage « des linceuls » (une appellation personnelle qui m’est venue durant la première ambiance musicale quand un des interprètes, rampant au sol, en sera recouvert) le groupe des danseurs « secondaires » traverse la scène de cour à jardin d’une manière quasi hiéroglyphique, oscillant, ou devrait-on dire hoquetant, du haut du buste derrière leur rectangle de tissus. Il nous évoque aussi une partition médiévale tridimensionnelle, les carrés beiges figurant la graphie ancienne des notes. L’impression est tout autre quand ces pièces de tissus deviennent des drapeaux. On assiste tout à coup à un concert des nations…

On se sent un peu perdu au bout d’un moment par ce jeu de changements de perspective ainsi que par le rythme volontairement lent (cinant) de la pièce. Mais, avec Naharin et contrairement à ce qui se passe avec d’autres chorégraphes qui ne se concentrent que sur la forme, pour perdu qu’on soit, on ne se sent jamais abandonné. S’accrochant aux danseurs, on reste dans le monde familier de la technique gaga : en fin de pièce, des passages soli où chaque danseur se désarticule bras et main dans des positions contournés, avec des torsions du buste, des grands battements impressionnants ou encore ces sauts sortis de nulle part (comme pour ce groupe quasi-statuaire où les danseurs tressautent en restant exactement dans la même positon et la même disposition). On est un peu comme l’Ulysse de l’Odyssée, totalement égaré sur une mer pourtant familière.

La fin de la pièce, sur le même crescendo sonore assourdissant et anxiogène nous donne l’impression d’une fin inéluctable. Et si l’humanité, qui croit trouver son chemin dans un monde hostile ne faisait en fait que gesticuler et courir systématiquement à sa perte ?

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Venezuela. Ohad Naharin. Batsheva Dance Company. Photographie © Ascaf

« Venezuela » est présenté encore du 17 au 27 mai à Chaillot. Jeudi 19 mai aura lieu une rencontre avec l’équipe à l’issue de la représentation.

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Sydney Dance Company : ab [intra]. De l’exterieur

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Sydney Dance Company. Ab Intra. Photographie Pedro Greig

Théâtre National de Chaillot. Sydney Dance Company : ab [intra]. Représentations du mercredi 23 mars 2022.

Le Théâtre National de Chaillot recevait la semaine dernière la Sydney Dance Company, un groupe de 17 danseurs d’expression néoclassique dirigé depuis 2009 par l’espagnol Rafael Bonachela, ancien membre de la Rambert Dance Company.

La bonne surprise vient de la compagnie elle-même. Les danseurs, aux physiques assez divers, dominent la technique classique et néoclassique sans la résumer à sa simple exécution. Individuellement, ils sont tous captivants et on aimerait pouvoir les nommer personnellement sans risque d’erreur ou sans avoir à passer par une particularité capillaire ou un détail de costume.

On est hélas largement moins enthousiasmé par la partition qu’ils défendent pourtant avec conviction. Car ab [intra] de Rafael Bonachela tient plus du patchwork d’influences chorégraphiques que de la véritable création. Le ballet qui défile – trop lentement – sous nos yeux développe ad nauseam les poncifs de la danse néoclassique de la fin du XXe siècle. Sur un espace dancefloor blanc violemment éclairé par des douches de lumière s’impriment au sol l’ombre de perches suspendues en l’air. On pourra voir les danseurs entrer dans l’espace scénique sans pendrillons et, pendant qu’ils dansent, d’autres, placés sur le proscenium, se détacher en ombre chinoise.

Dans un premier pas de deux en blanc, exercice de haute barre au sol, un garçon et une fille s’enroulent l’un dans l’autre au point de flouter l’appartenance des membres de l’un et l’autre corps. Cet exercice de haute promiscuité n’implique pourtant ni sensualité ni même intimité. Ensuite, c’est de la grammaire forsythienne qui prime, comme le dispositif scénique le laissait déjà supposer. Les danseurs oscillent en poses décalées, voient leurs départs de mouvement impulsés par un ou une partenaire et font alterner préparations hypertrophiées et fulgurances des passes chorégraphiques. Tout cela est fort beau, même si on reste à l’extérieur…

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Sydney Dance Comany. Ab Intra. Photographie Pedro Greig

Mais la pièce s’avère être sans structure, sans narration (car il en faut une, même dans une pièce abstraite) et, c’est sans doute le plus grave, sans style défini. Car après ce premier tiers forsythien, un deuxième pas de deux « en noir » semble lorgner vers le style de Jiri Kylian, période sombre. Là encore, on apprécie la virtuosité des danseurs. À un moment, alors que la danseuse est posée sur une des cuisses de son partenaire en grand plié à la seconde, celui-ci parvient à développer une de ses jambe. Il créé ainsi une merveilleux et subreptice moment de suspension. C’est du haut équilibrisme. Mais la chorégraphie du pas de deux, qui se veut lyrique sur une musique aux accents presque debussystes (dans la partie précédente, on était plutôt sur de l’ostinato post-Philip Glass), n’apparaît au final que grandiloquente.

On n’est pas au bout de nos peines. Un long solo avec un type en sweat safran qui fait plutôt penser à la danse contemporaine – tendance hyperactivité des bras – voit notre attention s’éroder. La beauté de liane du danseur n’y peut rien ; on commence à regarder le plafond et celui de Chaillot n’a pourtant pas les charmes de celui de l’Opéra Garnier.

Une dernière section vous achève en multipliant les « entrées-pas de deux » – comme si chacun des 17 danseurs devait avoir son « moment ». Même si le premier, défendu par un gaillard barbu et sa partenaire, dégage – enfin – un peu de sensualité, on perd le compte de ceux qui lui succèdent avant le solo final(ement).

On est surpris de s’ennuyer face à des danseurs qui, répétons-le encore une fois, passent la rampe et ont quelque chose à dire. Mais ils ne sont pas responsables du manque de construction de la pièce. Un élément de réponse est peut-être apporté par la lecture de la déclaration d’intention du chorégraphe lue après coup. Rafael Bonachela déclare « Le point de départ de la création est une série d’improvisations où j’ai demandé aux danseurs d’être ensemble dans l’instant […] puis de chercher à mettre par écrit ces instants.»

