La Fille mal gardée : Poupon lunaire cherche fiancée


 La Fille mal gardée. Opéra national de Paris. Représentation du 28 juin. Mélanie Hurel (Lise), Alessio Carbone (Colas), Éric Monin (Simone) et Adrien Couvez (Alain).

Au théâtre, on dit parfois d’un acteur qu’il a la gueule de l’emploi. En ce qu’elle suggère de facilité, l’expression est trompeuse. Car il faut quand même trouver tout seul l’emploi de sa gueule.

Voyez par exemple Adrien Couvez en Alain. Il a les yeux ronds comme des billes, gonfle les joues et avance des lèvres de bébé boudeur. Mais il ne suffirait pas, pour faire un Alain adorable, de sentir encore le poupon : il faut aussi danser à l’unisson de son physique. Et il s’y entend à merveille, lançant les cuisses très haut, n’importe comment, cambrant beaucoup le bassin et le haut du dos. L’exubérance du mouvement ne se dégrade jamais chez lui en mécanique, mais étonne au contraire par une élégance et une légèreté de touche assez grisantes. L’innocence ne paraît même pas jouée (c’est le comble de l’art) et on gagerait que ce danseur – déjà remarqué par Fenella il y a quelques mois – a du caoutchouc dans les hanches et les genoux.

Mélanie Hurel joue aussi intelligemment à partir de son physique. Sa Lise a grandi d’un seul coup au bon air de la campagne, et il est grand temps qu’elle quitte le foyer. Ses mimiques le disent avec éloquence, la tutelle de sa mère lui pèse visiblement. Si l’on compare les appariements vus ces derniers jours, on pourrait dire qu’Ould-Braham et Phavorin forment un duo comique, que Zusperreguy et Houette ont la chamaillerie bonhomme, tandis qu’un antagonisme, discret mais fondamental, oppose la Lise d’Hurel et la mère Simone d’Éric Monin. Les scènes où les deux personnages sont ensemble sont d’ailleurs parmi plus réussies. Bien ou mal gardée, cette petite n’en peut plus d’être fille.

Mlle Hurel est à l’aise dans la pantomime. Sa manière de danser, un peu heurtée, est adéquate dans le registre badin : la danse au tambourin avec sa mère, les échappés à la baratte, le « on joue au cheval » avec Colas, et plus généralement, tout ce qui est petit et précis. Le problème est que dès que le sentiment et le mouvement prennent de l’amplitude, la raideur s’installe, et tout ce qui devrait couler de source – les battements en cloche, par exemple, que Muriel Zusperreguy réussit si bien – dégage une impression de contrainte sur le fil, qui rompt le charme.

C’est dommage, car cette Lise bien plantée (ce n’est pas une insulte) pourrait avoir sa logique, surtout aux côtés du Colas bon gars d’Alessio Carbone, plus amant déniaisé que jeunot découvrant l’amour. Mais le danseur, au soir du 28 juin, ne semblait pas non plus très à l’aise dans les moments de bravoure. Faute de charme ineffable chez le couple principal, on regarde plus intensément les mouvements d’ensemble de la Pastorale d’Ashton, sans se lasser jamais.

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