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Alvin Ailey à Paris : Filiations et comparaisons

Alvin Ailey American Dance Theater – Étés de la danse. Soirée du 3 juillet : Night Creature, In/Side, Takademe, The Hunt, Love Stories; Soirée du 4 juillet : Arden Court, Urban Folk Dance, Home, Revelations.

Dans Alvin Ailey American Dance Theater, tous les mots ont un sens. Il y a le père fondateur, dont les créations irriguent la compagnie, sans la limiter. La physicalité du répertoire et des danseurs. La présence d’une dimension narrative ou dramatique dans les chorégraphies. Sans oublier l’américanité, saillante dans le choix des musiques, perceptible dans l’excès voire l’ostentation du geste, visible aussi dans l’absence d’inhibition face au mélange des genres : extraversion et religiosité, âpreté et optimisme, conflits et consensus, affirmation de soi et attention aux différences.

Le programme du 3 juillet (qui sera également repris le 6 et le 20) ressemble à un parcours intelligemment fléché dans l’histoire de la compagnie. On déroule la pelote avec Night Creature (Alvin Ailey/Duke Ellington, 1974), du pur sexy seventies en apparence, complètement classique en vérité, avec la longiligne Alicia Graf Mack en figure de proue indépendante (pas besoin d’homme pour finir de danser). Le filon jazzy se poursuit avec In/Side (2008), dansé cette fois par Kirven James Boyd. Le danseur projette une impression de fragilité beaucoup plus grande que Jamar Roberts (qui dansait cette pièce le 30 juin), et on le sent moins tiraillé par des forces contraires que balloté par le vent. Il danse comme une toupie qui s’écroule, le visage déformé par la douleur. La chorégraphie de Takademe (1999), autre courte pièce de Robert Battle, alterne percussion et respiration, comme la voix humaine (avec Jamar Roberts le 3 juillet). Hunt (2001), toujours de Battle, sur une musique des Tambours du Bronx, réunit six hommes en jupe de samouraï et exhibition de testostérone bientôt apeurée. À un certain stade, on ne sait plus qui est chasseur et qui est chassé. Il y a chez Battle un style personnel – une sollicitation très précise du torse, des bras, des mains et de la tête – mais aussi une grande musicalité – la gestuelle change du tout au tout entre In/Side et Takademe. Et puis, les ressources des danseurs ne sont pas utilisées gratuitement, mais mises au service d’une intention dramatique.

En cela, le nouveau directeur artistique de la compagnie s’inscrit clairement dans la continuité d’Alvin Ailey et de Judith Jamison (qui lui a passé le relais il y a un an). C’est précisément ce que met en relief  Love Stories (2004), dont la construction fait écho à l’histoire de l’AAADT: les débuts modestes, avec séances de répétition où s’inventent les fondamentaux de la compagnie (chorégraphie de Judith Jamison), la greffe hip hop (2e partie de Rennie Harris) et la synthèse porteuse d’avenir (Robert Battle en 3e partie). On ne se réveillera pas la nuit pour repenser à Love Stories, mais Stevie Wonder donne la pêche.

Par contraste, les chorégraphies d’Ulysses Dove paraissent bien plus sombres, tout en s’inscrivant de plain-pied dans l’histoire de la compagnie. Vespers (1986) réunit six femmes en lutte pour la reconnaissance. C’est âpre, athlétique et expressif (soirée du 30 juin), tout comme Urban Folk Dance (1990), qui met en scène conflits de couple et solitude urbaine. On pense à Edward Hopper.