Vraisemblablement, toute pensée n’est pas bonne à dire et toute improvisation de studio n’est pas destinée à passer le cap de la scène…

La Sydney Dance Company joue jusqu’au vendredi 1er avril au Théâtre National de Chaillot.

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Sydney Dance Company. Saluts.

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A Chaillot : l’art flamenco entre création et tradition

Suivant sa politique éclectique de diffusion de la danse sous toutes ses formes, du contemporain au néoclassique en passant par les danses urbaines, le Théâtre National de Chaillot de Rachid Ouramdane accueillait la cinquième biennale d’art flamenco. Sur une quinzaine de jours, six spectacles dressaient un large panorama des dynamiques et des perspectives de cet art. Nous en avons vu deux.
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Farruquito et Juana Amaya photo Jean Louis Duzert

Le Flamenco a des origines mystérieuses et quasi-immémoriales. Si les racines multiples arabo-musulmane, juive et gitane de cet art mêlant chant, percussions et danse sont avérées, si sa région d’origine est connue (le sud de l’Andalousie), la genèse du mot flamenco lui-même reste aussi floue que celle du mot tutu pour le ballet. À l’heure actuelle, le flamenco est vu en Espagne comme le creuset du renouvellement de la danse contemporaine, un peu comme le hip hop en France régénère aujourd’hui aussi bien le contemporain que le néoclassique.

Personnellement, je venais à cette biennale en néophyte, avide d’être étonné et de me délester au passage de quelques présupposés. Au travers de deux représentations qu’en a-t-il été ?

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Imperfecto. Coria/Gallois. Salle Jean Vilar. Vendredi 11 février 2022

Avec Imperfecto, la découverte se fait sur un terrain assez  peu conventionnel. Il s’agit d’une rencontre entre un authentique danseur et chorégraphe de flamenco, David Coria, et la danseuse et chorégraphe contemporaine issue du hip hop, Jann Gallois. A priori, les deux mondes semblent un peu étrangers. On associe en effet de manière un peu automatique le flamenco aux cliquetis du Zapateado et le hip hop aux  glissés silencieux des sneakers. De même, le braceo flamenco, engageant peu les épaules semble aux antipodes des impressionnants roulis d’épaules et autres ondulations des bras de la technique hip hop. Jann Gallois et David Coria adressent ces supposées incompatibilités en mettant en scène leur rencontre improbable et leurs tentatives fructueuses ou non pour trouver un terrain d’entente.

Au début de la pièce, Jann Gallois, qui fait une entrée en robe pailletée argent très « tapis rouge », très remise des Oscars, présente d’un ton soigneusement articulé et convenu les intentions de l’œuvre. Lorsque David Coria entre avec sa tenue noire à chemise transparente et ses chaussures à talons attendues, il semble jauger son exotique partenaire. Il croque une pomme et la confie à Jann Gallois comme si elle était un simple compotier afin d’être en mesure de la débarrasser de sa carapace argentée. La jeune femme se retrouve alors dans l’attirail attendu de la danseuse contemporaine, en culotte et soutien-gorge noir.

Les deux danseurs sont accompagnés dans leur rencontre par un chanteur de flamenco (David Lagos), un pianiste-tympaniste (Alejandro Rojas) et un percussionniste (Daniel Suarez). Dans leur premier duo « de découverte », les deux danseurs face à face se font des agaceries avec les mains sans vraiment se toucher. Un premier « pas de deux » y succède. David Coria fait les jambes tandis que Jann Gallois, juchée sur ses épaules, interprète la tête et les bras. Elle continue à s’adresser au public d’un ton plus naturel mais égrène un discours toujours aussi convenu. David Coria talonne furieusement le sol et se sert des cuisses de sa partenaire pour ses palmas. Le couple, on ne nous le cache pas, est encore un peu un monstre à deux têtes.

Les danseurs semblent d’ailleurs opter pour un retour à la forme solo. David Coria fait une belle démonstration de son art. Ses talons et ses paumes de main scandent la musique avec un mélange de force et de légèreté. Son torse mobile donne les impulsions à des girations aussi inattendues que rapides. Ses bras alternent des poses statuaires presque classiques, plus libres peut-être que dans le flamenco traditionnel, mais les épaules restent parfaitement calmes et hiératiques. Le danseur a incontestablement un grand charisme.

De son côté, Jann Gallois utilise une technique plus danse contemporaine (passages au sol, contraposti hypertrophiés) que hip hop. Néanmoins, elle garde de cette dernière, par contraste avec son partenaire, des épaules très mobiles et engagées dans les mouvements qui suivent les accents des percussions.

Dans un deuxième duo, les danseurs utilisent d’ailleurs le médium contemporain comme terrain de rencontre : des portés « à basse altitude », des glissés au sol. David Coria ôte ses chaussures pour l’occasion. Jann Gallois, sorte de moderne Pandore, sort d’un coffret de lourds colliers dorés – un peu chaînes de rappeurs gangsta – qui tiendront parfois lieu de connexion entre ces deux corps formés à des disciplines différentes.

Dans la partie finale, David Coria, dans une nouvelle tentative œcuménique, apparaît dans la robe à paillettes de sa partenaire. Son solo, rendu drôle par le costume, reste néanmoins ancré dans la technique masculine flamenca. Jann Gallois, qui entre en costume de sumo gonflable, provoque encore plus l’hilarité de la salle. La chorégraphie du pas de deux qui suit est à la fois loufoque et tendre. Les corps, pourtant empêchés par les costumes, se seraient-ils enfin trouvés ?

Il est temps pour un dernier effeuillage. Les deux danseurs sont désormais tous deux en sous-vêtements noirs. Jann Gallois semble rouler dans les bras de son partenaire assis sur une chaise, comme délivrée des lois de l’apesanteur. On a assisté à une vraie rencontre. Seul regret, le mouvement très galvaudé qui clôt la pièce. La danseuse, accrochée au cou de son partenaire qui tourne sur lui-même dans une pose embrassée est un poncif désormais éculé qui ne reflète heureusement pas Imperfecto même s’il semble donner une réalité à ce titre.

