La Sylphide: Au cœur du drame

Pour la dernière de la saison à Garnier, quelques sorcières passent en arrière-plan à la poursuite des sylphides, puis à leur place. La blague est si discrète que peu la remarquent. C’est aussi que l’attention se porte ailleurs. Dès les premières minutes de la représentation du 16 juillet, on est happé par la cohérence dramatique de la distribution réunissant – pour une seule fois – Vincent Chaillet, Hannah O’Neill et Valentine Colasante.
Le James de Chaillet change d’humeur aussi rapidement que le ciel écossais : un instant sous le charme de la Sylphide, il change de visage dès qu’un détail le rappelle à ses devoirs, et la congédie durement. Les qualités d’articulation du premier danseur, déjà remarquées ici par le passé, rendent attentif aux moindres inflexions du drame : le pas de trois est d’une troublante intensité parce que rien n’est joué. James fait montre de réels élans vers Effie – Valentine Colasante lui prête de charmants et très maîtrisés ports de tête –, et entre les deux pôles féminins, le faisceau de la balance ne cesse d’osciller. Le trio réussit à rendre lisible tout le paradoxe du premier acte : le contraste entre les deux rivales est joliment planté, et pourtant James tend parfois à les confondre (n’est-ce pas du moment qu’elle se pare du châle d’Effie que la Sylphide gagne un bisou sur le front ?). Au second acte, James continue d’être en porte-à-faux, imposant dans le domaine sylvestre des sylphides une notion de possession qui n’y a pas cours (la danse incisive de Chaillet passe joliment, il n’apparaît en danger que lors du grand manège de la coda).
La Sylphide d’Hannah O’Neill convainc aisément ; ses bras ne sont pas que gracieux, ils racontent une histoire (par moments, on dirait qu’elle cueille des fleurs : elle n’est pas alors un personnage tout uniment aérien, et apparaît comme une créature de la forêt). L’intelligence dramatique – rouerie au premier acte, inconscience au second – est au rendez-vous, même si on est dérouté par un regard trop souriant lors de la scène de la mort.
Rétrospectivement, Hugo Marchand (7 juillet) apparaît comme un James de second acte, dès l’origine aspiré par le rêve et l’aérien : sa danse généreuse s’y déploie à plaisir. La Sylphide d’Amandine Albisson – jolis ralentis aux bras, petite batterie minutieuse – fait un peu grande dame (on voit le collier et les bracelets de perles plutôt que la couronne de fleurs). C’est joli mais pas très émouvant. Germain Louvet et Léonore Baulac, un peu fébriles le 9 juillet, auront sans doute le temps d’approfondir leur rôle : j’ai vu surtout des danseurs et pas des personnages.

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