Lors de la représentation du 4 juillet, Home durait 22 minutes (soit 4 de plus que le 30 juin, la partie méditative du début est plus longue). Le thème du ballet – Fight HIV Your Way, titre d’un concours dont Rennie Harris illustre les propositions  – est toujours aussi discrètement amené, et cette fois encore le public applaudit à contretemps. Tout d’un coup, surgit dans l’esprit un parallèle avec l’œuvre de Bill T. Jones : son Still/Here (1993) regarde la mort en face. Bien obligé. Home (2011), par contraste, c’est plutôt « la vie malgré tout ». Autre époque, autres enjeux. La comparaison ne s’arrête pas là, car Bill T. Jones avait puisé son inspiration dans une série d’ateliers chorégraphiques réunissant des personnes confrontées à des maladies graves (pas forcément le sida). Le processus est retracé dans un documentaire extraordinaire, utile à revoir en contrepoint.

AAADT - Night Creature - Photo : Krautbauer

AAADT – Night Creature – Photo : Krautbauer

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Alvin Ailey à Paris : Apéritifs et plats de résistance

Alvin Ailey American Dance Theater - Kirven James Boyd. Photo by Andres EcclesAlvin Ailey American Dance Theater – Étés de la danse. Soirée du 25 juin : Arden Court, Minus 16, Streams, Home (extraits), Journey, Takademe, Revelations.

Soirée du 30 juin : Home, Vespers, In/Side, Minus 16.

La vraie soirée d’ouverture des Étés de la danse a eu lieu à l’occasion de la première représentation du Alvin Ailey American Dance Theater lundi dernier. La Paul Taylor Dance Company, dont la venue à Paris était pourtant un événement rare, n’aura pas eu droit à tant d’honneur. Mais il y a une logique à cela : le Châtelet, théâtre à l’italienne, se prêtait sans doute bien mieux que la salle frontale de Chaillot à un hommage au mécénat. Et puis, le répertoire du Alvin Ailey a peut-être paru plus propre à la célébration joyeuse que les pièces de Paul Taylor.

Mais cette idée est réductrice, et l’on mesure, à voir certaines pièces en extrait un soir, et en entier quelques jours après, à quel point le saucissonnage mondain propre aux galas dénature la perception.

Ainsi de Home, chorégraphie de Rennie Harris créée le 1er décembre 2011. Amputée de ses six premières minutes, ce ballet inspiré du hip-hop et de la street dance séduit par son inventivité et son énergie inépuisables. Le public de la première y voit un moment lumineux et applaudit à tout rompre, à deux reprises avant la fin, sans comprendre le sens des dernières secondes de l’œuvre.

En fait, il s’agit d’une création en hommage à la journée mondiale contre le sida. L’euphorie qui emporte la troupe ne prend sens que par rapport au début, où les danseurs, agglutinés en fond de scène comme en un cocon, ondulent des bras sur une pulsation cardiaque. Sans cette scène initiale, on ne voit rien des émotions humaines – la peur, l’optimisme, le courage, le refuge dans le collectif, l’oubli dans la danse – que l’œuvre met en scène. Il y a une pluralité d’humeurs – auxquelles les lumières font écho – et une figure discrètement angoissée en contrepoint :  celle de Matthew Rushing, dont on voit par moments la solitude et la peur de rester tout seul. C’est lui qui, à la fin, regarde tous les autres reformer un groupe, nous regarde un instant, avant de se faufiler à l’intérieur. Un moment poignant. Mine de rien, Rennie Harris pose des tas de questions sur ce que peut signifier le combat contre le sida en 2011. Il est absurde de tronquer sa création.

Minus 16 (chorégraphie de Ohad Naharin) s’apprécie lui aussi bien mieux en entier qu’en extrait, mais cette pièce revigorante de 38 minutes est à l’origine un assemblage de séquences disparates. On s’abstiendra en tout cas de commenter les autres morceaux choisis (Arden Court de Paul Taylor, et Streams d’Alvin Ailey, qui ne sera malheureusement pas présenté en entier) présentés le 25 juin.