Imperfecto©Michel Juvet

Imperfecto. Jann Galois et David Coria. Photograhie ©Michel Juvet

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Íntimo. Farruquito. Salle Jean Vilar. Mercredi 16 février 2022.

Plus traditionnel, le spectacle présenté quelques jours plus tard par Farruquito (Juan Fernández Montoya pour l’état civil), issu d’une dynastie flamenca (son grand père, Farruco, était un célèbre danseur gitan, son père, El Moreno, un grand chanteur et sa mère, la Farruca, une célèbre danseuse), ressemble plus à un récital avec tous les éléments de la geste flamenca dont la danse n’est qu’une partie. Le parti pris est de représenter une sorte d’histoire du flamenco au travers de la mise en scène. Des pupitres en fond de scène mettent en lumière les différents ingrédients de cet art né il y a très longtemps dans les fêtes familiales du sud de l’Andalousie : à droite, la batterie, au centre, le guitariste solo, à gauche le pupitre des chanteurs (deux hommes, Chanito et Bolita et une femme, Mari Vizarraga) et du bassiste (Julian Heredia).

Le spectacle commence par le chant, l’élément premier du flamenco. Farruquito évolue entre les deux chanteurs isolés dans des cercles de lumière de part et d’autre de la scène. La danse et le percussif (au travers du zapateado et des palmas) viennent en second. Enfin,  les cordes sont mise au centre de la scène dans un passage solo où le guitariste, Yerai Cortés, semble apparaître seul, juste surmonté par les deux paires de mains des chanteurs dont la presque entièreté du corps reste dans la pénombre… L’emploi des cordes est en effet relativement tardif dans le flamenco puisqu’il n’apparait qu’au XIXe siècle.

Farruquito interagit très souvent avec la chanteuse Mari Vizaretta, qui se place à la croisée du chant et de la danse. Sans danser à proprement parler, la chanteuse marque joliment et fait scintiller avec art les franges argentées de sa robe. Farruquito dans ses différents soli semble converser avec la voix puissante, stridente et imprécatoire de sa partenaire.

Le registre expressif de Farruquito est très différent de celui de David Coria, moins subtil mais plus puissant. Il martèle le sol avec autorité. Ses envolées subreptices et ses reprises de pesanteur sont volontairement pesantes. Le travail percussif est impressionnant. Il engage les paumes de mains bien sûr mais aussi le bout des doigts dans la séquence « de la table » où il dialogue avec le percussionniste (Paco Vega). Les bras et les mains du danseur sont beaucoup plus formels que ceux de David Coria. Ils collent à sa veste rouge puis blanche à frange noires, scandent la musique ou se mettent en position de supination pour accueillir (ou susciter) les applaudissements du public. Les girations puissantes trouvent moins leur impulsion dans le buste (Coria) que dans la jambe opposée à la jambe de terre. Il y a chez Farruquito une aura de crooner qui fait contraste avec la juvénilité apparente d’un David Coria pourtant presque exactement son contemporain.

La scénographie est soignée. L’ambiance lumineuse (Angel Gascón) nous transporte par touches subtiles dans une taverne où sous un soleil brûlant, abolissant par instant le côté danse théâtrale pour évoquer plus directement les origines intimes du flamenco. Le public est même sollicité pour une séance de palmas pendant un des soli du danseur.

À la fin, pour les saluts, chaque musicien esquisse ou réalise une petite improvisation de danse et la boucle est ainsi bouclée.

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Farruquito. Phtotgraphie Jean Louis Duzert

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Au final, on aura découvert grâce à cette biennale du Théâtre de Chaillot une palette large et intrigante de l’art flamenco, excitant notre curiosité et nous donnant envie d’aller plus avant dans sa découverte. On peut appeler cela un succès.

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Carte blanche à Lia Rodrigues : Folles de Chaillot

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Photographer Yaniv Cohen, Pictures took in Studio Bergen, Carte Blanche dance company. Choreographer Lia Rodrigues.

Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, Chaillot donnait une « Carte Blanche » à la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues, connue pour ses pièces engagées. Cette chorégraphe contemporaine de formation classique qui a jadis dansé pour Maguy Marin est la directrice-fondatrice de la Lia Rodrigues Companhia de Danças qui a multiplié les actions près de la favela de Maré, située le long de l’aéroport de Rio de Janeiro.

Le titre de la pièce originale, Pororoca, créée en 2009, faisait référence à un phénomène naturel désigné en langue Tupi, la rencontre des eaux du fleuve Amazone avec la mer, occasionnant d’impressionnantes turbulences et balayant tout sur son passage en formant des vagues croisées.

Nororoca n’est donc pas vraiment une création mais la transposition d’une pièce emblématique créée sur 11 danseurs de sa compagnie. Ici, ce sont les 14 danseurs de la Compagnie nationale norvégienne de danse contemporaine qui interprètent ce Nororoca (une lettre de différence avec la pièce d’origine, un N pour Norvège ou Norway, on ne peut faire plus simple). En dépit de l’image des « vagues croisées », les interprètes entrent tous du même côté, à jardin, lestés d’objets disparates : table, cône de chantier, bouquet de fleurs, sac poubelle et se figent en une sorte de groupe statuaire. Et puis c’est une première explosion de mouvements désordonnés et de vociférations : on jette tous les objets dans tous les sens, créant une sorte de décharge bariolée à la périphérie de l’espace scénique qui restera ensuite inutilisée.

Il y en aura pour une heure. Les danseurs s’empoignent et se frottent en criant, en grognant ; c’est l’onomatopée en liberté. Les courses sont volontairement pesantes de même que les chutes, faisant sonner le plateau de bruits sourds. Les échanges entre les danseurs, souples et athlétiques, sont comme des interactions sociales (amicales ou conflictuelles) désordonnées ou dévoyées : embrassades parfois, empoignades souvent. La pièce est scandée par des transitions en phase d’immobilité. Ce sont des moments de silence et de réflexivité très – voire trop – rares que l’on apprend à apprécier. Le désordre dévastateur de la rencontre  des éléments par vagues successives est assurément bien planté.

