Lander-Forsythe ( soirée du 23/09)
Cela promettait d’être la sensation du début de saison. Pensez! Amandine Albisson, la dernière étoile nommée au firmament de l’Opéra débutait dans Études aux côtés de deux jeunes loups montants de la compagnie : (Pierre-) Arthur Raveau et François Alu. Qu’en a-t-il été? Cela a débuté sur un mauvais présage assaisonné par un torrent de fausses notes de l’orchestre (mention spéciale au pupitre des vents qui nous ont infligé allègrement depuis deux soirs force flatulences sonores). Passé le petit délice des battements et ronds de jambes par les tutus noirs du corps de ballet, Amandine Albisson a commencé par faire une bourde inexcusable. Après que ses deux partenaires, placés à ses côtés sur cour et jardin lui ont baisé la main, elle a remercié la cour (Alu) mais pas le jardin (Raveau).
Un détail? Non. Dans Etudes, l’un des intérêts du ballet réside justement dans ce curieux triumvirat d’étoiles qui nous sort du traditionnel schéma couple-corps de ballet du ballet classique. La façon dont la ballerine interagit avec ses deux partenaires a une grande importance. Elle peut se montrer souveraine et recentrer l’attention sur elle (jadis Platel excellait dans ce registre) – les gars ne faisant toutes ces acrobaties que parce qu’ils sont des gars et qu’il faut bien que jeunesse se passe – ou se montrer coquette et mettre ses deux partenaires en concurrence (Lestestu semblait dire « vous êtes deux fous, mais je vous aime bien »). Avec Albisson, on était bien en peine de trouver une quelconque histoire. Dès sa première entrée, le rayonnement était en berne à l’instar de la confiance en soi. Une curieuse malédiction semble toucher cette talentueuse danseuse dès qu’elle aborde un rôle en tutu à plateau. Il y avait pourtant de très jolies choses à voir mais c’était comme si on pouvait anticiper le moment où l’accroc aurait lieu. Dans la variation, cela commençait pourtant bien avec d’impressionnants déboulés achevés par un impeccable équilibre sur pointe en arabesque mais les sautillés avec passage de l’arabesque à la quatrième devant par le raccourci sont ensuite retombés de pointe. La fin de l’enchaînement de fouettés (pourtant simplifié comme au soir de la première) fut ratée et la fin du solo bien mollassonne. L’épisode romantique, en tutu long, était plus à l’avantage de la danseuse. Ses tours planés étaient délicieux et son pas de deux avec Arthur Raveau était finement exécuté, avec une excellente musicalité et un soupçon de narration – introduit, il est vrai par son excellent partenaire.
Dès lors que la ballerine était aux abonnés absents, on a dû se reposer sur les deux danseurs principaux. Et là, on a buté sur l’incommunicabilité de leur style. J’aime assez voir Arthur Raveau et François Alu interpréter le même rôle sur deux soirées différentes : c’est toujours voir une même chorégraphie sous deux lumières contrastées. Mais sur le même plateau, leurs qualités personnelles parasitent celles de l’autre. L’élégante réserve du style de Raveau – très école française -, sans doute accentuée hier par l’effet « débuts », paraissait un peu « contrainte » face à la débordante activité déployée par Alu. À l’inverse, le bouillonnement de ce dernier tirait sur le brouillon (la suspension des sauts pourrait être préférée à leur hauteur), voire le cochon (les genoux pas toujours tendus) comparé à l’admirable précision de la batterie du premier.
Ce faux pas aurait-il pu être évité? En regardant Woundwork avec la même distribution que la première, je me suis pris à rêver à ce qu’aurait été l’Études d’Amandine Albisson soutenue et mise en confiance par deux danseurs expérimentés comme Mathieu Ganio et Hervé Moreau. Les énergies contraires d’Alu et de Raveau n’auraient-elles pas tourné à l’émulation sous la houlette d’une Laëtitia Pujol ou même d’une Aurélie Dupont? Sans doute. Mais pour cela, encore aurait-il fallu que la direction sortante – qui voudrait qu’on se souvienne qu’elle « a bien travaillé » – ait fait son boulot. Associer les générations de danseurs pour assurer la transmission de l’héritage et ne pas laisser les étoiles lâcher le grand répertoire classique sous prétexte qu’elles s’y sont blessées jadis, qu’elles ont dépassé l’âge du Christ ou encore qu’elles ont eu « une mauvaise expérience de répétition » lors de la dernière reprise…
Bref! Il va falloir remettre de l’ordre au firmament de l’Opéra.
Je souscris délecté à cette encoche scripturale décochée dans le tulle ou du moins le bigarré dont souvent Forsythe est paré ….Une déception , mais qui n’en a pas , après un spectacle plus panaché que de panache ! Nicolas Le Riche se préoccupe dit-on du maintien du patrimoine classique de l’Opéra mais Forsythe tout de même ?!!! Des émerveillements de fait dans » Etudes » où la triade stellaire m’a ému . Pour autant rarement le mot » Woundwork » a-t-il rarement été ainsi sémantiquement investi ! Je vous approuve : le firmament doit rester ciel et les cieux semblent fragiles pour qui comme moi balletomane millésimé a défailli en voyant Sylvie Guillem abolir l’apesanteur et inventer la grâce dans » In the middle somewhat elevated » en novembre 1995 au théatre des champs élysées qui ,lui avant ,hier m’a offert un joyau qui s’appelait Kylian …!!! Marc Acquaviva ( Acquapagina le pseudo je crois …)
Il est vrai qu’il est difficile d’occulter les grands souvenirs de nos premières générations d’artistes. Ils avaient confiance en leur étoile et cela se sentait sur scène. Espérons que les danseurs actuels seront plus soutenus dans leur parcours qu’ils ne l’ont été ces dernières années.
Je vous trouve bien sévère avec ces jeunes ! moi j’ai passé une excellente soirée ! il faut dire que je regarde la beauté et pas les quelques petits faux pas !
Vous êtes bienheureuse! 🙂