Robbins-Ek. Dances at a Gathering. Soirée du 17/03/2012
Il est des soirées où l’on se rend par avance avec une moue désabusée. Le retour de Dances at a Gathering, qui m’avait laissé une impression si inoubliable lors de son entrée au répertoire dans les années 90, ne me semblait pas intervenir au moment le plus propice. Il y a vingt ans, Robbins était venu personnellement remonter son ballet et il était exigent jusqu’à l’obsession, les danseurs qu’il avait choisi étaient des valeurs sûres, pour la plupart distinguées par Rudolf Noureev. Or, le ballet de l’Opéra est, depuis bientôt une dizaine d’années, dans un état transitoire. Les danseurs à la marge de l’époque Noureev sont partis ou sur le départ, ceux qui les ont remplacés, tout talentueux qu’ils soient, ont eu des carrières quelques peu tronquées, que ce soit par des blessures, de la dispersion ou enfin par des non-promotions dont on se gardera bien de déterminer la raison. La reprise de Dances allait-elle être entachée par un sentiment d’incomplétude ou par un manque d’homogénéité ? Mais samedi soir…
Samedi soir, le miracle s’est produit à nouveau. Un miracle, ça n’a pas forcément besoin d’être sensationnel. Cela peut juste se manifester par une légèreté, par un parfum (une odeur de sainteté). En brun, Mathieu Ganio n’a peut-être pas l’incisive précision de jambe d’un Manuel Legris, mais sa coordination de mouvement et le naturel de ses ports de bras sont tels qu’il incarne le parfait poète du groupe. Un poète qui n’est d’ailleurs pas sans malice. Tout angélique qu’il paraisse au premier abord, il semble bien qu’il ait chipé la primesautière danseuse rose – Clairemarie Osta, en suspension durant tout le ballet – au danseur violet, – Nicolas Le Riche, qui retrouve pour l’occasion les qualités juvéniles et bondissantes de ses débuts. Le concours de cabotinage entre ces deux enfants de cœur n’en a que plus de saveur et le pas de deux entre violet et rose, pendant la scène de l’orage, résonne du sourd glas des regrets.
La révélation de la soirée aura été pour moi la danseuse jaune de Nolwenn Daniel, enjouée, fine et précise mais surtout musicale. Son personnage traverse le ballet avec assurance et ce regard distancié et amusé qui était jadis celui d’Isabelle Guérin. Et tant pis si Eve Grinsztajn se trompe un peu de partition dans la danseuse mauve, moins vierge contemplative que séductrice assumée. On comprend néanmoins que le danseur vert (Benjamin Pech, flegmatique et élégant) succombe à ce piège du démon. Pendant ce temps, Agnès Letestu, en vert amande, est une Madeleine impénitente qui nous séduit moins que l’avait jadis fait Claude de Vulpian. Mais c’est faire la fine bouche. Daniel Stokes aux qualités indéniables est peut être encore peu expérimenté pour boire au calice de l’excellence dans le danseur en rouge brique, mais son inexpérience même magnifie la jeunesse de son personnage ; cette jeunesse, cette fraîcheur de lys déjà évidente à chaque apparition de Mélanie Hurel aux côtés de Nicolas Paul.
L’état de grâce de cette représentation m’a fait me féliciter de n’avoir qu’une seule fois pris des places pour ce programme. Cette communion des interprètes qui respirent la danse de la même manière, et qu’on aurait aimé voir d’avantage soutenue par la pianiste, est chose rare de nos jours où les miracles ne se reproduisent plus à date et à heure fixe.
Visiblement, vous êtes tombé sur la bonne distribution!
j’avais déjà été assez charmée par celle de la première, mais j’imagine avec Osta, et Le Riche ce que l’ensemble devait donner!
Belle découverte aussi de Mélanie Hurel dans ce registre!
Oui, Shana, je le pense aussi. C’est pour cela que je ne renouvellerai pas cette saison. Je vous ai lu sur DeF et j’ai vu que la votre était plus inégale. J’ai le sentiment que Mélanie Hurel aurait également pu être une charmante danseuse en vert amande.
J’ai lu la critique d’Appartement par Fenella, et maintenant… je suis perdu! Je voudrais bien voir Dances et decouvrir les nouveaux danseurs (Nolwenn Daniel! Eve Grinsztajn! Daniel Stokes!) mais si il faut voir Appartement aussi? Non, merci… Question: Was it worth it? (j’espere oui!)
Nolwen Daniel n’est plus une nouvelle dans la compagnie, loin s’en faut.
On en revient à ce que disait Fenella dans son « very biased aperçu » de ce programme: faut-il venir pour Dances et partir à l’entracte?
Si j’avais eu des places pour une deuxième soirée, je crains bien que c’est ce que j’aurai fait…
alors, la reponse est « il faut le voir… une fois » 😉
Une fois et c’est tout. Trust James 😉
I always trust James!