Pororoca

Photographer Yaniv Cohen, Pictures took in Studio Bergen, Carte Blanche dance company. Choreographer Lia Rodrigues.

Néanmoins, on est bien face à des humains qui dansent et on est tenté de leur trouver des motivations comme on se raccrocherait à la rive d’un fleuve en furie. Une jolie interaction entre deux gars qui s’emboîtent, se palpent et s’auscultent avant de se déshabiller mutuellement représente comme une motte herbeuse à laquelle on se cramponnerait. Mais bientôt, s’ensuit une scène de copulation collective dans les angles les plus improbables. Le groupe d’humains, aussi bariolé que le fouillis d’objets qui les entoure ressemble soudain à une sorte de décharge flottante. Une scène d’agapes aux oranges offre un nouveau répit avant que ne reprenne l’agitation hystérique….

À ce stade on a un peu abandonné l’espoir de discerner clairement de quoi on veut nous parler. Une fille en bas de survêtement rouge tire de manière répétée un grand gaillard par sa queue de cheval : l’effet est juste pénible.

Encore une scène paisible dans la lumière tamisée à laquelle succède un épisode de reptation avec bruit de basse-cour (bravo à la danseuse qui fait l’agneau!) et… de chimpanzé (on ne cherche pas à savoir pourquoi…) Une longue scène de pose grimaçante, un dernier petit tour « vociférant » et puis s’en vont … côté cour.

Où ce flot humain était-il censé nous conduire? La transposition de la pièce de Lia Rodrigues  de sa compagnie brésilienne avec ses thématiques de la favela s’est-elle perdue lors de sa transposition sur les corps d’un groupe de danseurs du Nord géographique et économique? Reste la désagréable impression de s’être retrouvé dans la position d’un spectateur voyeur de la fin du XIXe siècle pendant une représentation de danseuses épileptiques à la Salpêtrière.

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Excelsior de Salvo Lombardo : potache indigeste

Salvo Lombardo. Excelsior. Photographie Carolina Farina

« Excelsior », Salvo Lombardo. Musique Fabrizio Alviti. Théâtre Nationale de Chaillot, « Scènes d’Italie ». Jeudi 16 octobre 2020.

Excelsior, le ballet original de Luigi Manzotti, répondait tout aussi bien à une esthétique, le ballet-revue à grand spectacle, qu’à un état d’esprit, la foi dans les bienfaits du progrès technique, qui nous sont désormais étrangers. Le ballet original, pourtant largement documenté par son chorégraphe lui-même, a disparu. Il est aujourd’hui connu par une évocation-reconstruction créée dans les années 60 pour Carla Fracci, Ludmila Tcherina et Attilio Labis, toujours au répertoire de la Scala. Ce ballet est un curieux mélange d’allégories (la Lumière, l’Obscurantisme, la Civilisation etc…) et d’actualités d’époque (l’argument menait des horreurs de l’Inquisition au percement du tunnel du Mont-Cenis en passant par les merveilles de la Fée électricité. Le ballet, présenté en 2002 au Palais Garnier par le Ballet de la Scala en tournée, était une curieuse expérience chorégraphique. On en était ressorti à la fois amusé et groggy : la pièce, en six actes et onze tableaux, avait ses longueurs.

Dans le programme de l’Opéra de Paris, le metteur en scène de la reconstruction du ballet Filippo Crivelli disait : « Et le public – je parle du public d’aujourd’hui – suit. Peut-être, après, sourira-t-il, mais pendant le spectacle, « il marche ». Et de prévenir : « Désacraliser un spectacle comme Excelsior – désarmant d’optimisme – serait très facile. Il serait tentant de l’actualiser […] Dans les années 30, au Teatro San Carlo de Naples, on a bien fait de l’apothéose d’Excelsior un hymne à l’Italie fasciste ! »

Il n’empêche, sur le programme du Théâtre National de Chaillot, le nom d’Excelsior et l’idée d’une transposition à petit effectif, contemporaine et critique de ce mastodonte du positivisme, était tentante. Alors pari réussi ?

La pièce de Salvo Lombardo commence par l’audition d’une citation de Manzotti, mise en exergue de la première de son ballet à Milan, le 11 janvier 1881 : « Voici mon Excelsior que je soumets au jugement du public milanais cultivé.» Suit alors un film qui mêle assez habilement des images fin de siècle (notamment de l’exposition universelle de Paris en 1900), dont certaines choquent l’œil aujourd’hui telles ces braves dames jetant du pain à des enfants indiens comme on le ferait aux pigeons de la place Saint-Marc. Les images de progrès s’intercalent bientôt avec d’autres, témoignages des conflits et des catastrophes mondiales de notre « long XXe siècle ». La bande-son, faite de bruitages, rappelle peut-être que le compositeur d’Excelsior, Romualdo Marenco, fut l’un des premiers, avant Satie, à introduire des sons mécaniques dans sa pimpante partition.

Le rideau-écran se lève enfin! Mais on ne sait pas encore à ce stade qu’on a assisté à la partie la plus captivante de la soirée sur une fille en tee-shirt blanc à motifs de croix de la maison de Savoie (référence au costume de « la Civilisation » dans la production actuelle à la Scala). Elle chante la partition du ballet, rejointe par six autres comparses habillés chacun de manière très marquée, de Jenna la guerrière au cross-dresser punk en passant par le jeune homme indien au short de boxe taillé dans l’Union Jack (une référence au ballet des Nations de Manzotti). Chacun des sept danseurs de la troupe marque avec les mains une chorégraphie, celle de Manzotti ou de sa reconstruction. Ils sont rejoints par moment par des jeunes danseurs de formation classique pure (ceux du CNSM de Paris) comme pour rappeler les masses dansantes (plusieurs centaines au XIXe siècle) du ballet original.

