Myriam Ould-Braham étoile ! Myriam étoile ! Voilà que cette incantation magique, cette vue de l’esprit, est enfin devenue une prosaïque réalité administrative.
Myriam étoile… Myriam, étoile, depuis si longtemps dans mon cœur de balletomane. C’est avec émotion que ce matin j’ai passé en revue mes meilleurs souvenirs de M.O.-B.
Voilà douze ans déjà que je notais pour la première fois, dans le plus improbable des rôles, la silhouette frêle de Myriam Ould-Braham. C’était dans Les Forains de Roland Petit et elle interprétait… l’une des danseuses siamoises ! Et par sa présence, ce petit clin d’œil à l’art de Foire prenait un aspect mythologique. C’était comme voir Janus… Du dieu bicéphale, Myriam était la face lumineuse et vraie.
Je pris l’habitude de chercher dans le corps de ballet la silhouette immanquable de la jeune danseuse : un gabarit à la Makarova. Petite taille mais des lignes immenses, une musicalité sûre, un parcours conquérant et surtout la curieuse association entre une « risque tout » technique et la réserve d’une jeune fille de bonne famille. Ces qualités – immenses – allaient-elles porter les fruits escomptés ? Sait-on jamais.
Le premier rôle dans lequel il m’a été vraiment donné de voir M.O.B, fut le Cupidon de Don Quichotte en mai 2004. Elle se lançait dans la chorégraphie comme une petite poupée miraculeusement animée : rapidité d’exécution, lignes incisives (ces attitudes en 4e devant!) et, déjà, cette façon de porter le costume auquel on reconnaît une étoile… Les ors du tutu semblaient n’exister que pour rendre plus dorée sa chevelure et plus blanc son teint… D’autres rôles comme celui-là, elle en eut dans les saisons qui suivirent. Elle fut par exemple une primesautière Fée Canari dans La Belle en décembre 2004 avant d’interpréter le rôle titre, le 4 décembre. Lors de cette matinée aux côtés de Christophe Duquenne, elle m’avait marqué dès sa première entrée, un véritable piège de lumière. Dans l’adage à la rose, son petit côté « bonne élève » ajoutait à la fraîcheur du personnage. Mais, derrière cette jeunesse d’interprétation, il y avait déjà toute l’évidence de l’artiste capable de varier son phrasé et d’ajouter une surprise lors de la répétition d’un port de bras. On se prenait à espérer, alors, une ascension rapide. D’autant que les années 2003-2007 nous offrirent de multiples occasion d’admirer la demoiselle : une façon incomparable de pointer le pieds dans la Napolitaine du Lac, une grâce de porcelaine Art-Déco (alliance de fragilité apparente et de solidité de ce qui est passé au feu) dans la Suite en blanc de Lifar (Sérénade et Pas de 5), une Chimère bondissante et intrépide dans Les Mirages.
Et puis vint la période des doutes. Myriam se voit donner des grands rôles, Don Quichotte en mars 2007, La Fille mal gardée en juillet, Casse-Noisette en décembre… Mais, pas de nomination. Pourtant, les salles sont enthousiastes – avec raison. Myriam déjoue les pièges de la capiteuse Kitri dans laquelle on ne l’envisageait pas forcement, aux côtés d’Emmanuel Thibault – peut-être au prix d’un acte des dryades un peu trop minéral. Elle EST Lise, sans avoir l’air de s’en donner la peine. Il y a tant de talent et de charisme chez elle qu’il est difficile de juger de son jeu. On est sous le charme, c’est tout.
Mais dans Casse-Noisette, où, suite à la blessure de Laëtitia Pujol, elle sera filmée avec Jérémie Belingard pour partenaire, on note encore ses – grandes – qualités mais aussi de – petits – défauts persistants : une tendance à regarder au sol et un jeu un peu timide.
C’est qu’une forme de compte à rebours semblait commencer pour le balletomane conquis que je suis resté. Le bruit commençait à courir : « l’administration » (quoi ou qui que ce soit) n’aime pas Myriam Ould-Braham. « ON » n’aime pas Myriam…
On en a vu de ces talents admirables qui, dans cette maison d’Opéra, ont fini par douter et se fissurer. Le plaisir de voir M.O.-B. a depuis été teinté par l’appréhension de voir cette fêlure immanquable apparaître… « Ils » allaient nous l’abîmer…
Jamais autant qu’après la Paquita de la saison dernière je n’ai senti venir le moment tant redouté : une distribution improbable, un petit accroc technique récurrent dans le Grand pas et surtout, un rayonnement sur scène assez alternatif. Dans la Napolitaine du Lac, en fin de série, le pied était toujours aussi beau mais l’ennui semblait poindre…
Et puis ? Et puis, M.O.-B. nous a offert le troisième volet de sa carrière… Celui où l’art s’enrichit du doute… Il y a eu cet incroyable Roméo et Juliette avec Christophe Duquenne, où elle su passer de l’âge tendre (les deux premières scènes), à l’âge des possibles (le balcon) pour enfin atteindre la plénitude à la fois passionnante et tragique de l’âge adulte. Il y a certainement eu un avant et un après Juliette. Nous nous sommes depuis laissé lentement glisser sur le versant ensoleillé de l’art de Myriam Ould-Braham : Naïla, Nikiya et bientôt – mais pas assez – Lise retrouvée.
Myriam est étoile, Myriam est étoile, Myriam est étoile, etc. etc.
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Un vibrant hommage pour une danseuse vraiment à part dans ce monde étoilé!