Rien n’empêche en revanche de saluer les courtes pièces de Robert Battle, nouveau directeur de la compagnie depuis le départ de Judith Jamison. En mode percussif, le solo Takademe (1999), dansé par Kirven James Boyd sur les onomatopées de Sheila Chandra. Et en mode dépressif, In/Side (2008), bouleversant solo dansé par Jamar Roberts sur Wild is the Wind chanté par Nina Simone. Le danseur, dont la chorégraphie utilise toutes les possibilités physiques, y apparaît douloureusement écartelé, comme pris par l’inextinguible soif d’amour qu’évoque la chanson. Dans Journey  (1958, chorégraphie de Joyce Trisler sur The Unanswered Question de Charles Ives), Sarah Daley est aussi tiraillée entre terre et ciel, mais sur un mode plus fluide et éthéré.

Une tournée de l’AAADT ne serait sans doute pas complète sans Revelations (1960), ballet emblématique du créateur de la compagnie, un classique intemporel sur des thèmes universels qui « illustrent la force et l’humanité en chacun de nous », comme dit une résolution du Sénat américain. Il y a l’introspection et la délivrance, la douleur et la libération, le baptême et la préparation à la mort, et pour finir la joie collective dans la foi partagée.  C’est la fameuse section en jaune où chacun prend enfin toute sa place au soleil. Les filles y agitent leur éventail comme on prend possession d’un morceau de terre. Grisant.

Dans Minus 16, qui terminait brillamment la soirée du 30 juin, on change aussi d’humeur comme de vêtement. La chorégraphie alterne le lancinant (les danseurs en demi-cercle se débarrassant peu à peu de leurs vêtements) et l’intime (un pas de deux sur le Nisi Dominus de Vivaldi). Au plus fort du délire, les danseurs se trouvent chacun un partenaire dans le public (moment jubilatoire très chorégraphié malgré les apparences) mais quelques instants plus tard, on bascule dans un nocturne chopinien. En tout cas, il ne faut pas rater le début, entamé bien avant la fin de l’entracte.

Samuel Lee Roberts in Robert Battle's In/Side. Photo by Paul Kolnik

Samuel Lee Roberts in Robert Battle’s In/Side. Photo by Paul Kolnik

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Taylor III : la vie. Absolument…

Company B - Francisco Graciano - Photo (C) Tom CaravagliaVendredi 22 Juin, Paul Taylor Dance Company, Théâtre national de Chaillot. Etés de le Danse.

Avec Mercuric Tidings (1982), Paul Taylor lance ses danseurs dans un exercice de haute voltige qui leur demande une énergie peu commune. Le programme annonce que ce ballet pourrait-être le « Études » de Paul Taylor (référence à Études d’Harald Lander qui évoque une classe de danse classique sublimée.). Et on retrouve en effet dans le ballet tous les mouvements « signatures » du chorégraphe. Voir les danseurs de la compagnie évoluer dans leurs académiques bleus Lapis, c’est un peu comme assister à « Auréole » joué en avance rapide. Le parallèle est renforcé par le fait que Michaël Trusnovec et Amy Young forment le couple d’adage. Mais en fait, la musique de Schubert aidant (des extraits des symphonies n°1 et 2), c’est plutôt au « Vertiginous Thrill Of Exactitude » de Forsythe qu’on est renvoyé. Cette vitalité peut paraître un peu vide de sens mais, les interprètes étant ce qu’ils sont, elle se révèle enthousiasmante.