Les citation du ballet original s’estompent ensuite. Des écrans en fond de scène et des éléments de décors (dont des plantes vertes) passent ensuite en revue les maux et préoccupations de notre époque. L’image vient souvent au secours de ce que la danse, un mélange quelque peu indistinct de technique contemporaine, de saccades du bassin et, accessoirement, d’acrosport, n’est pas en mesure de dire. On a souvent l’impression de voir un collage d’enchainements  travaillées en studio. On relève un duo entre un homme blanc avec chapeau de cuir à larges bords et le danseur indien Jaskaran Anand, au demeurant, très expressif coiffé d’une feuille de plante verte, qui lui donne un petit côté Vahiné de Gauguin. La référence nous paraît un peu lourdingue. Ce danseur est-il « L’exotique » du lot ou « La figure de l’altérité » ? ne meurt pas moins de deux fois sur scène au cours de la soirée…

Au bout d’une longue heure, où on n’aura pas échappé à la parodie de la danse classique (les piétinés avec couronne moche) et à la nudité sur scène, on ressort avec le sentiment qu’on nous a martelé, lourdement, que l’époque de l’optimisme était fini. On le savait déjà. Et ce n’est pas comme si la forme du spectacle nous avait mené plus loin que ce déprimant constat.

Excelsior. Photographie Carolina Farina. Danseur : Jaskaran Anand

 

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Malandain’s Ballet Biarritz. La Pastorale. The Taste Of What You See.

La Pastorale. Hugo Layer. Photograph by Olivier Houeix

« La Pastorale ». Théâtre National de Chaillot. Malandain Ballet Biarritz.  Choreography, Thierry Malandain. Music by Beethoven. December 13th 2019.

When the charming little rat from the film Ratatouille bites into a piece of tomme de chêvre de pays! and a ripe strawberry at the same time, he starts to feel pulsating energy and a multitude of colors begin to swirl around his head. He can even taste the flavor of fireworks. Whenever I get lucky enough to attend a ballet by Thierry Malandain, the tasty dance he weaves out of layering the infinite possibilites of flavorful steps always makes me feel like a Rémy at his happiest: some unexpectedly new and perfect combinations will certainly enliven my palate.

During his newest ballet, La Pastorale, twenty of the Malandain Ballet Biarritz’s magnificent dancers (first clad in slate-grey overdresses, then white shifts, then flesh-colored body-stockings) offered the audience a rainbow of imagery. Whether they swirled about with the same determination as the gods and goddesses of Greek myth or evoked creatures from the sea, the air, and the earth, what struck me was their iridescence.

In the first section, danced – sung by the body? – to Beethoven’s The Ruins of Athens, the dancers must negotiate a child’s flattened out and only horizontal jungle gym. Twenty-five spaces enclosed by metal barres are their playground. A recurrent motif: a full spine roll keeps being used to get under or over the waist-high barriers in order to embark into the next cube of defined space. Suddenly, the colors and the flavors hit me. I saw bluish and glistening dolphins at play, curving their backs and cresting the waves. But I also saw tawny cats and green caterpillars and black bats and long-tailed brown sloths as agile as birds on a wire, all of them caring little about the rules of gravity as is their wont, slinking and swinging themselves around their natural domain. Even if the staging is by definition frontal, the dance feels very “in the round.”

The second section, which took on Beethoven’s Pastoral Symphony (#6, in F major/Opus 68/1808), lifted the jungle gym up off the ground and let the dancers inhabit all the space of the stage. One travelling lift where a dancer’s legs are splayed across the shoulders of another swept my mind back to a childhood memory, a time when starfish had once been easy to find on the beach and were always gently placed back into the ocean. While watching Malandain’s groups roll in and roll out on the stage, I began to feel I could almost taste the sea: orange-red coral waving at me, purple and green sea-anemonies scrolling their tendrils in and out, and even a pair of prickly sea urchins (or stingrays? You decide).

La Pastorale. Thierry Malandain. Photograph by Olivier Houeix

As always with Malandain’s poetic humor, echos (not “quotes”) pay homage to the ecosystem of ballet. Here you will enjoy all of his references to the manner in which classic ballets took inspiration from how ancient mythology viewed our world, now paid forward: the Faun’s amphoric nymphs, Apollo’s overloaded chariot, the shape of the attitude as inspired by Mercury…indeed, Alexander Benois’s sets for Daphnis and Chloe could have served here.

Upon returning home, I dived back into my ancient copy of Grove’s Dictionary and found the following description about why Beethoven’s music works for us:

Beethoven’s ground pattern was first-movement form, an elaborate and by this time an advanced plan of procedure that made special demands upon its melodic material; to meet its purposes he chose subjects or themes that were apt for processes (repetition, dissection, dissertation, allusion and all the rest) by which fragmentary ideas could be worked into a continuous texture or argument. Beethoven brought into the type a variety, a significance and (for the craftsman) an expediency far beyond the inventive range that had served the needs of the previous generation […] Beethoven at his most reiterative is developing a line of symphonic thought, sometimes with great intensity.

If this description of what Beethoven wrought back then doesn’t describe what Thierry Malandain does today, I will now eat my hat. Along with a strawberry.

La Pastorale. Photographer, Olivier Houeix

You can still catch La Pastorale at the Théâtre de Chaillot until Thursday the 19th.

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La Pastorale de Malandain : géométries charnelles du Monde

La Pastorale. Hugo Layer. Photographie Olivier Houeix.

La Pastorale, Thierry Malandain. Musiques Ludwig van Beethoven (Symphonie n°6 « Pastorale », Cantate op.112, extraits des Ruines d’Athènes). Chaillot, Théâtre National de la Danse. Vendredi 13 décembre 2019.

