
The Sleeping Beauty, fin de l’acte 2. Sarah Lamb et Steven McRae. Photographie Johan Persson. Courtesy of Royal Opera House.
Le mercredi 19 mars, le Royal Ballet de Londres présente en mondiovision sa version de la Belle au bois dormant. Les Balletonautes connaissent cette production qu’ils ont vue en 2009 et en 2011.
Bien sûr, même avec les « insights » en coulisse pendant les entractes vous ne bénéficierez pas tout à fait de l’ambiance de l’Opéra royal un soir de grand ballet d’action. James se souvient encore de cette matinée où
« On peut admirer en prime la plus forte concentration de petites filles en robe pastel et serre-tête assorti de tout l’univers. Le spectacle est un peu trop long pour les plus jeunes des spectatrices (3 heures, entractes compris), mais leurs chuchotis restent bien sages (bravo l’éducation anglaise…). Il y a aussi quelques petits garçons, mais ils avaient tous l’air de se barber très dru. Autre curiosité: vendredi soir, malgré une moyenne d’âge dans le public diablement plus élevée, il s’est trouvé des tas de gens pour huer Carabosse, comme on le fait du méchant au Guignol. »
Mais même tronquée de l’incomparable kitsch anglais, la Belle au Bois dormant par le Royal reste une expérience incontournable. Les Balletonautes, dans un souci de service public, vous donnent quelques tips (pour donner dans l’anglo-saxon et surtout dans le snobisme) sur cette version londonienne, fort éloignée de la version parisienne.
À quoi devez-vous vous attendre?
Une chorégraphie composite mais efficace.
La version Royal Ballet de la Belle au Bois dormant, à défaut d’être une version très pure (on trouve au moins trois chorégraphes qui y ont créé des numéros additionnels), est néanmoins une fort belle réussite. Une petite coupure par-ci (la plupart du temps les reprises de thèmes), une petite entorse dynamisant la tradition par là (la valse des fleurs revigorée par l’intervention de Christopher Wheeldon qui amplifie les entrelacs de groupe sans les complexifier à l’œil), par-dessus tout, un travail de pantomime dans le goût anglais, pour une fois bien mesuré (Anthony Dowell), et cette expérience fastidieuse que peut être parfois une Belle devient un plaisir sans partage.
Une production qui regarde résolument vers le passé
La production est très classique, et pour cause. Elle se veut une interprétation fidèle de celle qui a signé l’entrée définitive du Sadler’s Wells de Ninette de Valois à Covent Garden après le second conflit mondial. Dans un décor de toile peinte évoquant des architectures à la Panini, les costumes d’Olivier Messel ont un petit côté désuet et charmant ; corolles plutôt droites à trousses basse sur les hanches, nombreuses applications de motifs, de pompons, sur les corsages et les tutus. La transposition de ces conventions anciennes dans des matériaux contemporains n’est pas toujours très réussie. Les costumes peuvent sembler parfois trop ornés au vu de leur légèreté apparente. Mais qu’importe, l’effet d’ensemble est juste.
Ce qu’on peut attendre des rôles principaux
Les Balletonautes n’ont pas vu le couple Lamb-Mc Rae mais ils ont pu apprécier séparément ces deux danseurs dans « le ballet des ballets » (quand on est Français, on se doit toujours de citer le grand Rudolf).
Cléopold avait déjà rendu compte de l’Aurore de Sarah Lamb lors d’une représentation le 11 novembre 2011 aux côtés de Ruppert Pennefather.
Selon lui :
« L’interprétation de cette ballerine était étonnante dans sa progression. Au premier acte, son entrée était empreinte d’un charme enfantin grâce à sa grande vélocité. Sa pantomime dansée était tellement limpide qu’elle semblait dire les mots les mots qu’elle mimait à ses parents « comment, me marier ? Vraiment ? … Soit ». Son adage à la rose était donc teinté de charme mais aussi d’une petite pointe de bonne volonté qui disait bien que même le prince anglais (dans la version Royal Ballet, il y a un prince principal et trois consorts) n’était pas totalement à son goût. On pouvait pressentir la force de sa volonté par ses équilibres assurés aussi bien en attitude statique qu’en promenade et par sa diagonale de chassé-développés sur pointe. Dans sa variation, c’était l’alternance de poses délicates et gracieuses et de pirouettes précises et centrées qui laissait présager de la dualité de cette princesse. On l’aura compris, chez Sarah Lamb, c’est la façon dont la technique est rendue signifiante qui fait la beauté d’une représentation. De fait, entre grâce, tension et abandon, sa variation de la tarentule était extrêmement expressive et touchante. » […]
Au troisième acte…
« Voir Aurore-Lamb se lancer sans la moindre hésitation dans les pirouettes achevées en poisson était un régal. Les variations teintent comme du cristal qu’aurait égaillé ce nouveau breuvage à la mode à la cour de Louis XV : le champagne. »

Steven McRae in THE SLEEPING BEAUTY, The Royal Opera House, London, UK, 2011, Credit: Johan Persson / Courtesy of ROH
C’est James qui avait eu la chance de voir Steven Mc Rae, alors récemment promu, en 2009. Il avait été conquis.
« Pour sa deuxième prestation dans le rôle, il fait montre d’une belle maturité, notamment dans sa méditation solitaire de l’acte II, et d’une grande légèreté dans les sauts. Son manège dans l’acte du mariage soulève l’enthousiasme. »
Voir la « petite merveille du moment » le lendemain, en la personne de Sergei Polunin, n’avait pas réussi à effacer le souvenir de McRae.
« Quant à Polunin, j’ai été à la fois ébloui par la danse et déçu par l’interprétation. On le regarde sauter bouche bée, mais il en fait trop, et c’est comme extérieur au rôle, tandis que les sauts de McRae – qui ne sont ni moins beaux ni moins hauts – sont pure joie de trouver l’âme sœur. »
Ces deux artistes auront sans doute peaufiné et encore approfondi leur interprétation. Cela promet une bien belle soirée.
En France, cela commence à 20h15 (décalage horaire oblige). Pour trouver un cinéma à proximité, cliquez ici. Pour un livret et une distribution des principaux rôles solistes, c’est là.
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