Mercuric Tidings (Amy Young & Michael Trusnovec) (c) Paul B. Goode

Piazolla Caldera (1997) nous entraîne apparemment sur un tout autre terrain. Dans un bouge enfumé, huit marlous serrés dans leurs frusques sont en formation de combat face à un groupe de cinq donzelles aux jupettes ras-la jarretelle. Du plafond, pendent des loupiotes qui dispensent une chiche et nébuleuse lumière. On pourrait rester dans le pastiche des danses latinos mais non ; c’est un ballet de Paul Taylor. Ici, c’est encore la vie, mais on touche au désir et aux tripes. Les identités sexuelles vacillent comme se brouillent les repères spatiaux lors d’une soirée trop arrosée. Les lampions valsent, les corps de Michael Apuzzo et Francisco Graciano ne savent plus s’ils se soutiennent mutuellement où s’ils se sont engagés sur des sentiers beaucoup plus intimes. Parisa Khobdeh, décidément abonnée aux rôles de femmes délaissées, flirte sans trop de succès avec cette cohorte de mâles vivant dans la fascination narcissique de leur propre beauté. Dans Piazzolla Caldera, les danseurs finissent même par se muer en des formes primitives de vie. Le partnering les transforme occasionnellement en des monstres aux membres multiples et indistincts (Robert Kleinendorst fait tournoyer en même temps Parisa Khobdeh et Eran Bugge en attitude) ou encore en des synthèses grotesques d’humanité (Graciano et Appuzo, tête bêche, font des roulades arrière et de côté comme des siamois.). Piazzolla Caldera est un ballet viscéral où la danse et le désir prennent toujours la forme d’un combat vital.

Esplanade (Michelle Fleet) (c) Photo : Paul B. Goode

Esplanade (1975. Jean-Sebastien Bach, Concerto pour violon en mi majeur, Double concerto pour deux violons en ré mineur- Largo et Allegro). Paul Taylor a toujours annoncé qu’il est arrivé sur le tard à la musique classique. La musique d’Auréole lui aurait été suggérée par un hôte lorsqu’il était en France. À cette époque, on n’attendait pas de la modern dance qu’elle utilise des partitions du répertoire classique. En créant Auréole, Taylor avait donc fait sensation. Cette voie découverte, il l’a ensuite explorée maintes fois. Esplanade est un des avatars les plus réussis de cette veine « classique ». En choisissant ces pièces de Bach, Taylor mettait le pied sur une sorte de chasse gardée. L’un des plus célèbres ballets de Balanchine, Concerto Barocco, est réglé sur le concerto pour deux violons et, contrairement à Mr B., Paul Taylor n’a jamais déchiffré la musique. Sa pièce traduit donc plus l’atmosphère de la pièce que la structure de la partition. Dans des costumes « ensoleillés », les danseurs célèbrent l’héroïsme du quotidien ; celui qui vous fait vous lever le matin et partir pour une journée en course d’obstacles. Le point de départ de la pièce, selon les dires de Taylor, aurait été la vue d’une jeune fille courant après son bus. Michelle Fleet accomplit avec une énergie sans pareille sa course de haie au dessus de ses camarades et tout le cast de neuf danseurs se jette dans des roulades au sol à la fois acrobatiques et poétiques. Les aléas de la vie érigés au rang d’œuvre d’art. C’est sans doute cela le bonheur.

Je n’ai pas pris le métro tout à fait de la même manière en quittant Chaillot ce soir-là.

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A Taylor with many colors

Company B - Francisco Graciano - Photo (C) Tom CaravagliaPaul Taylor Dance Company aux Étés de la danse 2012, Théâtre national de Chaillot. Soirées des 19 et 23 juin.

 L’éclectisme de Paul Taylor est tel qu’on n’arrive pas toujours à assigner une œuvre à une époque. La lumière vient presque toujours de Jennifer Tipton, à cinq exceptions près depuis l’opus n°42.  L’inspiration, elle, est multiple et l’humeur changeante. Dans le petit échantillon vu ces derniers jours à Chaillot, les pièces les plus marquantes sont celles où la couleur l’emporte sur le noir et blanc.

Le chorégraphe dit avoir trouvé l’idée d’Esplanade (1975) en voyant une jeune fille courir pour attraper son autobus. Le premier mouvement, empreint de bonne humeur pieds nus en jean mandarine et robe claire, est riche en sautillés et en incessants changements de direction. Par la suite, il y a des glissades et des roulés-boulés que toute personne normalement constituée n’oserait que sur le sable, et dont les danseurs de la compagnie – des personnalités pas formatées, toutes reconnaissables – maîtrisent les périls. On retrouve l’exubérance de ces sauts prolongés au sol, dans une apparence trompeuse d’improvisation, dans l’étonnant Syzygy (1987). Des personnages narcissiques s’agitent comme autant de monades, dans un fol tourbillon d’où émerge Michelle Fleet, étonnamment bondissante aussi dans Esplanade.