Préambule. Histoire personnelle…

La Pastorale de Beethoven – aux côtés de l’Hymne à la joie – est sans doute le premier contact que j’ai jamais eu avec la musique symphonique. Sur son vieux pick-up, pas même stéréo, ma sœur aînée le passait en boucle. La platine était en hauteur, il fallait grimper sur le bureau pour atteindre les étagères où elle était posée et, ce qui m’intéressait le plus alors, regarder le disque tourner ou, à l’occasion, jouer avec le bras – peu d’entre eux m’ont résisté [j’ai appris l’emploi du tournevis en démontant un mange-disque, encore une fois pour en voir le bras]. L’intégrale de Beethoven était posée juste à coté d’une des baffles. C’était l’une des multiples versions Karajan. Elle était conservée dans une boîte en maroquin bordeaux-brun imitant les livres sérieux de la bibliothèque, ceux qu’il faudrait avoir lu plus tard. À force de l’écouter, la Pastorale et plus largement Beethoven sont devenus part de mon univers musical. Et pourtant, lorsque j’eus découvert le ballet, à l’occasion d’un Lac des cygnes, et que, la musique classique s’emplit dans mon esprit de rêves de mouvements, les symphonies de Beethoven restèrent étrangement à l’extérieur de ce monde. À l’écoute de sa musique orchestrale, aucun rêve de danse ne jaillissait. Je ne voyais que des formes géométriques, des parallèles, des symétries, des carrés, des ronds ; la sévère succession des blanches, des noires et des croches que je ne savais pas déchiffrer sur la portée. Les images qu’elles m’inspiraient étaient plaquées. Et ce n’est pas la IXe de Béjart qui aurait pu me faire changer d’avis : « cast of thousands » et idéaux grandiloquents. Voilà l’une des rares productions dansée par le ballet de l’Opéra que je ne suis pas allé voir. Beethoven, pensais-je, n’est pas un compositeur qui se danse… Une brèche dans cet a priori aura été la découverte de la musique de chambre du compositeur : alors que les symphonies se rattachaient plutôt au XVIIIe siècle savant, les trios pour piano étaient résolument XIXe, semblant parfois avoir été composés après la mort même du compositeur tant ils paraissaient modernes.

Autant dire donc que j’étais curieux aussi bien qu’appréhensif de ce que Thierry Malandain allait tirer de cette fameuse Pastorale.

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2019/10/14 Générale costume " La Pastorale " GDM

La Pastorale. Mickaël Conte et Irma Hoffren. Photographie Olivier Houeix

Dans la première partie du ballet, sur des larges extraits des Ruines d’Athènes, l’espace scénique est justement occupé par une structure éminemment géométrique. Un ensemble de barres de danse (un thème cher à Thierry Malandain) soudées entre elles, délimite vingt cinq alvéoles carrées. Recroquevillé au sol, « IL », Hugo Layer, occupe le centre de cette composition. Assis-perchés sur deux barres voisines, « Eux-Les Autres », Irma Hoffren et Mickael Conte, l’observent. Le dispositif est volontairement abscons. Layer est-il la figure de l’homme solitaire ? Ses deux comparses sont-ils perchés comme des vautours ? Pourtant, ils ne dégagent aucune agressivité à son encontre, de même que Nuria López Cortés et Raphaël Canet, les autres « Eux », qui les rejoignent bientôt. Le dispositif des barres figure-t-il une prison ? Mais il y a dans la chorégraphie des grandes envolées d’aspirations. Elles sont rendues tangibles par l’utilisation de généreux grands développés en quatrième devant et d’arabesques haut placées (qui vont particulièrement bien à Hugo Layer, dont on avait déjà apprécié la belle ligne découpée au laser, dans le rôle de Persée pour Marie-Antoinette en mars dernier à Versailles) qui s’élèvent au dessus de la contingence des alvéoles géométriques du décor. Force est de reconnaître qu’Hugo Layer et ses compagnons,  entre acrobaties de barres parallèles évoquant des poses d’envols et esquives par le dessous, trouvent une voie dans cette « prison » qui offre une certaine porosité. La solitude du danseur principal, celle de l’homme tout court, serait-elle plus de son fait que celui des autres ? Ces quatre « autres » ne montrent-ils pas la porte de sortie ? Est-ce ainsi qu’on doit comprendre les très belles redingotes noires boutonnées dans le dos, très saint-simoniennes, imaginées par Jorge Gallardo ? À un moment, Nuria López Cortés aidée par Raphael Canet lévite sur les bords du carré en marchant sur les barres. Irma Hoffren et Mickaël Conte glissent sur ces mêmes barres tels des gastéropodes essayant d’échapper à la marmite de saumure. Ce n’est pas la seule fois que le monde animal s’invite dans cette première partie. À un moment, les danseurs pendus la tête en bas sur les barres, évoquent par leur mouvement de tête des chauves-souris. Lorsque le groupe entier apparaît la première fois sur une partie chorale, mené par les deux frères ennemis Frederick Deberdt et Arnaud Mahoui (déjà Caïn et Abel dans « Noé », ici les « Numineux ») c’est avec une marche animale faite de hochement de la colonne vertébrale et de piétinés pris du genou qui martèlent le sol. Dans les alvéoles, on assiste alors à de véritables transes, fibrillations du haut du corps suivies d’effondrements soudains en position de tailleur.

Toute cette agitation secoue le carcan du décor initial qui finit par s’envoler dans les airs. « Eux » dépouillent « Lui » de son costume sombre et le laissent couché au sol dans une tunique transparente et immaculée, très simple sur le devant avec et de multiples pinces dans le dos, sorte de costume antique revisité. Ce très beau costume sera adopté par l’ensemble de la troupe pour la deuxième partie sur la Symphonie Pastorale de Beethoven qui donne son nom au ballet.

La chorégraphie de Thierry Malandain apparaît à la fois très fluide et très architecturée. Le nombre trois semble dominer ; les danseurs marchent par trois et « Lui » est désormais accompagné de trois Grâces. Encore plus qu’à une scène champêtre dans le style antique, on est, comme souvent chez Malandain, invité à une histoire de la Danse : on pense à l’Apollon de Balanchine, bien sûr (la pose du quadrige est citée mais développée lorsque tous les danseurs s’y greffent créant une ample constellation en éventail) mais aussi, au Faune de Nijinsky : pendant la bacchanale, les interprètes ont des mouvements qui évoquent l’ingestion gourmande de la grappe de raisin. L’ensemble de la troupe se tient les mains à la manière des nymphes bidimensionnelles de la chorégraphie révolutionnaire de 1912. Ils ressemblent alors à des notes sur une portée, prises soudain de la fantaisie de dessiner un lacet ou des volutes de clé de sol. Le Faun de Robbins n’est jamais très loin non plus : les danseuses marchent parfois en faisant de hauts retirés avec un bras sur l’épaule.

