Archives quotidiennes : 15 août 2024

Cérémonie des Balletos d’Or : trois paquets de chips et on fait danser le monde entier

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Gravure extraite des « Petits mystères de l’Opéra ». 1844

Qu’allions-nous faire pour la traditionnelle fête du 15 août ? Cet été à Paris, la concurrence est rude entre les cérémonies. Mais en plus, elle est déloyale : comme les connaisseurs n’ont pas manqué de le remarquer, les organisateurs de la parade fluviale d’ouverture des Jeux olympiques nous ont piqué toutes nos idées. Au soir du 26 juillet, James, dont la zénitude n’est pas la qualité première, était en toupie.

Et d’énumérer, au risque de la mauvaise foi, les emprunts dont nous avons été victimes : « Danser sur les toits ? On l’a fait en 2012. Un détour par les lacs souterrains ? 2013. Les annonces plurilingues ? 2015 ! Tous les styles de danse qui se mélangent ? 2016 ! Un clin d’œil à Marie-Antoinette ? On l’a fait dès 2019. La célébration des amours passagères ? 2020 ! La tête en bas le corps retenu aux échafaudages par des filins ? 2021 ! Réunir le ballet de Bordeaux et le Malandain Ballet Biarritz ? 2022 ! Voyager dans le temps ? 2023 ! L’exclusion des poutinistes ? Déjà en 2016 aussi ! Le queer en majesté ?  Chaque année ! Même le dialogue avec les fantômes est, depuis les origines, estampillé balletoto ! »

On ne l’arrêtait plus, mais l’essentiel était ailleurs : les finances. En temps normal, les équipes marketing de LVMH nous filent un paquet de biftons, car elles ont – scientifiquement – établi que les Balletonautes contribuent à hauteur de 2,17% à la notoriété du pays et au glamour de la capitale. Mais comme la boîte a claqué tout son budget de l’année pour un publireportage sur les mallettes monogrammées, il n’y avait plus un radis pour nous.

Donc : pas de laser, pas de star, pas d’extras, pas de tralala. « Même pas trois sous pour une mini-boule à facettes ? », quémandait Fenella, la larme à l’œil. Eh bien non : impossible de surenchérir, on en serait quitte pour confectionner des lampions avec du papier-crépon. Au minimum, il faut pour une remise des prix réussie : un espace comportant une estrade (le grand escalier du palais Garnier), un bateleur dont la voix porte (le vendeur de progrrââââmmmmmes le plus tympanisant de la saison dernière), quelques boissons gazeuses, des chips et de petites madeleines en barquette.

Tout ça pour des récipiendaires émus sur leur trente-et-un pour la montée des marches, et des parents qui versent une larme en contrebas : ça tombait bien, cette année, la plupart des prix vont à des jeunes dont la famille n’est pas encore blasée. On prévoyait une ambiance un peu préau d’école, ce serait spartiate, peut-être un peu tristoune, mais digne (« pour une fois ! », ricanait Fenella).

C’était sans compter sur l’inventivité de nos amis danseurs qui voient tout d’un œil expert et se laissent aisément rattraper par l’esprit de compétition. Sur son quant-à-soi,  Cléopold tenta de réfréner la tentation de la comparaison avec des séquences « pas si ouf » de la soirée du 26 juillet, rien n’y fit : bien des ballerines tinrent à montrer qu’elles avaient de l’esprit dans la gambette. À quinze reprises, on dansa et chanta en direct Mon truc en plume, avec seize meneuses de revue différentes. La dernière fois, il y en avait deux en même temps, chacune faisant une seule jambe et un seul bras ; grâce au jeu des éventails, la supercherie était imperceptible : du grand art.

Plusieurs équipes tinrent aussi à interpréter un cancan bien synchronisé. Les plumes volaient encore partout, quand, élargissant le propos chorégraphique, les délégations du monde entier entreprirent de titiller notre occidentalo-centrisme. Cela démarra par une séquence de danse halay. Puis, suivirent des démonstrations de tous les continents : tahtib, séga, frevo, kalela, dabkeh, lezginka, romvong, pungmul, tinikling, yosakoi, zaoli, bigwala… Ça tourbillonnait tellement qu’on n’arrivait pas à tout retenir.

Il y a eu de l’inimitable un peu savant – Bruno Bouché s’est luxé le poignet en essayant les figures des danseuses khmères, aux doigts si étonnamment remontés en arrière de la paume –  mais aussi, et le plus souvent, du partage et de l’échange. Claude Bessy a fait la derviche-tourneuse, Mathilde Froustey a appris la rumba congolaise, John Neumeier a découvert le mixer québécois, et José Martinez s’est demandé comment il avait pu passer toute sa vie à côté de la morenada de l’Altiplano.

Pour tous les détails de cette remise des prix bon-enfant mais au final un peu cacophonique, nous ne pouvons que vous référer au Live du journal Le Monde qui a tenu à couvrir l’événement pendant 12 heures. Nous, on a préféré apprendre le poco-poco et regarder toute la troupe de l’Opéra s’initier en un temps-record à la danse xòe.

Le trophée Balleto d’Or est une tête de Poinsinet en plastique doré à l’or fin.

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