 Beloved Renegade est, si l’on comprend bien, la version empesée de Company B, où les jeunes des années 1940 feignaient d’oublier la guerre sur les chansons des Andrew Sisters. La mort rode aussi dans Beloved, mais la pièce croule sous un conflit de références. Le programme donne des extraits des Feuilles d’herbe de Walt Whitman, découpés en six morceaux qu’on a du mal à identifier sur scène. On peine à percevoir en plus la correspondance avec le Gloria de Poulenc, qui lui-même comporte des paroles. Les résidus de latin qui flottent dans le cerveau du spectateur interfèrent doublement avec la perception : passe encore que « Laudamus te », par exemple, n’ait pas de parenté d’humeur avec « I sing the body electric », on a déjà oublié Withman ; mais la chorégraphie elle-même semble à maints moments aussi très éloignée du moment musical. Parfois, à l’inverse, l’illustration est trop directe, comme lors de mains en prière sur un « Amen ». Enfin, le souvenir du Gloria de MacMillan, qui magnifie la partition de manière simple et virtuose, fait écran.

Il faut dire aussi que la musique symphonique perd beaucoup à être enregistrée. Ce souci ne plombe cependant pas autant d’autres pièces de Taylor sur Bach, Corelli ou Wagner. Roses, par exemple, déploie sur Siegfried-Idyll une impression d’harmonie très fluide. Dans Cloven Kingdom (1976), un montage fait alterner musique baroque et percussions : le tribal et le tripal percent sous le policé des robes longues des filles et du costume cravate blanche des hommes.

Dans la nuit de Buenos Aires, les danseurs de Piazzola Caldera (1997) sont là pour emballer. Les mecs roulent des biscottos et prennent des poses de marlou. Les filles ont sorti la jupe fleurie et les porte-jarretelles. La chorégraphie de Paul Taylor puise aux rythmes du tango tout en inventant des pas sensuels, insufflant l’ironie dans l’extraversion. Il y aussi bien de la mélancolie dans le chaudron. Rien de plus triste que de danser le tango seule, comme fait Parisa Khodbeh, bravache et poignante dans le mouvement Concierto para Quinteto. Tous les hommes lui tournent le dos et elle est tellement désespérée qu’elle s’incruste dans le couple formé par Eran Bugge et Robert Kleinendorst. Les abat-jours tanguent à l’heure des rencontres de hasard. Les danseurs s’effondrent en une masse au désir indistinct.

Beloved Renegade (op. 129, musique de Francis Poulenc, 2008)

Piazzola Caldera (op. 106, musique d’Astor Piazzolla et Jerzy Peterburshsky, 1997)

Syzygy (op 87, musique de Donald York; 1987)

Roses (op. 82, musique de Richard Wagner et Heinrich Baermann, costumes de William Ivey Long, 1985)

Cloven Kingdom (op. 63, musique d’Arcangelo Corelli, Henry Cowell et Malloy Miller, costumes féminins de Scott Barrie, accessoires pour la tête de John Rawlings, 1976)

Esplanade (op. 61, musique de Johann Sebastian Bach, costumes de John Rawlings, 1975)

Lumières de Jennifer Tipton (pour toutes les œuvres) ; Costumes de Santo Loquasto pour les op. 129 106 et 87.