Les ports de bras, très stylisés – projetés en arrière, coudes et poignets cassés -, donnent à l’ensemble un aspect statuaire ; on pense notamment aux bas-reliefs de Bourdelle sur la façade du Théâtre des Champs-Élysées (deux d’entre eux représentant Nijinsky et Isadora Duncan) ou à ses statues mythologiques du jardin des Tuileries. Mais cette massivité de la pierre est comme contredite par la dynamique toute aérienne des sauts : temps levés ou grands jetés. On y remarque tout particulièrement Patricia Velasquez, petit concentré d’énergie explosive et de poésie saltatoire.

2019/10/14 Générale costume " La Pastorale " GDM

La Pastorale. Photographie Olivier Houeix

« Lui » se couche toujours souvent au sol mais semble plus agir désormais comme pivot de la chorégraphie qu’il ne le faisait au début. Toujours accompagné des deux couples du début, il interagit même avec Mickaël Conte dans un très beau duo où il est manipulé presque tendrement, durant un jeu de « brouette-poussette », par son partenaire. Mickaël Conte est fort bien choisi pour ce passage tant sa danse exsude la bonté ; une qualité singulière déjà visible pour son Louis XVI dans Marie-Antoinette.

Ce moment d’harmonie est contrecarré par le retour du noir, Deberdt et Mahouy dans un jeu agonal d’imbrications, sur « la Tempête ». Il préfigure le retour du sévère quadrillage des barres. Conscient désormais de sa dimension carcérale, Hugo Layer se retrouve un moment de dos, péniblement juché sur sa cambrure de pieds, les bas tendus vers le ciel, dans une pose de supplication.

Ce retour des barres n’est que subreptice. Sur la Cantate Opus 112, les lacets humains reprennent bientôt dans une atmosphère sereine. Les rondes, et avec elles le cercle et la spirale, figures de perfection, qui ont infusé toute la chorégraphie – et aussi, inopinément et drolatiquement, la scénographie -, réapparaissent aussi. Le corps de ballet, couché au sol « accueille en amie la nuit étoilée » dans des tuniques chair scintillantes.

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Épilogue…

Alors, suis-je réconcilié avec le corpus symphonique de Beethoven après La Pastorale de de Thierry Malandain ?

Eh bien J’ai vu des « parallèles, des symétries, des carrés, des ronds… », «…des blanches et des noires… sur une portée que je ne sais – toujours pas – déchiffrer ». Mais les abstractions d’autrefois avaient pris le relief et la consistance de la vie. Pour Thierry Malandain, « la beauté du monde », son « harmonie », passe par l’histoire de l’humanité dansante. Je ne peux qu’approuver.

2019/10/14 Générale costume " La Pastorale " GDM

La Pastorale. Photographie Olivier Houeix

La Pastorale de Thierry Malandain, c’est encore cette semaine au théâtre de Chaillot, les mardi 17, mercredi 18 et vendredi 19 décembre. Courez y!

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Le Songe de J-C Maillot : fleur contondante

Le Songe. Jean-Christophe Mailot. Ballets de Monte Carlo. Théâtre national de la Danse. Chaillot. Soirée du samedi 9 juin 2018.

Jean-Christophe Maillot défend depuis plusieurs décennies un style néoclassique très vitaminé placé quelque part entre Balanchine (celui des ballets noir-et-blanc) et la veine acrobatique d’une Karole Armitage ou d’un William Forsythe. Ses relectures peuvent être inspirées et roboratives (c’était le cas de son Roméo et Juliette ou de sa Belle) ou, plus occasionnellement, alambiquées. C’était le cas de son LAC, présenté à Chaillot en 2014, où la relecture de l’histoire était rien moins qu’éclairante et où l’incontestable efficacité technique des danseurs du ballet de Monte Carlo écrasait un peu la poésie du sujet initial. Dans Songe, une pièce de 2005, cette technique athlétique avec multiples pirouettes sur pointe pour les filles, pyrotechnie pour les garçons et partenariat acrobatique convient bien au rythme haletant du chassé-croisé amoureux imaginé par Shakespeare.

Le ballet s’ouvre d’ailleurs sur un « septuor » des futurs mariés princiers. Costumes et décors « statuesques » feraient presque penser à l’esthétique du Phèdre de Lifar et Cocteau. Les quatre jeunes amoureux, vêtus de costumes couleur pierre, assortis à la résolution finale de la comédie : gris clair pour Hermia et Lysandre, gris plus foncé pour Helena et Demetrius. Hippolyte et Thésée sont en blanc, placés sur une estrade-cube. Le septième personnage est Egée, le père d’Hermia, un personnage souvent coupé dans les versions dansées de la pièce de Shakespeare. Tous ces protagonistes ont leur nom inscrits en grosses lettres sur leurs oripeaux. Le chassé-croisé amoureux sur la partition de Mendelssohn est bien troussé. Hermia (Alessandra Tognoloni) et Lysandre (Matèj Urban, puissant et élégant à la fois) voltigent, perturbés dans leurs évolutions par Egée, père encore très vert et un tantinet abusif (technique de jeune homme parfaitement servie par Christian Tworzyanski, un ancien danseur du New York City Ballet), Héléna (Victoria Ananyan) se retrouve plusieurs fois accrochée en saut de biche dans les positions les plus inattendues au cou de Démétrius (le très expressif George Oliveira). Hippolyte et Thésée (Katrin Schrader et Alvaro Pietro) filent une chorégraphie dans la même veine « haute voltige » avec une inflexion plus sensuelle.

Le Songe. Ballets de Monte Carlo. Photographie Alice Blangero.

