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A l’Opéra, programme Motin, Xin, Pite : l’esprit vagabonde…

img_4171-1Voilà sans doute l’un des derniers programme étiqueté « Aurélie ». L’ex-directrice, marchant dans les pas de Tamara Rojo à l’ENB, avait réuni un programme de chorégraphes exclusivement féminines. Sans se concerter, James et Cléopold se sont rendus à l’Opéra à un jour d’intervalle et ont chacun rendu leur copie. Résultat : l’ami James semble avoir joué toute la soirée au jeu des devinettes tandis que Cléopold est resté mornement analytique.

Cela n’est pas bon signe… 

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James‌James. Représentation du vendredi 29 septembre 2023

La nouvelle politique de placement de l’Opéra, consistant à faire entrer les strapontins au dernier instant (pratique justifiée de longue date pour le parterre, mais innovation inutile et mal venue en 3e loges) ne m’a pas laissé le temps de lire la feuille de distribution avant l’extinction des lumières. Ma tête de linotte aidant, je ne savais donc pas si la première pièce était de Marion Motin ou de Xie Xin. Voilà qui s’appelle aborder une pièce à l’aveuglette. The Last Call semble frappé au coin du cliché : dans une esthétique très années 80, « Le Vivant » (Alexandre Boccara) se contorsionne lorsqu’il reçoit une mauvaise nouvelle au téléphone (à l’époque, c’est bien connu, on s’emmêlait tout le temps dans les fils) et « La Mort » rode (comme chacun sait, elle apparaît dans une robe en skaï noir). Costumes, lumière, musique et gestuelle : tout dans cette œuvrette relève de l’esthétique du clip. On n’est pas sûr de courir à la prochaine création de Marion Motin.

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Marion Motin : The Last Call. Alexandre Boccara, Axel Ibot & Company

La deuxième pièce de la soirée, Horizon, intrigue davantage. Lors de leurs premières évolutions au sol, les personnages – trois filles, six garçons – donnent l’impression de flotter dans de l’ouate. Tout se passe comme s’il y avait dans l’air une densité qui à la fois ralentit leur mouvement et les soutient en équilibre (bien sûr, on sait que ce sont les abdos qui font le boulot, mais l’effet n’en est pas moins prenant) ; la chorégraphie, un peu répétitive, suscite néanmoins l’attention, notamment lors d’un pas de quatre masculin en partie centrale. À un moment, la perplexité m’étreint : mais pourquoi la pièce s’appelle-t-elle Horizon ? La vue est tout sauf dégagée. Les fumigènes – un décor à eux tous seuls – bouchent à chaque instant le regard. En fait, les interprètes sont eux-mêmes l’horizon, ce mirage visuel, lointain et impalpable. Je suis si content de mon interprétation que je néglige de vérifier dans le programme si elle rencontre les intentions de la chorégraphe.

Il y a quelque unité dans la soirée ; les mouvements à l’unisson de The Last Call font écho à la gestion des masses de The Season’s Canon, mais la chorégraphie de Marion Motin est grandiloquente quand celle de Crystal Pite est intense. Je ne suis fan ni de la recomposition de Vivaldi par Max Richter, ni des grands jeux de dominos sous ciel chromo de la pièce qui clôt le programme, mais la tension du corps collectif aimante l’œil, et Francesco Mura régale l’assistance de superbes double-tours en l’air.

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cléopold2Cléopold : représentation du jeudi 28 septembre 2023

Marion Motin : The Last Call. Ambiance quatrième dimension. Une cabine téléphonique. Un mec qui téléphone. La cabine s’illumine. Le type tombe au ralenti. Apparition à jardin du corps de ballet. La chorégraphe s’est vraisemblablement délectée des possibilités techniques et artistiques de la maison : fumigènes, lumières stroboscopiques et translucides, rampes de leds aveuglantes pour une ambiance fête foraine des années 80, entre le punching-ball et la piste d’autos tamponneuses. Les costumes irisés, parfois dégenrés, avec un petit côté vinyle, lorgnent vers la Fashion Week.

Chorégraphie à base de tressautements au-dessus des genoux et de grandes spirales du buste. Une scène affectée de fumage de cigarette. Un danseur roule des biscottos façon choré TikTok. Sinon le groupe ne varie jamais, reste massé, exécute les mêmes gestes. Les mains repliées, poignets cassés vers le sol : on fredonne dans sa tête « Walk like an Egyptian ». Fin grandiloquente avec chœur de requiem.

C’est long, trente minutes…

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Xie Xin : Horizon. Saluts

Xie Xin : Horizon. Une fille et un gars émergent des fumigènes (eh oui, encore…). Le garçon semble actionner la fille sans même la toucher, telle une marionnette à fil. Elle ondule, se soulève en pont. Puis d’autres corps émergent de la brume en un impressionnant perpetuum mobile. Une gestuelle captivante. Les portés semblent dénués de poids. Spirales des bras et volutes des corps qui se rencontrent. Grandes chaînes de danseurs qui créent des sortes de rubans voletants. Hélas, cette chorégraphie qui rend les corps aussi immatériels que les fumigènes ne propose aucun développement ni aucune issue. On finit par se dire qu’au fond la pièce aurait été tout aussi palpitante si on avait regardé les seuls nuages postiches lentement se dissiper tandis que la musique, à base piano et de corde, digne d’un générique de fin de film fantastique, continuait de s’égrener.

Ça se traîne, trente minutes…

Crystal Pite : The Season’s Canon. Autant les groupes de Xin sont sans poids autant ceux de Pite sont de la matière pétrie. La scène d’ouverture avec son magma de corps ondulants, ses bras de mantes religieuses et ses mouvements de tête mécaniques… Les duos Agonaux dans la veine kylianesque avec ses « portés-évitements »… Le nombre emporte avec ses vagues de danseurs magnifiés par de savants et efficaces canons chorégraphiques. La section mille-pattes fait toujours son petit effet.

Mais comme pour Xin, on se lasse de toutes ces prouesses formelles qui virent au maniérisme. Je n’ai toujours pas compris où allait toute cette masse grouillante. À l’image de la partition de Richter, la tension n’existe que lorsque des vraies sections des Saisons de Vivaldi sont utilisées.

Trente- cinq minutes. Le vide et l’ennui.

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Crystal Pite : The Season’s Canon. Saluts. Ludmila Pagliero, Jérémy-Loup Quer.

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