Piazzolla Caldera (Annmaria Mazzini, Lisa Viola & Robert Kleinendorst) (c) Paul B. Goode

Piazzolla Caldera (Annmaria Mazzini, Lisa Viola & Robert Kleinendorst) (c) Paul B. Goode

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Le métro à l’heure d’été…

Ça commence à sentir bon l’été pour les balletomanes… Oui, malgré le temps incertain, il fleurit dans le métropolitain et sur les flancs des bus parisiens de curieuses et alléchantes affiches bicéphales : celles des Étés de la danse 2012. Une fois n’est pas coutume, les placards de cette manifestation justement populaire sont bien construits. L’an dernier, l’affiche du Miami City Ballet avait quelque peu induit en erreur des amateurs de ballet. Jeannette Delgado en tutu rose portée par Carlos Guerra torse en jeans sur fond de plage ensoleillée n’annonçait pas précisément la démonstration d’énergie raffinée à laquelle nous avons pu assister et dont nous nous sommes délectés. Très justement, le programme de la manifestation s’était alors borné à faire figurer les couleurs des Étés de la danse : une bannière rouge sur fond rouge avec des inscriptions blanches.

Cette année, deux compagnies se succéderont sur deux sites. L’affiche les met face à face. Kirven James Boyd de l’Alvin Ailey Dance Theatre, grand jeté avec le buste projeté en avant et les bras arc-boutés vers l’arrière sur fond rouge, semble vouloir faire irruption dans la partie gauche de l’affiche où, sur fond blanc, Francisco Graciano de la Paul Taylor Dance Company semble l’attendre, telle une noble sentinelle.

La construction est brillante. Si l’on rejoint la ligne sinueuse des jambes du danseur d’Ailey avec le port de bras à la fois énergique et sobre du danseur de Taylor, on reconnaît la ligne sinueuse de la bannière des Étés de la danse.

Présentées séparées, les deux affiches existent par elles mêmes. Mais lorsqu’elles sont ensemble, on apprécie leur signifiance. Deux courants, deux styles de la modern dance américaine y sont exposés.

Chez Ailey, formé à la danse moderne mais dont le style a toujours regardé vers le classique (il a créé des 1970 The River pour ABT, un ballet dansé sur pointe), les danseurs ont développé un style athlétique et pyrotechnique qui use beaucoup des hyper-extensions de bras et de jambes (de nombreuses filles et certains garçons sont coutumiers du 6 o’clock). Le bas du buste est souvent sollicité.

À l’inverse, chez Taylor, les jambes ne cherchent pas à monter et sont souvent ancrées dans le sol. Même les passages aériens des chorégraphies de Taylor mettent l’accent sur les temps en bas. Les bustes des garçons comme des filles sont solidement posés sur cette base terrestre. Les bustes quant à eux développent une gestuelle ronde, mesurée, très proche de la danse noble des XVIIe et XVIIe siècles. Dans sa pièce emblématique, Auréole (1962), Paul Taylor ressemblait à une statue des jardins de Versailles qui se serait miraculeusement animée.

L’affiche oppose enfin deux notions du répertoire : Francisco Graciano apparaît dans un des ballets emblématiques de Taylor, « Company B ». Kirven James Boyd, quant à lui est le seul crédité sur l’affiche. Son jeté appartient au style de la compagnie mais non plus tant au chorégraphe fondateur (disparu en 1989). L’Alvin Ailey Dance Theatre n’apporte d’ailleurs dans ses valises que trois de ses œuvres. Son nouveau directeur, Robert Battle, successeur de Judith Jamison, muse du chorégraphe défunt, a décidé d’étendre le répertoire de la compagnie… Il accueille, entre autres, une chorégraphie de Paul Taylor.

Une belle affiche. Et un bien bel été en perspective !

  • Paul Taylor Dance Company : du 19 au 28 juin au Théâtre national de Chaillot
  • Alvin Ailey Dance Theatre : du 25 juin au 21 juillet au Théâtre du Châtelet

Les photographies de l’affiche sont d’Andres Eccles (Alvin Ailey) et Tom Caravaglia (Paul Taylor).

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