Pour le monde des fées, la technique n’est pas foncièrement différente en dépit de l’utilisation d’ondulations de la colonne vertébrale et du sacrum ainsi que de passages au sol. C’est plutôt un infléchissement. Le décor est constitué de deux quarts de lune-tremplins qui s’opposent à ceux, angulaires, qui accompagnent le monde des humains. La musique de Daniel Teruggi, à base de bruits « samplés », est efficace pour portraiturer ce monde d’insectes grouillants et virevoltants. Par moments, des sortes de cornes de brume stridentes servent de son aux cris muets d’agression ou de défense des danseurs. C’est que ce monde des elfes est un monde débridé où les pulsions sont reines. Titania (la très élastique Mimoza Kao), accompagnée de son ondulante suivante-page (Anissa Bruley) est une sorte de limace lascive. Obéron (Joeyong An) est un fier-à-bras qui caresse avec délectation tous ses appendices (deux cornes sur le front et une barbiche au menton). Il terrorise et maltraite son compagnon Puck (le bondissant Mickaël Grünecker, plein d’abattage) affligé d’un constant dodelinement nerveux du chef et d’une manie de tirer sur les soies violettes de sa chevelure. Cette violence répétée sur la personne de l’elfe rencontre sa limite au bout d’un moment (même Lysandre, sous influence, violente Hermia d’une manière presque insoutenable). Heureusement, la trouvaille visuelle de la Puckomobile, fleur à roulette géante crachotant laborieusement sa fumée magique, vient apporter un peu de légèreté dans tout ce déploiement de force.

Le Songe. Ballet de Monte Carlo. Photographie Alice Blangero.

Mais la partition chorégraphique et musicale du Songe qui touche le plus au cœur du rire est celle des artisans. Gens de théâtre, même improvisés, ils donnent de la voix, même si c’est le plus souvent pour prononcer des paroles incompréhensibles. Les costumes pour leur première entrée sont sans doute les plus réussis de la production : moitié humains, moitié instruments (soufflet, marteau, compas…). Le Passage entre Nick Bottom (Asier Edeso, plein de fougue, de charme et d’humour) et Titania est d’une bestialité jouissive. Le tisserand métamorphosé en bourricot porte les oreilles aux coudes et est affublé d’une corde-organe à pompon qui caresse Titania sur toutes ses parties intimes. Ses trépidations accompagnées de petits cris entraînent dans son sillage la reine des elfes, tour à tour étranglée ou en commande de l’appendice. Voilà sans doute la scène la plus authentiquement drôle et troublante de bestialité qu’il nous ait été donné de voir dans un Songe d’une nuit d’été dansé. Les autres comparses ne sont pas en reste. Pour la « tragédie de Pyrame et Thysbé » – avec accouchement drolatique des mères des deux héros, lion loufoque, lune en latex, arbre-mur poétique et Thysbé dragqueen en coquet jupon de dentelle – les protagonistes ravissent par une gestuelle par tressautements à la fois dérisoire et touchante.

Le Songe. Ballets de Monte Carlo. Photographie Alice Blangero.

On rit beaucoup.

Mais, la noce, elle, n’apprécie pas. Et les pauvres artisans sont, eux aussi, rudoyés. Le Songe de Jean-Christophe est décidément plein de violence sociale.

Était-ce absolument nécessaire ?

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Pneuma Bordeaux Chaillot : Paradis artificiels

Chaillot2Pneuma, Carolyn Carlson (musique Gavin Byars, Scénographie Rémi Nicolas). Ballet de l’Opéra National de Bordeaux. Théâtre National de Chaillot. Représentation du 17/02/2016.

Il y a de bien jolies images dans le Pneuma de Carolyn Carlson, une création pour le ballet de l’Opéra de Bordeaux de 2014 présentée cette semaine à Chaillot. À un moment, un danseur, monté sur un piédestal, gonfle des ballons blancs puis les laisse s’échapper. Ces formes blanches subreptices disparaissent de notre vue telles des bulles de savon. Dans un autre, les garçons marchent tour à tour en l’air sur les bras croisés de leurs partenaires. Ils semblent suspendus entre ciel et terre. Toutes ces images sont véhiculées par une chorégraphie de facture « contemporaine traditionnelle » sur la musique « atmosphérique » de Gavin Bryars: les jambes font des choses somme toutes assez classiques – de nombreux temps levés avec les bustes volontairement présentés de face. Parfois les bras initient des volutes qui entraînent le corps dans le mouvement. Des penchés secs brusques du buste mettent en valeur des développés de la jambe en arabesque penchée. Les masses sont gérées avec une grande fluidité. L’objectif de perpetuum mobile est sans conteste atteint.

Dans sa présentation sur la brochure distribuée à l’entrée de la salle, la chorégraphe cite un de ses auteurs fétiches, Gaston Bachelard : « La valeur d’une image se mesure par l’étendue de son aura imaginaire ».

Pour susciter cette aura imaginaire, Carolyn Carlson a recours à une scénographie extrêmement élaborée avec cubes de plexiglas rangés en escalier, arbre suspendu dans les airs, herbes folles amovibles et tapis de gazon postiche. Une jolie créature en perruque poudrée, fardée et parée d’une robe aux pans très graphiques, minaude avec la grâce d’une marquise rococo 1910 croquée par Jules Barbier. Un inquiétant corbeau se résumant à ses deux ailes est son exact contrepoint. Les images se succèdent donc, exquises, mousseuses et – souvent un peu trop intentionnellement – poétiques.

Au bout d’un moment, on regrette de ne jamais voir les danseurs se voir offrir une place plus individualisée. Il n’y aura pas, durant les 80 minutes sans entracte que dure cette pièce, de solos ou de duos à proprement parler. Les danseurs sont de jolis motifs de chair qui animent un décor précieux comme un jardin japonisant dans un cossu penthouse new-yorkais.

Au bout d’un moment toutes ces beautés un peu « hors sol », qui ne s’évadent jamais totalement des artifices du théâtre, finissent par vous mettre dans un état d’attention flottante. L’esprit s’échappe. Cela pourrait être positif. Mais les méandres de la pensée s’envolent loin  de la chorégraphie et des danseurs qui la servent pourtant avec beaucoup de grâce…Dommage, les danseurs justement ne manquent pas de personnalité ; les garçons surtout. Alvaro Rodriguez Piñera ressort du lot même lorsqu’il met une paire de lunettes, Oleg Rogachev a le tempérament élégiaque et Neven Ritmanic est remonté comme un ressort de pendule. Avec eux, « les couches supérieures de l’atmosphère : nuages, étoiles, soleils, pluies, lunes … » dont parle la chorégraphe auraient été toutes trouvées.

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